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Observation (CEACR) - adoptée 1996, publiée 85ème session CIT (1997)

Convention (n° 107) relative aux populations aborigènes et tribales, 1957 - Inde (Ratification: 1958)

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1. La commission prend note de la communication envoyée le 2 mai 1996 par un syndicat, le Bijli Mazdoor Panchayat (BMP), alléguant des conditions de travail inhumaines imposées par l'Autorité de l'électricité de Gujarat qui affectent un grand nombre de travailleurs des tribus énumérées dans la Constitution. Cette communication déclare que l'autorité possède une grande centrale thermique à Ukai (Taluka Songadh, district de Surat, dans l'Etat du Gujarat) qui émet des cendres et de la poussière de charbon non brûlée produites par les chaudières dans une zone établie par l'autorité, appelée "zone de cendres", où travaillent 4 000 employés, dont la majorité sont des femmes. D'après la communication, ils sont tous qualifiés d'adivasis ou peuples tribaux. Ces travailleurs doivent séparer la poussière de charbon de l'eau courante utilisée pour nettoyer les chaudières. La poussière de charbon ainsi récupérée est ensuite vendue par l'autorité.

2. Le BMP indique qu'aux termes de la loi concernant les usines cette "zone de cendres" est considérée comme une usine. Les travailleurs sont donc en droit de bénéficier des prestations prévues dans la loi concernant les usines, mais ce n'est pas le cas. Selon le BMP, ils ne disposent pas d'eau potable sur leur lieu de travail; il n'y a ni toilettes ni cantines ou locaux pour manger, ni crèches. Les travailleurs employés dans les "zones de cendres" n'ont pas, comme le prévoit la loi, de carte d'identité; ils n'ont pas droit au congé. Ils sont supposés travailler douze heures par jour sans paiement des heures supplémentaires et toute la "zone de cendres" est polluée par la poussière de charbon et par les cendres en suspension dans l'air. Les travailleurs ne sont pas pourvus d'équipement de protection ou de sécurité. Il n'existe pas de registre des salaires, et le salaire journalier d'un travailleur est de 20 roupies (approximativement 0,72 franc suisse au taux de change de novembre 1996). La communication conclut en affirmant que l'Inspection du travail et les autres agences gouvernementales sont des spectateurs silencieux de cette exploitation du travail.

3. La commission note que le gouvernement a indiqué dans sa réponse - au titre de cette convention et d'autres - que les travailleurs réguliers de la station thermique (dont nombre sont des travailleurs sous contrat) jouissent de conditions normales de travail et que les commentaires du BMP ne concernent que les travailleurs extérieurs aux locaux de l'usine qui ne sont couverts par aucun accord et ne travaillent pas pour un employeur immatriculé. Ces travailleurs, qui sont appelés les Mukadams, sont payés à la pièce. Le gouvernement indique que le BMP a engagé de nombreuses actions concernant ces travailleurs et que, sans reconnaître sa responsabilité légale en la matière, l'Autorité de l'électricité de Gujarat a procuré des équipements de base à ces travailleurs et que certaines actions sont en cours, suite au résultat des inspections du travail. En ce qui concerne plus particulièrement la convention no 107, le gouvernement affirme qu'il ne peut émettre de commentaires puisqu'il n'existe pas de législation du travail spécifique pour les travailleurs issus des populations tribales. A cet égard, la commission rappelle qu'aux termes de l'article 15 de la convention les Etats ayant ratifié ladite convention doivent adopter des mesures spéciales pour les travailleurs appartenant aux populations intéressées aussi longtemps que ces travailleurs ne seront pas à même de bénéficier de la protection que la loi accorde aux travailleurs en général. Comme il semble, à ce stade, que la situation de ces travailleurs est traitée conformément à la législation générale du travail, la commission soulèvera cette question sous les autres conventions concernées et prie le gouvernement de continuer à la tenir informée de la façon dont la situation de ces travailleurs issus des populations tribales est réglée.

4. La commission prend note également d'une communication du Centre indien des syndicats (CITU), en date du 16 mai 1996, qui affirme que le développement socio-économique des populations tribales est largement inférieur à la moyenne nationale. Ces commentaires entrent dans le détail des questions de développement agricole et industriel, de santé, d'éducation et de travail ainsi que de l'éviction des populations tribales des zones d'exploitation minière, de sites de construction de barrages ou d'autres projets de développement en cours. En réponse à cette communication, le gouvernement a fourni des informations détaillées quant aux efforts qu'il déploie pour favoriser les populations tribales. Comme cette communication ainsi que la réponse du gouvernement concernent l'application pratique de nombreuses dispositions de la convention, la commission les a examinées plus en profondeur dans une demande adressée directement au gouvernement.

5. Dans sa précédente observation, la commission avait noté qu'un groupe de cinq membres avait été désigné pour poursuivre l'examen des discussions engagées en juin 1993 sur la question du projet hydroélectrique du barrage de Sardar Sarovar, au sujet de laquelle la Commission de la Conférence avait demandé au gouvernement de prendre d'urgence des mesures pour mettre ses politiques de réinstallation et de réadaptation des populations tribales en conformité avec les dispositions de la convention. Elle avait demandé au gouvernement de lui fournir des informations sur les travaux du groupe, y compris une copie de toutes les conclusions qu'il aura pu adopter. La commission prend note que le gouvernement a indiqué qu'en juillet 1994 le groupe de cinq membres a présenté ses conclusions, lesquelles concernent, entre autres points, la question de la réinstallation et de la réadaptation. Le groupe a recommandé qu'un plan de réinstallation et de réadaptation des peuples affectés par le projet soit immédiatement élaboré s'il n'existe pas encore. Il a également préconisé de corriger les mécanismes de plaintes et de réparations ainsi que le recours aux organisations bénévoles. En réponse à ces conclusions du groupe de cinq membres, le gouvernement indique que l'application des mesures de réinstallation et de réadaptation est étroitement contrôlée par l'Autorité de contrôle de Narmada et le sous-groupe sur la réinstallation et la réadaptation de l'Autorité de contrôle de Narmada; que des visites sur le terrain sont effectuées par le sous-groupe et des rapports présentés trimestriellement à la Cour suprême de l'Inde, conformément à ses directives.

6. La commission note que l'information fournie par le gouvernement concernant les progrès accomplis, jusqu'en avril 1996, en matière de réinstallation et de réadaptation des populations tribales affectées par le projet hydroélectrique du barrage de Sardar Sarovar indique qu'il subsiste des différences substantielles entre les Etats. Dans l'Etat de Gujarat, plus de 4 300 sur les 4 600 familles concernées ont été réinstallées; dans l'Etat de Maharastra, plus de 1 300 sur les 3 113 familles affectées n'ont pas été réinstallées; alors que, dans l'Etat de Madhya Pradesh, à peine plus de 3 000 sur 30 000 familles ont été réinstallées. En conséquence, la commission prie à nouveau le gouvernement de veiller à ce que les populations tribales qui ont été déplacées, ou qui le seront, soient traitées conformément à la convention et reçoivent une indemnisation conforme aux exigences de la convention.

7. En sus de l'information sur les progrès actuels réalisés en matière de réinstallation, la commission avait demandé des informations sur les politiques relatives à la réadaptation et la réinstallation des trois Etats précités et sur la manière dont la distribution de terre prend en compte la superficie de terre précédemment occupée par les populations tribales déplacées (concept légal d'"occupation traditionnelle"), y compris sur toutes mesures prises ou envisagées afin de compenser les différents types d'utilisation des terres. A cet égard, la commission note avec intérêt la copie communiquée par le gouvernement du tableau comparatif sur les droits à prestations de réadaptation selon la sentence arbitrale du Tribunal des conflits de Narwada Water (NWDT) et des dispositions comparatives au niveau des Etats (15 septembre 1992) qui compare les arrangements décidés par les Etats concernés. A cet égard, la commission note que les politiques dans les trois Etats sont, sur la plupart des points, plus favorables aux oustees (personnes déplacées) que les sentences du NWDT, notamment en ce qui concerne les oustees sans terre qui "occupent par empiétement", bien que pour ces derniers des limites aient été fixées en ce qui concerne l'indemnisation offerte. La commission note en outre les déclarations selon lesquelles la réinstallation et la réadaptation doivent améliorer ou, à tout le moins, égaler les précédentes conditions de vie, garantir la réinstallation en unités villageoises, sections villageoises ou familiales ou autres. Elle note enfin l'affirmation selon laquelle aucune zone ne sera inondée, par suite de ce projet, jusqu'à ce que tous les arrangements pour la réinstallation et une indemnisation appropriée aient été conclus.

8. Il apparaît donc que des efforts ont été faits pour offrir une compensation pour les terres occupées par des populations tribales, même si la compensation offerte n'est pas dans tous les cas pleinement conforme à ce qui est prescrit à l'article 12 de la convention. La commission demeure cependant préoccupée par les difficultés rencontrées en matière d'acquisition de terres et d'offre de compensation, notamment dans les Etats de Maharastra et Madhya Pradesh. En conséquence, elle prie le gouvernement de la tenir pleinement informée des progrès réalisés sur ce point.

9. La commission note également qu'il existe d'autres cas dans lesquels les populations tribales sont déplacées pour des raisons de développement et espère que le gouvernement fournira des informations sur les indemnisations offertes dans ces autres cas.

10. La commission adresse une demande directe au gouvernement sur d'autres points.

[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 85e session et de communiquer un rapport détaillé en 1997.]

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