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Observation (CEACR) - adoptée 2003, publiée 92ème session CIT (2004)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Canada (Ratification: 1972)

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La commission prend note du rapport du gouvernement, des commentaires reçus de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et des conclusions et recommandations du Comité de la liberté syndicale dans divers cas concernant le Canada.

I. Questions communes à plusieurs juridictions

A. Alberta, Ontario, Nouveau-Brunswick. Droit de certaines catégories de travailleurs de se syndiquer. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que la législation sur les relations du travail ne s’applique pas aux travailleurs de l’agriculture et de l’horticulture dans les provinces de l’Alberta, de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick, si bien que les travailleurs de cette catégorie ne bénéficient pas de protection quant au droit de se syndiquer et de négocier collectivement. La commission avait également eu le regret de constater qu’en Ontario d’autres catégories (gens de maison, architectes, dentistes, géomètres, juristes et médecins) sont exclues du champ d’application de la loi (modificative) de 1995 sur les relations de travail et d’emploi, en vertu de l’article 13 a) de cet instrument.

De plus, la commission a noté que la Cour suprême du Canada a dit, dans un arrêt de décembre 2001 (affaire Dunmore contre province de l’Ontario) que cette exclusion des travailleurs agricoles était inconstitutionnelle et avait donné dix-huit mois au gouvernement de l’Ontario pour modifier la législation ainsi attaquée. La commission avait pris note de l’introduction, en octobre 2002, par le gouvernement de l’Ontario d’un projet de loi no 187 (protection des salariés de l’agriculture) qui tend à reconnaître à cette catégorie le droit de constituer une association de salariés ou de s’affilier à une telle association. Il semble cependant que cette législation ne donne pas le droit aux travailleurs de l’agriculture de constituer des syndicats, de s’y affilier et de négocier collectivement.

Dans son plus récent rapport, le gouvernement de l’Ontario se borne à indiquer qu’une élection provinciale s’est tenue dans cette province le 2 octobre 2003 et que des informations seront communiquées dès qu’elles seront disponibles. La commission prie à nouveau le gouvernement de veiller à ce que toute nouvelle législation garantisse le plein respect des droits prévus par la convention à l’égard de toutes les catégories mentionnées ci-dessus et de la tenir informée à ce sujet dans son prochain rapport.

S’agissant de l’Alberta, la commission a le regret de constater que le gouvernement de cette province indique qu’il n’est pas question pour l’heure d’examiner plus amplement le problème de l’organisation des travailleurs agricoles eu égard aux défis qui se posent actuellement dans ce secteur. S’agissant de la Province du Nouveau-Brunswick, la commission a le regret de constater que ses autorités ne prévoient pas d’apporter pour l’heure de changements à la loi sur les relations du travail. La commission rappelle une fois de plus qu’en vertu de la convention tous les travailleurs, à la seule exception, éventuellement, des membres des forces armées et de la police, ont le droit de se syndiquer. Elle demande que les gouvernements de l’Alberta et du Nouveau-Brunswick soient priés de modifier leur législation en conséquence et de faire connaître l’évolution de la situation à ce sujet dans leurs prochains rapports.

B. Monopole syndical établi par la loi. Dans son précédent rapport, la commission relevait que certaines lois provinciales désignent nommément le syndicat reconnu comme partenaire à la négociation (île du Prince-Edouard, loi sur la fonction publique, 1983; Nouvelle-Ecosse, loi sur les professions de l’enseignement; Ontario, loi sur les professions de l’enseignement). Elle avait rappelé que, si elle considère comme compatible avec la convention un système où un seul partenaire à la négociation peut être accrédité pour représenter les travailleurs à une négociation donnée et négocier en leur nom, elle estime en revanche qu’un monopole syndical instauré ou maintenu par la mention expresse dans la loi de l’organisation syndicale nommément désignée est contraire à la convention.

La commission a le regret de constater que, depuis 2002, aucune évolution n’est signalée à cet égard par les gouvernements de l’île du Prince-Edouard, de la Nouvelle-Ecosse et de l’Ontario. Elle demande à nouveau que les gouvernements de ces trois provinces soient priés de supprimer de leur législation la désignation nominale des organisations syndicales et de la tenir informée à cet égard dans leurs prochains rapports.

II. Questions concernant une juridiction particulière

A. Alberta. La commission rappelle que ses commentaires précédents portaient sur le droit de grève chez certaines catégories de salariés du secteur hospitalier et sur le droit du personnel universitaire de se syndiquer.

1. Droit de grève. La commission a le regret de constater que, suite aux conclusions de la commission du ministère de l’Education de l’Alberta relatives à une éventuelle révision du Code des relations du travail (conclusions aux termes desquels ledit Code répond toujours de manière équilibrée aux besoins des salariés et des employeurs et fonctionne de manière satisfaisante), le gouvernement a décidé qu’il n’y a pas lieu, pour l’instant, d’examiner plus amplement les relations du travail dans le secteur de la santé.

Le gouvernement mentionne également dans son dernier rapport que le projet de loi (no 27) modifiant les relations du travail (restructuration des autorités sanitaires régionales) a acquis force de loi le 1er avril 2003 et que cet instrument aborde la plupart des questions qui se posent dans ce secteur. La commission prend note avec regret des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport, selon lesquelles la loi modificative n’a rien changéà la situation des travailleurs de la santé en ce qui concerne le droit de grève. La commission rappelle à nouveau que le droit de grève est un corollaire du droit de se syndiquer et que toutes restrictions de l’exercice de ce droit devraient ne concerner que les fonctionnaires exerçant une autorité au nom de l’Etat ou ceux des services essentiels au sens strict du terme. Elle prie le gouvernement d’indiquer si le personnel de cuisine, les portiers et les jardiniers (qui, de l’avis de la commission, n’appartiennent pas à des services essentiels) restent visés par cette interdiction de faire grève et, dans l’affirmative, elle fait valoir avec force que ce droit fondamental ne devrait pas être déniéà ces catégories.

2. Droit du personnel universitaire de se syndiquer. S’agissant du droit du personnel universitaire de se syndiquer, le gouvernement se réfère à nouveau à un jugement du Queen’s Bench de l’Alberta aux termes duquel la loi sur les collèges, la loi sur les instituts de technologie et la loi sur les universités ne violent pas les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés en ce qui concerne la liberté syndicale. Le gouvernement indique en outre dans son rapport que, dans les établissements d’enseignement supérieur de l’Alberta, le personnel des facultés et le personnel d’appui ont actuellement le droit de se syndiquer et sont représentés par un syndicat ou par une association de faculté ou une association du personnel. La commission rappelle qu’elle signale depuis de nombreuses années la nécessité d’abroger les dispositions de la loi sur l’université qui confèrent au Conseil des gouverneurs le pouvoir de désigner les membres du personnel universitaire admis légalement à constituer une association professionnelle pour la défense de leurs intérêts et à s’affilier à une telle association car, ultérieurement, au moyen de telles désignations, des membres d’une faculté et du personnel administratif subalterne ou du personnel de planification pourraient se voir nier tout droit de s’affilier à des associations de personnel ayant pour objet de protéger et défendre les intérêts de leur catégorie. La commission rappelle que tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, à la seule exception, éventuellement, des membres des forces armées et de la police, ont le droit de constituer des organisations de leur choix et de s’y affilier sans autorisation préalable. Elle prie le gouvernement de modifier sa législation de manière à garantir au personnel universitaire le droit de se syndiquer, sans aucune réserve susceptible de découler des pouvoirs du Conseil des gouverneurs, et de la tenir informée des mesures prises à cet égard dans son prochain rapport.

B. Colombie-Britannique. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que la loi relative à la suspension des conflits collectifs dans certaines commissions scolaires provinciales a été abrogée en juillet 2000, et elle avait demandé au gouvernement de la tenir informée au sujet d’un rapport annoncé sur le régime de négociation collective du personnel d’appui.

Dans son dernier rapport, le gouvernement annonce qu’il a élargi le dialogue sur la négociation collective pour le personnel auxiliaire et qu’il a engagé des discussions avec les employeurs et les syndicats du secteur de l’enseignement pour voir quelles formes de négociation collective seraient éventuellement appropriées. Le gouvernement déclare qu’il est prêt àélargir le débat à des organisations syndicales et à des employeurs de secteurs tels que la santé publique et la fonction publique, mais qu’en raison d’un examen plus large le statut du personnel auxiliaire n’est toujours pas fixé de manière définitive. La commission prie le gouvernement de la tenir informée de l’évolution de cette situation, notamment en ce qui concerne les règles ou le mécanisme de règlement des différends.

La commission prend note des conclusions et recommandations du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2173 (330e rapport, paragr. 239-305) concernant la loi (no 18) modifiant les lois du travail et les lois sur l’amélioration des qualifications professionnelles et la loi (no 27) sur la convention collective de l’enseignement.

La commission note que la loi no 18, qui assimile l’éducation à un service essentiel au sens strict du terme, et la loi no 27, aux termes de laquelle une convention collective est réputée exister, ont pour effet de rendre illégale toute grève en cours. La commission rappelle que la grève est l’un des moyens essentiels par lesquels les travailleurs et leurs organisations peuvent promouvoir et défendre leurs intérêts et que ce droit ne saurait être restreint que dans les services essentiels au sens strict du terme (c’est-à-dire ceux dont l’interruption mettrait en danger, dans toute ou partie de la population la vie, la sécurité ou la santé des personnes), dans les situations de crise nationale grave ou encore à l’égard des fonctionnaires exerçant une autorité au nom de l’Etat. La commission prie le gouvernement d’abroger les dispositions de la loi no 18 qui font de l’enseignement un service essentiel et d’adopter une législation garantissant aux travailleurs de ce secteur le droit de faire grève.

La commission prend note, en outre, des conclusions et recommandations du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2166 (330e rapport, paragr. 239-305) concernant la loi (no 2) sur le maintien des services de santé et la loi (no 15) sur la convention collective des services de santé.

La commission fait observer que, lorsque le droit de grève se trouve légitimement limité ou supprimé (la loi no 2 concerne le secteur de la santé, lequel est considéré comme un service essentiel au sens strict du terme), une protection adéquate doit être assurée aux travailleurs du secteur pour compenser cette diminution, en ce qui les concerne, de la liberté de manœuvre dans le contexte de conflits affectant ces services. La commission note que les travailleurs dudit secteur ne bénéficient pas de procédures compensatoires impartiales et adéquates et que les articles 2 et 3 de la loi no 15 ont essentiellement pour effet d’imposer la dernière offre de l’employeur. La commission prie le gouvernement de modifier sa législation de manière à garantir que les travailleurs de ce secteur jouissent de procédures impartiales, adéquates et rapides, compensant les restrictions souffertes par le droit de grève en ce qui les concernent.

C. Manitoba. 1. Arbitrage imposéà la demande de l’une des parties à l’expiration d’un délai de soixante jours (art. 87.1(1) de la loi sur les relations de travail et d’emploi). La commission note que, selon les déclarations du gouvernement, la Commission d’examen des questions de travail (LMRC) s’est penchée sur l’application des articles 87.1 à 87.3 de la loi sur les relations de travail et d’emploi mais non sur la question du recours unilatéral au conseil du travail, qui permet de déclencher la procédure de règlement d’un différend. Dans son rapport, la LMRC fait observer que l’expérience sur laquelle elle est censée baser son examen des nouvelles dispositions est plutôt limitée. Au cours des deux années considérées, les dispositions pertinentes n’ont été appliquées qu’à deux occasions et elles n’ont abouti dans aucun cas à l’imposition d’une convention collective, que ce soit par le conseil du travail du Manitoba ou par un arbitre.

Prenant dûment note du fait que cette disposition n’a pas donné lieu à l’imposition d’une convention collective, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer qu’une sentence arbitrale ne puisse être imposée que dans des services essentiels au sens strict du terme, qu’à l’égard de fonctionnaires exerçant une autorité au nom de l’Etat ou encore lorsque les deux parties aux différends le désirent.

2. Interdiction de faire grève pour les enseignants, article 110(1) de la loi sur l’école publique. Le gouvernement réitère que l’interdiction de la grève dans ce secteur a été instaurée suite à une recommandation conjointe de la société des enseignants du Manitoba et de l’association des établissements scolaires, et que cet accord remonte à 1956. La commission constate cependant que cette interdiction est incorporée dans la législation du Manitoba par effet de l’amendement 1996 sur l’école publique, lequel interdit explicitement la grève sous son article 110(1). La commission rappelle à cet égard que le droit de faire grève ne doit être refusé qu’à des fonctionnaires exerçant une autorité au nom de l’Etat et dans les services essentiels au sens strict du terme. Elle considère qu’un renoncement volontaire au droit de grève ne devrait pas être incorporé dans la législation, laquelle par nature ne fixe pas de limite dans le temps. De plus, les parties concernées se trouvent, dans les circonstances présentes, dans l’impossibilité de faire valoir leur volonté de rétablir ce droit. Néanmoins, les mêmes restrictions, ou des restrictions similaires peuvent, sans porter atteinte à la convention, être fixées par voie d’accords légalement contraignants, lesquels seraient susceptibles d’être revus par les parties dans les conditions prévues par les termes de ces mêmes accords. En conséquence, la commission prie le gouvernement de modifier sa législation dans le sens indiqué et de la tenir informée dans ses prochains rapports de tout nouveau développement à cet égard.

D. Ontario. Dans ses commentaires précédents, la commission avait pris note des conclusions et recommandations du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 1975 (316e rapport, paragr. 229-274; 321e rapport, paragr. 103-118
- interdiction aux personnes participant à des activités communautaires de se syndiquer, projet de loi (no 22) et dans le cas no 2025 (320e rapport, paragr. 374-414) (loi de 1998 sur le retour à l’école, mettant fin à une grève légale d’enseignants). Elle prend note en outre des conclusions et recommandations du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 1951 (325e rapport, paragr. 197-215), selon lesquelles les directeurs et directeurs-adjoints de collège n’ont toujours pas le droit de se syndiquer.

Dans son dernier rapport, le gouvernement indique qu’une élection provinciale s’est tenue le 2 octobre 2003 et que toutes informations qui seraient communiquées par le gouvernement de l’Ontario seraient aussitôt transmises à la commission. La commission rappelle à nouveau que le droit de se syndiquer doit être garanti à tous les travailleurs sans aucune distinction, à la seule exception, éventuellement, des membres des forces armées et de la police, et que les enseignants doivent pouvoir recourir à la grève. Elle demande au gouvernement de modifier sa législation et de la tenir informée des mesures prises à cet égard dans son prochain rapport.

E. Terre-Neuve et Labrador. La commission rappelle que ses précédents commentaires concernaient la nécessité de modifier la loi (no 31) sur la négociation collective dans l’industrie de la pêche afin que le droit de faire grève ne soit pas nié aux travailleurs de ce secteur. La commission note que le gouvernement est d’avis qu’une modification de la loi sur la négociation collective dans l’industrie de la pêche à l’effet de modifier le processus de sélection de l’offre finale serait contraire aux attentes des professionnels de la pêche, représentés par le syndicat des travailleurs des pêches, de l’alimentaire et des secteurs connexes et par le syndicat des travailleurs de l’industrie automobile. Toujours selon le gouvernement, les parties qui appliquent le système de sélection de l’offre finale (FOS) conviennent pour un délai déterminé de renoncer au droit de grève.

En revanche, la commission note avec intérêt que, suite à l’adoption d’une loi entrée en vigueur le 19 décembre 2002, modifiant la loi sur la négociation collective dans l’industrie de la pêche, la disposition concernant le désistement a été reconfirmée (art. 35.12): chacune des parties à la négociation collective peut signifier à l’autre son désir de se retirer du système FOS. La législation prévoit que, lorsque la clause de désistement est invoquée, c’est un régime plus traditionnel de négociation collective qui s’instaure, avec toutes ses clauses habituelles concernant la grève et le lock-out. A cet égard, la commission note avec intérêt que l’interdiction des grèves n’est pas actuellement une caractéristique constante de la législation et qu’elle peut être perçue comme un accord légalement contraignant, autorisant les parties à recouvrer ce droit.

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