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Observation (CEACR) - adoptée 1998, publiée 87ème session CIT (1999)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Philippines (Ratification: 1953)

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La commission note les informations communiquées par le gouvernement dans son rapport ainsi que dans la copie jointe de l'ordre départemental no 9 entré en vigueur le 21 juin 1997 qui abroge les règles portant application du livre V du Code du travail.

La commission note que ses précédents commentaires portaient sur les divergences entre la législation nationale et la convention sur les points suivants:

-- arbitrage obligatoire dans les branches d'activités "indispensables à l'intérêt national" (art. 263 du Code du travail);

-- sanctions disproportionnées en cas de participation à des grèves illégales (art. 264(a) et 272(a) du Code du travail; art. 146 du Code pénal);

-- exigence qu'au moins 20 pour cent des travailleurs d'une unité de négociation soient affiliés à un syndicat pour que celui-ci soit enregistré (art. 234(c) du Code du travail);

-- exigence de 10 syndicats pour constituer une fédération (art. 237(a));

-- interdiction faite aux étrangers d'exercer toute activité syndicale (art. 269 et 272(b));

-- exigence que les dirigeants syndicaux agissant dans une entreprise soient employés par cette même entreprise (règle II(3)(f) du livre V portant application du Code du travail).

Arbitrage obligatoire

Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que l'article 263(g) du Code du travail, tel qu'amendé, permet au ministre du Travail et de l'Emploi de soumettre un différend à l'arbitrage obligatoire, mettant ainsi fin à la grève, dans des situations autres que celles concernant les services essentiels ou lors de crises nationales aiguës. La disposition confère ce pouvoir au ministre lorsqu'il ou elle est d'avis qu'il existe "un conflit de travail causant ou susceptible de causer une grève ou un lock-out dans les branches d'activités indispensables à l'intérêt national". La disposition confère de plus au Président le pouvoir de déterminer "les branches d'activité qui, à son avis, sont indispensables à l'intérêt national", et lui permet d'intervenir en tout temps et d'avoir juridiction "sur tout conflit de travail afin d'y mettre un terme". Le gouvernement indique dans sa réponse que le pouvoir du Président d'intervenir en cas de grève n'est pas sans limite puisque son intervention ne peut avoir lieu que dans les branches d'activités indispensables à l'intérêt national. Tout en prenant note de l'indication du gouvernement, la commission doit à nouveau souligner que cette disposition du Code du travail est rédigée en termes généraux qui pourraient permettre son application dans des situations bien au-delà de celles auxquelles les actions de grève devraient être limitées ou interdites pour être en conformité avec la convention. Elle rappelle qu'une telle intervention n'est admissible que dans les cas suivants: i) dans les services essentiels, à savoir ceux dont l'interruption mettrait en danger, dans l'ensemble ou une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne; ii) en cas de crises nationales aiguës seulement dans la mesure nécessaire pour faire face à la situation, et seulement pour une durée limitée; iii) concernant les fonctionnaires qui exercent des fonctions d'autorité au nom de l'Etat.

Considérant l'importance du droit de grève, celui-ci étant un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux, et considérant le critère permettant de limiter les grèves prévu à l'article 263(g) qui s'étend au-delà des situations soulignées plus haut, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour amender sa législation afin de la rendre conforme aux exigences de la convention.

Sanctions pour faits de grève

La commission note qu'elle a demandé depuis plusieurs années au gouvernement de revoir et d'amender les articles 264(a) et 272(a) du Code du travail et l'article 146 du Code pénal qui permettent d'imposer des sanctions civiles et pénales pour participation à une grève. En ce qui concerne l'article 264(a), qui permet de congédier un dirigeant syndical pour avoir participé à une grève illégale, le gouvernement indique à nouveau que cette disposition ne s'applique pas à un dirigeant syndical participant à une grève légale et affirme que la disposition vise "l'amélioration des conditions de travail et le maintien de la paix". Le gouvernement déclare également que l'article 272(a) prévoit une amende et/ou un emprisonnement de trois mois minimum et de trois ans maximum, applicable seulement dans les circonstances énumérées à l'article 264. La commission rappelle néanmoins que des sanctions pour action de grève ne devraient s'appliquer que dans les cas où les interdictions en cause sont en conformité avec les principes de la liberté syndicale (voir étude d'ensemble sur la liberté syndicale et la négociation collective, 1994, paragr. 117). Comme l'avait noté la commission et comme l'avait reconnu le gouvernement dans ses précédents rapports, certaines limitations aux actions de grève prévues dans la loi ne sont pas conformes aux principes issus de la convention; par conséquent, toutes sanctions imposées en violation de telles dispositions sont également incompatibles avec la convention.

En ce qui concerne l'article 146 du Code pénal, le gouvernement indique que cette disposition s'attaque à deux types d'assemblée illégale: i) une réunion constituée de personnes armées dans le but de commettre un crime; ii) une réunion où l'audience est incitée à commettre une trahison, une rébellion, une sédition ou une agression. Il déclare également que la référence au mot "réunion" ne doit pas être perçue comme incluant le principe des piquets de grève à moins que des individus armés fassent partie de ces piquets de grève dans le but de commettre un crime ou d'inciter l'audience à commettre un crime de trahison, rébellion, sédition ou agression. La commission est encore obligée de souligner que le paragraphe 3 de l'article 146 fait référence à la participation à "toute réunion tenue à des fins de propagande antigouvernementale..." et que le terme "réunion" est défini comme incluant les piquets de grève organisés par des groupes de travailleurs et autres actions collectives similaires. En prenant note de la remarque faite par le gouvernement dans son rapport selon laquelle une personne punie en vertu de l'article 272 du Code du travail n'est pas passible d'une peine en vertu du Code pénal, la commission reste néanmoins d'avis que les sanctions pour faits de grève (y compris le blocage par des piquets de grève) prévues par le Code du travail et par le Code pénal sont excessivement sévères et ne sont pas proportionnelles aux délits commis, en particulier les peines d'emprisonnement qui ne devraient pas être imposées en cas de grève pacifique. La commission demande donc à nouveau au gouvernement d'amender ces dispositions du Code pénal et du Code du travail pour s'assurer que les sanctions imposées en cas de grèves illégales soient proportionnelles à la nature du délit.

Limitation au droit de constituer des organisations et de s'y affilier

Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté les divergences existant entre le Code du travail et les articles 2 et 5 de la convention: i) l'exigence qu'au moins 20 pour cent des travailleurs d'une unité de négociation soient affiliés à un syndicat (art. 234(c)); ii) l'exigence d'un nombre trop élevé de syndicats (10) pour constituer une fédération (237(a)); iii) l'interdiction faite aux étrangers, autres que ceux qui détiennent des permis de travail valables dès lors que des droits identiques ont été accordés aux travailleurs philippins dans leur pays d'origine, d'exercer toute activité syndicale (art. 269) sous peine d'expulsion (section 272(b)). La commission note avec regret que ces limitations ont été récemment confirmées en vertu de l'ordre départemental no 9 modifiant les règles portant application du livre V du Code du travail, en particulier la règle III (2) (b), la règle I (1) (m), la règle III (2) (II) et la règle II (2) respectivement. Etant donné l'importance du droit des travailleurs de pouvoir constituer et de pouvoir s'affilier à des organisations de leur choix et celui des organisations de travailleurs de pouvoir constituer et de pouvoir s'affilier à des fédérations et des confédérations sans autorisation préalable, la commission prie instamment le gouvernement de considérer la révision et la modification des dispositions du Code du travail et des règles appliquant le Code du travail, et de rendre ces dispositions conformes aux exigences des articles 2 et 5 de la convention.

Limitation au droit d'élire librement des représentants

Dans ses précédents commentaires, la commission avait attiré l'attention sur la règle II (3) (f) du livre V portant application du Code du travail qui prévoit que les dirigeants syndicaux agissant dans une entreprise soient employés par cette même entreprise. En outre, selon le Code du travail, le terme "employé" comprend "tout individu dont le travail a cessé par suite ou en rapport avec tout conflit de travail en cours ou en raison de toute faute professionnelle s'il n'a obtenu aucun autre emploi équivalent et régulier". La commission avait souligné qu'une telle législation comportait le risque d'une ingérence de l'employeur par le biais du licenciement des dirigeants syndicaux pour exercice d'activités syndicales légitimes, dont le résultat (ou même le but) est de les empêcher à l'avenir d'assumer des fonctions de dirigeant syndical. La commission avait alors demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de rendre l'exigence plus souple de façon à permettre, par exemple, une proportion raisonnable des dirigeants syndicaux extérieurs à l'entreprise ou d'admettre comme candidats des personnes employées auparavant au poste ou dans l'entreprise concernée (voir étude d'ensemble, op. cit., 1994, paragr. 117). Dans son rapport, le gouvernement note avec intérêt cette recommandation et avise qu'il tiendra informée la commission sur les mesures qu'il prendra en considération de cette recommandation. La commission prend bonne note de cette déclaration et exprime l'espoir qu'elle indique un désir de la part du gouvernement de rendre cette disposition conforme aux exigences de l'article 3 de la convention en autorisant les organisations d'élire librement leurs représentants.

La commission exprime le ferme espoir que le gouvernement prendra sans délai les mesures pour rendre sa législation plus conforme avec les exigences de la convention. La commission prie le gouvernement de la tenir informée des mesures prises ou envisagées à cet égard.

Par ailleurs, la commission adresse au gouvernement une demande directe.

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