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Observation (CEACR) - adoptée 2002, publiée 91ème session CIT (2003)

Convention (n° 131) sur la fixation des salaires minima, 1970 - Uruguay (Ratification: 1977)

Autre commentaire sur C131

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La commission prend note du rapport du gouvernement ainsi que des observations détaillées et réitérées de l’Assemblée intersyndicale des travailleurs - Congrès national des travailleurs (PIT-CNT).

I.  Eléments à prendre en considération pour déterminer
et ajuster le niveau des salaires minima
(articles 3 et 4, paragraphe 1, de la convention)

1. La commission constate avec regret que, malgré les observations qu’elle a formulées à maintes reprises, le gouvernement n’a toujours pas pris les mesures nécessaires pour se conformer à ses obligations découlant de la convention. Le gouvernement indique dans son rapport que la recherche d’une compétitivité accrue et la volonté d’aligner les prix sur ceux de ses principaux partenaires dans le cadre du MERCOSUR l’ont amenéà simplifier et flexibiliser les rigidités des marchés et des facteurs de production. La fixation des salaires minima par secteur d’activitééconomique par les organes tripartites établis par la loi sur les Conseils des salaires a ainsi été abandonnée au profit de la négociation des salaires au niveau des entreprises; cependant, le pouvoir exécutif demeure compétent pour fixer le salaire minimum national par voie administrative, tout comme celui applicable aux travailleurs ruraux et celui des travailleurs domestiques. Le gouvernement indique que la fixation du salaire minimum national a été réalisée sans se référer ni à des études relatives au coût de la vie, ni aux facteurs d’ordre économique et que sa valeur a même diminué, ces dernières années, en termes de pouvoir d’achat. Dans la pratique, eu égard aux prix des biens et des services dans le pays et aux études réalisées sur les revenus et les dépenses des ménages, le salaire minimum national se situerait ainsi, selon le gouvernement, entre le seuil de dénuement et celui de la pauvreté et permettrait d’arriver à satisfaire les nécessités les plus élémentaires des travailleurs, mais non ceux de leurs familles. En ce qui concerne celles-ci, le gouvernement indique que les travailleurs percevant le salaire minimum, tant dans le domaine public que privé, ont droit à des allocations familiales équivalent à 16 pour cent du salaire minimum national par enfant à charge.

2. La PIT-CNT indique que la situation existant dans le pays en ce qui concerne l’application de la convention n’a pas connu de changements substantiels. Elle réitère par conséquent ses précédents commentaires, aux termes desquels la grande majorité des travailleurs estime qu’il n’existe pas de salaire minimum répondant aux critères énoncés dans cette disposition de la convention, du fait qu’en l’absence d’une convention collective, le salaire minimum applicable est le salaire minimum national fixé de manière unilatérale par voie de décret. Selon cette organisation, l’affirmation du gouvernement selon laquelle le salaire minimum «se réfère essentiellement aux minima qui ne sont pris en considération qu’aux fins du calcul des cotisations de sécurité sociale, charges professionnelles, etc.», révèle que le salaire minimum tient si peu compte des réalités sociales que ses carences le rendent inopérant. Cette organisation déclare, en outre, que l’on peut inférer des déclarations du gouvernement que les mesures de caractère macroéconomique tendant à réduire les taux d’inflation sont incompatibles avec la fixation des salaires minima par voie de négociation collective libre et volontaire.

3. La commission se déclare très préoccupée par le non respect des dispositions de la convention et par la situation que cela entraîne pour quelque 875 000 travailleurs et leurs familles dont les salaires seraient fixés par voie administrative. Elle rappelle que la ratification d’une convention doit entraîner l’adoption de mesures législatives et réglementaires qui doivent être strictement appliquées dans la pratique. En l’occurrence, pour être conforme à la présente convention, le salaire minimum établi dans un pays doit, conformément à son article 3, autant qu’il est possible et approprié, prendre en considération les besoins des travailleurs et de leurs familles, eu égard au niveau général des salaires dans le pays, au coût de la vie, aux prestations de sécurité sociale et aux niveaux de vie comparés d’autres groupes sociaux, ainsi que les facteurs d’ordre économique. Le salaire minimum doit, en outre, être périodiquement ajustéà cet effet, en vertu de l’article 4, paragraphe 1. La commission comprend les objectifs qui sont ceux du gouvernement d’accroître la compétitivité de l’économie du pays et de maintenir des prix au niveau de ceux de ses principaux partenaires dans le cadre du MERCOSUR. Cependant, elle estime que la recherche de compétitivité ne saurait se faire au mépris des obligations qui découlent pour le gouvernement d’une convention internationale ratifiée et en vigueur ni, encore moins, au détriment des salaires minima des travailleurs qui déterminent, entre autres, des conditions minima d’existence. Tout en notant que, selon le gouvernement, le salaire minimum national ne saurait constituer un paramètre représentatif du niveau initial de revenu sur le marché du travail, étant donné qu’il n’existe aucun travailleur disposéà travailler à temps plein en échange d’un salaire aussi bas, la commission observe que cette situation ne pourrait se produire si les besoins réels des travailleurs et de leurs familles en termes de produits de première nécessité et de dépenses minimales d’éducation, de santé et d’alimentation, étaient pris en considération comme le prévoit la convention. La commission prie, par conséquent, instamment le gouvernement de prendre de manière urgente toutes mesures qui s’imposent en vue de rendre la législation et la pratique nationales conformes à l’esprit et à la lettre de la convention et de fixer le salaire minimum, en prenant en considération, entre autres, les éléments indiqués à l’article 3 de la convention afin que ces salaires soient établis à un niveau juste, comme cela est d’ailleurs prévu par la Constitution uruguayenne.

II.  Non-respect de l’obligation de consulter pleinement
les organisations d’employeurs et de travailleurs intéressées
au sujet de l’établissement, l’application et la modification
des salaires minima (article 4, paragraphe 2)

4. La commission rappelle qu’elle fait observer depuis des années que le gouvernement fixe de manière unilatérale le salaire minimum national et celui des travailleurs ruraux et des travailleurs domestiques, ce qui l’a déjà conduit à lui rappeler à de nombreuses reprises qu’il a l’obligation de consulter, dans le cadre de l’établissement, de l’application ou de la modification des méthodes de fixation des salaires minima, les organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs intéressées et, en l’absence de telles organisations, les représentants des employeurs et des travailleurs intéressés, comme il est prévu par l’article 4, paragraphe 2.

5. Le gouvernement indique dans son rapport que le système tripartite de fixation des salaires minima au niveau des branches établi par la loi sur les conseils des salaires a été abandonné au profit de négociations collectives ou individuelles des salaires au niveau, de préférence, de chaque entreprise qui doivent toutefois respecter les salaires minima établis par le pouvoir exécutif dans les différents secteurs économiques. Le gouvernement déclare, dans son dernier rapport, que la fixation du salaire minimum national par le pouvoir exécutif s’est faite sans qu’il soit procédéà la consultation des organisations d’employeurs et de travailleurs existant dans le pays. En ce qui concerne la fixation du salaire minimum applicable au travail domestique, le gouvernement indique que des consultations n’ont pu être organisées, à défaut d’organisations d’employeurs et de travailleurs dans ce secteur. Il indique enfin, eu égard au secteur agricole, qu’il existe seulement des organisations d’employeurs représentatives dans le secteur agricole et dans celui de l’élevage et quelques organisations de travailleurs dans certains sous-secteurs comme celui des agrumes, de la canne à sucre ou du tabac et aucune organisation dans le secteur de l’élevage. Dans ces conditions, les consultations en vue de fixer un salaire minimum applicable à tous les travailleurs ruraux seraient, selon le gouvernement, difficiles à effectuer de manière efficace et il ne pourrait y satisfaire qu’en communiquant le salaire minimum à l’unique centrale syndicale de troisième degré, soit la PIT-CNT, ainsi qu’aux trois organisations d’employeurs de second degré.

6. Dans les observations qu’elle réitère, la PIT-CNT déclare que, dans tous les cas où il n’y a pas de convention collective, le salaire minimum applicable est le salaire minimum national fixé par décret, sans consultation des organisations d’employeurs et de travailleurs. Or, selon la PIT-CNT, de telles organisations existent, même si elles ne jouissent pas de la protection de l’Etat pour l’exercice de leurs droits. Cette organisation réaffirme que le gouvernement, non seulement n’a pas essayé de favoriser la négociation collective, mais encore a voulu extrapoler les variables de l’ajustement économique au monde du travail, s’efforçant de parvenir à ce qu’il n’y ait plus ni négociation, ni protection des droits fondamentaux. Elle ajoute que l’Etat a établi une série de restrictions basées sur des considérations macroéconomiques sans avoir consulté les organisations professionnelles concernées.

7. La commission ne peut que se référer à ses précédentes observations où elle rappelait que le problème de la fixation unilatérale par le gouvernement du salaire minimum applicable à ces catégories persiste depuis des années, de même qu’elle constatait la réitération par le gouvernement de l’argument selon lequel il n’existe pas d’organisations professionnelles suffisamment représentatives en ce qui les concerne. Or, selon la PIT-CNT, de telles organisations existent, même si elles ne jouissent pas de la protection de l’Etat pour l’exercice de leurs droits. D’une manière générale, la commission souhaite rappeler et souligner, une nouvelle fois, qu’en vertu du paragraphe 2 de l’article 4 de la convention, l’obligation de consulter pleinement toutes organisations d’employeurs et de travailleurs intéressées, revêt non seulement un caractère obligatoire, mais doit, en outre, avoir lieu tant au stade de la détermination du champ d’application du système de salaires minima qu’aux stades de l’application ou de la modification des méthodes de leur fixation. L’inexistence d’organisations de travailleurs ou d’employeurs dans une sous-branche de l’économie ne justifie ainsi nullement le non-respect de l’obligation de consultation. Celle-ci pourrait, en effet, être remplie par le biais de la consultation des organisations intéressées d’employeurs et de travailleurs aux niveaux supérieurs, telles, par exemple, les centrales d’employeurs et de travailleurs. La commission exprime dès lors le ferme espoir que le gouvernement sera en mesure d’indiquer sans plus tarder les mesures prises pour garantir la consultation pleine et entière des représentants des employeurs et des travailleurs intéressés aux fins de la fixation du salaire minimum national et des salaires minima des travailleurs ruraux et des travailleurs domestiques et d’autres travailleurs du secteur privé auxquels pourraient être appliquées les dispositions relatives aux salaires minima.

8. La PIT-CNT considère que le gouvernement non seulement ignore les principes du système de négociation collective établis et en vigueur au niveau national comme au niveau international, mais encore n’encourage pas la négociation en arguant de raisons macroéconomiques et de plans ou politiques de stabilisation qui impliquent des limitations à la fixation des salaires minima par la voie de la négociation. La commission note qu’à cet égard, le gouvernement indique qu’il est possible, dans les secteurs où les partenaires sociaux ont une grande culture de la négociation collective, que le pouvoir exécutif étende, comme il l’a fait dans celui de la construction, au moyen d’un texte réglementaire les conventions collectives à l’ensemble d’une branche donnée.

9. Etant donné, d’une part, la manière unilatérale dont sont établis les salaires minima et les niveaux très bas auxquels ils sont fixés et, d’autre part, l’abandon au profit de la négociation collective ou individuelle au sein préférablement de chaque entreprise, du système des conseils tripartites convoqués par le pouvoir exécutif, la commission prie le gouvernement de fournir à l’occasion de son prochain rapport des informations détaillées sur le nombre et les catégories de travailleurs dont les salaires sont fixés par négociation collective et de fournir des informations quant au nombre de conventions collectives conclues par entreprise et par branche, y compris dans le secteur public, en spécifiant les secteurs et le nombre de travailleurs ainsi couverts.

10. La commission prie, enfin, le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures adoptées pour consulter les organisations de travailleurs et d’employeurs lorsqu’elles existent ou, dans le cas contraire, les travailleurs et les employeurs intéressés lors de la fixation du salaire minimum national ainsi que ceux des travailleurs ruraux et domestiques.

[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 91e session et de répondre en détail aux présents commentaires en 2003.]

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