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Observation (CEACR) - adoptée 1992, publiée 79ème session CIT (1992)

Convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 - Roumanie (Ratification: 1973)

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1. La commission rappelle que, pendant de nombreuses années, elle a examiné la compatibilité avec la convention de mesures qui se sont traduites par des pratiques discriminatoires en matière d'emploi et de profession pour des motifs fondés sur l'opinion politique, l'origine sociale et l'ascendance nationale. En juin 1989, un certain nombre de délégués travailleurs à la Conférence internationale du Travail ont déposé une plainte contre le gouvernement de la Roumanie en vertu de l'article 26 de la Constitution, alléguant la violation de la convention no 111. Depuis lors, la commission a suspendu ses observations en attendant l'examen de cette plainte par la commission d'enquête instituée par le Conseil d'administration.

2. La commission prend note du rapport de la commission d'enquête, présenté en mai 1991 (voir BIT, Bulletin officiel, vol. LXXIV, 1991, série B, supplément 3), et du dernier rapport du gouvernement, reçu en février 1992.

3. La commission note que le changement de gouvernement qui est intervenu en décembre 1989 a affecté la procédure suivie par la commission d'enquête, qui a conclu que la renonciation au concept de parti unique et la mise en place des conditions nécessaires au pluripartisme, l'autorisation de constituer des organisations et associations professionnelles et le rétablissement de la liberté de culte avaient justifié un certain nombre des allégations contenues dans la plainte et rendu superflues les recommandations qu'elle aurait été amenée à faire à cet égard. La commission note qu'en conséquence les recommandations de la commission d'enquête n'ont donc été formulées que pour ce qui a trait aux conclusions pouvant avoir une incidence sur la situation actuelle.

4. D'une façon générale, la commission d'enquête a conclu que des pratiques discriminatoires fondées sur l'opinion politique et l'origine sociale peuvent continuer de se produire dans la pratique; que la discrimination fondée sur l'ascendance nationale et la race continue de s'exercer dans une large mesure contre les Roms et, dans une moindre mesure, contre les Magyars; et qu'il n'existe aucune politique en vue de promouvoir l'égalité de chances et de traitement en matière d'emploi et de profession, aux termes de la convention.

5. La commission d'enquête a recommandé, comme prémisses essentielles à l'application de la convention, le renforcement du concept de la primauté du droit dans la société roumaine, l'adoption du principe de la séparation des pouvoirs; la création d'une procédure judiciaire indépendante et objective comportant le libre accès à la justice, le droit de recours et le respect des droits de la défense, ainsi que le respect des droits de l'homme, y compris la liberté syndicale et la négociation collective. De manière plus spécifique, la commission d'enquête a recommandé que des mesures soient prises dès que possible pour mettre fin à toute discrimination en matière d'emploi et de profession fondée sur l'un des critères énoncés dans la convention, et en particulier l'opinion politique; de démanteler la politique d'assimilation et de discrimination envers les minorités; de réparer les conséquences de l'ancienne politique de discrimination; et de formuler et promouvoir une politique d'égalité de chances et de traitement en matière d'emploi, de profession, de formation et d'éducation, notamment en faisant régner un climat de tolérance pour tous les groupes de citoyens roumains quelles que soient leur race, leur religion ou leur ascendance nationale. La commission d'enquête a encore recommandé qu'un certain nombre de mesures soient prises pour atteindre les objectifs ci-dessus et que des informations détaillées sur tous les développements pertinents soient données dans les rapports annuels sur l'application de la convention no 111 qui sont soumis au titre de l'article 22 de la Constitution de l'OIT.

6. A la lumière des observations antérieures de la commission, des conclusions et recommandations de la commission d'enquête et des informations contenues dans le rapport du gouvernement, la commission souhaite formuler les observations suivantes:

Mesures visant à instituer le cadre politique, légal et social nécessaire pour appliquer la convention

7. La commission se réfère aux recommandations de la commission d'enquête concernant la nécessité pour la Roumanie d'instaurer certaines conditions comme prémisses essentielles à une pleine application de la convention no 111. En premier lieu, la commission d'enquête a insisté sur la nécessité de renforcer le concept de primauté du droit. La commission note avec intérêt que, dans la nouvelle Constitution du 8 décembre 1991, le pluralisme politique est garanti; la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire est assurée; un Défenseur du peuple doit être nommé pour défendre les droits et libertés des citoyens; le libre accès à la justice est garanti en même temps que le droit de se faire assister par un interprète devant les tribunaux; et l'indépendance des juges et les droits de la défense sont reconnus, ainsi que le droit à la liberté personnelle et le droit de choisir sa propre résidence. La commission note aussi avec intérêt les dispositions constitutionnelles concernant l'incorporation des traités internationaux auxquels la Roumanie est partie dans la législation nationale (art. 11) et l'obligation d'interpréter et d'appliquer les droits et libertés des citoyens garantis par la Constitution conformément à la Déclaration universelle des droits de l'homme et autres traités, ainsi que la priorité donnée aux traités internationaux sur les droits de l'homme sur la législation nationale en cas d'incompatibilité (art. 20).

8. En second lieu, la commission d'enquête a insisté sur la nécessité de développer un climat de tolérance mutuelle dans le pays. A cet égard, la commission note avec intérêt l'article 30 de la nouvelle Constitution qui reconnaît le droit à la liberté d'expression mais déclare en même temps que celle-ci ne doit pas porter préjudice à la dignité, à l'honneur, à la vie privée et au droit de protéger sa propre image, et proscrit l'instigation à la haine nationale, raciale, de classe ou religieuse. La commission souligne aussi l'importance qu'elle attache à la déclaration que le gouvernement a publiée sur les minorités nationales et dont le contenu est exposé plus en détail ci-après. La commission prie le gouvernement de bien vouloir faire rapport sur le résultat que ces efforts ont eu sur l'opinion publique et d'indiquer les autres mesures prises ou envisagées pour faire mieux comprendre les principes d'égalité de chances et de traitement et de tolérance entre les divers groupes de la population.

Discrimination fondée sur l'opinion politique et l'origine sociale

9. Se référant à ses observations antérieures, la commission note avec intérêt que l'article 4 2) de la Constitution du 8 décembre 1991 interdit la discrimination fondée sur tous les motifs énoncés à l'article 1, paragraphe 1 a), de la convention, notamment l'opinion politique et l'origine sociale. La commission note aussi avec satisfaction que l'article 2 du Code du travail, tel qu'amendé par le décret no 147 de 1990, cite lui aussi désormais les convictions politiques et l'origine sociale parmi les motifs sur lesquels il est interdit de fonder la discrimination, et que la loi no 30 du 15 novembre 1990 concernant le recrutement des salariés sur la base des qualifications interdit les distinctions fondées sur des critères politiques, ethniques ou confessionnels (religieux), sur le sexe, l'âge ou la situation économique.

10. La commission prend note de la conclusion de la commission d'enquête disant que, si elle est convaincue qu'il n'y a plus de politique définie sur le plan national et rigoureusement appliquée qui conduirait, dans le domaine de l'emploi et de la formation professionnelle, à une discrimination fondée sur l'opinion politique et l'origine sociale, dans la pratique, des manifestations d'opinions politiques divergentes de celles des pouvoirs publics peuvent encore donner lieu à des pratiques discriminatoires. La commission serait donc reconnaissante au gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises ou envisagées pour garantir qu'il a été mis fin à ces pratiques, notamment des informations sur l'instauration de procédures de réclamation, l'application des décisions judiciaires condamnant ces pratiques et l'instauration de procédures permettant de contrôler l'utilisation faite des dossiers personnels que les travailleurs devaient remplir sous l'ancien régime.

11. La commission note aussi qu'aux termes de l'article 50 a) de la nouvelle Constitution, "la fidélité au pays est sacrée". La commission rappelle ses précédentes observations concernant la nécessité d'éliminer ou de clarifier des formules telles que la "loyauté au gouvernement" et, en conséquence, elle demande au gouvernement de définir clairement ce qui est entendu par la disposition ci-dessus afin d'éviter tout risque d'arbitraire dans son application pouvant se traduire par une discrimination aux termes de la convention.

Discrimination fondée sur l'ascendance nationale et la race

12. La commission rappelle que, dans ses observations antérieures, elle avait appelé l'attention sur l'effet discriminatoire de la politique d'assimilation forcée pratiquée par l'ancien régime, y compris la discrimination, due largement à des problèmes linguistiques, pratiquée contre les minorités pour l'accès à l'emploi, à la formation et à l'éducation. La commission avait aussi appelé l'attention sur la politique de regroupement des populations affectant les Magyars (citoyens roumains d'origine hongroise). La commission d'enquête a trouvé des preuves concluantes de l'existence de discrimination en matière d'emploi et de profession à l'encontre des membres des minorités nationales en raison de leur ascendance nationale et de leur race. La minorité rom, et à un moindre degré, la minorité magyare sont les deux groupes contre lesquels s'exerce une discrimination systématique. La commission prend note de la conclusion de la commission d'enquête selon laquelle l'abrogation des dispositions concernant l'affectation arbitraire des diplômés et l'abolition des pratiques administratives discriminatoires avaient contribué à l'élimination de certaines situations mentionnées dans la plainte. Toutefois, la commission d'enquête a fait observer que ces seules mesures n'avaient pas rétabli l'égalité pour les Magyars. En ce qui concerne les Roms, la commission note que la commission d'enquête a conclu qu'aucune amélioration appréciable n'était intervenue dans leur situation depuis les événements de 1989, qu'une discrimination directe semble continuer de s'exercer et qu'elle est probablement aggravée sous l'influence de campagnes diffamatoires menées par les médias, qui traitent les Roms de boucs émissaires, responsables de tous les maux passés, présents et futurs.

13. La commission d'enquête a recommandé au gouvernement une série de mesures à prendre pour améliorer la situation de ces minorités, notamment l'adoption d'une politique linguistique qui prendrait en considération les besoins linguistiques des membres de ces communautés et faciliterait leur accès à l'éducation, à la formation et à l'emploi; l'adoption d'une politique nationale reconnaissant l'identité culturelle des minorités; et l'élimination des attitudes négatives qui ont été particulièrement encouragées à l'égard des Roms.

14. La commission note donc avec intérêt les dispositions de la nouvelle Constitution qui interdisent toute discrimination fondée sur la race, la nationalité ou l'origine ethnique (art. 4, 2)), et qui reconnaissent et garantissent à toute personne appartenant à une minorité nationale le droit à la préservation, au développement et à l'expression de son identité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse (art. 6, 1)); ainsi que l'obligation de rendre les mesures protectrices prises en faveur des minorités nationales conformes aux principes d'égalité et de non-discrimination par rapport aux autres citoyens roumains (art. 6, 2)).

15. La commission prend note avec beaucoup d'intérêt de la Déclaration du gouvernement sur les minorités nationales, publiée dans un journal national du 4 décembre 1991. Dans cette déclaration, le gouvernement rappelle que les droits et obligations et les libertés institués dans la nouvelle démocratie s'appliquent à tous les citoyens, y compris les membres des minorités, et il s'engage à garantir les droits constitutionnels des minorités, notamment la préservation de leur identité culturelle et le droit d'étudier dans leur langue maternelle. Les personnes appartenant à la minorité seront protégées contre toute tentative d'assimilation forcée et contre toute mesure d'exclusion ou de ségrégation. Le gouvernement rappelle les sanctions pénales contre les actes de violence commis à l'encontre d'une personne d'une autre nationalité en raison de sa nationalité ou de son origine ethnique et il réaffirme son intention d'appliquer rigoureusement la loi dans ce domaine. Il s'engage aussi à dénoncer et à combattre la haine nationaliste, le fanatisme, le racisme et l'antisémitisme. La commission prie le gouvernement d'indiquer si la déclaration du gouvernement a un effet légal.

16. La commission note également avec intérêt l'abrogation du décret no 153/1970 qui prévoyait des sanctions pour certaines infractions commises contre les lois de la vie sociale communale et contre la loi et l'ordre public, et qui avait été utilisé contre les membres de la minorité rom.

17. Au sujet des besoins en matière linguistique, la commission note avec intérêt l'article 32 de la nouvelle Constitution qui prévoit notamment que l'éducation à tous les niveaux peut être donnée dans des langues étrangères largement répandues autres que le roumain et que toute personne appartenant à une minorité nationale se voit garantir le droit d'étudier et de recevoir un enseignement dans sa langue maternelle, conformément à la réglementation. La commission demande au gouvernement de donner des précisions sur la façon dont l'éducation dans la langue maternelle des minorités magyare et rom est garantie dans la pratique et de fournir des exemplaires de tout règlement publié en application de cette disposition. A cet égard, la commission note aussi la décision no 521/1990, relative à l'organisation et au fonctionnement de l'enseignement en Roumanie pour 1990-91, qui prévoit l'enseignement de la formation professionnelle dans la langue maternelle des Roms mais pas dans celle des Magyars. La commission demande au gouvernement de fournir des précisions sur l'application et l'évaluation de ce programme et d'indiquer si des mesures ont été prises ou sont envisagées pour étendre aux Magyars la possibilité de recevoir une formation professionnelle dans leur langue maternelle.

18. Au sujet des mesures spécifiques destinées à améliorer la situation sociale et économique des Roms, la commission prend note avec intérêt de l'information fournie dans le rapport du gouvernement sur l'adoption d'un programme visant à améliorer le statut socio-économique des Roms et à résoudre leurs problèmes d'emploi. Le programme prévoit le recrutement de 22 inspecteurs du travail (dont 13 ont déjà été engagés), une coopération et un contact constants avec les responsables de la communauté rom, l'organisation de cours de formation et de recyclage pour les Roms sans emploi, la création d'une commission interministérielle, une étude sur la construction de logements pour les Roms, l'intégration des Roms dans des activités lucratives légales et le rassemblement de données sur les Roms. Le gouvernement a indiqué que le recensement de janvier 1992 aidera, pour une bonne part, à réunir ces données. La commission se félicite de cette initiative et prend bonne note de la déclaration du gouvernement selon laquelle ce programme a été adopté à la suite des recommandations de la commission d'enquête. La commission prie le gouvernement de la tenir informée de l'exécution du programme et des résultats obtenus. A cet égard, elle serait reconnaissante au gouvernement de fournir des informations plus détaillées sur la façon dont les représentants des Roms participent à l'élaboration du programme et sur la manière dont ils prendront part à son exécution.

19. La commission estime que l'ensemble de mesures dont il vient d'être rendu compte peut être considéré comme une première réaction positive aux recommandations de la commission d'experts pour ce qui a trait à la formulation d'une politique nationale permettant de combattre la discrimination et l'intolérance à l'encontre des minorités nationales. La commission tient maintenant à insister sur la nécessité d'appliquer cette politique dans la pratique et elle prie le gouvernement de donner des informations sur la mise en oeuvre des dispositions constitutionnelles et législatives et sur l'impact qu'exerce la politique gouvernementale sur les minorités nationales.

Mesures de réparation

20. La commission note qu'aucune information n'a été fournie sur l'application de certaines recommandations faites par la commission d'enquête, concernant l'indemnisation des personnes qui ont été victimes de la discrimination fondée sur l'opinion politique (recommandations nos 4, 6 et 7). En particulier, la commission prie le gouvernement d'indiquer les mesures qui ont été prises pour donner suite aux recommandations no 4 (tendant à faire cesser tous les effets des mesures de discrimination dans l'emploi et à faire rétablir au profit des personnes concernées l'égalité de chances et de traitement); no 6 (tendant à garantir une suite efficace et impartiale aux demandes d'examens médicaux formulées par les grévistes du 15 novembre 1987 à Brasov qui ont été réhabilités par les tribunaux) et no 7 (tendant à réintégrer dans leur emploi les travailleurs ayant perdu leur emploi pour avoir été arrêtés à la suite des manifestations de juin 1990 et n'avoir été libérés qu'au bout de deux mois). Elle prie aussi le gouvernement de fournir les informations demandées dans la recommandation no 20 sur les réparations pour la discrimination subie par les minorités nationales ou par les personnes persécutées pour des raisons politiques.

Diffusion des conclusions et recommandations de la commission d'enquête

21. La commission note avec intérêt que, conformément à la demande du Conseil d'administration, les conclusions et recommandations de la commission d'enquête ont été publiées en langue roumaine afin de permettre aux personnes intéressées d'en prendre connaissance. Elle prie le gouvernement d'indiquer les mesures prises ou envisagées pour assurer la diffusion la plus large possible de cette publication.

Situation des travailleuses

22. La commission note que, depuis plusieurs années, elle n'a reçu aucune information sur la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes. Elle prie le gouvernement d'indiquer les mesures prises ou envisagées pour prévenir la discrimination fondée sur le sexe, d'encourager l'égalité de chances et de traitement entre les hommes et les femmes et les résultats obtenus pour ce qui a trait à:

- l'accès à la formation professionnelle;

- l'accès à l'emploi et à une profession particulière;

- les modalités et conditions d'emploi;

- la conservation de l'emploi.

Coopération avec les organisations d'employeurs et de travailleurs

23. La commission prie le gouvernement de bien vouloir indiquer la façon dont il s'efforce d'obtenir la coopération des organisations d'employeurs et de travailleurs et autres organes appropriés pour assurer l'application de la convention.

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