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Observation (CEACR) - adoptée 2001, publiée 90ème session CIT (2002)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Türkiye (Ratification: 1993)

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La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport ainsi que des commentaires formulés par la Confédération des syndicats des services publics (KESK), la Confédération des syndicats turcs (TURK-IS), le Syndicat de l’énergie et des infrastructures (ENREJI-YAPI YOL SEN), le Syndicat des personnels civils affectés à des emplois militaires (ASIM-SEN) et la Confédération turque des associations d’employeurs (TISK).

Dans ses précédents commentaires, la commission avait demandé au gouvernement de fournir des informations à propos de l’élaboration du projet de loi sur les syndicats de la fonction publique, en rappelant incidemment la nécessité d’adopter une législation garantissant pleinement les droits prévus par la convention, y compris le droit, pour les agents de la fonction publique qui n’exercent pas une autorité au nom de l’Etat, de faire grève.

La commission note que le gouvernement indique dans son rapport que le texte de loi - entre-temps adopté- tend à réglementer les activités des organisations d’agents de la fonction publique déjà existantes. Elle prend également note des commentaires émis par le gouvernement à propos du droit de grève des agents de la fonction publique, commentaires selon lesquels cette catégorie jouit d’un statut particulier sur le plan de l’emploi.

La commission note que ce qui n’était qu’un projet est devenu une loi, entrée en vigueur le 12 août 2001 en tant que loi no 4688 sur les syndicats d’agents de la fonction publique. Prenant acte du fait que l’adoption de cette loi s’inscrit dans un vaste processus de réformes engagé par le gouvernement, la commission appelle néanmoins l’attention de ce dernier sur certaines divergences entre cet instrument et les dispositions de la convention, ainsi que sur un certain nombre d’autres points qu’elle avait soulevés dans ses précédents commentaires.

Article 2 de la convention

Droit des employeurs et des travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, de constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier. La commission note qu’aux termes des articles 3 a) et 15 de la loi sur les syndicats de la fonction publique, plusieurs catégories de fonctionnaires n’ont pas le droit de se syndiquer, soit parce ces fonctionnaires ne rentrent pas dans le champ d’application de la loi, soit parce que ce droit leur est expressément refusé par celle-ci. L’article 3 a) définit les employés de la fonction publique de manière restrictive, en ne se référant qu’à ceux qui ont un statut permanent ou qui ont accompli leur période probatoire, tandis que l’article 15 dresse la liste de ceux qui n’ont pas le droit de se syndiquer (les juges, les juristes, les fonctionnaires de rang supérieur, les agents du ministère de la Défense nationale et des forces armées turques qui appartiennent à la fonction publique civile, le personnel des institutions pénales, etc.). La commission souligne que l’article 2 de la convention prévoit que tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit de constituer les organisations de leur choix. En conséquence, tous les agents de la fonction publique doivent avoir le droit de se syndiquer, quels que soient la nature ou le niveau de leurs responsabilités, ou encore leur catégorie professionnelle. S’agissant des fonctionnaires de haut niveau, elle estime que ceux-ci doivent avoir au moins le droit de constituer leurs propres organisations. La seule exception admissible aux termes de la convention concerne le personnel des forces armées et celui de la police, étant entendu que même dans ces domaines le personnel civil de ces institutions devrait, quant à lui, jouir pleinement des mêmes droits que les autres travailleurs. En conséquence, elle prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier les articles 3 a) et 15 de la loi de telle sorte que les fonctionnaires autres que les membres des forces armées et de la police soient pleinement assurés du droit de se syndiquer, conformément à l’article 2 de la convention.

La commission prend note des informations émanant de diverses organisations de travailleurs selon lesquelles des fonctionnaires ont d’ores et déjà constitué un certain nombre d’organisations, lesquelles vont devenir illégales du fait des interdictions et restrictions posées par la législation susvisée. Elle note que, conformément aux dispositions transitoires, les organisations existantes disposent de huit mois pour satisfaire aux conditions stipulées par cet instrument. Elle veut croire que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour assurer que l’application de la loi n’affectera pas les activités de ces organisations d’une manière qui serait directement en contradiction avec la convention.

Article 3 de la convention

1. Droit des organisations des travailleurs d’élire librement leurs représentants. A propos de l’article 37 de la loi no 2821 sur les syndicats, la commission avait pris note, dans ses précédents commentaires, des explications du gouvernement concernant, d’une part, les conséquences de la candidature à des élections locales ou générales d’un membre des instances dirigeantes d’un syndicat sur les activités de ce même syndicat et, d’autre part, la portée de la peine d’emprisonnement prévue par la loi en cas d’infraction. Suite à ces explications, la commission avait prié le gouvernement de faire connaître les mesures envisagées afin que cette restriction soit supprimée et que les conditions d’éligibilitéà une charge syndicale soient déterminées par les organisations elles-mêmes. Elle constate aujourd’hui avec regret que le gouvernement ne fournit aucune information à cet égard dans son dernier rapport. Elle rappelle donc, une fois de plus, que les conséquences de la candidature d’un membre des instances dirigeantes d’un syndicat à des élections locales ou générales doivent être laissées à l’appréciation des membres du syndicat, exprimée dans les statuts de ce syndicat, et non à celle du gouvernement. Elle prie donc le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que l’article 37 soit modifié de telle sorte que les organisations de travailleurs puissent déterminer librement si leurs dirigeants doivent conserver leurs fonctions lorsqu’ils sont candidats à des élections locales ou générales, y compris lorsque cette candidature est couronnée de succès.

S’agissant des agents de la fonction publique, la commission note que l’article 10 de la loi sur les syndicats de la fonction publique traite, lui aussi, des conséquences de la candidature d’un dirigeant syndical à des élections générales ou locales sur les activités du syndicat considéré, puisqu’il dispose que tout membre d’une instance dirigeante d’un syndicat ou d’une confédération qui est candidat à des élections générales ou locales voit ses fonctions syndicales suspendues pendant cette période. La commission rappelle à cet égard les commentaires qu’elle a formulés à propos de la loi sur les syndicats, qui sont valables également en ce qui concerne les dirigeants syndicaux de la fonction publique. Elle prie donc le gouvernement de modifier l’article 10 de cette loi, de manière à garantir le droit des organisations syndicales de la fonction publique d’élire leurs représentants en toute liberté.

2. Droit des organisations de travailleurs et des organisations d’employeurs d’organiser leur action et de formuler leur programme sans intervention de la part des autorités publiques. Dans ses précédents commentaires, la commission avait soulevé un certain nombre de points touchant à l’interdiction ou à la restriction du droit de grève prévue à l’article 54 de la loi no 2822 sur les conventions collectives du travail, les grèves et les lock-out. Elle appelait notamment l’attention du gouvernement sur certains principes concernant, d’une part, l’interdiction généralisée des grèves de solidarité- principes selon lesquels les travailleurs doivent avoir le droit de recourir à ce moyen dans la mesure où la grève initiale qu’ils soutiennent est elle-même légale - et, d’autre part, les sanctions pour fait de grève, notamment les peines d’emprisonnement, lesquelles ne doivent être possibles que lorsque l’interdiction de faire grève est elle-même conforme aux principes de la liberté syndicale. S’agissant des articles 29, 30 et 32 de la loi no 2822, elle rappelle également que des restrictions à la grève - en particulier par le biais de l’arbitrage obligatoire - ne peuvent être justifiées qu’en ce qui concerne les services essentiels au sens strict du terme, les fonctionnaires exerçant une fonction d’autorité au nom de l’Etat et les situations de crise nationale aiguë. Elle note que, dans son dernier rapport, le gouvernement déclare, d’une part, qu’aucune réforme législative ne peut être entreprise à propos de l’interdiction des grèves de protestation et de solidarité tant que les dispositions correspondantes inscrites dans la Constitution n’auront pas été modifiées et, d’autre part, qu’un projet de loi est prévu pour modifier l’article 29 de la loi no 2822 sur les conventions collectives de travail, les grèves et les lock-out à travers une limitation des activités des services dans lesquels l’action de grève restera interdite. La commission exprime l’espoir que le gouvernement prendra dans un proche avenir les mesures nécessaires en vue de modifier les dispositions susmentionnées de manière à garantir le droit des organisations de travailleurs d’organiser leur activité sans intervention des autorités publiques.

La commission note également que l’article 35 de la loi sur les syndicats de la fonction publique prévoit qu’en cas d’échec de la négociation d’un accord l’une des parties peut demander la convocation de la Commission de conciliation, sans spécifier pour autant les circonstances dans lesquelles il peut être recouru à la grève. Elle prend également note des commentaires du gouvernement concernant la spécificité du statut de la fonction publique au regard du droit de grève. Elle tient à rappeler à cet égard que les restrictions du droit de grève dans la fonction publique devraient se limiter aux fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 158). Elle tient également à rappeler que les restrictions du droit de grève par le biais de l’arbitrage obligatoire ne peuvent être justifiées qu’en ce qui concerne cette catégorie restreinte de fonctionnaires, ainsi que ceux qui font partie des services essentiels au sens strict du terme. De plus, lorsque le droit de grève peut être exclu ou restreint, certaines contreparties, comme la médiation ou la conciliation, ou encore, en cas d’impasse, un arbitrage présentant des garanties d’impartialité et de rapidité suffisantes, doivent être garanties à ces fonctionnaires. En conséquence, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les fonctionnaires qui n’exercent pas des fonctions d’autorité au nom de l’Etat et ceux qui ne peuvent pas être considérés comme appartenant à des services essentiels au sens strict du terme puissent recourir à l’action revendicative directe sans encourir de sanctions.

Dans son dernier rapport, le gouvernement indique que l’article provisoire no 1 de la loi no 3218 prévoyant l’arbitrage obligatoire dans les zones franches d’exportation pendant un délai de dix ans va être abrogé. La commission prie le gouvernement de la tenir informée de tout nouveau développement tendant à garantir que les travailleurs des zones franches d’exportation aient la possibilité de recourir à l’action revendicative directe pour la défense de leurs intérêts.

La commission note que l’article 10 de la loi sur les syndicats de la fonction publique détermine de manière précise l’organisation des assemblées générales ainsi que la majorité requise pour convoquer une assemblée générale extraordinaire ou bien toute autre réunion de l’assemblée générale. Cet article dispose en outre que, si un fonctionnaire du ministère du Travail et de la Sécurité sociale le demande à un tribunal du travail, le comité exécutif d’un syndicat peut être dissout en cas de non-respect de ces prescriptions. La commission tient à signaler que l’article 3 de la convention prévoit que les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit d’organiser leur gestion et leur activité sans intervention des autorités publiques. Elle insiste notamment sur le fait que la destitution ou la suspension de dirigeants syndicaux qui ne résulterait pas de la décision interne de ce même syndicat, du vote de ses membres ou d’une procédure judiciaire normale constitue une grave entrave à l’exercice des responsabilités pour lesquelles ces dirigeants ont été librement élus par les membres du syndicat considéré. Les dispositions permettant la destitution et la suspension des dirigeants ou la désignation d’administrateurs provisoires par les autorités administratives sont incompatibles avec la convention (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 122). En conséquence, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour abroger l’article 10 de la loi, de manière à garantir que les organisations syndicales puissent organiser leur gestion et leur activité sans intervention indue de la part des autorités publiques.

La commission prie le gouvernement de faire connaître dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées pour rendre la législation pleinement conforme, sur les points susvisés, avec la convention. Elle appelle à ce titre son attention sur la possibilité de recourir, s’il le désire, à l’assistance technique du BIT pour cela.

La commission soulève par ailleurs un certain nombre d’autres points dans le cadre d’une demande adressée directement au gouvernement.

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