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Observation (CEACR) - adoptée 2008, publiée 98ème session CIT (2009)

Convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999 - Albanie (Ratification: 2001)

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La commission prend note de la communication de la Confédération syndicale internationale (CSI) datée du 29 août 2008.

Article 3 de la convention. Pires formes de travail des enfants. Alinéa a). Vente et traite d’enfants. Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note des informations émanant de la Confédération des syndicats d’Albanie (CTUA) selon lesquelles des enfants étaient victimes de la traite, de sévices sexuels et du crime organisé. Elle avait noté que, d’après l’Evaluation rapide sur la traite des enfants à des fins d’exploitation économique et sexuelle en Albanie, réalisée en 2003 sous la supervision de l’OIT/IPEC (p. 7), depuis l’an 2000, le nombre d’enfants victimes de la traite transfrontalière à des fins d’exploitation sexuelle et d’exploitation du travail est en progression constante en Albanie. Selon le rapport initial soumis par le gouvernement au Comité des droits de l’enfant (CRC/C/11/Add.27 du 5 juillet 2004, paragr. 269-272), environ 4 000 enfants auraient migré sans être accompagnés de leurs parents (3 000 en Grèce et 1 000 en Italie) et se trouveraient souvent exposés à de nombreux risques, notamment de maltraitance, de sévices physiques et sexuels et d’autres activités illicites. La commission avait enfin noté que l’article 128/b du Code pénal, tel que modifié par la loi no 9188 de 2004, interdit la traite des personnes mineures à des fins d’exploitation sexuelle, de travail forcé, d’esclavage ou de toute autre forme d’exploitation. Elle avait observé en conséquence que, bien que la traite d’enfants à des fins d’exploitation de leur travail ou d’exploitation sexuelle soit interdite par la loi, elle reste un sujet de préoccupation majeure dans la pratique.

La commission note que, selon le rapport du Rapporteur spécial de l’ONU sur la vente d’enfants, la prostitution et la pornographie mettant en scène des enfants du 27 mars 2006 (E/CN.4/2006/67/Add.2), s’il est vrai que l’Albanie est notoirement connue depuis 2001 comme étant un pays d’origine pour la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle et de travail forcé, on observe néanmoins ces dernières années, grâce à l’action des autorités albanaises et grecques et à un éveil de la conscience de la population, une baisse du nombre des enfants victimes de la traite à des fins d’exploitation de leur travail (paragr. 10 et 15). La commission note avec intérêt que le gouvernement a adopté, dans le cadre de la Stratégie nationale et son Plan d’action national contre la traite des personnes 2005-2007, une Stratégie nationale et un Plan d’action contre la traite des enfants et la protection des enfants victimes de la traite pour la période 2005-2007 (Stratégie nationale et Plan d’action contre la traite des enfants) qui s’articulent sur les éléments suivants:

a)    prévention de la traite des enfants;

b)    mise en application des dispositions légales interdisant la traite des enfants;

c)     orientation des enfants victimes de la traite vers des services de prise en charge et rapatriement de ces enfants dans leur pays d’origine; et

d)    coordination de l’action des différentes parties prenantes à l’action contre la traite aux niveaux national, international, gouvernemental, non gouvernemental et local.

En particulier, les mesures de prévention contre la traite des enfants comprennent les éléments suivants:

a)    répression et contrôle aux frontières;

b)    sensibilisation sur les risques de traite d’enfants et l’importance de l’éducation obligatoire;

c)     définition de procédures de réintégration dans la filière scolaire ou d’insertion dans les programmes de formation professionnelle pour les enfants ayant abandonné l’école ou étant exposés à des risques de traite; et

d)    formation du personnel de la police, des ministères publics, de l’enseignement et des services sociaux, au niveau national comme au niveau local, sur la prévention de la traite des enfants.

Les mesures de mise en œuvre effective des dispositions légales interdisant la traite des enfants concernent principalement l’amélioration des procédures de détection, de poursuite et d’impositions de sanctions des trafiquants. Elles comprennent:

a)    l’échange d’information sur les affaires présumées de traite d’enfants entre les organes de la force publique et les services sociaux;

b)    une formation spéciale du personnel de la police, des ministères publics et des magistrats sur la procédure de poursuite en cas de traite d’enfants; et

c)     la mise en œuvre d’un système de protection des témoins dans les affaires de traite d’enfants.

La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’impact de la Stratégie nationale et son Plan d’action contre la traite des enfants, en termes d’élimination de la traite interne et transfrontalière des personnes de moins de 18 ans à des fins d’exploitation de leur travail ou d’exploitation sexuelle. Elle le prie également de fournir des informations sur le nombre d’infractions constatées, les enquêtes menées, les poursuites engagées, les condamnations prononcées et les sanctions pénales imposées dans le cadre de la Stratégie nationale et du Plan d’action contre la traite des enfants.

Article 5. Mécanismes de surveillance. Comité interministériel de répression de la traite des personnes et Office de répression de la traite. La commission avait noté qu’une Commission interministérielle de répression de la traite des personnes avait commencé à fonctionner en janvier 2002. Elle note que cette commission, ainsi que le Groupe de travail sur la traite des enfants et divers ministères sont chargés de veiller à l’application de la Stratégie nationale et du Plan d’action contre la traite des enfants.

Article 6. Programmes d’action tendant à l’élimination des pires formes de travail des enfants. Stratégie nationale pour l’enfance. La commission avait noté que la Stratégie nationale pour l’enfance (2001-2005) définit les objectifs de la politique gouvernementale et a pour but de sensibiliser la population au phénomène de la traite des enfants. Elle note que, selon le rapport du gouvernement, la Stratégie nationale pour l’enfance a été prolongée d’une nouvelle période de cinq ans (2005-2010), dans l’objectif, notamment, de lutter contre la traite des enfants. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’impact de la Stratégie nationale pour l’enfance 2005-2010 en termes d’élimination de la traite des personnes de moins de 18 ans à des fins d’exploitation de leur travail ou d’exploitation sexuelle.

Article 7, paragraphe 2. Mesures efficaces prises dans un délai déterminé. Alinéa b). Aide directe nécessaire pour soustraire les enfants des pires formes de travail et assurer leur réadaptation et leur intégration sociale. Faisant suite à ses précédents commentaires, la commission note avec intérêt que la Stratégie nationale et le Plan d’action contre la traite des enfants comportent diverses mesures visant à protéger et assurer la réadaptation des enfants victimes de la traite et leur réinsertion dans leur milieu d’origine. Ces mesures prévoient:

a)    d’améliorer les capacités du Centre national d’accueil des victimes de la traite, en vue de recevoir et d’héberger des enfants;

b)    d’améliorer le niveau de qualification professionnelle du personnel des services sociaux accueillant des enfants victimes de la traite;

c)     de mettre en place des services de réadaptation, y compris d’éducation, de formation professionnelle et de services sociaux, pour les enfants victimes de la traite;

d)    de préparer le retour des enfants victimes de la traite dans leur milieu familial, s’il est opportun;

e)     de définir et financer les procédures de «retour volontaire assisté» des enfants victimes de la traite, en coordination avec les pays voisins et les autres pays européens de destination ou de transit (en particulier la Grèce et l’Italie).

Dans le cadre de la Stratégie nationale et du Plan d’action contre la traite des personnes, l’Albanie s’est dotée d’un «Accord de coopération prévoyant la mise en place d’un mécanisme national de référence pour une identification et une assistance renforcées des victimes de la traite» signé entre divers ministères, le Centre national d’accueil des victimes de la traite, diverses ONG et l’OIM à Tirana. Cet accord prévoit diverses mesures d’identification, de protection et de réadaptation des enfants victimes de la traite, y compris de réintégration de ces enfants dans leur milieu d’origine. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur le nombre de personnes de moins de 18 ans qui ont été soustraites à la traite à des fins d’exploitation de leur travail et d’exploitation sexuelle commerciale, et ont été réintégrées dans leur milieu d’origine, dans le cadre de la mise œuvre de la Stratégie nationale et du Plan d’action contre la traite des enfants 2005-2007 et de l’accord de coopération prévoyant la mise en place d’un mécanisme national de référence pour une identification et une assistance renforcées des victimes de la traite.

Article 7, paragraphe 2 d). Identifier les enfants particulièrement exposés à des risques et entrer en contact direct avec eux. Enfants vivant dans la rue et enfants mendiants. Se référant à ses précédents commentaires, la commission note que, selon les allégations de la CSI, une étude de 2007 sur les enfants mendiants dans les villes de Tirana, Elbasan et Korca en Albanie, et de Thessalonique en Grèce, révèle qu’un nombre considérable d’enfants albanais, garçons ou filles, sont affectés par la mendicité. L’étude révèle que la mendicité, forcée ou non, débute à un très jeune âge, parfois même dès 4 ou 5 ans. La CSI indique également que l’étude attribue ces pratiques à un certain nombre de causes interdépendantes, dont la pauvreté et la discrimination. Tous les enfants mendiants interrogés dans le cadre de l’étude appartenaient aux communautés rom ou égyptienne. La CSI recommande que des mesures d’ordre pratique soient prises pour agir sur les causes profondes de la mendicité, notamment sur la discrimination fondée sur l’origine ethnique et la pauvreté. La CSI prie instamment le gouvernement de mettre en place un filet de sécurité efficace pour la protection des enfants; d’aider les enfants des rues à vaincre les obstacles à l’accès à l’éducation et à se réinsérer dans le système scolaire; d’introduire et soutenir les programmes de réduction de la pauvreté et des inégalités chez les communautés rom et égyptienne; et de considérer de réduire la «demande» pour des enfants mendiants, en dissuadant les gens de leur faire l’aumône.

La commission note en outre que, d’après le rapport du Rapporteur spécial de l’ONU sur la vente d’enfants, la prostitution et la pornographie mettant en scène des enfants du 21 mars 2006 (E/CN.4/2006/67/Add.2, paragr. 56), la partie la plus visible du travail des enfants en Albanie est le travail qui s’effectue dans la rue. Il s’agit principalement de jeunes garçons employés dans le petit commerce et les services, les transports et les travaux de voierie. Les filles, quant à elles, sont plutôt utilisées pour demander l’aumône ou laver des voitures. Le Cadre stratégique d’action concernant le travail des enfants en Albanie mis au point dans le contexte du programme OIT/IPEC portant sur l’élaboration d’un Programme national d’élimination du travail des enfants en Albanie a justement pour principal groupe cible les enfants qui travaillent dans la rue.

La commission note que, selon le gouvernement, l’exploitation des enfants de la rue en Albanie a été favorisée par l’absence de mécanisme national de protection des enfants, l’application déficiente du droit à l’éducation pour tous et le laxisme dans l’imposition de sanctions qui s’appliquent aux exploiteurs d’enfants. A cet égard, le gouvernement et la CSI signalent que, en janvier 2008, le Code pénal a été modifié de manière à y incorporer en tant qu’infraction pénale spécifique l’exploitation d’enfants à des fins de mendicité. De plus, en mai 2008, le ministère du Travail, des Affaires sociales et de l’Egalité des chances a élaboré une loi-cadre pour la protection des droits de l’enfant, qui vise à réglementer le mécanisme national de protection de l’enfance. Le gouvernement ajoute que, le 30 juillet 2008, la décision du Conseil des ministres no 1104 a entériné le document de politique relatif à la «Prise en charge des enfants en détresse», dont un important volet prévoit la mise en œuvre de nouveaux services non conventionnels en faveur des enfants en détresse, y compris de ceux qui ont été contraints de travailler, services qui incluront le placement de ces enfants dans des familles d’accueil lorsque leurs parents naturels n’assurent pas leurs responsabilités parentales. A cet égard, la commission prie le gouvernement d’indiquer jusqu’à quel degré la politique sur la criminalisation de l’exploitation des enfants à des fins de mendicité ainsi que la politique de trouver des familles d’accueil pour les enfants mènent à la séparation des enfants roms et égyptiens de leurs familles et empêchent la réintégration de ces enfants dans leurs familles.

La commission note en outre que les Unités de protection des droits de l’enfant mises en place dans neuf municipalités s’emploient à découvrir les enfants ayant besoin de protection, parmi lesquels figurent les enfants de la rue, et à gérer ces situations avec l’assistance d’une équipe multidisciplinaire qui procède à des évaluations de la situation de ces enfants et de leurs familles et coordonne l’action de protection. Le gouvernement indique également qu’une action a été menée afin de renforcer les groupes consultatifs agissant au sein des communautés rom et égyptienne pour assurer la prévention de l’exploitation des enfants et agir en tant que système d’orientation pour la protection des enfants. Enfin, la commission note l’indication du gouvernement selon laquelle, depuis septembre 2007, tous les enfants roms qui n’étaient pas inscrits peuvent être scolarisés où que ce soit dans le pays et que, dans le même temps, une stratégie a été élaborée et mise en œuvre spécifiquement pour les enfants rom.

La commission se déclare profondément préoccupée par la gravité de la situation des enfants se livrant à la mendicité en Albanie. Elle considère que les enfants qui vivent ou travaillent dans la rue sont particulièrement exposés aux pires formes de travail des enfants. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur le nombre d’enfants travaillant dans la rue dont la réadaptation et l’insertion sociale a pu être assurée grâce au programme «Prise en charge des enfants en détresse» et à l’action des Unités de protection des droits de l’enfant et des groupes consultatifs agissant au niveau des communautés. Elle prie également le gouvernement de communiquer une copie de la stratégie spéciale en faveur des enfants roms et de fournir des informations sur l’impact de cette stratégie pour empêcher que des enfants roms ne travaillent dans la rue. Enfin, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les infractions constatées concernant les nouvelles dispositions pénales qui interdisent l’exploitation d’enfants à des fins de mendicité, de même que sur les poursuites, les condamnations prononcées et les sanctions imposées.

Article 8. Coopération internationale. Faisant suite à ses précédents commentaires, la commission note que la Stratégie nationale et le Plan d’action contre la traite des enfants prévoient un certain nombre de mesures de coopération aux niveaux international et régional pour prévenir la traite des enfants. Ces mesures impliquent:

a)    la révision des instruments juridiques bilatéraux sur l’application de la loi conclus entre l’Albanie et les pays de la région pour réprimer la traite des enfants;

b)    la négociation de nouveaux accords de coopération avec les pays voisins visant à détecter les enfants victimes de la traite et à mettre en commun les données relatives à cette traite;

c)     l’intensification de la coopération transfrontalière contre la traite, avec la police des frontières des pays voisins;

d)    la coopération avec les structures nationales, les organisations internationales et les ONG s’occupant de protection de l’enfance dans les pays de destination.

La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’impact de ces mesures pour lutter contre la traite transfrontalière des enfants à des fins d’exploitation de leur travail et d’exploitation sexuelle.

Point V du formulaire de rapport. Application de la convention dans la pratique. Faisant suite à ses précédents commentaires, la commission note que la Stratégie nationale et le Plan d’action contre la traite des enfants 2005-2007 prévoient la création d’un système extensif et coordonné de collecte, d’analyse et de diffusion de données relatives à la traite des enfants. Compte tenu de cette création récente d’un système extensif et coordonné de collecte, d’analyse et de diffusion de données relatives à la traite des enfants, la commission prie le gouvernement de communiquer les données disponibles concernant la traite des personnes de moins de 18 ans à des fins d’exploitation de leur travail et d’exploitation sexuelle.

La commission adresse par ailleurs une demande directe au gouvernement concernant certains autres points.

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