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Observation (CEACR) - adoptée 1999, publiée 88ème session CIT (2000)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Brésil (Ratification: 1957)

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1. La commission prend note des informations détaillées communiquées par le gouvernement dans son rapport, des informations communiquées en réponse aux observations présentées par la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) en octobre 1998, de même que des commentaires envoyés par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) en septembre 1999, qui incluent des informations de Anti-Slavery International, des informations reçues du gouvernement en réponse à ces commentaires pendant la présente session de la commission, et des informations réunies à l'occasion de deux missions de l'OIT lors de séminaires sur la discrimination et le travail forcé organisés par le Centre international de formation de Turin en mars et juillet 1999.

I. Informations sur les pratiques de travail forcé

2. S'agissant des commentaires envoyés par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) le 23 septembre 1999 et transmis au gouvernement le 7 octobre 1999, la commission constate qu'ils se réfèrent, d'une manière générale, à la pénible situation dans laquelle se trouvent des milliers de travailleurs de diverses régions du pays, y compris la situation de plus de 3 000 très jeunes filles qui seraient réduites à une servitude pour dettes et contraintes de se livrer à la prostitution dans l'Etat de Rondonia.

3. Dans sa réponse aux commentaires de la CISL, le gouvernement donne des informations détaillées sur sa lutte contre le travail des enfants, déclarant qu'elle s'inscrit dans la défense des droits de l'homme et que l'élimination de ce fléau est pour lui une priorité. Il ajoute que les affaires concernant le travail des enfants ne doivent pas être analysées dans le cadre de la convention no 29 parce que le travail des enfants et le travail forcé se situent dans des contextes entièrement différents. Il déclare que les cas de travail forcé qui ont été constatés concernent pour la plupart des hommes adultes célibataires, le nombre de cas concernant des femmes et des jeunes étant non significatif et celui des cas concernant des enfants étant pratiquement nul. Ce constat s'explique par le type de travail dans le cadre duquel se constatent la plupart des situations de travail forcé - déforestation pour élevage de bétail et défrichement pour l'installation de cultures - de même que par les conditions d'éloignement géographique qui caractérisent ce travail.

4. La commission prend dûment note des indications communiquées par le gouvernement. En ce qui concerne la distinction qu'il convient de faire entre travail forcé des enfants et travail des enfants en général, la commission a indiqué précédemment que la question se pose, au regard de l'article 2, paragraphe 1, de la convention, de savoir si un mineur peut être considéré comme s'étant offert "de plein gré" pour un travail ou service, si ou dans quelles conditions le consentement des parents est nécessaire ou même suffisant à cet égard, et quelles sont les sanctions en cas de refus.

5. De l'avis de la commission, le travail des enfants réduits en servitude pour dettes, y compris la prostitution forcée de mineurs, rentre intégralement dans le champ de la convention. Tout en notant avec intérêt l'indication du gouvernement selon laquelle la lutte contre le travail des enfants constitue l'une de ses priorités, la commission espère que le gouvernement prendra les mesures appropriées afin que les allégations de servitude pour dettes de mineures contraintes de se prostituer dans l'Etat de Rondonia fassent l'objet d'investigations précises et que des informations complètes soient communiquées sur les résultats de ces investigations et sur toute autre mesure prise dans ce domaine.

II. Mesures pour faire respecter l'interdiction du travail forcé

6. S'agissant des commentaires envoyés par la CLAT en octobre 1998 en complément à la réclamation faite en février 1993, la commission constate que ces commentaires portent sur l'impunité de ceux qui imposent le travail forcé, les atermoiements de la justice, l'absence d'application des sanctions, l'absence de coordination entre les organismes publics et les appuis dont bénéficient des responsables du travail forcé dans certains milieux politiques. Selon la CLAT, tous ces problèmes prouvent que les mesures prises par le gouvernement n'ont pas été suffisantes pour résoudre les problèmes d'application des conventions no 29 et no 105. La commission prend note des informations détaillées communiquées par le gouvernement en réponse aux commentaires de la CLAT dans une communication en date du 18 février 1999.

7. La commission rappelle qu'aux termes de l'article 25 de la convention le fait d'exiger illégalement du travail forcé sera passible de sanctions pénales et le gouvernement aura l'obligation de s'assurer que les sanctions imposées par la loi soient réellement efficaces et strictement appliquées.

a) Sanctions prévues par la législation

8. Dans sa précédente observation, la commission se déclarait préoccupée par l'absence d'une législation effective et adaptée à la réalité pour lutter contre le travail forcé, législation qui consoliderait les divers aspects constituant le "travail dégradant", y compris le concept de travail forcé. A cet égard, elle note que le projet no 929 de 1995 auquel elle se référait dans ses précédentes observations a été adopté en tant que loi no 9777 du 29 décembre 1998 modifiant les articles 132, 203 et 207 du Code pénal. Cette loi complète l'article 149 du Code pénal (lequel vise la réduction d'un individu à une condition analogue à celle d'esclave) par:

-- un allongement d'un sixième à un tiers ou plus des peines d'emprisonnement allant de trois mois à un an prévues pour celui qui aura mis en danger la vie ou la santé de personnes du fait d'un transport irrégulier de travailleurs ayant pour but de les soumettre à des pratiques de travail illégales (art. 132 du Code pénal);

-- une peine d'emprisonnement d'un à deux ans (précédemment d'un mois à un an) pour celui qui aura contraint des travailleurs d'utiliser ou de consommer des produits vendus par un certain établissement et de contracter de ce fait une dette les empêchant de quitter leur emploi lorsqu'ils le désirent (art. 203 du Code pénal);

-- une peine d'emprisonnement d'un à trois ans (précédemment de deux mois à un an) et une amende pour celui qui aura recruté par des moyens frauduleux des travailleurs hors de la localité dans laquelle le travail s'accomplit, ou aura exigé un paiement de la part des travailleurs, ou encore n'aura pas assuré leur retour dans leur lieu d'origine (art. 207 du Code pénal). Ces peines sont aggravées lorsque les victimes des infractions sont des mineurs, des personnes âgées, des femmes enceintes, des membres de populations indigènes ou des personnes présentant un handicap physique ou mental.

9. La commission constate que la plupart des situations de travail forcé rencontrées dans le pays présentent entre elles des caractéristiques similaires: caractère trompeur du contrat ("aliciamiento"); impossibilité pour les travailleurs de quitter leur emploi lorsqu'ils le désirent du fait qu'ils ont contracté des dettes auprès des magasins de l'employeur et parce qu'ils ont l'obligation de payer leurs outils; absence de la liberté de quitter l'emploi du fait que celui-ci s'exerce en des lieux éloignés et difficiles d'accès; rétention par l'employeur des documents personnels du travailleur (cartes d'identité et cartes de travail); mauvais traitements infligés aux travailleurs, entraînant parfois la mort; journées de travail démesurées, pouvant atteindre dix-huit heures, sans approvisionnement en eau ni en aliments convenables. La commission note avec satisfaction que l'adoption de la loi no 9777 résout certains problèmes de qualification des infractions et offre la possibilité de punir des pratiques liées au travail forcé de peines plus lourdes.

b) Stricte application des sanctions

10. Dans sa précédente observation, la commission s'est référée au faible nombre de sanctions pénales infligées aux personnes responsables d'imposition de travail forcé. Le comité tripartite du Conseil d'administration chargé d'examiner la réclamation présentée par la CLAT avait en outre fait observer que, dans les rares cas où des personnes ayant imposé un travail forcé ont été traduites en justice, il s'agissait d'intermédiaires ou de petits propriétaires ou métayers, ce qui laissait dans l'impunité les propriétaires des grandes exploitations ou entreprises recourant aux "services" d'entreprises ou d'intermédiaires individuels pour faire réaliser une partie de leurs activités de production dans des conditions de travail forcé. La commission avait noté qu'en cas de récidive une sanction de confiscation des terres peut être prononcée à l'encontre de personnes convaincues d'avoir imposé du travail forcé, ces terres étant alors déclarées d'intérêt public aux fins de la réforme agraire. Elle note que plusieurs domaines ont ainsi été déclarés d'intérêt public. Elle constate cependant que, selon des informations émanant d'Anti-Slavery International transmises par la CISL, la sanction de confiscation n'a été appliquée qu'une seule fois, dans le cas du domaine de "Flor da Mata", dans l'Etat de Para, et que le propriétaire a en outre été indemnisé de la perte de ses terres, ce qui réduit pratiquement à néant le caractère dissuasif de la sanction. Elle note aussi que la peine de deux ans de prison infligée à un employeur pour infraction à l'article 149 du Code pénal, à laquelle elle se référait dans sa précédente observation, a été commuée en travaux d'intérêt collectif sans privation de liberté.

11. A cet égard, la commission souhaite rappeler que les démarches de l'inspection du travail ne sont pas en soi suffisantes pour régler définitivement les problèmes de travail forcé constatés dans un pays lorsque ces démarches ne sont pas appuyées par un système judiciaire fort, capable d'infliger dans des délais raisonnables des peines sévères à l'égard des coupables. La commission note qu'en réponse à son observation précédente le gouvernement indique dans son rapport que des progrès ont été obtenus quant aux délais des procédures concernant les personnes accusées d'avoir soumis des individus à du travail forcé. A titre d'exemple, le gouvernement mentionne que, dans bien des cas, il avait été difficile de retrouver les témoins, ce qui allongeait les procédures, et qu'à l'heure actuelle dans l'Etat de Marabà des investigations sont menées sur la base d'éléments réunis par les agents de l'inspection du travail et par ceux de la police fédérale qui participent aux opérations d'inspection. Il ajoute que, lorsque l'inspection du travail met au jour des pratiques de travail forcé, le ministère du Travail applique les sanctions administratives relevant de sa compétence et que, lorsque celui-ci pense qu'une infraction pénale a été commise, il saisit de l'affaire le bureau du procureur fédéral, lequel prend les mesures légales qui s'imposent. La commission suggère au gouvernement de prendre en considération les propositions des magistrats spécialisés dans les questions de travail qui ont participé aux séminaires susmentionnés d'envisager la possibilité d'adopter une législation spécifique et consolidée sur le travail forcé, qui définirait aussi bien les responsabilités civiles que les responsabilités pénales dans ces cas et qui investirait ces magistrats du pouvoir de déclencher l'action pénale contre les personnes qui soumettent d'autres à des pratiques de travail forcé. De l'avis de la commission, ceci pourrait contribuer à résoudre les problèmes qui semblent résulter actuellement d'une absence de coordination entre les divers organes compétents et favoriserait un traitement rapide et concerté des affaires, ce qui résoudrait le problème de l'extrême lenteur de la procédure judiciaire.

12. La commission veut croire que le gouvernement communiquera des informations détaillées sur l'application dans la pratique des nouvelles dispositions légales, sur le nombre de personnes ayant été condamnées ou traduites en justice pour infraction aux articles 132, 149, 203 et 207 du Code pénal et sur l'impact général de cette action sur l'élimination du travail forcé.

13. La commission fait observer qu'à de nombreuses reprises le gouvernement a exprimé son intention d'éradiquer le travail forcé du pays et qu'à cette fin il a pris certaines mesures tendant à améliorer l'application de la convention, notamment à travers la création du groupe exécutif de répression du travail forcé (GERTRAF) et des groupes spéciaux d'inspection du travail et à travers l'adoption d'une nouvelle législation prenant en considération certaines conduites liées à la pratique du travail forcé. Cependant, elle constate que l'absence d'application de sanctions effectives, l'impunité dont jouissent les coupables, les lenteurs de la justice et l'absence de coordination entre les divers organes gouvernementaux dans le cadre de la lutte contre les responsables de travail forcé ont pour effet de compromettre l'éradication effective dans un délai raisonnable de ce fléau. La commission prie instamment le gouvernement de renouveler ses efforts à tous les niveaux afin de faire disparaître de l'ensemble du pays, une fois pour toutes, la pratique du travail forcé. Elle espère que le gouvernement communiquera bientôt des informations sur une amélioration de la situation dans ces domaines.

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