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Observation (CEACR) - adoptée 2005, publiée 95ème session CIT (2006)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Myanmar (Ratification: 1955)

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I.  Rappel chronologique

1. La commission formule des commentaires sur ce cas particulièrement grave depuis sa première observation sur la convention il y a plus de trente ans. La situation au Myanmar a également suscité des critiques et des condamnations massives dans le cadre de la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail à neuf reprises entre 1992 et 2005, dans le cadre plus général de la Conférence internationale du Travail à sa 88e session en juin 2000 et enfin, au sein du Conseil d’administration, aussi bien de la part des gouvernements que des partenaires sociaux. On en trouve l’historique détaillé dans les observations formulées précédemment par la présente commission ces dernières années, en particulier depuis 1999.

2. Le principal faisceau de critiques émanant des organes de l’OIT concerne principalement les résultats d’une commission d’enquête constituée en mars 1997 par le Conseil d’administration suite à une plainte déposée en juin 1996 sur la base de l’article 26 de la Constitution de l’Organisation. Cette commission d’enquête avait conclu que la convention était violée dans le droit national et dans la pratique et ce, d’une manière généralisée et systématique, et elle avait formulé les recommandations suivantes:

1)  que les textes législatifs pertinents, en particulier la loi sur les villages et la loi sur les villes, soient mis en conformité avec la convention;

2)  que, dans la pratique, aucun travail forcé ou obligatoire ne soit plus imposé par les autorités et, en particulier, par les militaires; et

3)  que les sanctions qui peuvent être imposées en vertu de l’article 374 du Code pénal pour le fait d’exiger du travail forcé ou obligatoire soient strictement appliquées.

La commission d’enquête avait souligné que, outre les modifications de la législation, des mesures concrètes devaient être prises immédiatement pour mettre un terme à l’imposition de travail forcé dans la pratique, notamment par l’armée.

3. Dans ses observations précédentes de 2002 à 2005, la commission d’experts avait identifié quatre domaines dans lesquels des mesures devaient être prises par le gouvernement pour parvenir à un tel résultat:

-  émettre des instructions spécifiques et concrètes à l’adresse des autorités civiles et militaires;

-  assurer que l’interdiction du travail forcé soit largement rendue publique;

-  prévoir les inscriptions budgétaires adéquates pour le remplacement de la main-d’œuvre forcée ou non rémunérée; et

-  assurer le respect de l’interdiction du travail forcé.

4. La persistance flagrante des violations de la convention par le gouvernement, et le fait que celui-ci a systématiquement ignoré les recommandations de la commission d’enquête, les observations de la commission d’experts et les autres questions soulevées par les autres organes de l’OIT a abouti, fait sans précédent, à ce que le Conseil d’administration décide à sa 277e session, en mars 2000, de mettre en œuvre l’article 33 de la Constitution de l’OIT et que la Conférence adopte une résolution en juin 2000.

II.  Faits nouveaux depuis la dernière observation de la commission

5. La commission prend note des documents dont le Conseil d’administration a été saisi à ses 292e et 294e sessions (mars et novembre 2005) sur les faits nouveaux concernant la question de l’exécution par le gouvernement du Myanmar de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, des débats consacrés à cette question par le Conseil d’administration lors de ces sessions et des conclusions auxquelles il est parvenu et enfin des débats et conclusions de la Commission de l’application des normes de la Conférence, en juin 2005.

6. La commission prend note du rapport du gouvernement reçu dans une série de communications en date des 9 juin, 19 août, 22 août et 2 septembre 2005, ainsi que des commentaires de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) contenus dans une communication en date du 31 août 2005, reçue le 12 septembre 2005, à laquelle étaient jointes non moins de 1 100 pages de documents provenant de sources diverses et faisant état de la persistance en 2005 du recours au travail forcé au Myanmar. Les documents transmis sont présentés comme venant «de pratiquement chacun des Etats constitutifs de l’Union du Myanmar et des subdivisions de ceux-ci» et font état de plusieurs centaines de situations de travail forcé consistant notamment en opérations de portage, d’entretien et réparation de camps militaires et de villages destinés aux populations déplacées, de culture de riz «paddy» et d’autres végétaux, de construction de routes, de défrichement de zones de jungle, de «déminage humain», de patrouilles et de surveillance. Par lettre du 3 octobre 2005, il a été envoyé au gouvernement un synopsis de la communication émanant de la CISL, en indiquant simultanément que, conformément à la pratique établie, la communication de la CISL serait portée à l’attention de la commission en même temps que tout commentaire que le gouvernement souhaiterait faire à ce propos. Aucune réponse n’a été reçue à ce jour de la part du gouvernement sur ces informations très préoccupantes mais la commission conçoit qu’un délai aussi court n’ait pas permis au gouvernement de répondre à une communication aussi détaillée; elle lui demande de le faire dans son prochain rapport.

7. Avant d’aborder ses préoccupations spécifiques, la commission note que, dans divers documents et diverses interventions faites devant les organes de l’OIT et lors de réunions avec diverses équipes de haut niveau, le gouvernement a déclaré explicitement son engagement à éradiquer le travail forcé du pays. Plus récemment, cette même volonté a été exprimée publiquement devant la Commission de l’application des normes de la Conférence, dont le compte rendu des travaux reproduit la déclaration du représentant gouvernemental aux termes de laquelle, dans leur détermination d’éradiquer le travail forcé et de poursuivre la coopération du Myanmar avec l’OIT, les autorités de ce pays ont pris des mesures significatives pour faire suite aux conclusions et à l’aide-mémoire établi par la Mission de très haut niveau qui s’était rendue dans le pays en février 2005.

8. A la session du Conseil d’administration de novembre 2005, l’ambassadeur du Myanmar a à nouveau exprimé, au nom de son gouvernement, sa volonté de coopérer avec l’OIT. De son côté, le Conseil d’administration a indiqué que le gouvernement devrait saisir l’opportunité offerte d’ici sa prochaine session, en mars 2006, pour reprendre un dialogue effectif avec le Bureau sur les problèmes de travail forcé et que, en attendant la reprise d’un tel dialogue, le gouvernement devrait cesser d’exercer des poursuites contre les personnes qui se déclarent victimes de travail forcé ou celles qui les représentent et s’employer plutôt à prendre des mesures contre ceux qui ont imposé du travail forcé.

9. La commission présume et espère que ces manifestations positives de la part du gouvernement ont été faites de bonne foi. Comme les autres instances de l’OIT, son souci est de voir les déclarations suivies d’effets et elle mesurera la crédibilité et l’engagement du gouvernement à la volonté dont il fera preuve en prenant les mesures qui avaient été précisées par la commission d’enquête et par la présente commission puis, plus récemment, par le Conseil d’administration.

III.  Faire suite aux recommandations de la commission d’enquête

10. Compte tenu de l’ampleur des commentaires qui ont été formulés dans chacune des instances de l’OIT depuis la commission d’enquête, la commission estime important d’énoncer avec une clarté absolue les aspects sur lesquels une réponse est attendue de la part du gouvernement en conséquence de la commission d’enquête.

1)  Rendre les textes législatifs pertinents, en particulier la loi
sur les villages et la loi sur les villes, conformes à la convention.

11. Dans son observation de 2001, la commission avait fait observer que la loi sur les villages et la loi sur les villes devaient toujours être modifiées, et cette position reste aujourd’hui la sienne. Dans le même temps, la commission a accepté qu’une «ordonnance prescrivant de ne pas faire usage des pouvoirs conférés par certaines dispositions des lois de 1907 sur les villes et de 1908 sur les villages» (ordonnance no 1/99), modifiée par l’«ordonnance complétant l’ordonnance no 1/99», en date du 27 octobre 2000, pourrait constituer une base juridique suffisante pour assurer le respect de la convention dans la pratique dès lors que les autorités locales et les fonctionnaires civils et militaires habilités par lesdites lois à requérir le concours des autorités locales les appliqueraient de bonne foi.

12. Comme mentionné plus haut, la commission avait indiqué que cela présupposait deux choses:

-  adresser des instructions précises et concrètes aux autorités civiles et militaires;

-  assurer que l’interdiction du travail forcé soit largement rendue publique.

Adresser des instructions précises et concrètes aux autorités civiles et militaires

13. Sur ce plan, la commission prend note des éléments suivants communiqués par le gouvernement:

-  La traduction d’une instruction émise par la direction de la police du Myanmar, qui relève du ministère des Affaires intérieures, sous le no 1002(23)/202/Oo 4, en date du 26 mai 2005, qui se réfère à l’ordonnance no 1/99 et à celle qui la complète. Selon la traduction en anglais de cette instruction, «la réquisition de main-d’œuvre forcée étant déclarée illégale et sujette à une action législative, toutes les autorités régionales, le personnel des forces armées, le personnel des forces de police et les autres autorités civiles ont l’interdiction d’imposer du travail forcé». Le texte prévoit en outre que «le personnel des forces de police a instruction … de se conformer strictement aux ordonnances [no 1/99 et à l’ordonnance complétant celle-ci]».

-  La traduction d’une «instruction supplémentaire» émise par le Département de l’administration générale du ministère des Affaires intérieures, sous le no 200/108/Oo, en date du 2 juin 2005, qui complète l’instruction no 1/2004, en date du 19 août 2004, du Département de l’administration générale. Cette instruction supplémentaire précise que l’interdiction de la réquisition de main-d’œuvre forcée prévue par l’instruction no 1/2004 s’applique aux travaux de construction (de routes, de voies de chemin de fer, de levées/barrages, comme de tous autres ouvrages d’infrastructure d’importance nationale ou régionale) et au défrichement des abords des localités et aux autres ouvrages concernant les zones rurales et urbaines. Elle enjoint également aux fonctionnaires de ne pas collecter ou demander de l’argent sans autorisation.

-  Une référence à plusieurs nouvelles instructions émises en 2004 et 2005 par le ministère des Affaires intérieures: no Pa Hta Ya (Ah Hta Au)/Oo-3, en date du 12 décembre 2004, (sur la réquisition de main-d’œuvre forcée) et par le Département de l’administration générale, qui relève du ministère des Affaires intérieures: no 100/108-1/Oo-1 en date du 18 janvier 2005 (instruction des plaintes pour imposition de travail forcé) et no 100/108-1/Oo-1, en date du 10 février 2005 (ordonnances concernant l’interdiction de la réquisition).

-  Une référence à la lettre no 31 BA (Na Nga Kha-2) 2000 (2), en date du 11 juillet 2000, émanant du bureau du ministre du ministère de la Défense; à une lettre no 1865/18/Oo(3), en date du 15 mai 1999; une lettre no 1865/15/Oo(3), en date du 6 novembre 2000; et un télégramme no (55-Oo) émanant du bureau du commandant en chef des armées.

-  Une référence aux instructions adressées par le commandement militaire de Yangon aux divisions, aux commandements stratégiques, aux régiments et aux autres unités, leur enjoignant de «se conformer strictement à la loi».

-  Une référence à une lettre no 18-3/11-Oo, en date du 10 novembre 2000, ordonnant qu’un «rapport complet des discussions» soit soumis au commandement militaire de Yangon. Le gouvernement déclare qu’«au niveau des régiments, le comité organisateur a expliqué la législation pertinente aux officiers encadrant les sections et aux officiers d’autres rangs», tous ayant été «tenus de signer qu’ils avaient compris les ordres». Le gouvernement déclare que ces documents ont été soumis à l’état-major qui, à son tour, les a transmis au commandant en chef des armées «avec les autres documents pertinents» indiquant que l’ordonnance no 1/99 et son ordonnance complémentaire «avaient désormais été expliquées jusqu’à l’échelon le plus élémentaire de la hiérarchie».

-  Une référence à des «discussions … menées dans le cadre des réunions du comité organisateur».

-  Une référence à une instruction concernant le représentant du ministère de la Défense siégeant dans le Comité d’application de la convention no 29, émanant du bureau du commandant en chef des armées et revêtant la forme d’une lettre no 4/305/3 (Kha) 18/Oo-1, en date du 27 novembre 2002.

14. La commission prend note des textes et des références à diverses instructions et lettres susmentionnées. Elle reconnaît que ces communications apparaissent comme constituant en partie une réponse à ses demandes précédentes tendant à ce que des instructions soient adressées aux autorités militaires pour faire savoir que le travail forcé a été déclaré illégal au Myanmar. Cependant, la commission n’a été mise en possession que de bien peu d’informations, voire aucune, quant au contenu de ces communications. Cet aspect est particulièrement préoccupant, considérant que la commission avait fait valoir que des instructions claires, transmises de manière effective, étaient nécessaires pour faire connaître les types de pratiques qui constituent du travail forcé et pour lesquelles la réquisition de main-d’œuvre est interdite, de même que la manière dont les tâches en question peuvent être accomplies sans recourir au travail forcé. Dans une précédente observation, la commission avait énuméré un certain nombre de tâches et de pratiques qui devaient être reconnues officiellement comme étant étroitement liées à l’imposition de travail forcé, à savoir:

-  les opérations de portage pour l’armée (ou d’autres groupes militaires ou paramilitaires, pour des opérations ou pour des patrouilles de routine);

-  la construction ou la remise en état de camps et autres installations militaires;

-  les autres fonctions de soutien logistique fournies à l’armée (guides, messagers, cuisiniers, nettoyeurs, etc.);

-  les activités génératrices de revenus exercées par des personnes ou des groupes de personnes (notamment le travail effectué dans des établissements agricoles ou industriels appartenant à l’armée);

-  la réalisation de projets d’infrastructures nationales ou locales (routes, voies ferrées, barrages, etc.);

-  les travaux de nettoyage et d’embellissement de zones rurales ou urbaines;

-  la réquisition de matières ou provisions de toutes sortes, qui doit être interdite au même titre que les collectes de fonds, à l’exception des sommes dues à l’Etat ou à une collectivité territoriale conformément à la législation pertinente, étant donné que, dans la pratique, les réquisitions de services imposés par l’armée sont souvent interchangeables avec le versement d’une somme d’argent.

15. Le point de départ de l’éradication du travail forcé est de donner des instructions concrètes et très claires aux autorités quant aux types de pratiques qui constituent du travail forcé. Or, par leur effet conjugué, l’absence d’informations et le seul exemple de contenu d’une communication (l’instruction supplémentaire no 200/108/Oo du 2 juin 2005) donnent à entendre qu’il n’en a rien été. Il ne semble pas à la commission qu’il soit difficile de déterminer le contenu de la communication écrite qui prendrait ces préoccupations en compte et inclurait tous les éléments susmentionnés.

16. Attendu que le gouvernement se montre disposé à poursuivre la coopération avec l’OIT, la commission suggère que l’élaboration de telles communications, dans le but de faire suite aux préoccupations exprimées par la commission et lui éviter ainsi de continuer de répéter ce point, pourrait être la matière d’une telle coopération. Cela pourrait se faire par exemple par l’intermédiaire du chargé de liaison par intérim ou de tout autre mécanisme de liaison similaire de l’OIT. La commission demande au gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur les mesures qu’il a prises à ce sujet et de communiquer copie des textes exacts des lettres et instructions auxquelles il s’est référé ainsi qu’une version traduite.

2)  Assurer que l’interdiction du travail forcé
a été largement portée à la connaissance du public

17. Sur cette question, la commission note que, dans son dernier rapport (annexe C), le gouvernement fait état des éléments suivants:

-  les lettres no 31, no 1865/18/Oo (3) et no 1865/15/Oo (3) et le télégramme no 55-Oo, spécifiquement mentionnés ci-dessus, ont été adressés au Bureau du commandant en chef des armées et «ont également été transmis à tous les quartiers généraux de commandement de division pour expliquer complètement et clairement et donner ordre strict à tous les Tatmadawmen de ne pas recourir au travail forcé et aux réquisitions de main-d’œuvre»;

-  une série de «briefings» ont été organisés entre 1999 et 2004 dans 14 Etats et divisions, aux niveaux du district, de l’agglomération, du village et du secteur, par des représentants officiels du Département de l’administration générale, briefings dans le cadre desquels a été présentée une «explication» de l’ordonnance no 1/99 et son ordonnance complémentaire;

-  un tableau de données chiffrées ayant pour objet de montrer le nombre de participants ayant assisté à ces briefings: un total de 21 505 personnes pour 65 briefings au niveau du district; un total de 240 500 personnes pour 5 briefings dans chacune des 325 agglomérations; un total de 263 427 personnes ayant assisté à un briefing unique dans 1 648 secteurs et villages; et un total global de 525 432 personnes ayant assisté à 18 172 briefings;

-  une série de séminaires, de deux jours, de «sensibilisation de l’opinion publique» sur l’application de la convention no 29, organisés par les équipes d’observation sur le terrain et qui auraient eu lieu entre mai et décembre 2004.

18. La commission, acceptant telle qu’elles sont présentées les informations fournies par le gouvernement, reconnaît que des efforts semblent avoir été accomplis par celui-ci pour diffuser l’information selon laquelle le travail forcé a été déclaré illégal au Myanmar. Néanmoins, comme pour les communications visées ci-dessus, la commission n’est en possession d’aucun élément concernant la teneur des briefings et des ateliers. Cela suscite à nouveau de réelles préoccupations, étant donné que la commission n’a pas la certitude que les briefings et ateliers en question aient été un instrument efficace de diffusion de l’information. Comme dit précédemment, de tels briefings et ateliers doivent servir à diffuser clairement et de manière effective des instructions sur les types de pratiques qui constituent du travail forcé et pour lesquelles la réquisition de main-d’œuvre est interdite, de même que sur la manière dont les tâches envisagées peuvent être accomplies sans recourir au travail forcé. Dans la mesure où l’on prend la peine d’organiser de telles activités, il ne semble pas, là encore, à la commission qu’il soit difficile de développer leur contenu pour prendre en compte ces préoccupations.

19. La commission suggère que l’élaboration de telles communications en vue de répondre à ses préoccupations et d’éviter ainsi qu’elle n’ait à répéter ce point pourrait être une question à suivre dans le cadre de la coopération avec l’OIT. La commission prie le gouvernement de communiquer, dans son prochain rapport, des informations exposant le contenu des communications faites dans le cadre des briefings et ateliers sur l’interdiction du travail forcé, de même qu’un exemplaire de tout document établi en vue de ces briefings et ateliers. De plus, puisque le chargé de liaison par intérim a eu l’opportunité d’assister à l’une de ces manifestations par le passé, la commission demande que celui-ci soit informé par avance de la tenue de ces briefings ou ateliers et qu’il ait l’opportunité d’y assister. En lui permettant de faire cela, le gouvernement démontrerait réellement son engagement par rapport à l’objectif général d’éradication du travail forcé du Myanmar.

3)  Prévoir les inscriptions budgétaires adéquates pour le remplacement
de la main-d’œuvre forcée ou non rémunérée.

20. Dans ses recommandations, la commission d’enquête a souligné qu’il était nécessaire de budgéter les sommes permettant d’engager de la main-d’œuvre rémunérée pour la réalisation des projets publics dont l’exécution est fondée aujourd’hui sur le recours à un travail forcé et non rémunéré. Dans son rapport, l’Equipe de haut niveau déclarait (en 2001) n’avoir été mise en possession d’aucun élément lui permettant de conclure que les autorités auraient effectivement prévues une réelle solution de rechange leur permettant de ne plus recourir à une main-d’œuvre non rémunérée travaillant sous la contrainte pour la réalisation des projets militaires ou d’infrastructure publique.

21. Dans ses précédentes observations, la commission avait poursuivi la question et cherché à obtenir des preuves concrètes que les moyens adéquats d’engager une main-d’œuvre rémunérée et libre avaient été budgétés. En réponse, le gouvernement a réitéré ses précédentes déclarations, selon lesquelles à tout projet correspond toujours une allocation budgétaire, laquelle recouvre le coût des matériaux et du travail. La commission a cependant observé que, dans la pratique, le travail forcé continue d’être imposé dans de nombreuses parties du pays, en particulier dans celles où il y a une forte présence de l’armée, et que les allocations budgétaires qui peuvent exister ne sont pas d’un montant suffisant pour ne plus avoir à recourir au travail forcé.

22. Dans son dernier rapport, le gouvernement déclare qu’il a donné instruction aux différents ministères de fournir une estimation des coûts en main-d’œuvre des projets relevant de leurs compétences. La commission note également qu’il est fait mention d’une «allocation budgétaire» établie par la police du Myanmar pour le paiement des salaires des travailleurs «appelés à fournir leur travail en fonction des besoins» (annexe A au rapport du gouvernement).

23. Tout en prenant note de ces éléments, la commission, considérant le caractère généralisé des pratiques de travail forcé qui restent de manière persistante l’objet des préoccupations de la commission d’enquête et de chacun des organes de l’OIT, y compris de la présente commission jusqu’à ce jour, prie à nouveau le gouvernement de donner dans son prochain rapport des informations détaillées sur les mesures prises pour que soient budgétés des moyens suffisants pour remplacer le travail forcé ou non rémunéré. Elle insiste sur le point que, en répondant à cette demande, le gouvernement démontrerait réellement son engagement par rapport à l’objectif général d’éradication du travail forcé du Myanmar.

4)  Assurer le respect de l’interdiction du travail forcé
- mécanisme de contrôle

24. La commission avait noté précédemment que les mesures prises par le gouvernement pour assurer le respect de l’interdiction du travail forcé incluaient le déploiement de sept équipes d’observation sur le terrain, habilitées à enquêter sur toute allégation de recours au travail forcé et à saisir de leurs conclusions le Comité de l’application de la convention no 29.

25. La commission prend également note des éléments suivants:

-  le rapport soumis par le chargé de liaison par intérim au Conseil d’administration en mars 2005, dont il ressort que, sur les quarante-six cas dont le Comité d’application de la convention no 29 a été saisi en 2004, cinq seulement ont été retenus comme étant réellement constitutifs de travail forcé (document GB.292/7/2, paragr. 11);

-  de l’avis du chargé de liaison par intérim, selon lequel «le mécanisme mis en place par les autorités pour traiter les allégations de travail forcé, mécanisme qui consiste à envoyer une équipe spéciale composée de hauts fonctionnaires gouvernementaux dans la région afin d’y mener une enquête, n’est pas vraiment adapté, si l’on veut bien considérer que le nombre de cas est allé en augmentant. De plus, au fur et à mesure de cette augmentation du nombre des allégations de travail forcé, il est apparu que leur instruction revêtait de plus en plus la forme d’une procédure interne menée par le Département de l’administration générale ou par le ministère de la Défense» (document GB.292/7/2, paragr. 12);

-  le chargé de liaison par intérim a continué d’être saisi, en décembre 2004, de nouvelles plaintes relatives au travail forcé et à la réquisition de main-d’œuvre, qui ont donné lieu le même mois à cinq interventions de sa part auprès du Comité d’application de la convention no 29 et, au 18 février 2005, il était saisi de 14 nouvelles affaires, qui ont donné lieu à cinq autres interventions de sa part le même mois (document GB.292/7/2, paragr. 9 et 13);

-  selon un rapport réactualisé soumis à la Commission de l’application des normes de la Conférence en juin 2005, le chargé de liaison par intérim a fait cinq autres interventions en mars et en avril 2005 (CIT, 93e session, document C.APP/D.6/D, paragr. 11);

-  d’après le plus récent rapport du gouvernement (annexe F) et les rapports du chargé de liaison par intérim (CIT, 93e session, C.APP/D.6/D.III, paragr. 13; document GB.292/7/2, paragr. 14; document GB.292/7/2(Add.), paragr. 4), s’agissant des suites données en mars, avril et mai 2005 par le Comité d’application de la convention no 29 aux interventions du chargé de liaison par intérim, dans trois affaires seulement les investigations menées par les équipes d’observation déployées sur le terrain ont abouti à des poursuites et des sanctions à l’égard de personnalités officielles locales. A cela s’ajoute que, dans toutes les affaires mettant en cause les forces armées ou des fonctionnaires de police, les allégations ont soit été déclarées sans fondement, suite à des enquêtes internes, soit classées sans suite;

-  il ressort du rapport soumis par le chargé de liaison par intérim à la Commission de la Conférence en juin 2005 (C.APP/D.6/D.III, paragr. 12 et 14), de même que de l’intervention du représentant gouvernemental devant cette même commission, que le gouvernement a commencé à exercer systématiquement des poursuites contre les victimes de travail forcé qui déposent ce que le gouvernement présente comme des «plaintes infondées» et que, face à cette situation, le BIT a donné instruction au chargé de liaison par intérim de suspendre temporairement le traitement de toute nouvelle allégation de travail forcé;

-  le 1er mars 2005, le bureau du commandant en chef des armées a mis en place un «centre de coordination», sous la direction d’un «vice-adjudant général» assisté de sept officiers d’état-major de grade 1, centre de coordination que le gouvernement a présenté au chargé de liaison par intérim comme étant destiné «à faciliter la coopération avec l’OIT pour les affaires [de travail forcé] concernant l’armée» (document GB.292/7/2(Add.), paragr. 3). En avril 2005, deux des interventions du chargé de liaison par intérim, qui concernaient des allégations de recrutement forcé de personnes mineures dans l’armée, ont été adressées à ce nouveau centre de coordination (C.APP/D.6/D.III, paragr. 11). La commission note également que le gouvernement indique dans son rapport que le centre de coordination de l’armée a enquêté, à ce jour, sur trois des cinq cas de présomption de recrutement forcé, à la suite de quoi il a classé l’une des affaires sans suite et, dans les deux autres, «deux personnes ont été restituées à la garde de leurs parents», sans qu’aucune poursuite n’ait manifestement été exercée à l’égard des responsables. Le gouvernement indique qu’une enquête a été ouverte au sujet des deux autres cas de recrutement forcé et que le seul cas présumé de travail forcé imposé par l’armée fait actuellement l’objet d’une enquête interne, dont les résultats doivent être communiqués au chargé de liaison par intérim;

-  le gouvernement déclare dans son dernier rapport que, parmi les 50 (cinquante) plaintes pour travail forcé ou recrutement forcé déposées en 2004, 23 mettaient en cause les forces armées et, dans deux des quinze cas de recrutement forcé par l’armée, «des dispositions … ont été prises à l’encontre de ceux qui avaient pratiqué un recrutement contraire à la législation et au règlement en vigueur»;

-  certains éléments contenus dans le rapport du gouvernement et les tableaux qui y sont joints (annexes E et G) tendent à démontrer que «des mesures ont été prises» à l’encontre d’officiers et d’autres membres de l’armée dans 17 affaires de recrutement forcé en 2002 et dans cinq affaires de travail forcé en 2003.

26. Compte tenu de ce qui précède, la commission est extrêmement préoccupée de constater que les évaluations faites par les équipes d’observation sur le terrain et le Comité d’application de la convention no 29, de même que celles faites jusqu’à présent par le Centre de coordination des armées, semblent visiblement manquer d’indépendance et de crédibilité. La commission note avec préoccupation que, d’après le rapport soumis pour discussion au Conseil d’administration à sa 294e session, en novembre 2005 (document GB.294/6/2), les événements récents «ont gravement compromis la faculté du chargé de liaison par intérim de s’acquitter de ses fonctions» (paragr. 7) et, bien qu’il continue de recevoir des plaintes de la part des victimes ou de leurs représentants, dénonçant la persistance du travail forcé ou du recrutement forcé, le chargé de liaison se trouve dans l’impossibilité de soumettre ces cas aux autorités compétentes pour examen comme il le faisait par le passé parce que le -gouvernement a désormais pour politique d’exercer des poursuites contre toute personne qui dépose ce que les autorités qualifient de «plainte infondée» pour travail forcé (paragr. 8).

27. La commission se rallie pleinement au point de vue exprimé par le Conseil d’administration, selon lequel il est impératif que le gouvernement cesse de poursuivre les personnes qui portent plainte pour avoir été victime de travail forcé et qu’il s’emploie plutôt à prendre des mesures plus énergiques afin que ce soit les auteurs de ces pratiques qui soient poursuivis. Cela suppose que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour mettre en place des procédures crédibles, équitables et plus efficaces d’investigation des allégations de travail forcé, en particulier celles qui mettent en cause l’armée. A cet égard, la commission prie également le gouvernement de coopérer plus étroitement avec le chargé de liaison par intérim et le Bureau. Elle réaffirme l’importance qu’il y a d’instituer un mécanisme, comme celui du Facilitateur, en tant qu’organe crédible pour traiter des plaintes, protéger les victimes et imposer des sanctions à l’égard de ceux qui ont imposé du travail forcé.

IV.  Remarques finales

28. Outre la communication de la CISL datée du 31 août 2005, à laquelle elle s’est référée plus haut, la commission prend note de l’appréciation générale du chargé de liaison par intérim sur la situation concernant le travail forcé, appréciation selon laquelle «se fondant sur les informations dont il dispose, le chargé de liaison estime que, malgré certaines améliorations constatées depuis que la commission d’enquête a eu lieu, … le travail forcé … reste largement répandu dans tout le pays, particulièrement dans les zones frontalières ou l’armée est fortement présente» (document GB.292/7/2, paragr. 8).

29. La commission prend également note des conclusions concernant le Myanmar adoptées par le Conseil d’administration à sa 294e session, en novembre 2005. Dans ses conclusions, le Conseil d’administration déclare que le sentiment général qui prévaut est celui d’une grave préoccupation devant la dégradation de la situation. Les membres du Conseil d’administration ont exprimé en particulier leur inquiétude et leurs critiques suite aux menaces dont le chargé de liaison par intérim et le Facilitateur informel ont fait l’objet et qui ont eu pour effet de paralyser son action et l’empêcher de s’acquitter de ses fonctions. Plusieurs membres du Conseil d’administration ont estimé que le seul moyen qui reste à l’Organisation, compte tenu des nouveaux développements extrêmement inquiétants, est de charger la Conférence elle-même de revoir les mesures qu’elle a adoptées dans sa résolution de 2000 sur la base de l’article 33 de la Constitution, en inscrivant spécifiquement un point à cette fin à l’ordre du jour de la Conférence de 2006 en vue de revoir ces mesures et, le cas échéant, les renforcer. Toutefois, compte tenu de la volonté exprimée par le représentant du gouvernement de coopérer, et du fait que toute initiative visant à faire adopter des mesures par la Conférence devra en tout état de cause être confirmée à sa prochaine session, le Conseil d’administration a demandé entre autres choses que les instances gouvernementales du Myanmar à leurs différents niveaux, y compris au niveau le plus élevé, mettent à profit le temps qui reste jusqu’en mars 2006 pour rétablir un dialogue effectif avec le Bureau international du Travail.

30. La commission se rallie pleinement au point de vue exprimé par le Conseil d’administration et veut croire que, en déférant aux demandes d’ordre pratique très explicites qu’elle lui adresse, le gouvernement démontrera son engagement sincère en faveur d’une solution - qui existe indéniablement - à ce problème particulièrement ancien de travail forcé.

[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 95e session.]

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