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Observation (CEACR) - adoptée 1993, publiée 80ème session CIT (1993)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Mauritanie (Ratification: 1961)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Mauritanie (Ratification: 2016)

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La commission note les informations communiquées par le gouvernement dans des rapports de février et août 1992. La commission a également pris note du rapport de la mission de contacts directs qui, à la demande du gouvernement, s'est rendue en Mauritanie en avril-mai 1992 ainsi que des discussions ayant eu lieu à la Commission de la Conférence à la suite de cette mission.

Esclavage

Dans ses commentaires antérieurs, la commission s'est référée à la situation en droit et en pratique de l'abolition de l'esclavage dans le pays.

Législation et application effective de la loi. 1. Dans ses commentaires antérieurs, la commission s'est référée aux dispositions suivantes portant abolition de l'esclavage ou interdisant le travail forcé:

- un certain nombre de dispositions adoptées avant l'indépendance, à savoir: le décret de 1905 abolissant l'esclavage, la loi no 46-645 du 11 avril 1946 tendant à la suppression du travail forcé dans les territoires d'outre-mer, la loi no 52-1322 du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans les territoires d'outre-mer;

- le Code du travail de 1963 dont l'article 3 interdit le travail forcé ou obligatoire sous peine des sanctions pénales prévues à l'article 56 a);

- la déclaration du 5 juillet 1980 proclamant l'abolition de l'esclavage et l'ordonnance no 81-234 du 9 novembre 1981 portant abolition de l'esclavage. La commission a relevé que l'ordonnance ne contient pas de dispositions sanctionnant pénalement le fait d'exiger illégalement du travail forcé;

- la commission a également relevé des informations communiquées aux Nations Unies selon lesquelles une circulaire no 003 du 9 janvier 1981 avait invité les juges et les cadis (al-khoudath) à respecter la déclaration de 1980 et à rester en conformité avec le droit international et le droit interne, et une circulaire no 108 du 8 mai 1983 avait renouvelé aux juges l'interdiction de prendre des décisions incompatibles avec les textes et demandé aux gouverneurs de signaler les défaillances et irrégularités dont ils auraient connaissance.

Le gouvernement a indiqué précédemment que la pratique du travail forcé n'existe plus dans le pays et que l'ordonnance no 81-234 portant abolition de l'esclavage n'a aucune portée, car elle consacre, selon le gouvernement, une situation de fait déjà existante, et l'évolution institutionnelle et sociale empêche l'existence, en droit et en pratique, du travail forcé.

La commission a fait observer que les différents textes adoptés avant l'indépendance avaient interdit l'esclavage ou le travail forcé, sans l'empêcher dans la pratique; de même, en dépit des dispositions du Code du travail adopté en 1963, les pratiques d'esclavage n'en ont pas moins continué puisque aussi bien le gouvernement a jugé nécessaire d'adopter en 1980 et 1981 de nouveaux textes, à savoir la déclaration et l'ordonnance abolissant l'esclavage.

La commission note les informations communiquées par le gouvernement à la Commission de la Conférence ainsi que dans ses rapports de février et août 1992 selon lesquelles l'esclavage a été aboli dès avant l'accession à la souveraineté, et cette abolition est confirmée par l'ensemble des dispositions juridiques du pays, notamment par les dispositions du Code du travail et par la nouvelle Constitution du 20 juillet 1991 qui proscrit en son article 13 toute forme de violence morale ou physique. Le gouvernement ajoute que l'ordonnance no 81-234 de 1981 avait pour but beaucoup plus l'éradication des séquelles de l'esclavage que son abolition.

La commission relève que la circulaire susmentionnée no 003 du 9 janvier 1981, dont le gouvernement a communiqué une copie, se réfère à "la nécessité d'insister auprès des autorités judiciaires pour que cessent à jamais toutes considérations de "maîtres à esclave" ou vice versa à propos des procédures et précise que "la pratique de l'esclavage est illicite et doit, par conséquent, désormais prendre fin sous toutes ses formes".

La commission constate que le gouvernement n'a pas fourni au cours des années écoulées d'informations au sujet d'éventuelles poursuites contre des personnes se rendant coupables de travail forcé ou d'esclavagisme et que, dans son dernier rapport, le gouvernement déclare qu'il n'y a pas eu de décisions judiciaires rendues par les tribunaux.

La commission a pris note de certaines informations qui ont pu être recueillies par la mission de contacts directs dont il ressort que l'esclavage n'est pas éradiqué et semblerait atteindre encore une certaine échelle.

La commission rappelle également qu'elle a noté précédemment que le rapport du Groupe de travail des formes contemporaines d'esclavage de la Sous-commission des Nations Unies de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, au cours de sa quinzième session (document E/CN.4/SUB.2/1990/44), faisait état d'informations selon lesquelles les inspections n'ont pas été renforcées (notamment en ce qui concerne les esclaves affranchis qui sont restés avec leurs maîtres), et qu'aucun organisme chargé de coordonner la lutte contre l'esclavage n'a été créé. La commission note à cet égard que le gouvernement a déclaré à la mission de contacts directs qu'il n'était pas favorable à la mise en place d'un tel organisme, préférant prendre les mesures appropriées dans un cadre général.

La commission rappelle qu'en vertu de l'article 25 de la convention, non seulement le fait d'exiger illégalement du travail forcé sera passible de sanctions pénales, mais encore tout Membre ratifiant la convention aura l'obligation de s'assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées.

La commission ne peut que demander une nouvelle fois au gouvernement de fournir des informations sur toutes poursuites entamées et peines infligées pour exaction de travail forcé et sur toutes autres mesures prises ou envisagées pour assurer l'application effective de la législation, telles que par exemple une action d'information et de formation des milieux judiciaires ou des campagnes d'information à l'adresse des populations concernées et du large public par la voie des différents médias.

Mesures de réadaptation. 2. La commission rappelle que la Commission de la Conférence s'est préoccupée précédemment du sort des esclaves libérés afin d'empêcher qu'ils ne retournent ou retombent en esclavage, faute de moyens de subsistance. Elle note les mesures adoptées par le gouvernement pour faire disparaître ce qu'il considère comme les "séquelles d'une pratique anachronique". Le gouvernement indique qu'il s'est attelé depuis quelques années à la mise en place d'une véritable politique d'intégration des descendants d'anciens esclaves dans les différents secteurs de la vie nationale, notamment en matière de scolarisation par l'ouverture d'écoles modernes et traditionnelles dans des endroits à forte présence de "cette couche sociale"; la création d'un département ministériel pour l'alphabétisation des adultes visant à combattre l'analphabétisme dont cette couche est la principale victime; une politique d'accès à la propriété foncière par la distribution de lots à usage d'habitation au bénéfice essentiellement de cette communauté; le gouvernement se réfère à cet égard à l'ordonnance no 83-127 du 9 juin 1983 portant réorganisation foncière et domaniale en indiquant qu'elle interdit tout système de métayage ou de servage et garantit l'accès à la propriété foncière. Le gouvernement ajoute qu'il a appliqué une politique délibérée de promotion des représentants de cette couche sociale à tous les niveaux de la hiérarchie politique et administrative de l'Etat garantissant leur participation effective au processus de prise de décisions.

La commission a pris connaissance du rapport annuel de l'activité du gouvernement durant 1992 et des lignes du programme du gouvernement pour 1993 présentées à l'Assemblée nationale en novembre 1992 qui se réfèrent notamment aux actions et programmes en matière sanitaire, d'éducation et de logement. La commission eût espéré que le gouvernement marquât à cette occasion sa volonté de mettre en pratique la "véritable politique d'intégration des descendants d'anciens esclaves dans les différents secteurs de la vie nationale" dont il fait état dans son rapport d'août 1992 et indiquât les moyens mis en oeuvre à cette fin.

La commission espère en conséquence que le gouvernement communiquera des informations détaillées sur les programmes et actions envisagés ou mis en oeuvre spécifiquement en faveur des anciens esclaves.

3. Se référant aux dispositions de l'ordonnance no 81-234 du 9 novembre 1981, prévoyant que l'abolition de l'esclavage donnerait lieu à compensation des ayants droit dont les modalités seraient fixées par décret ainsi qu'aux discussions ayant eu lieu à la Commission de la Conférence à cet égard, la commission avait prié le gouvernement d'indiquer si ces dispositions ont été abrogées ou, au contraire, mises en application. La commission note les indications fournies par le gouvernement à la mission de contacts directs selon lesquelles il n'entend pas mettre en oeuvre cette ordonnance tant pour des raisons de principe que par défaut de moyens matériels. Il n'a cependant pas l'intention de l'abroger dans un proche avenir.

4. La commission adresse à nouveau directement une demande au gouvernement concernant l'application pratique de l'ordonnance no 83-127 du 5 juin 1983 susmentionnée ainsi que sur d'autres points.

Réquisition de main-d'oeuvre

La commission a noté dans des commentaires formulés depuis de nombreuses années que l'ordonnance no 62-101 du 26 avril 1962 et la loi no 70-029 du 23 janvier 1970 confèrent aux autorités de très larges pouvoirs de réquisition de personnes en dehors des cas de force majeure admis par l'article 2, paragraphe 2 d), de la convention. La commission a relevé que le gouvernement avait déclaré précédemment qu'il reconnaissait la nécessité d'abroger des dispositions non conformes à la convention.

La commission note la déclaration du gouvernement dans son rapport de février 1992 selon laquelle une commission composée de cadres du ministère du Travail et du ministère de l'Intérieur, réunie en décembre 1991, a examiné les deux ordonnances susmentionnées et a jugé nécessaire d'abroger les dispositions non conformes à la convention. La commission note également que le gouvernement a renouvelé à la mission de contacts directs son intention de modifier la législation en cause pour la mettre en conformité avec la convention. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les dispositions adoptées en ce sens.

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