ILO-en-strap
NORMLEX
Information System on International Labour Standards
NORMLEX Page d'accueil > Profils par pays >  > Commentaires

Observation (CEACR) - adoptée 2004, publiée 93ème session CIT (2005)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Colombie (Ratification: 1976)

Afficher en : Anglais - EspagnolTout voir

La commission prend note du rapport du gouvernement. Elle prend également note des discussions ayant eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence en 2004. Elle prend note, de même, des rapports du Comité de la liberté syndicale relatifs à plusieurs cas en instance concernant la Colombie, rapports adoptés aux sessions de mars, juin et novembre 2004 de ce comité.

La commission prend note également des commentaires relatifs à l’application de la convention présentés par la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), la Confédération générale des travailleurs démocrates (CGTD) et la Confédération des travailleurs de Colombie (CTC) dans une communication du 1er juin 2004, ainsi que des commentaires présentés par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) dans une communication du 23 juillet 2004.

En premier lieu, la commission observe que les organisations en question se réfèrent à de nombreux actes de violence commis contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes (la CISL signale 20 assassinats de dirigeants syndicaux ou de syndicalistes entre janvier et avril 2004, des menaces de mort contre des dirigeants des organisations syndicales ANTHOC, ASEDAR, SINTRAMUNICIPIO, SINALTRAINAL - sections de Barranquilla, Palmir et Cali - SINTRAEMCALI et SINRAMINERCOL, la mise sous séquestre du local de l’Association paysanne d’Arauca, l’attentat par armes à feu contre la vie d’un dirigeant de l’organisation syndicale SINTRAMETAL, section de Yumbo, et la séquestration du vice-président de l’Association des employeurs départementaux ADEA. Les centrales syndicales CUT, CGTD et CTC, de même que la CISL, dénoncent l’impunité dont jouissent les auteurs des actes de violence commis contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, impunité qu’elles situent à 95 pour cent, de même que les diverses formes de répression auxquelles la contestation sociale est soumise.)

La commission note que le gouvernement a envoyé des informations se rapportant au cas no 1787 actuellement en instance devant le Comité de la liberté syndicale, informations qui se rapportent aux assassinats commis sur la personne de syndicalistes et de dirigeants syndicaux, à raison, probablement, de leurs activités syndicales. Le gouvernement affirme également que certains d’entre eux n’ont pas été assassinés à raison de leurs activités syndicales. Il ajoute que des accords régionaux ont été conclus (Valle del Cauca, Valledupar, Bucaramanga, Arauca, Barrancabermeja, Barranquilla, Medellín et Risaralda) sur des questions de prévention, de protection et de garantie de la liberté syndicale et de lutte contre l’impunité, et que des mesures de protection ont été prises (en l’espèce de billets d’avion pour sortir de la zone à risque) en faveur des dirigeants et aussi en faisant blinder les locaux d’organisations syndicales d’ANTHOC, SINALTRAINAL et SINTRAMINERCOL.

La commission prend note avec une profonde préoccupation de la persistance du climat de violence dans le pays qui ressort des conclusions du Comité de la liberté syndicale de novembre 2004 sur le cas no 1787 et de celles de la Commission de l’application des normes, qui mentionnent les nombreux assassinats et autres actes de violence. Comme souligné dans les conclusions de la Commission de l’application des normes, la commission rappelle que les organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent exercer librement et de manière significative leurs activités que dans un climat exempt de violence. Elle exhorte une fois de plus le gouvernement à garantir le droit à la vie et à la sécurité et à renforcer de toute urgence les institutions qui doivent l’être pour mettre un terme à la situation actuelle d’impunité, qui constitue un obstacle majeur à l’exercice des droits garantis par la convention. Elle constate, d’une manière plus générale, qu’il règne dans le pays un climat peu favorable à l’exercice et au développement des activités syndicales.

La commission rappelle que certaines dispositions législatives font, depuis de nombreuses années, l’objet de commentaires de sa part qui portent concrètement sur:

-           L’interdiction pour les fédérations et confédérations d’appeler à la grève (art. 417 i) du Code du travail).

La commission note que le gouvernement déclare: 1) que la législation a évolué depuis quelque temps dans le sens de nombreuses autres législations qui favorisent un renforcement du syndicalisme dans les entreprises et que cette évolution résulte de la conviction qu’il faut aller dans le sens des propositions de renforcement du mouvement syndical et de la négociation collective et qu’une telle évolution n’est pas contraire à la convention; 2) que le législateur a tenu à ce que cette protection spéciale et ce renforcement du mouvement syndical de base ne fasse pas obstacle à la promotion du syndicalisme au niveau des fédérations et confédérations, à preuve que la loi investit ces fédérations et confédérations des mêmes attributions que les organisations syndicales d’entreprises; et 3) que cette réalité, qui ne connaît d’exception qu’en ce qui concerne la déclaration de grève, se traduit par des organisations fédérales et confédérales fortes et suffisamment représentatives des droits des travailleurs. A ce sujet, la commission estime que les organisations de niveau supérieur devraient pouvoir recourir à la grève en cas de désaccord avec la politique économique et sociale du gouvernement. C’est pourquoi elle demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier dans ce sens l’article 417 i) du Code du travail.

-           L’interdiction de la grève dans des services qui ne sont pas des services essentiels au sens strict du terme, mais aussi dans de très nombreux services publics qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme (art. 450, paragr. 1 a), du Code du travail et décrets nos 414 et 437 de 1952; 1543 de 1955; 1593 de 1959; 1167 de 1963; 57 et 534 de 1967) et la possibilité de licencier des dirigeants syndicaux étant intervenus dans une grève illégale ou y ayant participé (art. 450, paragr. 2, du Code du travail), y compris lorsque la grève est déclarée illégale sur la base de règles qui sont contraires aux principes de la liberté syndicale.

A ce sujet, la commission note que le gouvernement déclare: 1) qu’en Colombie, les services publics se conçoivent comme des services que l’Etat assure directement ou par l’entremise de particuliers pour répondre aux besoins de la population qui sont implicitement des besoins d’intérêt général; 2) que le législateur, se fondant sur le critère d’intérêt général, a désigné dans le Code du travail certaines activités qui, dans la réalité colombienne, recèlent cet intérêt général; 3) qu’aucune des conventions relatives à la liberté syndicale et la négociation collective ne fait expressément mention du droit de grève ni encore moins du concept de services essentiels; et 4) que la Constitution politique de 1991 a voulu intégrer le concept de services essentiels au sens où l’entend l’OIT en le fondant dans la tradition juridique colombienne, si bien que l’article 53 parle de services publics essentiels avec pour objet d’interdire la grève dans ces services; selon le gouvernement, il s’agit là d’un concept dont il ne peut être fait abstraction des origines, lesquelles dépassent largement le champ des relations du travail.

A cet égard, la commission rappelle que, comme elle le souligne dans son étude d’ensemble de 1994, «dans le cadre de l’article 3, paragraphe 1, de la convention no 87, le droit d’organiser les activités et de formuler les programmes d’action est reconnu aux organisations de travailleurs et d’employeurs. Selon la commission, la grève fait partie de ces activités découlant de l’article 3; il s’agit d’un droit collectif exercé, en ce qui concerne les travailleurs, par un regroupement de personnes qui décident de ne pas travailler pour faire aboutir leurs revendications. Le droit de grève est donc considéré comme une activité des organisations de travailleurs au sens de l’article 3» (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 149). De plus, «à la lumière des considérations qui précèdent, la commission confirme sa position de principe selon laquelle le droit de grève est un corollaire indissociable du droit d’association syndicale protégé par la convention no 87» (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 151). S’agissant des services considérés comme essentiels, dans lesquels la grève peut être limitée ou interdite, la commission a souligné que «le principe selon lequel le droit de grève peut être limité, voire interdit, dans les services essentiels perdrait tout son sens si la législation nationale définissait ces services de façon trop extensive. S’agissant d’une exception au principe général du droit de grève, les services essentiels qui permettent une dérogation totale ou partielle à ce principe devraient être définis restrictivement: la commission estime dès lors que seuls peuvent être considérés essentiels les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne» (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 159). Sur ces considérants, la commission prie le gouvernement de faire en sorte que les dispositions législatives critiquées soient modifiées et de rendre compte dans son prochain rapport de ce qui aura été fait dans ce sens.

-           Le pouvoir du ministre du Travail de soumettre un conflit à l’arbitrage lorsque la grève excède une certaine durée (art. 448, paragr. 4, du Code du travail).

A ce sujet, la commission note que le gouvernement confirme que la législation permet au ministre de prendre une telle mesure mais qu’il convient de tenir compte des éléments suivants: 1) dans la pratique, il s’agit d’une règle dont on peut affirmer qu’elle a été peu appliquée dans l’histoire des relations du travail du pays; 2) la disposition législative pertinente ne fait pas de cela une obligation mais une faculté pour le ministre du Travail et, dans le cas où celui-ci applique cet article, il est possible de faire appel de cette décision devant la justice; 3) la possibilité pour le ministre de soumettre le différend à un arbitrage ne signifie pas que l’on prive les travailleurs du droit de recourir au tribunal d’arbitrage. La commission estime que l’arbitrage obligatoire pour mettre un terme à une grève n’est acceptable que lorsque les deux parties concernées l’ont demandé ou dans les cas où la grève peut être limitée ou interdite, à savoir dans le cas d’un conflit dans la fonction publique qui impliquerait des fonctionnaires exerçant une autorité au nom de l’Etat ou dans des services essentiels au sens strict du terme, à savoir ceux dont l’interruption mettrait en péril pour tout ou partie de la population la vie ou la sécurité de la personne. En conséquence, et compte tenu du fait que le gouvernement dit que ce pouvoir est peu utilisé dans la pratique, la commission prie le gouvernement de faire en sorte que cette disposition soit supprimée du Code du travail et elle le prie d’indiquer dans son prochain rapport ce qui aura été fait dans ce sens.

Enfin, la commission rappelle avoir pris note, dans son observation précédente, de ce que la Confédération mondiale du travail (CMT) avait envoyé des commentaires sur l’application de la convention, commentaires dans lesquels étaient abordées les questions législatives traitées par la commission ainsi que la situation de violence dans le pays, qui a pour effet de rendre l’exercice de la liberté syndicale particulièrement risqué. A ce propos, la commission renvoie aux commentaires pertinents de la présente observation. Par ailleurs, elle note que la CMT critique les faits suivants: 1) le fonctionnaire chargé de l’enregistrement des syndicats a compétence pour formuler des observations et faire obstacle à cette inscription; et 2) les employeurs peuvent s’opposer à l’inscription d’une organisation syndicale ou contester le résultat d’élections d’instances dirigeantes. S’agissant de l’enregistrement des syndicats, la commission note que, nonobstant le pouvoir de faire obstacle à l’enregistrement, le gouvernement déclare que la création d’organisations syndicales ne se heurte à aucune difficulté et que l’inscription d’une organisation syndicale est une formalité administrative, laquelle est susceptible d’appel devant les tribunaux. La commission rappelle que des problèmes de compatibilité avec la convention se posent également lorsque la procédure d’enregistrement est longue et compliquée, ou lorsque l’application de règles d’enregistrement est détournée de son objectif et que les autorités administratives compétentes en matière d’enregistrement font un usage excessif de leur marge d’appréciation (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 75). La commission prie donc le gouvernement de fournir de plus amples informations sur l’application de la procédure d’enregistrement dans la pratique et, en particulier, sur le nombre de cas où l’enregistrement a été refusé, les raisons de tels refus, si ces refus ont fait l’objet d’un appel, et le résultat de ces appels. Elle demande également au gouvernement de faire parvenir avec son prochain rapport sa réponse au reste des commentaires de la CMT.

© Copyright and permissions 1996-2024 International Labour Organization (ILO) | Privacy policy | Disclaimer