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Observation (CEACR) - adoptée 1998, publiée 87ème session CIT (1999)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - République arabe syrienne (Ratification: 1960)

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La commission prend note des informations fournies par le gouvernement dans ses derniers rapports. La commission rappelle que ses commentaires antérieurs portaient sur les divergences entre la législation nationale et la convention, à savoir le décret-loi no 84 de 1968 sur l'organisation des travailleurs dans sa teneur modifiée jusqu'en 1982, la loi no 136 de 1958 portant Code du travail agricole, la loi no 21 de 1974 sur les associations de paysans et le décret-loi no 250 de 1969 sur les associations d'artisans. La commission rappelle la nécessité de modifier les dispositions suivantes:

-- l'article 160 de la loi no 136 portant Code de travail agricole de 1958, qui interdit la grève dans le secteur agricole et l'article 262 du même Code qui prévoit que l'instigateur ou le participant à une grève ou lock-out est passible d'une peine d'emprisonnement allant de trois mois à un an;

-- l'article 32 du décret-loi no 84 et l'article 6 du décret-loi no 250, qui interdisent aux syndicats l'acceptation de dons, donations et legs sauf accord préalable de la Fédération générale des syndicats ouvriers et approbation du ministère;

-- l'article 35 du décret-loi no 84, qui confère un large pouvoir de contrôle financier au ministère à tous les échelons de l'organisation syndicale;

-- l'article 36 du décret-loi no 84 et l'article 12 du décret-loi no 250, qui imposent aux syndicats de base d'affecter certains pourcentages de leurs revenus aux organes syndicaux supérieurs;

-- l'article 44(b)/4 du décret-loi no 84, qui prévoit comme exigence l'appartenance à la profession pendant au moins six mois avant de pouvoir être élu dirigeant syndical;

-- l'article 49 (c), qui confère a la Fédération générale le droit de dissoudre l'organe directeur de tout syndicat;

-- l'article 25 du décret-loi no 84 tel que modifié en 1982, qui limite les droits syndicaux des travailleurs étrangers non arabes en les soumettant à une condition de réciprocité;

-- les articles 3, 4, 5 et 7 du décret-loi no 84 de 1968 relatif aux syndicats, qui organisent la structure syndicale sur une base unique;

-- les articles 4, 6, 8, 13, 14 et 15 du décret-loi no 30 de 1982 modifiant le décret-loi no 84 de 1968, qui désignent comme unique organisation syndicale la Fédération générale des syndicats de travailleurs;

-- l'article 2 du décret-loi no 250 de 1969 concernant les associations d'artisans et les articles 26 à 31 de la loi no 21 de 1974 concernant les associations coopératives de paysans, qui imposent un système d'unicité syndicale.

La commission rappelle en outre qu'elle a demandé au gouvernement dans le passé d'abroger ou de modifier les articles 330, 332, 333, 334 du décret-loi no 148 de 1949 portant Code pénal qui limitent le droit de grève et de lock-out sous peine de sanctions graves, y compris d'emprisonnement. L'article 330 du Code pénal prévoit la dégradation civique pour les fonctionnaires publics qui, de manière concertée, entravent le fonctionnement d'un service public. L'article 332 du Code pénal prévoit une peine d'emprisonnement ou une amende pour toute grève concertée par plus de 20 personnes dans les services de transport, de communications postales, télégraphiques et téléphoniques et dans les services publics distribuant de l'eau ou de l'électricité ou, en cas notamment de grèves accompagnées, de rassemblement sur les voies et les places publiques ou d'occupation des locaux (même pacifique). L'article 333 prévoit une peine d'emprisonnement d'un maximum d'un an ou une amende ne dépassant pas 50 livres pour toute personne ayant encouragé à la grève ou au lock-out. Une peine d'emprisonnement de deux mois à un an est prévue à l'article 334 pour toute personne qui refuserait d'exécuter ou différerait l'exécution d'une sentence arbitrale ou toute autre décision d'un tribunal du travail.

De plus, la commission rappelle qu'elle a aussi demandé au gouvernement il y a plusieurs années d'abroger l'article 19 du décret-loi no 37 de 1966 portant Code pénal économique qui punit des travaux forcés à temps quiconque agit contrairement au plan général de production arrêté par les autorités lorsqu'il aura occasionné un préjudice à la production générale. La commission avait fait remarquer qu'une interdiction générale de la grève prévue directement ou indirectement par la législation risque de constituer une limitation importante aux possibilités d'action des organisations syndicales, contrairement aux articles 3 et 8 de la convention. La commission souligne que la grève est un corollaire indissociable du droit syndical et elle estime que le droit de grève ne peut être dénié qu'aux fonctionnaires exerçant des fonctions d'autorité au nom de l'Etat et aux employés des services essentiels au sens strict des termes, à savoir ceux dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne (voir étude d'ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 159). Elle veut croire que le gouvernement réexaminera sa législation pénale à la lumière de ces considérations et communiquera dans son prochain rapport toute information sur les mesures prises ou envisagées pour la mettre en conformité avec les principes de la liberté syndicale.

La commission note avec grand intérêt les informations fournies par le gouvernement dans ses derniers rapports selon lesquelles le Cabinet a recommandé l'approbation et la promulgation du projet de loi visant l'abolition de l'article 160 de la loi no 134 de 1958 portant Code du travail agricole qui interdit aux fermiers et aux travailleurs agricoles de recourir à la grève, et l'abolition de l'article 262 de cette même loi qui prévoit une peine d'emprisonnement à toute personne incitant ou participant à la grève. Le Cabinet a de même recommandé la modification de l'article 59 (e) de la loi no 21 de 1974 sur les associations de paysans et les articles 6 et 12 du décret-loi no 250 de 1969 sur les associations d'artisans.

Elle note également avec intérêt que le gouvernement réitère les informations antérieures et indique à nouveau que les autorités compétentes étudient un nouveau projet de loi modifiant les articles 32, 35, 36 (2), (3) et (4), 44(b)/4 et 49(c) du décret-loi no 84 de 1968, qui limitent la liberté des syndicats sur les plans de leurs activités et de leur gestion et confèrent notamment un large pouvoir aux autorités sur les finances syndicales afin de les rendre conformes à la convention.

Le nouveau projet de loi modifie aussi certains des articles du décret-loi no 84 de 1968 qui avaient été modifiés par le décret-loi no 30 de 1982 et qui étaient demeurés en contradiction avec la convention:

-- l'article 22 (a) encore en vigueur dispose que les statuts des syndicats doivent correspondre au modèle établi par la Fédération générale des syndicats des travailleurs. L'obligation légale pour les organisations de premier degré de se conformer au modèle des statuts et d'utiliser ce modèle comme base n'est pas compatible avec l'article 3 de la convention qui garantit aux organisations de travailleurs le droit d'élaborer leurs statuts et règlements sans intervention de la part des autorités publiques (voir étude d'ensemble, op. cit., paragr. 111). La commission prend bonne note de l'amendement prévu qui rend conforme la disposition à la convention;

-- l'article 25 traite de la possibilité pour les travailleurs étrangers de se syndicaliser seulement sur une base de réciprocité. Cette disposition n'est pas compatible avec l'article 2 de la convention qui prévoit que ce droit s'étend à tous les travailleurs, sans distinction d'aucune sorte. La commission prend bonne note de ce que l'amendement prévu supprime l'exigence de réciprocité;

-- l'article 36 (5) actuellement en vigueur dispose que les syndicats doivent allouer 20 pour cent de leurs ressources effectives à l'Union générale des travailleurs. Cette disposition n'est pas compatible avec l'article 3 de la convention, qui garantit aux organisations de travailleurs le droit d'élaborer leur gestion sans intervention de la part des autorités publiques, ce droit incluant notamment l'autonomie et l'indépendance financière d'un syndicat ainsi que la protection de ses avoirs.

La commission note que le projet de loi prévoit à l'article 22(b) que les syndicats verseront à "titre volontaire" une participation à la Caisse de sécurité sociale ainsi qu'à la fédération des travailleurs. La commission rappelle qu'imposer dans la loi une participation financière des syndicats de base aux organisations faîtières risque de constituer une intervention contraire à l'article 3, paragraphe 2, de la convention (voir étude d'ensemble, op. cit., paragr. 111). De telles dispositions devraient être laissées aux statuts des syndicats et ne devraient pas être contenues dans la loi.

La commission rappelle, en outre, que des divergences avec la convention subsistent à l'article 18 (a) du décret-loi no 84, et ce malgré la modification du décret-loi no 30 de 1982. La disposition prévoit que les organisations syndicales ont le droit d'investir leurs fonds dans des projets financiers ou autres, mais seulement dans les conditions et selon les modalités déterminées par le ministre. La convention consacre, aux paragraphes 1 et 2 de l'article 3, le droit des organisations de travailleurs d'organiser leur gestion et leurs activités sans intervention de la part des autorités publiques.

Par ailleurs la commission prend note des informations fournies par le gouvernement dans son rapport selon lesquelles la Fédération générale des syndicats des travailleurs ainsi que la Fédération générale des paysans et la Fédération générale des artisans tiennent au principe de l'unicité syndicale, conformément aux décisions de leurs conférences, afin de maintenir la force d'organisation de chacune desdites fédérations, et qu'elles ont demandé au gouvernement de n'apporter aucun amendement à la législation. La commission tient toutefois à souligner qu'il existe une différence fondamentale entre, d'une part, un monopole syndical institué ou maintenu par la loi et, d'autre part, les regroupements volontaires de travailleurs ou de syndicats qui se produisent (sans pression des autorités publiques, ou résultant de la loi) parce que les intéressés souhaitent, par exemple, renforcer leur position de négociation. Les travailleurs comme les employeurs ont généralement avantage à éviter une multiplication du nombre des organisations concurrentes, mais l'unicité syndicale imposée directement ou indirectement par la loi est en contradiction avec les normes expresses de la convention (voir étude d'ensemble, op. cit., paragr. 91). La commission, à ce sujet, a reconnu en ses paragraphes 97 et 98 de son étude d'ensemble que certaines législations, dans un souci de trouver un juste équilibre entre l'unicité syndicale imposée et un émiettement des organisations, consacrent la notion de syndicats les plus représentatifs. La commission considère que ce type de dispositions n'est pas en soi contraire au principe de la liberté syndicale, si certaines conditions sont respectées. Tout d'abord, la détermination de l'organisation la plus représentative devrait se faire d'après des critères objectifs, préétablis et précis, de façon à éviter toute possibilité de partialité ou d'abus. Par ailleurs, la distinction devrait généralement se limiter à la reconnaissance de certains droits préférentiels, par exemple aux fins telles que la négociation collective. Cependant, la liberté de choix des travailleurs est compromise si la distinction entre les syndicats les plus représentatifs et les syndicats minoritaires, en droit ou en pratique, aboutit à interdire l'existence d'autres syndicats auxquels les travailleurs souhaitent s'affilier. Cette distinction ne doit donc pas avoir pour effet de priver les syndicats non reconnus comme les plus représentatifs des moyens essentiels pour défendre les intérêts professionnels de leurs membres, pour l'organisation de leur gestion et de leur activité conformément à la convention.

La commission demande en conséquence instamment au gouvernement que la législation suivante, instituant un système d'unicité syndicale, soit modifiée en conformité avec la convention:

-- les articles 3, 4, 5 et 7 du décret-loi no 84, qui organisent la structure des syndicats sur une base syndicale unique;

-- les articles 4, 6, 8, 13, 14 et 15 du décret-loi no 30 de 1982, qui désignent la Fédération générale des syndicats de travailleurs comme l'unique organisation syndicale centrale;

-- l'article 2 du décret-loi no 250 de 1969 qui concerne les associations d'artisans, et les articles 26 à 31 de la loi no 21 de 1974 qui concernent les associations coopératives de paysans, qui imposent un système d'unicité syndicale.

La commission espère que les amendements proposés seront adoptés et promulgués rapidement et demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour rendre l'ensemble de la législation nationale conforme à la convention à brève échéance. Elle rappelle à cet égard que l'assistance technique du Bureau est à sa disposition. Elle prie le gouvernement de la tenir informée, dans son prochain rapport, de tout progrès intervenu dans ce domaine et de communiquer des copies de toutes dispositions abrogées ou modifiées.

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