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Observation (CEACR) - adoptée 2003, publiée 92ème session CIT (2004)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Allemagne (Ratification: 1956)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Allemagne (Ratification: 2019)

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A la suite de son observation précédente, la commission a pris note du rapport du gouvernement et de la discussion qui a eu lieu à la Commission de la Conférence en 2002 sur l’application de la convention en Allemagne.

Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention. Travail de prisonniers pour des entreprises privées

1. La commission rappelle qu’aux termes de l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention le travail pénitentiaire obligatoire n’est pas exclu du champ d’application de la convention lorsqu’un prisonnier est concédéà une entreprise privée. Dans son observation précédente, la commission a noté avec préoccupation que les prisonniers qui travaillent pour des entreprises privées en Allemagne se divisent en deux catégories. Certains bénéficient de tous les avantages d’une relation de travail libre, tandis que d’autres sont concédés à des entreprises qui exploitent leur travail sans leur consentement et dans des conditions qui n’ont rien à voir avec celles du marché du travail libre.

2. La commission note la déclaration d’un représentant du gouvernement à la Commission de la Conférence en 2002, indiquant qu’en 1929-30, lors de l’élaboration de la convention, le travail pénitentiaire était généralement perçu comme faisant partie de la punition et devait ainsi s’effectuer dans des conditions difficiles; qu’il avait été tenu compte de ce point de vue fondamental, qui prévalait à l’époque, dans l’élaboration de la convention; qu’aujourd’hui, la question de la réinsertion des prisonniers par le travail prévaut dans la plupart des pays; et qu’une conclusion possible à tirer, à la lumière de la convention, serait qu’il faut considérer égaux les prisonniers qui travaillent pour des entreprises privées et les travailleurs en liberté.

A. Emploi privé dans le cadre d’une relation de travail libre

3. La commission rappelle les informations fournies par le gouvernement dans son rapport précédent, indiquant que: les autorités pénitentiaires sont tenues de promouvoir les relations de travail libres; une telle relation ne peut être conclue qu’à la demande du prisonnier; le prisonnier bénéficie d’un contrat de travail normal, est soumis aux mêmes dispositions législatives que les travailleurs et les apprentis libres, perçoit un salaire fixé par convention collective et bénéficie de la sécurité sociale (retraite, santé, accident et chômage) au même titre que les travailleurs en liberté. Une contribution aux frais de détention peut être prélevée, dont le montant est fonction de la catégorie de logement et de nourriture, mais ne peut dépasser une somme qui, en 2000, s’élevait à l’équivalent de 337,55 euros. Dans son dernier rapport, le gouvernement ajoute que la signification attachée à la semi-liberté par certains Länder pour que des relations de travail libres puissent être conclues s’est traduite, en 1999, par un total de 21 395 cas de semi-liberté parmi les quelque 50 000 prisonniers du système pénitentiaire fédéral allemand.

4. La commission note ces indications avec intérêt. Cependant, les conditions d’une relation de travail libre ne s’appliquent pas encore à la deuxième forme d’emploi privé de la main-d’œuvre pénitentiaire qui est toujours pratiquée en vertu de la législation nationale, comme rappelé ci-après.

B. Travail obligatoire dans un atelier géré par une entreprise privée

5. Dans des commentaires formulés depuis de très nombreuses années, la commission a noté qu’en vertu de la législation en vigueur des prisonniers peuvent être obligés à travailler dans des ateliers gérés par des entreprises privées au sein des prisons de l’Etat, comme décrit déjà dans le mémoire du BIT de 1931. Le fait que les prisonniers - aujourd’hui comme à l’époque - demeurent en permanence sous l’autorité et le contrôle de l’administration de la prison n’empêche pas le fait qu’ils sont «concédés»à une entreprise privée, pratique désignée à l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention comme étant incompatible avec cet instrument fondamental des droits de l’homme.

6. La commission note avec regret que l’article 41, alinéa 3, de la loi du 13 mars 1976 sur l’exécution des peines, aux termes duquel l’emploi dans un atelier géré par une entreprise privée sera subordonné au consentement du prisonnier, est restéà ce jour lettre morte. En effet, son entrée en vigueur a été suspendue par la «deuxième loi visant à améliorer la structure budgétaire» du 22 décembre 1981.

7. D’autres dispositions de la loi sur l’exécution des peines devaient progressivement élever les conditions d’emploi des prisonniers, y compris ceux qui travaillent dans des ateliers privés, pour les rapprocher de celles d’une relation de travail libre. La commission note que, dans son rapport, le gouvernement indique qu’il a tenté, lors des 8e, 9e et 10e périodes législatives du Parlement fédéral, de mettre en vigueur les dispositions sur l’inclusion des prisonniers dans le système d’assurance des pensions, mais que ces tentatives ont échoué devant la résistance du Conseil fédéral. Il en ressort que, depuis la fin de la 10e période législative en 1987, il n’y a plus eu de tentative de rétablir, en aucune partie de l’Allemagne, la couverture en matière de sécurité sociale - couverture qui avait déjàété effectivement étendue aux prisonniers par une législation de la Prusse mentionnée dans le mémoire du BIT de 1931 sur le travail pénitentiaire.

8. En ce qui concerne la rémunération des prisonniers qui travaillent dans des ateliers privés, la commission a noté précédemment que la loi de 1976 sur l’exécution des peines a reconnu à tous les prisonniers le droit à un salaire mais en a fixé le taux standard initial à 5 pour cent seulement du salaire moyen des ouvriers et employés couverts par l’assurance vieillesse. Une première majoration de ce taux devait être envisagée le 31 décembre 1980 mais n’a été adoptée que depuis que la Cour constitutionnelle a jugé le niveau existant de la rémunération des prisonniers incompatible avec le principe de réinsertion et a demandé au législateur d’adopter de nouvelles règles d’ici le 31 décembre 2000 au plus tard. La commission note l’indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle, au 1er janvier 2001, la rémunération standard des prisonniers a été portée à 9 pour cent du salaire moyen (en 1999) des affiliés au système de pensions des travailleurs et employés. En outre, six jours de congé ont été ajoutés par année de travail. La commission note que le gouvernement considère également que cela n’est pas suffisant et que le projet de législation devant porter le salaire standard à 15 pour cent de la base de référence n’a pu être adopté en raison de la résistance des Länder. Le gouvernement s’efforce toutefois toujours de parvenir à un accord avec les Länder sur cette question.

9. La commission note également qu’à la Commission de la Conférence les membres employeurs ont estimé, concernant les conditions d’emploi, que les employeurs privés sont contraints d’accepter les prisonniers disponibles sans tenir compte de leurs qualifications et de leur productivité, et que ces contraintes doivent être compensées par le niveau d’assurance sociale et des salaires. Toutefois, la commission considère que cet élément n’a pas d’incidence sur le système à l’examen puisqu’il n’y a pas de lien entre le niveau des paiements contractuels faits par une entreprise aux autorités pénitentiaires, pour le travail des prisonniers qui lui sont concédés, et le montant incomparablement inférieur, fixé par la loi, que les autorités pénitentiaires versent aux prisonniers. En outre, cette dernière rémunération peut encore être réduite en fonction du rendement: aux termes de l’article 45, alinéa 2, de la loi sur l’exécution des peines, elle peut tomber en dessous de 75 pour cent de la rémunération standard - c’est-à-dire en dessous de 6,75 pour cent du salaire moyen des travailleurs libres - si la performance du prisonnier ne répond pas aux exigences minimales.

10. Se référant au fait que les salaires, payés par les entreprises privées aux autorités pénitentiaires au niveau fixé par convention collective, ne sont versés aux prisonniers que dans les limites de leur rémunération fixée par la loi (à 9 pour cent de la moyenne générale), le surplus, allant au budget judiciaire, le gouvernement déclare dans son rapport que cela est justifié parce que le niveau des salaires des prisonniers (excepté ceux bénéficiant d’une relation de travail libre) est fixé par la loi, et parce qu’une rémunération considérablement plus élevée des prisonniers qui, plus ou moins par hasard, travaillent pour des entreprises privées plutôt que dans des ateliers de l’institution n’est pas justifiée. La commission doit relever que les prisonniers travaillant dans le cadre d’une relation d’emploi libre perçoivent un salaire normal et contribuent à leurs frais de détention dans la mesure raisonnable mentionnée au paragraphe 5 ci-dessus. De telles relations d’emploi libres sont compatibles avec la convention, alors que la concession de prisonniers astreints au travail dans des entreprises privées est spécifiquement interdite par l’article 2, paragraphe 2 c). Aussi, l’état actuel de la législation nationale n’est pas une justification pour le non-respect de la convention, ratifiée en 1956. Enfin, si la convention ne prévoit pas le niveau de rémunération dans des ateliers de l’Etat, elle n’est pas non plus un obstacle à l’alignement de ce niveau de rémunération sur le secteur privé.

11. La commission a noté les assurances données par le représentant du gouvernement à la Commission de la Conférence en 2002 selon lesquelles il attendait avec impatience les commentaires de la présente commission qui seront un élément déterminant avant toute nouvelle modification de la loi sur l’exécution des peines. L’adoption de ces modifications prendra cependant du temps en raison du système fédéral du pays. La commission veut donc croire que les dispositions exigeant le consentement du prisonnier au travail dans des ateliers privés, déjà prévues à l’article 41, alinéa 3, de la loi de 1976, pourront enfin entrer en vigueur, de même que celles prévoyant l’affiliation à l’assurance vieillesse, selon les articles 191 et suivants de la loi de 1976 et conformément à une législation étatique bien antérieure; et qu’en ce qui concerne les salaires et déductions pour frais de détention, le sort des prisonniers travaillant dans des ateliers privés sera également aligné sur celui des prisonniers travaillant déjà dans une relation de travail libre. La commission espère recevoir des informations sur les démarches concrètes entreprises vers ces changements.

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