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Observation (CEACR) - adoptée 1997, publiée 86ème session CIT (1998)

Convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 - Afghanistan (Ratification: 1969)

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1. La commission note qu'aucun rapport n'a été reçu du gouvernement. Se référant à son observation antérieure, la commission note la communication de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) datée du 4 août 1997, alléguant la violation de la convention par les Talibans, communication qui inclut deux rapports d'Amnesty International intitulés "Rapport d'Amnesty International sur l'Afghanistan: de graves atteintes aux droits de l'homme sont commises au nom de la religion" (novembre 1996) et "Les femmes en Afghanistan: les violations continuent" (juin 1997). Cette communication a été transmise au gouvernement le 12 août 1997 pour commentaires, mais aucune réponse n'a été reçue à ce sujet.

2. De la communication de la CISL, la commission note l'allégation selon laquelle "la milice armée des Talibans, qui contrôle environ entre les deux tiers et les trois quarts du pays, y compris la capitale Kaboul, impose un code de conduite strict dans les régions sous son contrôle. Ce code comprend des édits, émis arbitrairement, qui enferment les femmes dans leurs foyers et leur interdisent d'aller travailler hors de chez elles. Il est interdit aux jeunes filles et aux femmes d'aller en classe et de fréquenter des hautes écoles. Ces interdictions sont imposées jusqu'à nouvel avis. Comme les Talibans ont renforcé leur contrôle, il n'y a aucun assouplissement dans les restrictions. Dans plusieurs cas, des femmes qui ont transgressé ces ordres ont été battues en public par des Talibans armés de longues chaînes". La commission note également, d'après le rapport de novembre 1996 d'Amnesty International, le commentaire selon lequel, en novembre et décembre 1996:

"L'action humanitaire des Nations Unies et des organisations non gouvernementales a été sérieusement entravée par les Talibans, qui n'autorisent pas le personnel féminin à participer aux programmes en cours, hormis dans le domaine de la santé. Sans leur personnel féminin, les organisations ne sont donc pas en mesure de procéder à l'évaluation des besoins et aux distributions, ni au contrôle et autres activités indispensables pour aider les nécessiteux. De plus, elles ont constaté une augmentation considérable des blessures dues aux mines subies par les femmes et les enfants depuis l'interdiction faite aux femmes de participer aux programmes de sensibilisation aux mines et la fermeture des écoles par les Talibans ... L'impact des restrictions imposées aux femmes par les Talibans se fait surtout sentir dans les villes comme Hérat et Kaboul, où le nombre de femmes instruites et actives professionnellement était relativement élevé par rapport aux campagnes, où les femmes sont traditionnellement exclues de la vie publique. L'Université de Kaboul, fermée depuis la prise de pouvoir des Talibans, accueillait près de 8 000 étudiantes, dit-on, et des milliers de femmes occupaient différents postes dans la capitale. Quelque 3 000 femmes auraient perdu leur travail à Hérat après l'entrée des Talibans dans la ville, en septembre 1995 ... Les femmes actives de Hérat et de Kaboul ont protesté en vain contre le code sévère imposé par les Talibans. Une habitante de Hérat a déclaré à Amnesty international qu'après leur entrée dans la ville en septembre 1995 les Talibans avaient fermé certaines administrations, ainsi que les bains publics pour les femmes et les écoles de filles. Les femmes fonctionnaires avaient continué pendant quelque temps à percevoir leur salaire sans travailler, puis elles n'avaient plus été payées ... Les infirmières constituent le pivot du système de santé à Kaboul. Celles qui avaient continué à soigner les malades au début d'octobre 1996 ont été rouées de coups à maintes reprises par des Talibans. Dans un hôpital, ceux-ci auraient renvoyé chez elles les 80 malades de sexe féminin sous prétexte que leur pudeur ne pouvait être préservée dans un service surpeuplé".

3. La commission note en outre, selon la communication de la CISL, que l'UNICEF estime que 700 000 femmes sont devenues veuves après environ vingt ans de guerre dans le pays et que, malgré quelques exceptions, beaucoup de ces femmes sont actuellement interdites de travailler pour se prendre en charge elles-mêmes ainsi que leurs familles. Le rapport d'Amnesty International de 1997 mentionné ci-dessus déclare à cet égard que:

"En certaines circonstances exceptionnelles, les Talibans ont suspendu leur interdiction faite aux femmes afghanes de travailler hors de chez elles. Toutefois, même ces femmes qui ont la permission de travailler ne sont pas en sécurité dans les zones contrôlées par les Talibans. On raconte qu'en mai 1997 des membres des Talibans ont battu à Kaboul un groupe de femmes afghanes qui travaillaient pour l'organisation d'entraide CARE International. Les Talibans du département de la "prévention du vice et protection de la vertu" ont expulsé les cinq femmes du minibus dans lequel elles circulaient. Ces femmes ont été publiquement humiliées devant une foule nombreuse et deux d'entre elles ont été battues. Les Talibans ont averti les organisations étrangères de ne pas employer du personnel local féminin afghan, mais CARE International affirme que les cinq femmes en question avaient des documents leur permettant de continuer à travailler dans le domaine de l'aide. ... A plusieurs reprises dans le passé, les Talibans ont déclaré que les écoles pour les femmes et les jeunes filles seraient rétablies lorsque la sécurité serait améliorée dans le pays. Néanmoins, ceci apparaît comme une fausse promesse, vu que les jeunes filles demeurent exclues des écoles même dans les régions du Sud-Ouest de l'Afghanistan où les Talibans ont un contrôle sans conteste depuis bientôt trois ans."

4. La commission note ces informations avec une profonde préoccupation. Elles indiquent un manque de respect de l'obligation de mettre en oeuvre pour les jeunes filles et les femmes les droits fondamentaux de l'homme couverts par la convention. La commission est également consciente du fait que les mesures de ce type pourraient imposer d'énormes privations aux familles des femmes en question, ainsi qu'aux autres personnes qui bénéficient de différentes manières des activités menées par ces femmes. Notant qu'aucune réponse n'a été reçue ni à l'observation de la commission de 1996 -- qui demandait des informations détaillées sur cette situation -- ni à la communication transmise par la CISL, la commission exhorte le gouvernement à communiquer un rapport complet sur toutes les mesures prises pour limiter ou interdire les opportunités d'éducation et d'emploi des personnes de sexe féminin.

[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 86e session.]

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