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Observation (CEACR) - adoptée 1991, publiée 78ème session CIT (1991)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Allemagne (Ratification: 1956)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Allemagne (Ratification: 2019)

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La commission note les informations communiquées par le gouvernement dans son rapport pour la période se terminant le 30 juin 1989, reçu au BIT en mars 1990. Elle a également pris note des observations formulées par la Confédération allemande des syndicats (DGB) au sujet de l'application de la convention ainsi que de la réponse du gouvernement à ces observations parvenues au BIT en décembre 1990.

1. Article 2, paragraphe 2 c), de la convention. Dans des commentaires formulés depuis un certain nombre d'années, la commission a observé que, contrairement à la convention, les prisonniers sont mis à la disposition d'entreprises privées et que les dispositions de la loi sur l'exécution des peines, adoptées en 1976 pour mettre la pratique en conformité avec la convention, n'ont pas été mises en vigueur. Ainsi, l'exigence du consentement formel du prisonnier à être employé dans un atelier exploité par une entreprise privée, prévue à l'article 41 3) de la loi de 1976, qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 1982, a été suspendue par l'article 22 de la deuxième loi visant à améliorer la structure budgétaire, en date du 22 décembre 1981; la loi de 1976 reconnaît également le droit des prisonniers à toucher un salaire, mais une disposition visant à une majoration des taux au-delà du montant initial, qui est de 5 pour cent du salaire moyen des ouvriers et employés, n'a pas été mise en application; enfin, la législation qui devait admettre les prisonniers au bénéfice de l'assurance maladie et de l'assurance vieillesse n'a pas été adoptée.

Dans son dernier rapport, le gouvernement rappelle ses déclarations antérieures selon lesquelles le personnel des entreprises privées ne peut se voir confier que la direction technique et professionnelle des prisonniers, l'autorité pénitentiaire décidant elle-même de l'endroit, du moment et de la manière de mettre les prisonniers au travail et gardant constamment la disposition de ceux-ci, dont la situation est identique à celle des prisonniers travaillant dans des ateliers appartenant à l'administration pénitentiaire.

Le gouvernement indique que les prisonniers sont au bénéfice de l'assurance accident et de l'assurance chômage, qu'ils touchent une rémunération et bénéficient, en raison du niveau de celle-ci, d'une exemption des frais d'exécution judiciaire. Un projet visant à porter la rémunération des prisonniers à six pour cent de la rémunération moyenne des ouvriers et employés, ce qui représente une augmentation de 20 pour cent par rapport au niveau actuel, se trouve devant le Parlement fédéral; toutefois, des contraintes financières au niveau des Länder empêchent la mise en oeuvre intégrale de la loi de 1976; le gouvernement ajoute qu'en ce qui concerne les prisonniers au bénéfice d'un régime de semi-liberté des contributions sont versées aux assurances maladie et pension. Le gouvernement rappelle également que la nature volontaire de l'emploi est déjà effective quant à l'affectation au travail hors de l'établissement pénitentiaire.

Le gouvernement affirme son intention de mettre intégralement en oeuvre les principes contenus dans la loi de 1976, pour ce qui est de l'admission des prisonniers au bénéfice de l'assurance maladie et de l'assurance pension, ainsi que de la mise en oeuvre d'une disposition prévoyant l'exigence du consentement du prisonnier à être employé dans un atelier exploité par une entreprise privée.

Dans ses observations, le DGB évoque la doctrine et la jurisprudence relatives à la situation juridique du prisonnier: certains considèrent que le prisonnier n'est pas un travailleur, étant donné qu'il est soumis à une situation de contrainte spéciale relevant du droit public; d'autres estiment qu'il doit être considéré comme tel lorsqu'il est employé par une entreprise privée. Le DGB marque son désaccord avec la position du gouvernement: pour le DGB, ce qui est déterminant ce n'est pas le statut de prisonnier mais le "comment" de l'exécution du travail: à cet égard, l'article 41 3) de la loi de 1976, suspendu en 1981, prévoit l'exigence du consentement du prisonnier à être employé dans un atelier exploité par une entreprise privée. Le DGB ajoute qu'il est nécessaire d'harmoniser la situation des prisonniers avec celle des travailleurs libres en leur garantissant la protection des assurances sociales et en les rémunérant au niveau des salaires fixés par convention collective.

Le gouvernement, en réponse à ces observations qu'il estime sans objet pour apprécier l'application de la convention, indique que la position juridique du prisonnier ne varie pas selon qu'il est employé dans un atelier de l'administration pénitentiaire ou dans un atelier géré par une entreprise privée, car le prisonnier est soumis à l'obligation de travail uniquement vis-à-vis de l'autorité pénitentiaire; le consentement du prisonnier exigé pour un travail à l'extérieur ne change pas la nature juridique de la relation entre le prisonnier et les autorités. Le gouvernement précise, par ailleurs, que le salaire du prisonnier qui est de 5 pour cent du salaire moyen s'élève actuellement à 7,78 DM par jour et non à 6 DM comme l'a indiqué le DGB.

La commission prend bonne note des observations du DGB et des commentaires du gouvernement. La commission rappelle à nouveau que l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention interdit explicitement que les personnes astreintes au travail comme conséquence d'une condamnation judiciaire soient mises à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Seul le travail exécuté dans des conditions d'une libre relation de travail peut être considéré comme échappant à cette interdiction, ce qui exige nécessairement le consentement formel de l'intéressé ainsi que, compte tenu des circonstances de ce consentement, des garanties et protections en matière de salaire et de sécurité sociale permettant de considérer qu'il s'agit d'une véritable relation de travail libre. Comme la commission l'a indiqué précédemment, avec une normalisation effective des salaires et du régime de sécurité sociale des prisonniers, on peut penser que ceux-ci se porteront volontaires pour travailler dans des entreprises privées.

La commission veut croire que les mesures requises pour assurer le respect de la convention à l'égard des prisonniers seront prises et que le gouvernement fera rapport à brève échéance sur les dispositions adoptées.

2. Article 2, paragraphes 1 et 2 b). La commission a précédemment noté que, en vertu du décret sur le permis de travail, les demandeurs d'asile ne sont normalement pas autorisés à prendre un emploi pendant au moins deux ans à compter de la date de leur demande, mais qu'en vertu de la loi fédérale sur l'assistance sociale, dans sa teneur modifiée par la deuxième loi visant à améliorer la structure budgétaire, en date du 22 décembre 1981, ces mêmes personnes peuvent être appelées à accomplir un "travail socialement utile" qu'elles doivent exécuter sous peine de perdre leur droit à l'assistance sociale. La commission avait noté qu'en vertu de la loi du 6 janvier 1987 l'interdiction de travailler frappant les demandeurs d'asile a, sauf dans certains cas, été étendue à une durée d'au moins cinq ans suivant la demande d'asile. Comme l'a rappelé la commission au paragraphe 21 de son Etude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé, la peine visée à l'article 2, paragraphe 1, de la convention peut revêtir la forme d'une privation de quelque droit ou avantage. Dans une situation où les autorités responsables ont privé les demandeurs d'asile de la possibilité de prendre un travail de leur choix, en leur interdisant d'accéder à l'emploi, et les ont mis ainsi dans une situation où ils dépendent de l'assistance publique, la menace d'arrêter celle-ci en cas de défaut d'exécution d'un travail spécifié fait entrer ce travail dans le champ d'application de la convention.

La commission note que dans son rapport le gouvernement réaffirme sa position selon laquelle l'assistance sociale a un caractère subsidiaire, et que tout bénéficiaire quel qu'il soit doit accepter le travail proposé. Le gouvernement ajoute que les requérants d'asile peuvent être comparés aux chômeurs allemands: pour les premiers, il existe un obstacle juridique au travail, pour les seconds un obstacle de fait. Tout comme on peut attendre d'un Allemand qu'il prenne en considération les offres d'emploi qui lui sont proposées, on attend des requérants d'asile qu'ils fassent de même; dans le cas contraire, le requérant serait dans une position plus avantageuse que l'Allemand.

La commission note ces indications. La commission estime que la situation du requérant d'asile ne peut être comparée à celle du chômeur allemand car la législation impose au requérant d'asile une incapacité juridique de prendre un emploi pendant cinq ans. C'est seulement si cette interdiction était levée que le requérant d'asile se trouverait dans une situation comparable à celle d'un chômeur allemand en quête d'emploi.

La commission a également pris note des observations du DGB, selon lesquelles les dispositions de la loi sur l'assistance permettent de contraindre le requérant à un travail rémunéré en dessous du niveau minimal du marché, ainsi que de la réponse du gouvernement selon laquelle le travail proposé est lié à l'offre d'assistance, mais le retrait de l'assistance ne sanctionne pas le refus du travail en question mais le refus plus général de fournir un travail acceptable.

La commission rappelle que la nature subsidiaire de l'assistance sociale, dont il découle qu'il convient de rechercher un emploi normal plutôt que de subsister grâce à des secours, est un principe applicable aux personnes qui sont libres d'accepter un travail normal, mais non à des personnes qui sont atteintes d'une incapacité légale du fait que le droit d'occuper un emploi rémunéré leur a été intentionnellement retiré en application d'une loi votée par le Parlement. Si ces mêmes personnes sont alors placées devant le risque de perdre l'assistance qui les fait vivre, sauf à prêter des services subalternes spécifiques, de tels services, bien que définis par la loi comme étant quelque chose d'autre que du travail, tombent dans le champ d'application de l'article 2, paragraphe 1, de la convention et ne sont pas couverts par les exceptions de l'article 2, paragraphe 2. Comme la commission l'a souligné précédemment, un travail accompli dans de telles conditions ne fait pas partie des obligations civiques normales des citoyens d'un pays se gouvernant pleinement lui-même.

La commission prie à nouveau le gouvernement de réexaminer sa position et de prendre les mesures nécessaires pour assurer le respect de la convention en ce qui concerne les demandeurs d'asile.

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