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Observation (CEACR) - adoptée 2006, publiée 96ème session CIT (2007)

Convention (n° 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989 - Colombie (Ratification: 1991)

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1. En 2005, la commission avait pris note de la communication de l’Union syndicale ouvrière (USO), reçue le 31 août 2005 et adressée au gouvernement le 7 septembre 2005. La communication portait sur la situation des communautés de descendants d’Africains de Curbaradó et de Jiguamiandó. La commission avait noté que les observations du gouvernement au sujet de ces commentaires n’avaient pas été reçues. Dans ses commentaires de 2005, la commission avait demandé au gouvernement et à l’USO de confirmer que ces communautés s’identifient comme des peuples tribaux au sens de l’article 1, paragraphe 1 a), de la convention, afin de déterminer si ces communautés relèvent du champ d’application de la convention. La commission prend note des commentaires de l’USO, reçus les 31 août et 27 septembre 2006, qui ont été adressés au gouvernement le 3 octobre 2006, ainsi que des informations concernant l’état des consultations engagées avec le peuple U’wa, reçues le 3 octobre 2006, du gouvernement et de son rapport qui a été reçu le 15 novembre 2006. En raison de la réception tardive des commentaires de l’USO et du rapport du gouvernement au sujet de la situation des communautés susmentionnées, la commission n’a examiné que les réponses relatives au champ d’application de la convention, point sur lequel elle avait demandé de plus amples informations à l’USO et au gouvernement, et les conséquences directes de la définition de ce point. La commission examinera les autres questions dans ses prochains commentaires.

Communautés de descendants d’Africains de Curbaradó et de Jiguamiandó

2. Article 1 de la convention.Champ d’application personnel. En 2005, la commission avait estimé, à la lumière des informations fournies par l’USO, que les communautés noires de Curbaradó et de Jiguamiandó semblent réunir les conditions requises à l’article 1, paragraphe 1 a), de la convention, lequel s’applique «aux peuples tribaux dans les pays indépendants qui se distinguent des autres secteurs de la communauté nationale par leurs conditions sociales, culturelles et économiques, et qui sont régis totalement ou partiellement par des coutumes ou des traditions qui leur sont propres ou par une législation spéciale». Elle avait aussi estimé que, selon les informations fournies dans la communication, qui indiquent que les représentants des conseils communautaires de Curbaradó et de Jiguamiandó ont participé à l’élaboration de la communication, il semblerait que ces communautés, parce qu’elles demandent que la convention s’applique à elles, ont conscience de leur identité tribale. De plus, elle avait noté que la définition de «communauté noire» qui figure dans la loi no 70 semblait coïncider avec la définition de «peuples tribaux» de la convention. La commission avait donc demandé au gouvernement et à l’USO de confirmer que ces communautés se considèrent comme des peuples tribaux au sens de l’article 1, paragraphe 1 a), de la convention. La commission avait aussi demandé au gouvernement, dans le cas où il considérerait que ces communautés ne constituent pas des peuples tribaux au sens de la convention, d’expliquer ses motifs. La commission note que l’USO a confirmé ce point, et note aussi avec satisfaction que le gouvernement indique que les communautés de descendants africains de Curbaradó et de Jiguamiandó sont couvertes par la convention. La commission demande au gouvernement d’indiquer si cette reconnaissance concerne l’ensemble des communautés de descendants d’Africains qui sont couvertes par la loi no 70 de 1993.

Terres et ressources naturelles

3. Dans ses commentaires de 2005, la commission avait noté que l’USO indiquait que, depuis 2001, les violations des droits fondamentaux de ces communautés sont liées à l’expansion de cultures extensives de la palme à huile ou de la palme africaine, et à celle de l’élevage, malgré l’existence de titres collectifs qui portent sur ces territoires. De plus, ces communautés avaient été privées de leurs terres à la suite d’initiatives illicites des entreprises qui cultivent la palme – entre autres, conclusion de contrats non conformes à la loi no 70, usurpations d’identité, faux, créations de figures juridiques pour faire croire que ces communautés avaient donné leur aval, usurpation de fonctions des représentants des communautés dûment reconnus et inscrits, accords en vue de la culture de terres octroyés par des fonctionnaires membres des forces armées, coercition et menaces directes à l’encontre des habitants qui, souvent, sont obligés de vendre leurs propriétés, sous la menace ou en l’absence d’autres possibilités pour eux. Les commentaires indiquaient aussi que la déforestation intensive aux fins de la culture de la palme africaine et de l’élevage a eu des conséquences sociales et écologiques dévastatrices. Selon le syndicat, l’Institut colombien du développement rural (INCODER), en novembre 2004, estimait à 4 993 hectares la surface des cultures de palme dans les territoires collectifs de Jiguamiandó et de Curbaradó. Il estimait aussi que l’élevage était pratiqué sur 810 hectares, que 93 pour cent des terres consacrées à la culture de la palme se trouvaient sur les territoires collectifs, et que le reste se trouvait sur des terres privées que l’Institut colombien de la réforme agraire (INCORA) avait attribuées avant l’entrée en vigueur de la loi no 70.

4. A propos du paragraphe précédent, la commission avait indiqué dans ses commentaires que, s’il est confirmé que ces communautés sont couvertes par la convention, il convient d’appliquer les articles 6, 7 et 15 sur la consultation et les ressources naturelles, et les articles 13 à 19 sur les terres. En particulier, la commission se réfère aux droits qu’ont ces peuples de retourner sur leurs terres traditionnelles, dès que les raisons qui ont motivé leur déplacement et leur réinstallation cessent d’exister (article 16, paragraphe 3, de la convention), et aux mesures prévues par le gouvernement en cas d’entrée non autorisée sur les terres des peuples intéressés, ou de toute utilisation non autorisée de ces terres par des personnes qui y sont étrangères (article 18 de la convention).

5. Terres. La commission prend note des mesures que le gouvernement a prises pour délimiter ou déterminer les territoires collectifs des communautés des conseils communautaires de Jiguamiandó et de Curbaradó, mesures qui sont destinées en particulier à récupérer les terres indûment occupées, en réexaminant les titres ou les droits concédés illicitement. En particulier, la commission note que le Conseil d’Etat a jugé valables les titres octroyés par l’INCORA qui ont été enregistrés dans les Bureaux des registres d’instruments publics avant l’échéance du délai prévu pour l’inscription des demandes de titres collectifs en faveur des communautés noires. Prière de donner de plus amples informations sur les conséquences de cette décision. La commission rappelle que la convention protège non seulement les terres sur lesquelles les peuples intéressés possèdent déjà un titre de propriété, mais aussi les terres qu’ils occupent traditionnellement. En vertu de la convention, les gouvernements doivent prendre les mesures nécessaires pour identifier les terres que les peuples intéressés occupent traditionnellement et pour garantir la protection effective de leurs droits de propriété et de possession (article 14, paragraphe 2). En ce sens, les dispositions de la convention qui portent sur la question des terres, et plus concrètement les articles 13 et 14, doivent être interprétées en tenant compte de la politique générale dont il est question à l’article 2, paragraphe 1, à savoir qu’il incombe aux gouvernements, avec la participation des peuples intéressés, de développer une action coordonnée et systématique en vue de protéger les droits de ces peuples et de garantir le respect de leur intégrité. En outre, ces dispositions doivent être reliées dans la pratique à la mise en œuvre des procédures de consultation des peuples intéressés, procédures dont il est question à l’article 6. Par conséquent, la commission espère que le gouvernement veillera à la pleine application des articles susmentionnés au moment de délimiter les terres occupées traditionnellement par les communautés en question. La commission lui demande de la tenir informée à cet égard, en particulier sur la façon dont les communautés participent à cette procédure, et sur les résultats des mesures qui ont été prises pour récupérer les terres indûment occupées par des personnes qui n’appartiennent pas aux communautés.

6. La commission prend note avec intérêt de la résolution no 0482, en date du 18 avril 2005, de la Corporation autonome régionale pour le développement durable de Chocó, qui ordonne la suspension de tout type d’activités menées pour cultiver la palme africaine ou la palme à huile dans la juridiction du département de Chocó […], et en particulier sur les terres pour lesquelles les communautés de Jiguamiandó et de Curbaradó ont des titres de propriété collectifs […], sans le permis, la concession ou l’autorisation de la première autorité environnementale régionale – CODECHOCO. La commission rappelle que l’article 15, paragraphe 2, de la convention dispose que «les gouvernements doivent établir ou maintenir des procédures pour consulter les peuples intéressés dans le but de déterminer si et dans quelle mesure les intérêts de ces peuples sont menacés avant d’entreprendre ou d’autoriser tout programme de prospection ou d’exploitation des ressources dont sont dotées leurs terres». Par conséquent, la commission invite le gouvernement à consulter les peuples intéressés au sujet des permis, concessions ou autorisations dont il est question, et au sujet des permis, concessions ou autorisations qui portent sur des activités d’élevage, de déforestation ou d’extraction de bois, en tenant compte de la procédure établie à l’article 6, afin de déterminer si et dans quelle mesure les intérêts de ces peuples sont menacés, comme le prévoit l’article 15, paragraphe 2. La commission espère que le gouvernement fera tout son possible pour mener à bien les études prévues à l’article 7, en coopération avec les peuples intéressés. La commission invite aussi le gouvernement à envisager la possibilité d’aligner la législation dans ce domaine sur la convention, et à fournir des informations détaillées sur ce sujet avec son prochain rapport.

7. Consultation. La commission note que le gouvernement a entamé un processus pour avancer dans la réglementation de plusieurs titres de la loi no 70 de 1993, avec la participation de représentants des conseils communautaires qui sont en possession de titres collectifs. La commission rappelle que les dispositions de la convention, dont l’article 6, sont applicables aux peuples indigènes et tribaux tels que définis à l’article 1. Par conséquent, la commission invite le gouvernement à mener des consultations avec l’ensemble des peuples intéressés dans le cadre de l’élaboration des règlements d’application de la loi no 70, quel que soit par exemple le titulaire du titre de propriété des terres qu’ils occupent traditionnellement ou le fait qu’ils ont constitué un conseil communautaire. La commission demande au gouvernement de l’informer sur ce point et sur les progrès réalisés en ce qui concerne la réglementation susmentionnée.

Peuple U’wa

8. Articles 6 et 15, paragraphe 2. La commission prend note du rapport sur la consultation préalable du peuple U’wa. Ce rapport, élaboré par la Direction des ethnies du ministère de l’Intérieur et de la Justice, indique les mesures prises par le gouvernement et ECOPETROL S.A. pour consulter préalablement, d’une part, l’Association des autorités et conseils traditionnels indigènes du département d’Arauca (ASCATIDAR) et, d’autre part, l’Association des autorités et conseils traditionnels U’wa (ASOU’WA). La commission prend note des difficultés qu’il y a eu dans les deux cas pour instaurer et poursuivre un dialogue constructif entre le gouvernement et les peuples intéressés en ce qui concerne l’adoption de décisions, et constate que ce processus dure depuis quatorze ans, pendant lesquels des violences ont été commises à l’égard de la communauté U’wa. Elle rappelle qu’il faut pour toute consultation un climat de confiance mutuelle, et plus encore dans le cas des peuples indigènes et tribaux, étant donné la méfiance qu’ils nourrissent à l’égard des institutions de l’Etat et leur sentiment de marginalisation qui sont dus à des réalités historiques très anciennes et très complexes et qui n’ont pas encore été surmontés. Par conséquent, étant donné que le gouvernement avait demandé l’assistance technique du Bureau pour faciliter la consultation du peuple U’wa, dans le cadre des recommandations formulées par le comité tripartite chargé d’examiner une réclamation, et dont le rapport a été approuvé par le Conseil d’administration à sa 282e session (novembre 2001), la commission note que le Bureau réaffirme qu’il est prêt à contribuer à une meilleure application des recommandations des organes de contrôle. Elle exprime l’espoir qu’avec l’assistance technique du Bureau il sera possible d’instaurer la confiance nécessaire pour l’aboutissement des consultations. La commission rappelle, outre les quatorze années écoulées, que le comité constitué pour examiner la réclamation exprimait, au paragraphe 92 de son rapport, «sa préoccupation devant les informations émanant de la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) ainsi que d’autres sources fiables, faisant état de recours répétés à la force par les forces armées et par les forces de police du gouvernement contre la communauté U’wa». La commission signale que, en raison de l’absence de confiance, l’assistance devrait revêtir la forme d’un processus et qu’une simple réunion ne saurait suffire. La commission invite le gouvernement à accepter l’assistance technique du Bureau et espère que le gouvernement donnera des informations sur les suites données à ces commentaires.

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