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Observation (CEACR) - adoptée 1992, publiée 79ème session CIT (1992)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Pakistan (Ratification: 1957)

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La commission note les informations communiquées par le gouvernement dans son rapport et la discussion qui a eu lieu à la Commission de la Conférence en 1991. La commission prend note également des observations de la Fédération nationale des syndicats pakistanais sur l'application de la convention.

Servitude pour dettes. 1. Dans ses commentaires précédents, la commission s'était référée aux allégations selon lesquelles des entrepreneurs connus sous le nom de "Kharkars" avaient recours, pour la construction de digues et de canaux d'irrigation, à des travailleurs asservis et elle avait noté qu'un rapport du BIT mentionnait l'emploi d'enfants illégalement asservis dans des "camps Kharkars" où ils étaient obligés de creuser de nuit des tunnels d'irrigation dans des régions rurales éloignées.

La commission avait aussi noté que le rapport du Groupe de travail des Nations Unies sur les formes contemporaines d'esclavage de la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités s'était reféré, au cours de sa quatorzième session, aux informations contenues dans le rapport du Séminaire de l'Asie du Sud sur la servitude des enfants (1989) selon lequelles une exploitation à grande échelle de travailleurs asservis se pratique dans la briqueterie, le tissage des tapis, le nettoyage et l'emballage du poisson, la fabrication de chaussures, la fabrication de bidis, la réparation de voitures, l'agriculture, les mines, les carrières et le concassage des pierres.

La commission avait noté dans un autre rapport soumis au groupe de travail par le président du Front de libération de la main-d'oeuvre asservie du Pakistan (également président de la Bhatta Mazdoor Mahaz (le Front des travailleurs de la briqueterie) que, d'après les estimations de son organisation, environ 20 millions de personnes, parmi lesquelles 7,5 millions d'enfants, tombent dans la catégorie des travailleurs asservis, dont 2 millions de familles travaillant dans les briqueteries comme de vrais esclaves; la plupart de ces personnes n'existent pas dans les registres du gouvernement, ni dans le recensement - elles n'ont donc pas le droit de vote -, ni dans les registres nationaux - elles ne possèdent donc pas de cartes d'identité.

La commission avait noté également qu'au cours des discussions du groupe de travail l'observateur du Pakistan, se référant à l'existence de la servitude pour dettes dans son pays, avait déclaré que le gouvernement était pleinement conscient de ces maux sociaux et était déterminé à les éliminer.

La commission avait pris note de trois décisions rendues par la Cour suprême du Pakistan dans le cas no 1 de 1988 (concernant l'application des droits constitutionnels fondamentaux aux travailleurs asservis dans les briqueteries): la décision datée du 18 septembre 1988 (qui n'était pas définitive) en vertu de laquelle pour la première fois les travailleurs des briqueteries étaient considérés comme des travailleurs asservis, la décision intérimaire du 23 novembre 1988 et la décision définitive du 22 mars 1989.

La commission avait exprimé l'espoir que, à la suite des décisions de la Cour suprême sur les travailleurs asservis dans les briqueteries, les mesures nécessaires seraient prises pour supprimer le travail forcé et la servitude pour dettes, aussi bien dans la pratique que dans la législation, tant dans les briqueteries que dans d'autres branches d'activité, et que le gouvernement fournirait des indications détaillées sur les mesures prises ou envisagées à cette fin.

La commission note que le rapport du gouvernement ne contient aucune information sur les mesures qui ont été prises pour supprimer le travail forcé et le travail asservi dans la pratique, conformément aux décisions de la Cour suprême.

2. La commission a pris note du rapport du Groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage à sa seizième session, 1991, qui se réfère aux informations soumises par Anti-Esclavage International indiquant que, en dépit de l'interdiction du travail des enfants, 50.000 enfants entre 4 et 12 ans travaillent dans de petits ateliers de tissage de tapis subventionnés par l'Etat et environ 500.000 dans des ateliers privés; à Karachi et Hyderabad 50 pour cent de ces enfants mouraient de fatigue et de maladie. Il est dit aussi que le statut des travailleurs asservis s'est aggravé après l'arrivée des réfugiés afghans, adultes et enfants, dont le nombre serait supérieur à un demi-million, qui étaient prêts à travailler en tant que travailleurs asservis. Le rapport attire l'attention sur la pratique consistant à vendre et à acheter des travailleurs asservis dans l'agriculture, au Mardam et au Surabi, les victimes étant appelées "Gehna Makhelooq" (créatures hypothéquées).

La commission espère que le gouvernement fournira des informations en relation avec ces allégations et sur les mesures prises ou envisagées à cet égard.

3. Tout en relevant que le rapport du gouvernement ne contient aucune information sur l'application pratique de la convention pour ce qui est du travail forcé et du travail asservi, la commission note cependant avec intérêt les informations figurant dans le rapport du gouvernement pour la période se terminant en juin 1991 selon lesquelles un projet de loi prévoyant l'abolition du système de servitude pour dettes a été soumis au Parlement.

La commission note qu'en vertu de l'article 4 1) du projet de loi le système de servitude pour dettes sera déclaré aboli, que tout travailleur asservi sera déclaré libre et dégagé de toute obligation d'exécuter un travail asservi et que nul ne fera d'avances (peshgi) entraînant la servitude pour dettes ni n'obligera qui que ce soit à se livrer à un travail asservi ou à toute autre forme de travail forcé (art. 4).

Le projet de loi rend nulle et non avenue toute coutume, tradition ou pratique d'un contrat, accord ou autre instrument, qu'il ait été conclu ou exécuté avant ou après l'entrée en vigueur de la loi, en vertu de laquelle une personne, ou un membre de sa famille, est contrainte d'exécuter un travail ou de rendre un service en tant que travailleur asservi (art. 5). L'obligation d'un travailleur asservi de rembourser en totalité ou en partie une dette contractée dans ces conditions, et qui n'a pas été remboursée immédiatement avant l'entrée en vigueur de la loi, s'éteint. Aucun procès ou autre poursuite ne peut être engagé devant une juridiction civile, un tribunal ou toute autre autorité en vue du recouvrement d'une dette contractée par un travailleur asservi ou d'une partie de cette dette (art. 6).

Le projet de loi prévoit des mesures spéciales de mise en application, notamment la constitution de comités de vigilance au niveau du district comprenant des représentants élus de la région, des représentants de l'administration du district, d'associations de juristes, de la presse, de services sociaux officiels et des ministères du Travail des gouvernements fédéraux et provinciaux. Ils ont pour fonction de conseiller l'administration du district sur les questions relatives à la mise en application effective de la loi et d'aider à la réinsertion des travailleurs asservis qui ont recouvré la liberté, de surveiller la bonne application de la loi et d'offrir aux travailleurs asservis toute l'assistance nécessaire pour atteindre les objectifs de la loi (art. 15).

L'asservissement des travailleurs en vertu du système de servitude pour dettes est passible d'une peine d'emprisonnement allant de deux à cinq ans ou d'une amende de 50.000 roupies ou des deux à la fois (art. 11 et 12).

La commission a pris connaissance d'informations selon lesquelles le projet de loi a été adopté par l'Assemblée nationale en février 1992.

La commission espère que le gouvernement communiquera un exemplaire de la loi lorsque celle-ci aura reçu l'assentiment du président, ainsi que des informations détaillées sur les mesures prises ou envisagées pour appliquer la loi dans la pratique.

4. La commission a pris note avec intérêt de la loi no V de 1991 interdisant l'emploi des enfants dans certaines professions et réglementant les conditions de travail des enfants, à laquelle le représentant gouvernemental s'est référé dans sa déclaration à la Commission de la Conférence en 1991.

Restrictions à la cessation de l'emploi. 5. La loi de 1952 du Pakistan sur le maintien des services essentiels et la loi de 1958 du Pakistan occidental sur le maintien des services essentiels font l'objet de commentaires de la part de la commission et de discussions à la Commission de la Conférence depuis un grand nombre d'années. En vertu des articles 2, 3, paragraphe 1 b), ainsi que de l'explication 2 et de l'article 7, paragraphe 1, de la loi du Pakistan sur le maintien des services essentiels, toute personne travaillant pour le gouvernement central, quel que soit l'emploi qu'elle exerce, est passible d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à un an si elle met fin à son emploi sans le consentement de son employeur, nonobstant toute condition expresse ou tacite de son contrat prévoyant la démission avec préavis. Aux termes de l'article 3 de ladite loi, ces dispositions peuvent être étendues à d'autres catégories d'emploi. Des dispositions analogues figurent dans la loi du Pakistan occidental pour ce qui est des personnes travaillant pour le gouvernement du Pakistan occidental, pour une institution créée par lui, pour une autorité locale ou pour un service concernant les transports ou la défense civile.

La commission avait noté l'indication fournie par le gouvernement dans son rapport pour la période se terminant en juin 1989, et dans son rapport à la Commission de la Conférence en 1989 et en 1990, selon laquelle le gouvernement avait décidé de se conformer aux exigences de la convention en modifiant la loi de 1952 du Pakistan sur le maintien des services essentiels, de manière qu'un travailleur d'un établissement tombant dans le champ d'application de la loi puisse mettre fin à son emploi, conformément aux conditions expresses ou tacites de son contrat d'engagement, et que l'amendement proposé serait soumis à l'Assemblée nationale.

La commission prend note des indications fournies par le gouvernement à la Commission de la Conférence en 1991 et dans son rapport selon lesquelles la loi est en cours de modification dans le sens indiqué ci-dessus.

La commission espère fermement que les mesures nécessaires seront bientôt adoptées pour mettre la loi de 1952 du Pakistan sur le maintien des services essentiels et la loi de 1958 du Pakistan occidental sur le maintien des services essentiels, en conformité avec la convention, et que le gouvernement indiquera les mesures prises.

[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 79e session et de communiquer un rapport détaillé pour la période se terminant le 30 juin 1992.]

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