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Observation (CEACR) - adoptée 1995, publiée 83ème session CIT (1996)

Convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 - Pakistan (Ratification: 1961)

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1. Dans ses précédentes observations, la commission soulevait un certain nombre de points concernant l'application de la convention. Ces points faisaient également l'objet de commentaires formulés en 1993 par la Fédération nationale des syndicats du Pakistan et la Fédération des syndicats du Pakistan, qui soulignaient la nécessité que des mesures soient prises par le gouvernement pour donner effet dans la pratique à la convention et, en particulier, pour mettre fin à toute discrimination fondée sur la religion, promouvoir l'égalité de chances, notamment en faveur des femmes, et rendre plus conscientes toutes les composantes de la société à cet égard. La commission note les informations contenues dans le rapport du gouvernement, rapport qui a également été remis à la Commission de la Conférence en 1995. La commission note par ailleurs la déclaration du représentant du gouvernement devant la Commission de la Conférence dans laquelle il rejette les affirmations des deux organisations syndicales concernant la discrimination fondée sur la religion et le sexe.

2. Egalité au regard de la religion. Depuis un certain nombre d'années, la commission appelle l'attention sur les dispositions de l'ordonnance (no XX) de 1984 relative aux activités anti-islamiques du groupe quadiani, du groupe lahori et du groupe ahmadi (interdiction et sanction), laquelle prévoit des peines d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à trois à l'encontre de ces groupes religieux pour, entre autres, propagation de leur foi (art. 3(2)). Estimant que ce genre de sanction peut nuire à l'emploi, la commission a demandé au gouvernement de reconsidérer cette ordonnance et toutes les dispositions administratives en matière d'emploi touchant les membres de groupes religieux, de manière à assurer, dans les textes et dans la pratique, la conformité avec la convention. La commission notait par ailleurs que des membres des groupes ahmadi et quadiani servant dans la fonction publique et les forces armées auraient été licenciés ou révoqués de manière discriminatoire, et demandait une fois de plus des statistiques sur le nombre et le pourcentage d'Ahmadis dans l'administration et les forces armées ainsi que sur les cas de licenciements, y compris leurs motifs. En outre, elle indiquait que l'obligation de signer une déclaration écrite selon laquelle le fondateur du mouvement ahmadi/quadiani est un menteur et un imposteur, avant la délivrance d'un passeport, a pour conséquence de priver ceux qui refusent de signer une telle déclaration de la possibilité de chercher un emploi à l'étranger.

3. Le gouvernement affirme que les contraintes imposées aux Ahmadis par l'ordonnance no XX sont loin d'être accablantes puisqu'elles ne touchent que certaines pratiques en public: les pratiques religieuses peuvent donc être observées à condition qu'elles le soient en privé sans qu'il soit fait d'affront aux Musulmans. Le gouvernement se réfère une fois de plus aux dispositions constitutionnelles qui offrent des garanties contre la discrimination fondée sur la race, la religion, la caste, le sexe, la résidence ou le lieu de naissance (art. 27) et obligent l'Etat à sauvegarder les droits et intérêts légitimes des minorités. Il rappelle également que la Cour suprême a déclaré en juillet 1993 que cette ordonnance ne contrevenait pas à la Constitution. Il indique qu'il traite ces minorités de manière juste et généreuse. S'agissant de l'emploi dans les forces armées, il indique qu'aux termes de l'article 10 de la loi sur l'armée pakistanaise tout citoyen est en droit d'intégrer les forces armées et que l'appartenance à une religion particulière n'a jamais été une condition préalable à l'emploi: plusieurs minorités, y compris la minorité ahmadi, servent dans les forces armées à proportion d'un quota qui leur correspond et conformément à la Constitution. Il indique qu'il juge hors de propos la demande d'information de la part de la commission concernant les statistiques sur le nombre et le pourcentage d'Ahmadis dans l'armée.

4. S'agissant de l'emploi dans l'administration fédérale, le gouvernement indique une fois de plus que 6 pour cent des postes vacants, hormis ceux pourvus par voie de concours, sont réservés aux castes désignées afin de contribuer à combler leur retard sur les plans économique et social. Il ajoute que certains membres de la communauté ahmadi occupent des postes de responsabilité dans l'administration et dans l'armée du pays et qu'aucun membre de cette communauté n'a été licencié de la fonction publique pour des motifs religieux. Il communique des informations sur le nombre de sièges parlementaires réservés aux minorités, y compris à la minorité ahmadi, et se propose de fournir des données sur les minorités une fois réalisé le prochain recensement. Hormis le Conseil consultatif pour les minorités (qui se réunit tous les ans pour donner des avis au gouvernement sur les questions relevant du bien-être des minorités), le gouvernement a mis en place un programme de bourses culturelles destiné à promouvoir et à préserver l'héritage culturel des minorités. La Commission nationale pour les minorités, créée en 1993 dans le but d'examiner les problèmes et recommander des actions, a constitué trois commissions: la Commission des règlements et procédures, la Commission sur l'éducation et la Commission sur la législation, cette dernière étant chargée de procéder à l'examen des dispositions législatives signalées comme étant discriminatoires à l'encontre des minorités. Selon le gouvernement, le ministère de la Justice exécute à l'heure actuelle un programme visant à réviser et à actualiser les lois touchant aux droits des personnes appartenant à des minorités et à examiner le problème de la délimitation des circonscriptions électorales des minorités pour les assemblées nationales et provinciales.

5. S'agissant de la déclaration à signer sur le formulaire de demande de passeport, le gouvernement souligne une fois de plus que, les Ahmadis continuant de "se faire passer" pour des Musulmans, il est devenu nécessaire d'empêcher les non-Musulmans d'obtenir des passeports les présentant comme musulmans; et que la déclaration a eu un effet dissuasif permettant de différencier Musulmans et Ahmadis. Comme il l'a précédemment indiqué, le gouvernement considère cette question sans rapport avec les possibilités d'emploi au regard de la religion, étant donné que les Ahmadis souhaitant chercher du travail à l'étranger ne sont tenus d'indiquer que leur religion sur le formulaire de demande, auquel cas ils ne sont pas dans l'obligation de signer cette déclaration. Le passeport leur est ensuite délivré comme à tout autre citoyen, sans qu'il soit par conséquent contrevenu à la convention.

6. La commission note les discussions qui ont eu lieu sur ce point au sein de la Commission de la Conférence, qui considère que l'ordonnance no XX ainsi que les règles de délivrance des passeports sont lourdes de conséquences sur le plan de la discrimination religieuse et conseille au gouvernement de recourir à l'assistance technique du Bureau. La commission, tout comme la Commission de la Conférence, rappelle que la Commission des droits de l'homme du Pakistan a recommandé, en janvier 1994, que des mesures soient prises à la fois pour garantir dans la pratique à chaque citoyen le droit constitutionnel de professer, pratiquer et propager sa religion en toute liberté, et pour amener la Cour suprême à revoir sa décision rendue à la majorité concernant l'ordonnance no XX.

7. La commission regrette que le gouvernement juge hors de propos sa demande de statistiques sur le nombre et le pourcentage d'Ahmadis dans les forces armées et la fonction publique, compte tenu en particulier du fait qu'il indique que ces minorités sont employées dans ces secteurs à raison de quotas fixes, ce qui laisse entendre que de telles données sont recueillies. La commission exprime donc l'espoir que le gouvernement reconsidérera sa position sur la question. Dans ce contexte, elle prie instamment le gouvernement de reconsidérer l'ordonnance no XX et de prendre les mesures nécessaires pour garantir, dans les textes et dans la pratique, la protection contre toute forme de discrimination fondée sur la religion dans tous les aspects liés à l'emploi. La commission exprime également l'espoir que ses commentaires, et ceux de la Commission de la Conférence, seront portés à la connaissance de la Commission nationale pour les minorités, au sein de laquelle pourront être examinées les mesures à prendre pour rendre la législation et la pratique nationales conformes aux dispositions de la convention. Elle prie le gouvernement de communiquer des informations sur les activités menées par cette commission nationale dans ce domaine.

8. Egalité au regard du sexe. Le gouvernement indique que, bien qu'elle soit garantie dans la Constitution et la législation, l'égalité entre les sexes ne se reflète pas dans la pratique, en raison de contraintes socioculturelles qui persistent depuis des siècles. Il se réfère au Septième plan quinquennal (1988-1993) qui contient un train de mesures tendant à améliorer la condition des femmes et à garantir à celles-ci l'égalité de chances dans l'enseignement, la santé, l'emploi et dans d'autres domaines. Il est également fait référence dans le rapport aux projets financés par le ministère de l'Avancement des femmes et aux facilités de crédits accordées spécifiquement aux femmes par la Première banque des femmes. S'agissant de la révision de la législation jugée discriminatoire, le gouvernement indique qu'il a été donné suite dans les organismes concernés aux recommandations formulées par la Commission des droits des citoyens sur le plan judiciaire. Le rapport contient également des informations sur la création de cinq centres d'étude pour les femmes dans plusieurs universités. Un premier projet de politique nationale en faveur des femmes, que le ministère de l'Avancement des femmes élabore actuellement en collaboration avec le BIT et l'UNICEF, sera, selon le rapport, débattu en séminaires et en groupes de travail aux échelons régional et national et sera rendu public une fois qu'il aura été approuvé par le Cabinet.

9. La commission prie le gouvernement de communiquer, dans son prochain rapport, des informations sur les conséquences de ces différentes initiatives et en particulier sur les mesures spécifiques prises ou envisagées afin de modifier la législation qui se trouve être, directement ou indirectement, à l'origine de discrimination en matière d'égalité de chances et de traitement des femmes dans l'emploi. La commission le prie également d'indiquer le nombre de programmes destinés à sensibiliser le public et les personnalités ayant une influence sur l'opinion à la nécessité de mettre fin à la discrimination contre les femmes et aux conséquences économiques et sociales découlant d'une telle discrimination. A cet égard, le gouvernement est prié d'indiquer si les programmes en question ont eu pour conséquence d'accroître le taux d'alphabétisation des jeunes filles et des femmes, taux qui, selon les chiffres communiqués au cours de la discussion qui a eu lieu en 1995 au sein de la Commission de la Conférence, semble très faible par comparaison à celui des hommes. Au cours de cette discussion, le gouvernement indiquait que le groupe de travail sur la main-d'oeuvre avait recommandé la création d'une commission spéciale chargée de formuler des recommandations sur la condition socioéconomique de la femme. La commission souhaiterait obtenir des informations sur tout fait nouveau dans ce domaine.

10. Conditions dans les zones industrielles spéciales et les zones industrielles d'exportation. Dans ses précédents commentaires, la commission notait que le groupe de travail tripartite examinait la question relative à la non-application dans les zones industrielles spéciales (SIZ), nouvellement établies, de la législation du travail. Elle se référait également à la situation dans les zones industrielles d'exportation (EPZs), qui sont exclues des effets de la législation du travail, mais où s'applique une législation sociale minimum non obligatoire qui ne comprend pas de garanties contre la discrimination. Le gouvernement indique que les recommandations formulées par le groupe de travail tripartite au sujet des zones industrielles spéciales sont actuellement examinées par la Commission du Cabinet. La commission note toutefois que, si le gouvernement a communiqué des informations sur la zone industrielle d'exportation de Karachi, la seule établie jusqu'à présent, il n'a été fourni aucune indication sur l'application du principe de non-discrimination dans cette zone, qui regroupe 6 000 travailleurs, dont 80 pour cent de femmes. Elle prie donc le gouvernement d'indiquer de quelle façon est assurée l'application de la convention dans ces zones.

11. L'application de la présente convention faisant l'objet d'un dialogue de longue date, la commission suggère au gouvernement d'envisager le recours à l'assistance technique du Bureau.

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