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Observation (CEACR) - adoptée 2000, publiée 89ème session CIT (2001)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Türkiye (Ratification: 1993)

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La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport, ainsi que des commentaires formulés par la Confédération des syndicats turcs (TÜRK-IS), la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) et la Confédération turque des associations d’employeurs (TISK).

1. Droit des organisations de travailleurs d’élire librement leurs représentants. Dans ses précédents commentaires, la commission notait que l’article 37 de la loi no 2821 sur les syndicats, dans sa teneur modifiée de juin 1997, prévoit toujours que les délégués syndicaux ne peuvent être simultanément candidats lors d’élections administratives locales ou d’élections parlementaires générales, sous peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans (art. 59(6)). Dans son plus récent rapport, le gouvernement indique que les membres exécutifs des instances dirigeantes d’un syndicat peuvent être candidats à une élection locale ou une élection générale sans perdre leur statut premier mais que leurs fonctions officielles à ce titre sont suspendues ou annulées s’ils sont élus. Pour le gouvernement, cette disposition est dans le droit fil du principe constitutionnel selon lequel les membres du Parlement ne représentent pas seulement leur circonscription et les administrés de celle-ci mais la nation dans son ensemble. Pour ce qui est de la peine de prison, le gouvernement indique que l’article 59(6) ne se rapporte qu’au deuxième paragraphe de l’article 37. Tout en prenant note de ces éléments, la commission rappelle à nouveau qu’il revient aux organisations de travailleurs et d’employeurs de déterminer les conditions d’élection de leurs dirigeants et que les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention injustifiée dans l’exercice du droit, pour ces organisations, d’élire leurs représentants en toute liberté, comme prévu à l’article 3 de la convention. De ce fait, les conséquences à tirer de la candidature, y compris d’une candidature couronnée de succès, à des élections locales ou générales doivent être laissées à l’appréciation des membres du syndicat, exprimée dans les statuts de ce syndicat, et non à celle du gouvernement. La commission prie donc à nouveau le gouvernement de faire connaître les mesures envisagées afin que cette restriction soit supprimée et que les conditions d’éligibilitéà une charge syndicale soient déterminées par les organisations elles-mêmes.

2. Droit des fonctionnaires de se syndiquer. S’agissant du droit des fonctionnaires de se syndiquer, la commission note que, d’après le rapport du gouvernement, le projet de loi sur les syndicats de fonctionnaires soumis par le gouvernement a été approuvé par la Commission parlementaire des affaires sanitaires et sociales moyennant quelques amendements. Cependant, la Commission parlementaire de la planification et du budget n’a pas encore conclu ses travaux. Le gouvernement a transmis avec son rapport la version la plus récente de ce projet de loi, en turc, en précisant que ce texte est encore susceptible d’amendements qui pourraient être proposés par la Commission de planification et du budget et l’Assemblée générale. La commission a cependant le regret de constater que le gouvernement n’a pas répondu aux commentaires formulés en 1999 par la DISK, selon lesquels ce projet serait en contradiction directe avec certains principes de la liberté syndicale. Elle prie le gouvernement de fournir, dans son prochain rapport, des informations en réponse aux commentaires formulés par la DISK, de manière àêtre mieux à même d’examiner pleinement la teneur de ce projet de loi. Elle rappelle à cet égard qu’il est nécessaire d’adopter une législation reconnaissant pleinement aux fonctionnaires les droits prévus par la convention, y compris le droit de grève pour les fonctionnaires autres que ceux qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat. Elle prie le gouvernement de faire connaître, dans son prochain rapport, tous faits nouveaux concernant ce projet de loi.

3. Droits des organisations de travailleurs d’organiser leur action et de formuler leur programme sans intervention de la part des autorités publiques. Faisant suite à ses précédents commentaires concernant certaines restrictions au recours à la grève, la commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport. Elle constate cependant avec regret que, si ce n’est pour dire qu’aucun changement n’est prévu à propos des grèves de solidarité parce qu’il existe une disposition correspondante à l’article 54 de la Constitution, le gouvernement n’a fourni aucune information tant en ce qui concerne l’interdiction frappant les grèves de protestation et de solidarité (art. 54), aux termes de la loi no 2822 du 5 mai 1983 sur les conventions collectives du travail, les grèves et les lock-out, que les sanctions particulièrement graves, allant jusqu’à l’emprisonnement, en cas de participation à des grèves déclarées illégales contrairement aux principes de la liberté syndicale. Sur ce point, la commission appelle l’attention du gouvernement sur les paragraphes 168 et 177 de son étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, dans lesquels elle fait valoir: 1) qu’une interdiction générale des grèves de solidarité risquerait d’être abusive et que les travailleurs devraient pouvoir exercer de telles actions pour autant que la grève initiale qu’ils soutiennent soit elle-même légale; et 2) que des sanctions ne devraient pouvoir être infligées pour faits de grève que dans les cas où les interdictions en question sont conformes aux principes de la liberté syndicale. De plus, si des mesures d’emprisonnement sont imposées, elles doivent être justifiées par la gravité des infractions commises. La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin que sa législation, y compris et au besoin sa Constitution, soit modifiée dans un sens conforme à ces principes et de faire connaître dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées à cet égard.

S’agissant de l’imposition d’un arbitrage obligatoire (art. 32 de loi no 2822) dans des services qui ne peuvent être considérés comme essentiels au sens strict du terme (art. 29 et 30), la commission prend note des informations et statistiques pertinentes contenues dans le rapport du gouvernement. Elle est cependant conduite à rappeler que de telles interdictions au recours à la grève ne peuvent être justifiées que dans des services essentiels, à l’égard de fonctionnaires exerçant une autorité au nom de l’Etat et dans les cas de crise nationale particulièrement grave. Elle rappelle en outre que les services essentiels sont seulement ceux dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 159), alors que les articles 29 et 30 de la loi no 2822 interdisent le recours à la grève dans des secteurs d’activité et des services qui, comme les caisses d’épargne, les pompes funèbres, l’exploration, la production et le raffinage du gaz et du pétrole, les services bancaires, le notariat, l’assainissement, l’enseignement, la formation professionnelle, les soins à domicile, les hospices pour personnes âgées et l’administration des cimetières, n’ont pas forcément ce caractère. A cet égard, la commission appelle l’attention du gouvernement sur le paragraphe 160 de son étude d’ensemble, où elle explique qu’afin d’éviter des dommages irréversibles ou exagérément disproportionnés par rapport aux intérêts professionnels des parties au différend, ainsi que les dommages causés à des tiers, les autorités peuvent établir un régime de service minimum négocié dans les autres services d’utilité publique plutôt que d’interdire purement et simplement la grève, interdiction qui devrait être limitée aux services essentiels dans le sens strict du terme.

De plus, la commission considère que les articles 21 à 23 de la loi no 2822, lus conjointement avec l’article 27, prescrivent un délai excessif - de pratiquement trois mois -à compter du début des négociations avant qu’une décision d’appel à la grève ne puisse être prise. Notant que, selon le rapport du gouvernement, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a élaboré un projet de loi tendant à modifier, entre autres, la loi no 2822, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier les articles 29 et 30 de manière à assurer que le recours à la grève ne puisse être interdit que dans les services essentiels au sens strict du terme, à l’égard des fonctionnaires exerçant une autorité au nom de l’Etat et dans des cas de crise nationale particulièrement grave, et pour modifier les articles 21 à 23 de sorte que le délai préalable à la déclaration d’une grève ne soit pas excessivement long.

S’agissant du droit de grève dans les zones franches d’exportation, la commission rappelle que la loi no 3218 de 1985 impose dans ces zones pour une période de dix ans l’arbitrage obligatoire en cas de conflits collectifs du travail. Selon le rapport présenté par le gouvernement pour la convention no 98, le délai de dix ans en question a expiré en 1997 pour les zones de Mersin et d’Antalya et doit expirer en 2000 pour celles de la mer Egée et de l’aéroport Atatürk. La commission tient néanmoins à rappeler que l’imposition d’un arbitrage obligatoire constitue une grave limitation du droit des organisations de travailleurs d’organiser leur activité et de formuler leur programme d’action sans intervention de la part des autorités publiques, conformément à l’article 3 de la convention. En conséquence, elle prie le gouvernement de faire connaître dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées afin que la loi no 3218 soit modifiée de telle sorte que tous les travailleurs des zones franches d’exportation aient la possibilité de recourir à l’action revendicative directe pour la défense de leurs intérêts.

La commission prie le gouvernement de faire connaître dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées pour rendre la législation conforme aux points susmentionnés de la convention et rappelle à nouveau qu’il lui est loisible de faire appel à l’assistance technique du Bureau à cet égard.

En dernier lieu, la commission soulève un certain nombre d’autres points dans le cadre d’une demande adressée directement au gouvernement.

[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé en 2001.]

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