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Observation (CEACR) - adoptée 2000, publiée 89ème session CIT (2001)

Convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 - Afghanistan (Ratification: 1969)

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La commission note avec regret que le rapport du gouvernement n’a pas été reçu. Elle se voit donc obligée de renouveler son observation précédente, qui était conçue dans les termes suivants:

1. La commission note avec regret qu’aucun rapport n’a été reçu du gouvernement. Se référant à ses observations antérieures, elle note avec une préoccupation toujours croissante la communication de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) datée du 15 octobre 1999, alléguant la violation de la convention par les autorités talibanes. Dans sa communication, la CISL attire notre attention sur les documents suivants des Nations Unies: le rapport du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan (E/CN.4/1999/40), la résolution 1999/9 de la Commission des droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan, le rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur la situation des femmes et des jeunes filles en Afghanistan, de la Sous-commission pour la promotion et la protection des droits de l’homme (E/CN.4/Sub.2/1999/13) et la résolution 1999/14 de la Sous-commission sur la situation des femmes en Afghanistan. La communication a été transmise au gouvernement pour commentaires le 12 novembre 1999. En outre, la commission note les préoccupations exprimées par les membres travailleurs et les membres employeurs à la Commission de la Conférence sur l’application des normes en juin 1999 concernant l’application de la convention en Afghanistan.

2. Dans son observation précédente, la commission avait noté avec une profonde préoccupation les graves violations des droits fondamentaux des femmes qui continuent d’être commises en Afghanistan, et en particulier les restrictions sévères imposées à leur éducation et à leur emploi. Elle avait noté non seulement que la discrimination étendue imposant de dures conditions aux femmes et aux jeunes filles demeurait l’un des aspects les plus préoccupants de la situation des droits de l’homme en Afghanistan, mais que celle-ci s’était détériorée de manière dramatique au cours des années 1997 et 1998. En outre, la commission notait avec une profonde préoccupation les informations contenues dans le rapport du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme des Nations Unies (A/52/493 du 16 octobre 1997) et le rapport du Secrétaire général des Nations Unies (E/CN.4/1998/71 du 12 mars 1998) qui confirmaient les commentaires reçus précédemment par la CISL, en 1997, et notées par la commission, alléguant de sérieuses violations de la convention. La commission a également pris note d’un certain nombre de textes réglementaires émis par le Département pour la préservation de la vertu et la prévention du vice en Afghanistan, restreignant l’emploi des femmes quant à tout emploi dans les agences internationales et nationales, ainsi que dans les hôpitaux et les cliniques. La commission avait considéré ces règlements comme constituant une confirmation supplémentaire de la politique de discrimination à l’encontre des femmes et des jeunes filles dans l’éducation et dans l’emploi. Prenant également note du fait que l’éducation des garçons avait considérablement souffert de l’exclusion de l’emploi et de l’éducation des femmes par les autorités talibanes et que même l’acheminement de l’assistance humanitaire avait été sérieusement obstrué, la commission avait prié le gouvernement de fournir des informations détaillées sur toutes les mesures prises pour éliminer les restrictions et interdictions qui touchent les femmes dans l’éducation et dans l’emploi.

3. Notant les informations contenues dans les rapports susmentionnés des Nations Unies de 1999, ainsi que le dernier rapport intérimaire du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan (A/54/422 du 30 septembre 1999), la commission demeure extrêmement préoccupée par les graves violations des droits fondamentaux des femmes et des jeunes filles qui continuent d’être perpétrées en Afghanistan. La commission note d’après les rapports de 1999 du Secrétaire général des Nations Unies que les femmes continuent de se voir dénier les droits les plus fondamentaux, y compris le droit à tous les niveaux et tous les types d’éducation, ainsi qu’à l’emploi hors de chez elles. L’impact de ces restrictions sur l’emploi et l’éducation des femmes a été ressenti le plus profondément dans les zones urbaines, où les femmes travaillaient auparavant dans tous les secteurs de l’emploi, y compris dans les domaines scientifiques, académique et technique, ainsi que dans les positions gouvernementales. En outre, les rapports indiquent que, dans certaines zones, les restrictions imposées par le Département pour la préservation de la vertu et la prévention du vice en Afghanistan ont été mises en application par l’usage de punitions cruelles, inhumaines et dégradantes ainsi que des mauvais traitements, certaines femmes ayant notamment été battues en public par des gardes talibans. La commission note en outre que «pratiquement aucune fille et seulement 24 pour cent des garçons vont à l’école» et que, «dans la majeure partie du pays, les femmes continuent à souffrir largement de la pauvreté, de taux très bas d’alphabétisation, de chances très limitées de participation à la vie publique, d’un accès aux services de soins limité et de restrictions à l’emploi dans les zones urbaines».

4. Dans son observation précédente, la commission avait noté la décision du Kaboul Caretaker Shura du 28 avril 1998 concernant l’emploi de professionnels femmes et avait espéré que cette décision puisse être le signe d’un changement dans la politique restrictive sur l’emploi des femmes. En relation à cela, la commission note que le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan a observé certains allégements des restrictions imposées aux droits des femmes. Il a observé notamment que les femmes afghanes sont maintenant autorisées à travailler dans le secteur médical comme docteurs et infirmières; qu’un décret récent de 1999 a accordé l’exemption de la restriction sur l’emploi dans les zones urbaines aux veuves dans le besoin et que le ministre de la Santé a émis le 24 avril 1999 un protocole autorisant pour la première fois officiellement les femmes afghanes à travailler dans une organisation d’aide étrangère. La commission note également qu’une attitude plus flexible a été exprimée par les représentants talibans concernant l’accès des filles à l’éducation et que les autorités talibanes ont autorisé le soutien aux écoles pour les filles à domicile, à Kandahar, parallèlement à une amélioration de l’éducation pour les garçons. Tout en prenant note de ces quelques indications positives concernant l’emploi et l’éducation des femmes et des jeunes filles, la commission reste néanmoins extrêmement contrariée par les conclusions du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la violence à l’encontre des femmes. Celui-ci s’est rendu en Afghanistan en septembre 1999 et a décrit les violations des droits de l’homme et la discrimination à l’encontre des femmes comme étant systématiques. Le rapporteur a constaté que le refus de l’emploi aux femmes a résulté en une augmentation de la mendicité et de la prostitution dans le pays. Notant que les restrictions et interdictions posées aux femmes dans l’éducation et dans l’emploi, auxquelles la commission se réfère dans son observation précédente, semblent toujours être appliquées et avoir des conséquences graves sur les moyens d’existence des femmes, la commission prie instamment le gouvernement d’éliminer ces restrictions et interdictions et de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer le respect des droits fondamentaux des femmes et des jeunes filles dans l’emploi et dans l’éducation. La commission réitère sa demande précédente d’indiquer si des professionnels femmes ont été embauchées ou réembauchées suite à la décision susmentionnée du Kaboul Caretaker Shura ou d’autres accords, et de fournir des informations générales sur les méthodes par lesquelles la décision et les accords sont appliqués dans la pratique.

5. La commission note d’après le rapport intérimaire du Rapporteur spécial (30 septembre 1999) que les autorités talibanes ont indiqué qu’une Constitution était en préparation mais qu’il n’existait pas encore de projet disponible pour discussion. La commission saurait gré de recevoir une copie du projet de texte de la Constitution lorsqu’elle sera disponible.

6. Discrimination sur la base d’autres critères. Dans son observation précédente, la commission notait avec préoccupation que, d’après le rapport de 1998 du Secrétaire général des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Afghanistan, d’anciens membres du parti communiste avaient subi une discrimination dans l’emploi. La commission avait noté d’après le rapport que des mesures prises en 1997 avaient affecté quelque 70 professeurs et chargés de cours de l’Université de Kaboul et de l’institut polytechnique, ainsi que 42 employés du ministère taliban de la Santé publique et 122 procureurs militaires, et avait demandé des informations complètes sur les mesures prises pour assurer la non-discrimination dans l’emploi et la profession sur base de l’opinion politique. La commission a été informée que l’on rapporte que les intellectuels afghans, les dirigeants communautaires, les anciens officiers de l’armée et les fonctionnaires ainsi que les employés recrutés localement dans les organisations internationales ont été arrêtés, ensuite torturés ou tués, en raison de leurs activités politiques. Elle prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer la non-discrimination dans l’emploi et la profession sur base de l’opinion politique et de fournir des informations complètes à cet égard. En outre, la commission note que les rapports des Nations Unies susmentionnés contiennent des indications de violations graves des droits de l’homme sur base de l’origine ethnique, y compris des restrictions sur la liberté de mouvement, en particulier des Hazaras dans les plaines centrales. La commission espère que le prochain rapport contiendra des informations complètes sur toutes les mesures adoptées pour protéger les membres des minorités ethniques de la discrimination dans l’emploi et la profession.

7. La commission exhorte le gouvernement à lui fournir des informations complètes dans son prochain rapport sur tous les points couverts dans ses commentaires et dans la communication transmise par la CISL en 1997, qui demandait des informations détaillées sur les violations susmentionnées de la convention. La commission se voit obligée d’exprimer son indignation croissante face à la persistance de ces développements qui constituent non seulement des violations choquantes et systématiques de la convention, mais également des droits fondamentaux de l’homme qui devraient être garantis à toutes les femmes comme aux hommes. Notant les effets désastreux sur le bien-être de la société dans son ensemble, et en particulier sur les moyens de subsistance des femmes, la commission ne peut qu’exiger la cessation immédiate de toutes ces actions répréhensibles.

La commission espère que le gouvernement fera tout son possible pour prendre les mesures nécessaires dans un très proche avenir.

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