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Observation (CEACR) - adoptée 2004, publiée 93ème session CIT (2005)

Convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999 - Niger (Ratification: 2000)

Autre commentaire sur C182

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La commission prend note du premier rapport du gouvernement. Elle prend également note d’une observation adressée par la CISL le 23 septembre 2003, qui a été transmise au gouvernement le 17 octobre 2003.

Se référant à ses commentaires formulés sous la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930, ainsi qu’à l’article 3 a) et d) de la convention (nº 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, lesquels disposent que l’expression les pires formes de travail des enfants incluent toutes les formes d’esclavage ou pratiques analogues, telles que la vente et la traite des enfants, ainsi que le travail forcé ou obligatoire, ainsi que les travaux qui, par leur nature ou les conditions dans lesquels ils s’exercent, sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité de l’enfant, la commission considère que les problèmes du travail forcé, de la vente et de la traite des enfants à des fins d’exploitation sexuelle ou économique, et du travail dans les mines, peuvent être examinés plus spécifiquement dans le cadre de la convention no 182. Elle prie en conséquence le gouvernement de bien vouloir fournir des informations sur les points suivants.

Article 3 de la convention. Pires formes de travail des enfants. Alinéa a)Toutes les formes d’esclavage ou de pratiques analogues. 1. Vente et traite d’enfants. La CISL affirme dans ses observations qu’il existe un phénomène de traite interne de jeunes filles pour du travail domestique, et qu’il existe également de la traite des garçons à des fins d’exploitation économique, et des filles à des fins d’exploitation sexuelle.

La commission note que l’article 255 du Code pénal punit quiconque aura, par fraude ou violence, enlevé ou fait enlever des mineurs de moins de 18 ans, ou les aura entraînés, détournés ou déplacés, ou les aura fait entraîner, détourner ou déplacer des lieux où ils étaient mis par ceux à l’autorité ou à la direction desquelles ils étaient soumis ou confiés. L’article 257 du même Code alourdit la peine si l’enlèvement du mineur a été suivi de mort. L’article 258 punit quiconque, sans fraude ni violence, aura enlevé ou détourné, ou tenté d’enlever ou de détourner, un mineur de moins de 18 ans. La commission rappelle au gouvernement que, aux termes de l’article 3 a) de la convention, la vente et la traite des enfants, tant à des fins d’exploitation économique qu’à des fins d’exploitation sexuelle, notamment de prostitution, sont considérées comme l’une des pires formes de travail des enfants, et qu’en vertu de l’article 1 de la convention tout Membre qui la ratifie doit prendre des mesures immédiates et efficaces pour assurer l’interdiction et l’élimination des pires formes de travail des enfants, et ce de toute urgence. Elle prie le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises ou envisagées visant l’interdiction et l’élimination de cette pire forme de travail des enfants.

2. Travail forcé ou obligatoire. Mendicité. La CISL affirme dans sa communication de septembre 2003 que des enfants sont forcés de mendier en Afrique occidentale, notamment au Niger. Elle indique que de nombreuses familles confient leurs enfants, pour des raisons économiques et religieuses, dès l’âge de cinq ou six ans, à un guide spirituel (marabout) avec qui ils vivent jusqu’à l’âge de 15 ou 16 ans. Durant cette période, le guide spirituel a un contrôle total sur les enfants. Il se charge de leur enseigner la religion et en retour les oblige à effectuer diverses tâches, dont celle de mendier. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que dans ses observations finales concernant le Niger de juin 2002 (CRC/C/15/Add.179, paragr. 66 et 67), le Comité des droits de l’enfant s’était montré préoccupé du nombre d’enfants qui mendient dans la rue, en particulier de leur vulnérabilitéà toutes formes d’exploitation.

La commission note que l’article 4 du Code travail dispose que le travail forcé ou obligatoire est interdit de façon absolue. Cette disposition définit le travail forcé ou obligatoire comme tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel l’individu ne s’est pas offert de son plein gré. La commission note cependant que le Code du travail, en vertu de ses articles 1 et 2, s’applique seulement aux relations entre employeurs et travailleurs. Elle note en outre que l’article 179 du Code pénal punit la mendicité, et que l’article 181 du même Code punit les parents de mineurs de moins de 18 ans se livrant habituellement à la mendicité, et tous ceux qui les auront invités à mendier ou qui en tirent sciemment profit. La commission avait prié le gouvernement de prendre toutes les mesures afin d’élargir l’interdiction du travail forcéà toutes les relations de travail. La commission note qu’à la Conférence internationale du Travail de juin 2004 (CIT, Compte rendu provisoire 24, partie 2/10), la représentante du gouvernement a affirmé que cette question préoccupe son gouvernement au plus haut point. La Commission de la Conférence a indiqué qu’elle partage la préoccupation de la commission d’experts aussi exprimée par le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies devant la situation de vulnérabilité des enfants qui mendient dans les rues. La Commission de la Conférence a pris note de la volonté exprimée par le gouvernement du Niger de poursuivre ses efforts pour éradiquer cette pratique avec l’assistance technique du BIT et, compte tenu de la gravité de ce problème, elle a prié le gouvernement d’accorder une attention toute particulière à l’adoption de mesures de protection des enfants contre le travail forcé dont sont victimes les enfants mendiants. La commission prie en conséquence le gouvernement d’indiquer les mesures prises ou envisagées à cet effet. Elle prie également le gouvernement d’indiquer l’application des articles 179 et 181 du Code pénal dans la pratique.

Alinéa d). Travaux dangereux. Mines et carrières. La CISL indique dans sa communication que le travail dans les mines est interdit aux enfants de moins de 18 ans, et qu’une étude, effectuée en 1999 par le BIT sur le travail des enfants dans les petites exploitations minières, a couvert quatre types d’exploitations minières artisanales (exploitation du natron dans la région du Boboye; du sel de Tounouga; du gypse de Madaoua; et de l’or du Liptako-Gourma). La CISL indique que cette étude a montré que le travail des enfants est répandu au Niger, principalement dans l’économie informelle, et que le travail dans les petites exploitations minières est l’activité du secteur informel la plus dangereuse. Selon les estimations du BIT, les petites mines emploient 147 380 travailleurs, dont 70 000 enfants (47,5 pour cent), et les petites mines et carrières emploient 442 000 travailleurs, dont 250 000 enfants (57 pour cent). La CISL affirme que cette étude montre que, dans toutes ces exploitations, les conditions de travail des enfants sont très difficiles et que, dès l’âge de 8 ans, les enfants effectuent des tâches physiquement dangereuses telles que l’extraction, le plus souvent tous les jours de la semaine, pour une durée journalière de dix heures environ. Ce travail comporte des risques importants d’accidents et de maladies, qui portent gravement atteinte à la santé des enfants. L’étude fait état de l’absence de techniques de sécurité sur les sites observés ainsi que d’infrastructures sanitaires à proximité. Dans l’exploitation du sel de Tounouga, 1 620 enfants de moins de 18 ans sont employés, et l’extraction du sel est effectuée presque exclusivement par les enfants. Cela leur provoque souvent des blessures avec leurs outils par manque d’expérience. Dans les mines d’or, les enfants effectuent également du travail souterrain dangereux. La CISL précise que les enfants sont souvent forcés par leurs parents à travailler.

Dans ses commentaires précédents, la commission avait prié le gouvernement de communiquer des informations sur les conditions de travail de ces enfants, ainsi que sur toute mesure prise ou envisagée pour les protéger contre cette pire forme de travail des enfants. Le rapport du gouvernement ne contient aucune information à ce sujet. La commission note que l’article 152 du décret n° 67-126/MFP/T du 7 septembre 1967 dispose notamment qu’il est interdit d’employer des enfants aux travaux souterrains dans les mines. Elle note qu’à la Conférence internationale du Travail de juin 2004 le gouvernement a indiqué (CIT, Compte rendu provisoire 24, partie 2/11) que le fond du problème est d’ordre économique, son indice de développement classant le Niger à l’avant-dernier rang dans le monde. La Commission de la Conférence a toutefois regretté que le gouvernement n’ait fourni aucune information à la commission d’experts sur le travail des enfants dans les exploitations minières, et a prié le gouvernement d’accorder une attention toute particulière à l’adoption de mesures de protection des enfants contre le travail dangereux des enfants dans les mines.

La commission rappelle au gouvernement qu’aux termes de l’article 3 d) de la convention les travaux qui, par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils s’exercent, sont susceptibles de nuire à la santé, la sécurité ou à la moralité de l’enfant sont considérés comme l’une des pires formes de travail des enfants, et doivent être interdits à toute personne de moins de 18 ans. Bien que la législation soit conforme à la convention sur ce point, le travail des enfants dans les mines est un problème dans la pratique. La commission prie en conséquence le gouvernement de redoubler d’efforts afin d’assurer l’application effective de la législation sur la protection des enfants contre le travail souterrain dans les mines. Elle prie également le gouvernement de communiquer des informations sur l’application des sanctions dans la pratique, en communiquant entre autres des rapports concernant le nombre de condamnations.

Article 6. Programmes d’action. La commission note l’existence de plusieurs programmes d’action, comportant le retrait des enfants des pires formes de travail menées en collaboration avec le BIT/IPEC. Elle note en particulier le programme visant au retrait des enfants orpailleurs des mines du Niger et l’amélioration des conditions de travail, dont la mise en œuvre a été confiée à l’ONG Organisation pour la prévention du travail des enfants au NIGER, OPTEN-Niger. L’objectif est le retrait de 90 enfants dont 35 pour cent de filles des travaux pénibles et dangereux d’orpaillage et leur reconversion dans des activités moins dangereuses, génératrices de revenus. Elle note également le programme pour la contribution à l’éradication des travaux pénibles des enfants des villages insulaires de la commune Urbaine de Tillabéri, visant à soustraire des travaux pénibles 500 enfants dont 50 pour cent de filles, et leur réinsertion dans le système scolaire ou dans les centres de formation professionnelle. La commission note que le nombre de bénéficiaires directs du programme d’action est de 702 enfants soit 420 garçons et 282 filles, le nombre de bénéficiaires indirects du programme d’action est de 1 581 enfants. En outre, le nombre d’enfants ayant bénéficié de l’amélioration du système scolaire s’élève à 792 soit 488 garçons et 304 filles.

La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur la mise en œuvre de ces programmes d’action, ainsi que sur leur impact pour protéger et retirer les enfants victimes du travail forcé, de la vente et de la traite, ainsi que du travail souterrain dans les mines.

Article 7, paragraphe 1. Sanctions. La commission note que l’article 181 du Code pénal dispose que les parents de mineurs de moins de 18 ans se livrant habituellement à la mendicité, tous ceux qui les auront invités à mendier ou qui en tirent sciemment profit, seront punis d’un emprisonnement de six mois à un an.

La commission note également que l’article 255 du Code pénal punit l’enlèvement, le détournement ou le déplacement de mineurs de moins de 18 ans, par fraude ou violence, d’un emprisonnement de deux à moins de dix ans, et punit la tentative comme le crime lui-même. L’article 257 du Code pénal dispose que l’enlèvement emportera la peine de mort s’il a été suivi de la mort du mineur. L’article 258 du même Code punit l’enlèvement ou le détournement, ou la tentative d’enlèvement ou de détournement d’un mineur de moins de 18 ans, sans fraude ni violence, d’un emprisonnement de un à cinq ans, et d’une amende de 10 000 à 100 000 francs ou de l’une de ces deux peines seulement.

La commission note également que l’article 327 du Code du travail punit d’une amende de 5 000 à 50 000 francs et, en cas de récidive, d’une amende de 50 000 à 100 000 francs les auteurs d’infractions aux dispositions des décrets prévus notamment par l’article 99, c’est-à-dire le décret fixant la nature des travaux et les catégories d’entreprises interdits aux mineurs de moins de 18 ans. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur l’application de ces sanctions dans la pratique.

Article 7, paragraphe 2. Mesures efficaces prises dans un délai déterminé. Alinéa a). Empêcher que des enfants ne soient engagés dans les pires formes de travail des enfants. La CISL indique dans sa communication que l’éducation a une durée obligatoire de six ans, mais elle affirme cependant que seulement 32 pour cent des enfants d’âge d’enseignement primaire fréquentent l’école. Elle affirme que la plupart des filles sont gardées à la maison pour travailler et sont mariées très jeunes. Le taux d’alphabétisme est de 7 pour cent pour les filles, et de 21 pour cent pour les garçons. La CISL communique un tableau montrant que seulement 30,3 pour cent d’enfants entre 5 et 12 ans fréquentent l’école. La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle l’éducation de base est gratuite au Niger, et qu’il existe des centres de formation professionnelle dans le pays. Elle note également l’information transmise par le gouvernement selon laquelle depuis quelques années, il se focalise sur la scolarisation de la jeune fille, et que plusieurs actions sont menées en faveur de cette catégorie de la population.

La commission note que l’article 11 de la Constitution reconnaît l’éducation comme un droit fondamental. Elle note également que, selon les informations communiquées par le gouvernement dans le rapport soumis au Comité des droits de l’enfant (CRC/C/3/Add.29/Rev.1, paragr. 273), la loi n° 98-12 du 1er juin 1998 portant orientation du système éducatif nigérien, consacre le droit de l’enfant à l’éducation et l’obligation de l’Etat de rendre l’enseignement primaire obligatoire et gratuit. Le gouvernement indique qu’aux termes de l’article 2 de ladite loi l’éducation est obligatoire pour tout citoyen nigérien. L’obligation scolaire s’étend de 4 à 16 ans. Le gouvernement précise dans son rapport au Comité des droits de l’enfant que l’enfant (garçon ou fille) ne doit être retiré ou exclu du système éducatif pour quelque motif que ce soit avant l’âge de 16 ans. La commission prie le gouvernement de fournir une copie de ces dispositions.

La commission note que, dans son rapport soumis au Comité des droits de l’enfant (CRC/C/3/Add. 29/Rev.1, paragr. 301), le gouvernement indique que le système éducatif au Niger connaît une crise qui perdure depuis l’accession du pays à l’indépendance et, malgré la multitude de réunions et forums, cette crise persiste, en raison de plusieurs facteurs, en particulier la crise économique, l’insuffisance des infrastructures et du personnel. La commission note l’existence de plusieurs programmes, au plan régional et international. Au niveau régional, un effort d’harmonisation des programmes est effectué entre les pays francophones. Au niveau international, la Banque mondiale, à travers le projet sectoriel de l’enseignement fondamental (PROSEF) a permis de nombreuses réalisations entre 1995 et 1996.

La commission note également un programme de l’Association des chefs traditionnels du Niger (ACTN), et le protocole d’accord avec l’UNICEF, dans le cadre de la scolarisation des filles. La commission note en outre selon l’information soumise au Comité des droits de l’enfant dans les réponses aux questions à aborder avec la considération du rapport initial du Niger (CRC/C/Q/NIG/1), l’adoption et la mise en œuvre du Plan décennal de l’éducation 2002-2012. La commission note toutefois que, le Comité des droits de l’enfant, dans ses observations finales (CRC/C/15/Add.179, paragr. 58), se félicite de l’adoption du plan décennal, ainsi que des efforts entrepris par le Niger pour améliorer la scolarisation des filles, mais demeure préoccupé par le faible taux de solarisation et l’importance de l’analphabétisme, les disparités entre les sexes et les régions en ce qui concerne la scolarisation, les taux élevés d’abandon scolaire, le nombre insuffisant d’enseignants qualifiés. La commission prie le gouvernement d’indiquer, conformément à l’article 7, paragraphe 2 a), de la convention les mesures efficaces prises dans un délai déterminé pour assurer, en pratique, l’accès à l’éducation de base gratuite des filles et des garçons des régions urbaines, rurales ou particulièrement défavorisées, dans des conditions d’égalité pour tous.

En outre, la commission soulève d’autres points dans une demande directe adressée directement au gouvernement.

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