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Observation (CEACR) - adoptée 2007, publiée 97ème session CIT (2008)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Australie (Ratification: 1932)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Australie (Ratification: 2022)

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Faisant suite à ses précédents commentaires, la commission prend note des informations exhaustives et détaillées communiquées par le gouvernement dans ses rapports reçus en septembre 2004 et en octobre 2006, ainsi que de la discussion ayant eu lieu au sein de la Commission de la Conférence en juin 2004.

Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention. Privatisation des prisons et du travail pénitentiaire. Dans ses précédents commentaires concernant la privatisation des prisons et du travail pénitentiaire en Australie, la commission avait souligné que la privatisation du travail pénitentiaire va au-delà des conditions expressément prévues à l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention pour exclure le travail pénitentiaire obligatoire du champ d’application de la convention. La commission avait rappelé que tout travail ou service exigé d’un individu comme conséquence d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire n’est compatible avec la convention que si deux conditions sont satisfaites: à savoir que ledit travail ou service soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et que ledit individu ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. La commission a toujours clairement indiqué que ces deux conditions sont cumulatives, c’est-à-dire que le fait qu’un détenu reste en permanence sous la surveillance et le contrôle d’une autorité publique ne dispense pas en soi l’autorité publique de remplir la deuxième condition, à savoir que ledit détenu ne soit pas «concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées». La commission a précédemment demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer le respect de la convention, par exemple en prévoyant que tout détenu travaillant pour une entreprise privée s’offre volontairement pour ce travail, sans avoir été soumis à des pressions ou à la menace d’une peine quelconque, et en prévoyant également, compte tenu de la captivité de la main-d’œuvre pénitentiaire, certaines garanties quant au salaire et aux autres conditions d’emploi se rapprochant de celles d’une relation de travail libre.

Dans ses rapports, le gouvernement a considéré que sa législation et sa pratique sont conformes à la convention du fait que les prisons australiennes à gestion privée restent sous la supervision et le contrôle des autorités publiques et que le secteur privé n’a aucune compétence pour déterminer les conditions de travail s’appliquant aux détenus, ces conditions étant fixées par les autorités publiques. Le gouvernement affirme qu’il n’est pas nécessaire à l’Australie d’établir que le travail dans les prisons à gestion privée s’effectue sur une base volontaire ou sans la menace d’une peine, puisque les conditions de travail dans les prisons à gestion privée sont identiques ou similaires à celles des prisons à gestion publique.

Dans ses précédents commentaires, la commission avait relevé qu’il existe des prisons privées au Victoria, en Nouvelle-Galles du Sud, dans le Queensland, en Australie-Méridionale et en Australie-Occidentale mais qu’il n’existe pas de prisons gérées par des groupes privés en Tasmanie, dans le Territoire du Nord ni dans le Territoire de la Capitale australienne. Dans ses rapports de 2004 et de 2006, le gouvernement se réfère à nouveau en détail au travail pénitentiaire dans les établissements pénitentiaires privés de Nouvelle-Galles du Sud, du Queensland, de l’Australie-Occidentale et du Victoria, en soulignant en particulier que les personnes détenues dans ces établissements à gestion privée sont sous la surveillance et le contrôle d’une autorité publique, comme le prescrivent les dispositions dérogatoires de l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention. En outre, le gouvernement réitère son point de vue, selon lequel les détenus ne sont pas «concédés ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées» puisque la relation contractuelle entre le Département des services pénitentiaires et les fournisseurs de services contractés ne prévoit pas la concession de main-d’œuvre pénitentiaire (Queensland). Dans son rapport reçu en 2002, le gouvernement reconnaissait toutefois que les «détenus sont à la “disposition” du contractant privé, mais uniquement dans le sens très littéral du terme».

Sur ce point, la commission attire l’attention du gouvernement sur les explications données aux paragraphes 56 à 58 et 109 à 111 de son étude d’ensemble de 2007, Eradiquer le travail forcé, à propos de la portée des termes «concédé ou mis à la disposition de». La commission a constaté que ces termes ne couvrent pas seulement les situations dans lesquelles le détenu est «employé» par une compagnie privée ou se trouve en état de servitude à l’égard de la compagnie privée, mais aussi des situations dans lesquelles la compagnie privée n’a pas un choix absolument discrétionnaire sur le type de travail qu’elle peut exiger du détenu parce qu’elle est limitée par les règles fixées par l’autorité publique et parce que l’exécution du travail n’est «qu’une des conditions de détention imposées par l’Etat». La commission se réfère également au paragraphe 106 de son étude d’ensemble de 2007, où elle a indiqué que l’interdiction de concéder des détenus ou les mettre à disposition de compagnies privées est absolue, c’est-à-dire qu’elle ne se limite pas au travail effectué en dehors des établissements pénitentiaires mais s’applique également au travail dans des ateliers que des entreprises privées font fonctionner à l’intérieur des prisons ainsi qu’à tout travail organisé par des prisons à gestion privée.

Se référant également aux explications données aux paragraphes 59 à 60 et 114 à 120 de son étude d’ensemble de 2007, la commission a souligné que le travail des détenus pour des entreprises privées ne peut être compatible avec l’interdiction explicite prévue par la convention que lorsque les garanties nécessaires existent pour s’assurer que les prisonniers acceptent volontairement un travail sans être soumis à des pressions ou à la menace d’une peine quelconque, comme l’exige l’article 2, paragraphe 1, de la convention. La commission a indiqué que, dans ce contexte de captivité, il est nécessaire d’obtenir des prisonniers un consentement formel au travail lorsque ce dernier est exécuté pour le compte d’entreprises privées dans les prisons gérées par l’Etat ou pour les prisons à gestion privée, et que ce consentement devrait être donné par écrit. En outre, dans la mesure où ce consentement formel est obtenu dans un contexte de privation de liberté et sans véritable alternative, certains facteurs sont nécessaires pour authentifier et confirmer l’expression d’un consentement libre et éclairé. La commission rappelle que l’indicateur le plus fiable du consentement au travail est que ce travail soit exécuté dans des conditions se rapprochant de celles d’une relation de travail libre, ce qui comprend le niveau des rémunérations (avec retenues et cessions éventuelles), la sécurité sociale et la sécurité et santé au travail. Par ailleurs, d’autres facteurs peuvent également être considérés comme des éléments objectifs et des avantages quantifiables dont le prisonnier bénéficie en réalisant le travail et qui pourraient être pris en compte afin de déterminer si le consentement a été donné librement et de manière éclairée. Dans son étude d’ensemble de 2007, la commission a cité comme exemples de ces avantages l’acquisition de nouvelles compétences que le prisonnier pourra utiliser une fois libéré, la possibilité de continuer le travail du même type après sa libération, ou l’opportunité de travailler en groupe dans un environnement contrôlé permettant au prisonnier de développer sa capacité de travailler en équipe. La commission a indiqué que tous ces facteurs devaient être pris dans leur ensemble afin de déterminer si le consentement a été donné librement et ils devraient être examinés et évalués par les autorités publiques.

S’agissant du caractère volontaire du travail, la commission avait noté antérieurement que, dans les prisons à gestion privée du Victoria, de Nouvelle-Galles du Sud et d’Australie-Méridionale, il ne semblait pas jusque-là que l’on demandât formellement aux détenus de donner leur consentement au travail. Il ressort cependant des rapports reçus du gouvernement en 2004 et en 2006 qu’en Nouvelle-Galles du Sud l’emploi de détenus dans les établissements correctionnels (y compris le Junee Correctional Centre, seul établissement à gestion privée) revêt un caractère volontaire et aucun cas de travail forcé n’a été enregistré. Le gouvernement indique qu’au Queensland les détenus ne sont pas forcés de participer aux activités professionnelles approuvées: même si aucun consentement formel n’est requis des détenus, ce sont eux qui demandent (et donc qui consentent implicitement) à accomplir les activités approuvées. S’agissant de l’Australie-Occidentale, le gouvernement a indiqué en 2004 que l’intention à la base des règles 43, 44 et 45 du règlement des établissements pénitentiaires est de demander aux détenus de travailler mais non pas de les y forcer contre leur gré. Il indique également dans son dernier rapport que l’entretien de la prison privée n’entraînera aucun cas de travail forcé tel que défini par la convention. La commission espère que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour s’assurer que le consentement libre et éclairé est exigé des prisonniers qui travaillent dans les prisons privatisées, en tenant compte de l’ensemble des facteurs mentionnés par la commission ci-dessus.

Elle prie en particulier le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations sur:

–           les mesures prises pour s’assurer qu’un consentement éclairé, formel et donné par écrit est obtenu des prisonniers, sans la menace d’une peine quelconque;

–           les mesures prises pour s’assurer que ce consentement formel est authentifié par l’existence de facteurs objectifs et quantifiables comme la réalisation du travail dans des conditions se rapprochant de celles d’une relation de travail libre, associée à d’autres avantages tels que l’acquisition de nouvelles compétences que le prisonnier pourra utiliser une fois libéré, la possibilité de continuer le travail du même type après sa libération, ou l’opportunité de travailler en groupe et de développer sa capacité de travailler en équipe et d’autres facteurs similaires;

–           les facteurs objectifs et quantifiables qui sont pris en compte par les autorités publiques pour authentifier le caractère volontaire du consentement;

–           les procédures suivies par les autorités publiques pour contrôler régulièrement que ces facteurs objectifs et quantifiables existent afin d’assurer que le travail effectué par les prisonniers est volontaire.

Article 25. Sanctions pénales. Suite à ses précédents commentaires, la commission note que le gouvernement indique dans son dernier rapport qu’il y a actuellement trois affaires en cours, dans le cadre desquelles sept personnes sont poursuivies sur le fondement de l’article 270 du Code pénal (qui traite de l’esclavage et de la servitude sexuelle), tel que modifié par la loi de 2005 modifiant le Code pénal (Infractions de traite de personnes). La commission saurait gré au gouvernement de communiquer des informations sur l’issue de ces procédures, notamment sur les sanctions imposées. Ayant également noté que le gouvernement indiquait dans son précédent rapport que six des huit Etats ou Territoires (Nouvelle-Galles du Sud, Victoria, Australie-Occidentale, Australie-Méridionale, Territoire du Nord et Territoire de la Capitale australienne) ont adopté des dispositions incriminant la servitude sexuelle, la commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur toute procédure engagée sur la base de ces dispositions et sur les sanctions éventuellement prononcées.

La commission adresse par ailleurs au gouvernement une demande directe portant sur certains autres points.

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