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Observation (CEACR) - adoptée 2008, publiée 98ème session CIT (2009)

Convention (n° 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989 - Brésil (Ratification: 2002)

Autre commentaire sur C169

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La commission prend note d’une communication reçue le 27 août 2008 et adressée au gouvernement le 5 septembre 2008, dans laquelle le Syndicat des travailleurs et travailleuses ruraux de l’Alcántara (STTR) et le Syndicat des travailleurs et travailleuses de l’agriculture familiale de l’Alcántara (SINTRAF) font part de leurs observations concernant l’application de la convention. Elle prend également note d’une autre communication de la Centrale unique des travailleurs (CUT), reçue par le Bureau du BIT à Brasília le 1er septembre 2008 et transmise au gouvernement le 18 septembre 2008. A cette communication sont par ailleurs ajoutés des commentaires des organisations indigènes suivantes: Expression des peuples indigènes du Nordeste, de Minas Gerais et de Espírito Santo (APOINME), Conseil indigène de Roraima (CIR), Coordination des organisations indigènes de l’Amazonie brésilienne (COIAB) et Warã Instituto Indígena Brasileño. La commission prend note du fait qu’elle a reçu le rapport du gouvernement le 31 octobre 2008, et donc trop tard pour pouvoir l’examiner pleinement à cette réunion. Elle prend note de ce que le gouvernement n’a pas encore apporté de réponses aux communications susmentionnées. Elle prend également note d’une communication en date du 18 septembre 2008 du Syndicat des travailleurs de l’Université fédérale de Santa Catarina (SINTUFSC), qu’elle examinera l’an prochain, en même temps que les commentaires que le gouvernement considérera opportuns de formuler.

Article 1, paragraphe 1 a), de la convention. Champ d’application. Communautés noires rurales quilombolas. Les deux communications se réfèrent aux communautés quilombolas. Elles affirment toutes deux que les communautés descendantes des Quilombolas constituent des peuples tribaux au sens de l’article 1, paragraphe 1 a), de la convention. Elles indiquent qu’il s’agit de groupes sociaux originaires du mouvement de résistance contre l’esclavage et la discrimination raciale au Brésil, qui ont une identité ethnique basée sur des ancêtres communs et un mode de vie différencié. Il est fait valoir dans les deux communications que la Constitution brésilienne de 1988 garantit aux communautés Quilombolas le droit de propriété de leurs territoires et reconnaît l’importance de ces communautés pour le patrimoine culturel du Brésil. La CUT déclare que, bien que les pouvoirs exécutif et judiciaire aient reconnu, dans des documents ou des décisions judiciaires, que la convention s’applique aux communautés quilombolas, le gouvernement, dans son rapport, se limite à fournir des informations sur la situation des peuples indigènes tels que définis à l’article 1, paragraphe 1 b), de la convention, si bien qu’il est impératif d’inclure la réalité quilombola dans le rapport du gouvernement comme relevant de l’article 1, paragraphe 1 a), de la convention et de garantir l’application effective de la convention à ces communautés. D’après les communications, le cadastre général des descendants des communautés des Quilombolas, placé sous la responsabilité de la Fondation culturelle Palmares, mentionne l’existence de 1 228 communautés quilombolas. La Coordination nationale de l’expression des communautés noires rurales quilombolas, pour sa part, mentionne l’existence de plus de 3 000 communautés réparties dans toutes les régions du pays.

Article 1, paragraphe 2. Affaiblissement de l’application du critère de l’auto-identification. La CUT indique également que le critère de l’auto-identification consacré à l’article 1, paragraphe 2, de la convention a été incorporé à la législation nationale par le décret 4887/2003, qui réglemente la procédure d’attribution des titres sur des terres occupées par les descendants des communautés quilombolas. Mais il est également mentionné dans les communications que le gouvernement est en train d’affaiblir cette auto-identification par l’application d’une législation postérieure (décret no 98/2007), évitant ainsi de régulariser la situation en ce qui concerne les terres en question, puisque cette régularisation dépend de l’inscription des communautés dans le registre. Selon le syndicat, il y a chaque fois davantage de difficultés pour obtenir l’inscription des communautés au registre, ce qui permet de fermer la porte à d’autres droits, pour l’essentiel concernant les terres. Il est dit, par exemple, dans les communications que le non-respect du critère de l’auto-identification peut également se constater dans le différend qui oppose la communauté quilombola de l’Ile de Marambai et la marine. Les communautés en question se considèrent comme indigènes et réclament l’application de la convention. Bien que ce soit moins fréquent, l’identité indigène des indiens du Nord-Est n’est pas reconnue non plus, de même que ne le sont pas leurs droits aux terres qu’ils occupent traditionnellement. La commission considère qu’à la lumière des éléments mentionnés les communautés quilombolas paraissent réunir les conditions préalables fixées à l’article 1, paragraphe 1 a), de la convention selon lesquelles la convention s’applique: «aux peuples tribaux dans les pays indépendants qui se distinguent des autres secteurs de la communauté nationale par leurs conditions sociales, culturelles et économiques et qui sont régis totalement ou partiellement par des coutumes ou des traditions qui leur sont propres ou par une législation spéciale». De plus, le paragraphe 2 du même article dispose que: «le sentiment d’appartenance indigène ou tribale doit être considéré comme un critère fondamental pour déterminer les groupes auxquels s’appliquent les dispositions de la présente convention». La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’application de la convention aux communautés quilombolas et, au cas où il ne considérerait pas ces communautés comme constituant des peuples tribaux au sens de la convention, d’indiquer les motifs de cette position.

Communication de la CUT

Articles 2, 6, 7 et 33. Consultation et participation. Il est dit dans la communication que, bien que le dialogue social progresse, l’efficacité des efforts ainsi déployés est mise en doute par les peuples indigènes en raison des conditions de ce dialogue (lieux de réunion difficiles d’accès, convocations avec un préavis insuffisant ou discussions superficielles), et l’impression prévaut que ces consultations populaires, quand elles ont lieu, ont pour but exclusif de valider les politiques publiques. La commission rappelle, comme elle l’a déjà fait à plusieurs reprises, que la consultation et la participation ne doivent pas être purement formelles, auquel cas elles sont vides de contenu, mais doivent constituer un véritable dialogue, tenu sur la base de mécanismes appropriés, aboutissant à des projets, notamment des projets permettant aux peuples couverts par la convention de pouvoir participer à leur propre développement. La commission invite le gouvernement à examiner les mécanismes de consultation et de participation en vigueur, en coopération avec les organisations indigènes, de manière à s’assurer qu’ils restent conformes à la convention, et lui demande de fournir des informations à cet égard.

Article 6. Consultation et législation. La CUT indique qu’il n’y a pas de consultation en ce qui concerne les moyens législatifs et administratifs prévus à l’article 6 de la convention. Elle cite à titre d’exemple le décret no 98/2007 relatif à la Fondation culturelle Palmares, le projet de loi relatif aux mines en terres indigènes (projet de loi no 1610/1996) et le projet de décret no 44/2007, qui suspend l’application du décret no 4887/2003, lequel règlemente la procédure d’attribution des titres sur les terres quilombolas. La commission souligne que les gouvernements ont l’obligation de consulter les peuples couverts par la convention chaque fois qu'ils prévoient d’adopter des mesures législatives ou administratives susceptibles de les affecter directement et elle prie le gouvernement de fournir des informations sur cette question.

Article 14. Terres. La CUT affirme que, bien que la Constitution garantisse le droit des indiens et des communautés quilombolas aux territoires qu’ils occupent et qu’il y ait 343 territoires indigènes enregistrés et 87 territoires quilombolas, la majeure partie des terres n’a toujours pas fait l’objet d’une régularisation: 283 terres indigènes et 590 terres quilombolas font l’objet d’une procédure administrative, et 224 terres indigènes n’en sont même pas encore arrivées à cet stade. La CUT affirme que le nombre d’indigènes assassinés a augmenté, en particulier dans le sud du Mato Grosso, à cause des différends non résolus sur les terres. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’application de l’article 14 de la convention eu égard aux communautés quilombolas.

Articles 6, 7 et 15. Participation, consultation et ressources naturelles. La CUT se réfère en détail à cinq projets pour lesquels il n’y a ni participation ni consultation: 1) le projet hydroélectrique de Belo Monte; 2) le projet de traversée du Río San Francisco; 3) l’autorisation, par le projet de loi no 2540/2006, de la construction d’une centrale hydroélectrique à la Cascade de Tamadúa sur le Rio Cotingo, sur le territoire indigène de Raposa Terra del Sol; 4) la terre indigène de los Guaraní-Kiwoa, sur laquelle vivent 12 000 indigènes confinés dans des réserves telles que celle de Dourados, et ce dans une misère totale – terre sur laquelle sont mis en œuvre des projets et politiques sans aucune consultation ni participation; 5) l’industrie minière sur la terre indigène de Cinta Larga – terre sur laquelle la loi en cours de préparation relative à l’industrie minière aura un fort impact, sans que ce peuple n’ait été en rien consulté. La commission exprime sa préoccupation devant les fait allégués et rappelle au gouvernement que, en vertu de l’article 7, il doit faire en sorte que des études soient effectuées, en coopération avec les peuples intéressés, afin d’évaluer l’incidence sociale, spirituelle, culturelle et sur l’environnement que les activités de développement prévues pourraient avoir sur eux. Les résultats de ces études doivent être considérés comme un critère fondamental pour la mise en œuvre de ces activités. La commission prie le gouvernement de fournir des détails sur les cas exposés.

Communication du STTR et du SINTRAF

Communautés quilombolas de l’Alcántara. Cette communication contient des allégations de violations flagrantes de la convention pour ce qui concerne les communautés quilombolas de la municipalité de l’Alcántara, Etat de Maranhao (MA), du fait de l’intervention de l’Agence spatiale brésilienne, par l’intermédiaire de l’entreprise binationale Brésil-Ukraine, dénommée Alcántara Cyclone Space (ACS), dans l’implantation et l’expansion du Centre de lancement de l’Alcántara (CLA) et du Centre spatial de l’Alcántara (CEA) sur un territoire traditionnellement occupé par les communautés quilombolas, sans qu’elles aient été consultées et sans leur participation.

Les deux syndicats indiquent que le gouvernement de l’Etat de Maranhao a exproprié 52 000 hectares dans les années quatre-vingt par décret no 7320 et que, en 1991, sur la base d’un autre décret de la présidence de la République, 62 000 hectares de plus ont été expropriés pour le centre spatial. Il y a eu des déplacements forcés des communautés dans des agrovillages, dans lesquels elles n’ont ni assistance technique agricole ni accès à la mer. Or une importante partie de leur économie repose sur la pêche. Et, pour arriver à la mer, il leur faut marcher dix kilomètres et traverser le territoire clos du centre spatial. Vingt ans après, elles vivent dans des conditions d’extrême pauvreté et, de plus, les communautés qui pourraient rester n’ont pas de titres sur leurs terres et souffrent de l’impact des activités du centre spatial. Les syndicats relèvent qu’il n’y a jamais eu d’étude d’impact sur l’environnement des activités résultant de l’implantation du centre. Le gouvernement a accepté qu’au site de lancement initial viennent s’ajouter six sites de lancement commerciaux, qui occuperaient 14 303 hectares venant se superposer aux zones actuellement utilisées par les communautés quilombolas pour l’agriculture, la culture maraîchère, l’élevage d’animaux, la célébration du culte et les autres manifestations religieuses.

Les syndicats allèguent plus particulièrement que deux accords ont été signés avec l’Ukraine, qui auront de fortes répercutions sur les communautés, sans que celles-ci aient été consultées au préalable. Il s’agit de l’accord sur les technologies de défense en relation avec le centre de lancement, conclu en janvier 2002 et promulgué par décret no 5266 de 2004, et du traité de coopération à long terme pour l’utilisation du véhicule de lancement Cyclone-4, conclu le 21 octobre 2003, promulgué par décret no 5436 de 2005.

Les deux syndicats indiquent que, depuis 1999, le Procureur général de Maranhao conteste les aspects environnementaux de l’expansion du centre spatial ainsi que l’omission d’attribuer des titres sur les terres qu’occupent les communautés. Ils déclarent que, en septembre 2006, un accord a été signé entre le Procureur et le gouvernement fédéral, dans le cadre d’une procédure judiciaire, prévoyant d’ouvrir et mener à terme le processus d’attribution des titres, et ce dans un délai de 180 jours. Ce travail d’attribution des titres a été entamé par l’Institut national de colonisation et de réforme agraire (INCRA) et devait être terminé le 31 octobre 2007. A ce jour, l’étude technique d’identification et de délimitation n’a pas été publiée. Or ce n’est qu’à partir de la publication de cette étude que les intéressés auront une possibilité de contestation, mais les syndicats affirment que le gouvernement a déjà lancé les activités d’implantation et d’expansion du centre.

Les syndicats indiquent que, en mai 2008, le Procureur de Maranhao a engagé une action en justice contre l’AEB, l’ACS et la Fondation pour l’application des technologies critiques (ATECH) afin de «protéger les droits des communautés quilombolas de l’Alcántara contre les actes perpétrés par les entités faisant l’objet de l’action en justice en question, qui portent atteinte à l’intégrité de la propriété des territoires ethniques ainsi qu’aux ressources environnementales de la région et aux modes de faire et de vivre des membres des groupes ethniques». Le Procureur a en outre affirmé que les entreprises susmentionnées doivent s’abstenir de faire de la prospection, de procéder à des forages et à des délimitations de terrains jusqu’à ce que le processus d’identification, de reconnaissance, de délimitation et d’octroi de titres pour les terres concernées ait été mené à terme.

Les syndicats se réfèrent au lien intrinsèque entre les terres, l’environnement, la vie, la religion, l’identité et la culture. Ils réaffirment et demandent que l’on ne considère pas les droits sur les terres de ces peuples seulement du point de vue de la propriété, mais aussi sous l’angle de l’interdépendance avec d’autres droits, comme l’affirme l’article 13 de la convention.

La commission se réfère aux considérations figurant dans le deuxième paragraphe de cette observation, selon lesquelles les communautés dont il est question paraissent remplir les conditions nécessaires pour être couvertes par la convention et se considèrent elles-mêmes comme des populations tribales au sens de l’article 1, paragraphe 1 a), de la convention. Sous réserve des objections que le gouvernement peut présenter, la commission estime que, dans la mesure où ces communautés paraissent être couvertes par la convention, il convient d’appliquer les articles 6, 7 et 15 sur la consultation et les ressources naturelles, ainsi que les articles 13 à 19 sur les terres. La commission se réfère en particulier à l’article 7, paragraphe 3, qui prévoit la réalisation d’études en coopération avec les peuples intéressés, afin d’évaluer l’incidence sociale, spirituelle, culturelle et sur l’environnement que les activités de développement prévues pourraient avoir sur eux. Les résultats de ces études doivent être considérés comme un critère fondamental pour la mise en œuvre de ces activités. La commission attire également l’attention du gouvernement sur l’obligation prévue à l’article 4, paragraphe 1, de la convention, d’adopter des mesures spéciales en vue de sauvegarder les personnes, les institutions, les biens, le travail, la culture et l’environnement des peuples intéressés. La commission espère que le gouvernement fournira des informations détaillées sur ce sujet. Elle l’invite à faire part de ses commentaires sur ces communications en même temps que de sa réponse aux présents commentaires. Notant que le rapport du gouvernement ne contient pas de réponse aux questions formulées par la commission dans sa demande directe de 2005, la commission prie aussi le gouvernement de joindre sa réponse aux commentaires de 2005.

[Le gouvernement est prié de répondre en détail aux présents commentaires en 2009.]

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