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Observation (CEACR) - adoptée 2003, publiée 92ème session CIT (2004)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Egypte (Ratification: 1957)

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La commission prend note du rapport du gouvernement. A cet égard, elle prend note en particulier du: 1) nouveau Code du travail no 12 de 2003, et de 2) la réponse du gouvernement à propos de ses commentaires précédents, réponse qui a été rédigée en collaboration avec un comité tripartite.

Tout d’abord, la commission rappelle que les divergences entre la convention et la législation nationale - la loi no 35 de 1976 sur les syndicats, telle que modifiée par la loi no 12 de 1995, et l’ancien Code du travail, tel que modifié par la loi no 137 de 1981 - portent sur les points suivants:

-  l’institutionnalisation d’un système d’unicité syndicale, en vertu de la loi no 35 (telle que modifiée par la loi no 12), en particulier les articles 7, 13, 14, 17 et 52;

-  la législation qui prévoit que les organisations syndicales faîtières, en particulier la Confédération des syndicats, exercent un contrôle sur la procédure de nomination et d’élection aux comités directeurs des organisations syndicales (art. 41, 42 et 43 de la loi no 35 (telle que modifiée par la loi no 12));

-  le contrôle de la Confédération des syndicats sur la gestion financière des syndicats (art. 62 et 65 de la même loi);

-  la déchéance du comité exécutif d’un syndicat qui provoquerait des arrêts de travail ou l’absentéisme dans un service public ou dans des services collectifs (art. 70 (2)(b) de la loi susmentionnée);

-  l’accord préalable de la Confédération des syndicats pour l’organisation d’une grève (art. 14(i) de la même loi);

-  un arbitrage obligatoire à la demande de l’une des parties dans les services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme (art. 93 à 106 de l’ancien Code du travail (tel que modifié par la loi no 137)).

Articles 2, 5 et 6 de la convention. Dans ses commentaires précédents, la commission avait de nouveau demandé au gouvernement de veiller à ce que la loi no 35 soit modifiée pour que tous les travailleurs qui le souhaitent aient le droit de constituer des organisations professionnelles en dehors de la structure syndicale existante. Le gouvernement réaffirme que, au fil des années, le mouvement égyptien du travail a cherchéà protéger les syndicats contre la fragmentation, qui l’avait affaibli dans le passé, tout en préservant leur indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics et des partis politiques. La commission prend dûment note de cette information mais rappelle que la loi no 35, en particulier ses articles 7, 13, 14, 17 et 52, ne sont pas conformes à l’article 2 de la convention, étant donné que l’unicité syndicale imposée directement ou indirectement par la loi est en contradiction avec les normes expresses de la convention (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 91). Dans son rapport de 2002, le gouvernement a fait état de l’institution d’une commission tripartite chargée de réviser la loi no 35 en tenant compte des observations formulées ces dernières années par la commission. La commission demande au gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport si cette commission a étéétablie et, d’une façon plus générale, de la tenir informée des mesures prises ou envisagées pour modifier la loi no 35 afin que les travailleurs jouissent du droit de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’y affilier, conformément à l’article 2.

Article 3. La commission rappelle que, dans son commentaire précédent, elle avait noté que l’article 41 de la loi no 35 prévoit que la date et la procédure concernant la nomination et l’élection aux comités directeurs des organisations syndicales doivent être déterminées par une décision du ministre compétent, avec l’approbation de la Confédération générale des syndicats. L’article 42 prescrit la manière de pourvoir les postes vacants et permet aussi à la Confédération générale de déterminer les conditions et les modalités d’une éventuelle dissolution des comités directeurs en cas de réduction du nombre des affiliés.  L’article 43 prévoit que si, pour quelque motif que ce soit, le nombre des membres des comités directeurs diminue au point de représenter moins de la moitié du nombre total, le comité directeur doit être dissout et que l’organe exécutif de l’organisation syndicale faîtière en assumera momentanément les fonctions. Dans son rapport, le gouvernement indique qu’il revient au syndicat de décider de l’organisation des élections. Le ministre de la Main-d’œuvre et des Migrations a un simple rôle d’organisation et de procédure. Il prévoit un mécanisme officiel pour garantir que l’entreprise satisfera à son obligation d’organiser les élections et que les élections se tiendront dans les conditions requises d’impartialité et de neutralité. Dans ces conditions, la commission rappelle que les procédures de désignation et d’élection aux comités directeurs syndicaux devraient être fixées par le règlement de l’organisation intéressée, sans ingérence des pouvoirs publics, ou par l’organisation syndicale centrale unique désignée par la loi. A propos de la remarque du gouvernement selon laquelle les élections devraient se tenir en toute impartialité et neutralité, la commission souligne que des dispositions législatives peuvent obliger, d’une façon compatible avec la convention, les organisations à préciser dans leurs statuts et règlements la procédure de désignation de leurs organes exécutifs, et des règles garantissant la bonne tenue des élections. Si, toutefois, un contrôle est jugé nécessaire, il devrait être effectué par une autorité judiciaire (voir étude d’ensemble, op. cit, paragr. 114 et 115). Enfin, la commission souligne que toute destitution ou suspension des dirigeants syndicaux qui ne résulte pas d’une décision interne du syndicat, d’un vote des adhérents ou d’une procédure judiciaire régulière constitue une grave ingérence dans l’exercice des fonctions syndicales pour lesquelles les dirigeants ont été librement élus par les membres de leur syndicat. Les dispositions législatives permettant la désignation d’administrateurs provisoires par l’organisation centrale unique sont incompatibles avec la convention. Les mesures de cet ordre devraient n’être possibles que par voie judiciaire (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 122 et 123). La commission exprime donc le ferme espoir que le gouvernement procèdera aux modifications nécessaires pour que toutes les organisations de travailleurs puissent élire librement leurs représentants, conformément à l’article 3 de la convention. La commission demande au gouvernement de la tenir informée des mesures prises ou envisagées à cet égard.

Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que l’article 62 de la loi no 35 prévoit que la Confédération générale des syndicats détermine les règlements financiers des syndicats et impose aux organisations syndicales de base de verser un certain pourcentage de leurs recettes aux organisations de niveau supérieur, et que l’article 65 prévoit que la confédération contrôle tous les aspects des activités financières des syndicats. La commission rappelle que le droit des organisations de travailleurs d’organiser leur gestion en dehors de toute intervention des autorités publiques comprend notamment l’autonomie et l’indépendance financière. La faculté de contrôle donnée en vertu de la loi à l’organisation centrale unique constitue une ingérence dans le libre fonctionnement des organisations de travailleurs, ce qui est contraire à l’article 3. Dans le cas où un contrôle de ce type serait mis en place, il devrait être décidé par l’ensemble des organisations intéressées, conformément à leurs statuts respectifs, et correspondre au libre choix des organisations de base de s’affilier à des organisations faîtières. De plus, les législations qui visent à protéger le droit des membres et à assurer les conditions d’une gestion honnête et efficace peuvent prévoir, d’une manière conforme à la convention, que les statuts syndicaux devront contenir des dispositions sur l’utilisation des fonds, la gestion financière interne, etc. (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 124). La commission demande donc au gouvernement de la tenir informée des mesures prises ou envisagées pour modifier les articles 62 et 65 afin que les organisations de travailleurs aient le droit d’organiser sans ingérence leur gestion, y compris leurs activités financières, conformément à l’article 3.

A propos de l’article 70(2)(b) de la loi no 35, qui autorise le Procureur général à demander à une instance pénale la déchéance du comité exécutif d’un syndicat qui aurait provoqué des arrêts de travail ou l’absentéisme dans un service public, le gouvernement indique que cette disposition s’applique aux entreprises qui assurent des services vitaux dans lesquels une grève pourrait mettre en danger la vie et la sécurité de l’ensemble de la société. La commission rappelle qu’elle a toujours considéré que toute restriction ou limitation du droit de grève devrait se limiter aux fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat ou qui assurent des services essentiels dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 158 et 159). La commission estime que le domaine d’activité des entreprises visé par l’article 70(2)(b) va au-delà de cette définition. Cela étant, elle rappelle que, afin d’éviter des dommages irréversibles ou exagérément disproportionnés par rapport aux intérêts professionnels des parties au différend, ainsi que des dommages causés à des tiers, à savoir les usagers ou les consommateurs qui subissent les effets économiques des conflits collectifs, les autorités pourraient établir un régime de service minimum dans les autres services d’utilité publique plutôt que d’interdire purement et simplement la grève (voir étude d’ensemble op. cit., paragr. 160). La commission demande donc au gouvernement d’indiquer les mesures prises ou envisagées pour modifier l’article 70(2)(b), en tenant compte des principes susmentionnés.

La commission note que l’article 193 du nouveau Code du travail interdit aux travailleurs d’annoncer une grève, ou d’y prendre part, pendant la médiation ou l’arbitrage. La commission note aussi qu’il existe deux sortes de procédures d’arbitrage: 1) l’arbitrage privé auquel les parties peuvent recourir sur la base d’un accord mutuel, sauf en cas de différend dans une entreprise vitale et stratégique (art. 191); et 2) l’arbitrage prévu par la loi qui peut être imposé par l’une des parties (art. 179), conformément à l’article 187, cette procédure débouche sur une sentence qui équivaut à une décision de la Cour d’appel. La commission rappelle que le droit de grève des organisations de travailleurs ne peut être interdit ou restreint - en particulier par un arbitrage obligatoire imposé par l’une des parties - qu’en cas de différend dans des services essentiels au sens strict du terme, à savoir des services dont l’interruption mettrait en danger la vie, la sécurité ou la santé de la personne, dans l’ensemble ou une partie de la population, ou en cas de crise nationale grave. La commission demande donc au gouvernement de modifier l’article 193 du Code du travail, lu conjointement avec les articles 179 et 187, afin de garantir que l’arbitrage obligatoire imposé par l’une des parties ne restreindra le droit des organisations de travailleurs qu’en cas de services essentiels au sens strict du terme ou de crise nationale grave.

La commission note que l’article 194 du nouveau Code du travail interdit la grève dans les établissements vitaux et stratégiques, et que c’est un décret du Premier ministre qui déterminera quels sont ces établissements. Compte tenu des observations qui précèdent sur les restrictions au droit de grève, la commission ne doute pas que, dans ce décret ministériel, le gouvernement se limitera aux établissements qui assurent des services essentiels au sens strict du terme. Elle demande au gouvernement de la tenir informée à cet égard et de lui communiquer copie du décret.

La commission note que, en vertu de l’article 69.9 du nouveau Code du travail, un travailleur peut être licencié pour faute grave s’il a participéà une grève allant à l’encontre de l’article 194. Rappelant que les sanctions visant la participation à une grève ne devraient être possibles que lorsque l’interdiction de la grève est conforme aux principes de la liberté syndicale, la commission espère que, compte tenu des observations formulées à propos de l’article 194, les travailleurs ayant participéà une grève licite ne seront pas sanctionnés. Elle demande au gouvernement de la tenir informée de tout exemple concret d’application de l’article 69.9 en cas d’infraction à l’article 194.

Articles 3 et 10. Au sujet de l’article 14(i) de la loi no 35 en vertu duquel la Confédération des syndicats est habilitée à approuver l’organisation d’une grève par des travailleurs, le gouvernement indique que la confédération, conformément à ses responsabilités, est le syndicat qui regroupe l’ensemble des travailleurs du secteur intéresséà l’échelle nationale, et la partie responsable du fonds de financement des grèves; il est donc naturel qu’elle puisse se prononcer sur l’organisation d’une grève, étant donné toutes les conséquences financières, et sur le plan de la solidarité, que la grève peut avoir pour l’ensemble des travailleurs du secteur. Par ailleurs, si la confédération ne pouvait pas s’exprimer à ce sujet, cela favoriserait les employeurs qui préfèrent traiter avec les travailleurs de l’entreprise et le comité syndical, et limiter la confrontation, plutôt qu’aboutir à une confrontation avec le syndicat général et les travailleurs du secteur intéressé. La commission rappelle que l’obligation prévue par la loi d’obtenir l’approbation de la confédération pour organiser une grève n’est pas conforme à la convention puisqu’elle prive les organisations de base du droit d’organiser leur activité et de formuler leur programme d’action de façon indépendante, y compris du droit de décider d’appeler à la grève. Les conditions requises pour l’exercice du droit de grève devraient être inscrites dans les statuts et règles des organisations intéressées, lesquelles peuvent choisir de subordonner l’appel à la grève à l’approbation de l’organisation centrale à laquelle elles sont affiliées. De nouveau, la commission demande instamment au gouvernement de modifier la législation pour la rendre conforme à l’article 3 de la convention, afin que les organisations de base aient le droit d’organiser leur activité sans que la loi n’impose une autorisation préalable de la confédération. Elle demande au gouvernement de la tenir informée des mesures prises ou envisagées à cet égard.

La commission adresse aussi une demande directe au gouvernement.

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