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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2016, Publication : 105ème session CIT (2016)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Kazakhstan (Ratification: 2000)

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 2016-Kazakhstan-C087-Fr

Un représentant gouvernemental a déclaré que les commissions tripartites fonctionnent aux niveaux national, sectoriel et régional. Le Parlement a adopté la loi sur la Chambre nationale des entrepreneurs et la loi sur les syndicats qui œuvrent pour le développement des partenariats sociaux et a pris en considération les commentaires faits par la commission d’experts. En ce qui concerne la limitation des droits des juges à rejoindre ou à créer des associations, il explique que les juges, détenteurs du pouvoir judiciaire et ayant la compétence constitutionnelle, doivent être indépendants et soumis uniquement à la Constitution. Toute interférence dans leurs activités serait une violation de la loi. Considérant le statut spécial des juges, la Constitution leur interdit de devenir membres de partis politiques ou de syndicats, mais ne restreint pas leur droit à devenir membre d’autres associations. Par exemple, l’Union des juges du Kazakhstan est une association qui représente et protège les intérêts collectifs de la communauté judiciaire et qui fonctionne avec succès dans le pays. Les autorités chargées de l’application des lois, telles que la police, les pompiers et les autres autorités veillant à l’ordre public sont sujettes à d’autres restrictions du fait de la spécificité de leurs fonctions. Néanmoins, le personnel civil de ces autorités jouit des droits énoncés dans la convention. Par exemple, il existe un syndicat de soldats, qui compte 12 000 membres, et un syndicat d’employés du ministère de l’Intérieur qui compte 4 000 membres. L’orateur est d’avis que la convention autorise certaines restrictions à la législation nationale. L’article 10 de la loi sur les associations publiques est sur le point d’être examiné afin de réduire le nombre de personnes nécessaires à l’établissement d’une association publique, qui est actuellement de dix. La loi sur les syndicats a mis en place un système d’association de syndicats pour développer un mouvement syndical actif dans le pays. Les objectifs principaux sont de protéger les droits des travailleurs en leur donnant accès aux discussions et à la résolution de problèmes concernant d’importantes questions politiques au travers d’organisations considérées comme étant représentatives. Cependant, les syndicats sont libres de rejoindre des associations de syndicats ou de créer les leurs. Le principe est basé sur la pluralité, que ce soit au niveau national ou au niveau régional, et il n’y a pas de monopole concernant les syndicats concernés. En vertu de la nouvelle loi, trois associations nationales de syndicats ont été enregistrées, y compris la Confédération des syndicats libres du Kazakhstan, qui rassemble 3 millions de travailleurs. L’orateur a demandé au BIT de soutenir les efforts du gouvernement visant à maintenir un mouvement syndical actif dans tout le pays. La Constitution interdit toute aide financière extérieure aux syndicats. Cette interdiction protège l’ordre constitutionnel, l’indépendance et l’intégrité territoriale. Le droit de s’affilier à des organisations internationales a permis à la Fédération des syndicats du Kazakhstan de joindre la Confédération syndicale internationale (CSI), ce qui indique clairement que la législation est parfaitement conforme à la convention.

La loi sur la Chambre nationale des entrepreneurs vise à protéger les droits et intérêts des entreprises et à assurer une large couverture et une grande participation des entrepreneurs dans la formulation des normes législatives et autres pour mener leurs activités. La consolidation des activités entrepreneuriales permet de développer une solide entreprise. Selon l’article 32 de cette loi, un plan de transition sur cinq ans a été présenté pour la participation de l’Etat dans les activités de la Chambre nationale des employeurs. A la fin de la période transitoire, le gouvernement ne pourra plus être membre de la Chambre nationale des entrepreneurs et les règles prévoyant cette participation tomberont en désuétude. Selon l’article 176 du nouveau Code du travail relatif à l’aviation civile, les chemins ferroviaires, la santé et les autres services essentiels délivrant des services vitaux à la population, les grèves sont autorisées, à condition qu’un niveau de service minimum soit assuré. Le Parlement a publié un rapport indépendant sur les grèves dans les services essentiels et a décidé d’améliorer encore les articles du Code du travail à ce sujet. L’orateur assure que toutes les mesures nécessaires seront prises pour améliorer la législation afin de se conformer aux exigences de la convention.

Les membres employeurs ont tenu à rappeler que la convention no 87 est une convention fondamentale, en vertu de laquelle «les travailleurs et les employeurs, sans distinction d’aucune sorte, ont le droit, sans autorisation préalable, de constituer des organisations de leur choix, ainsi que celui de s’affilier à ces organisations, à la seule condition de se conformer aux statuts de ces dernières». Le Kazakhstan a ratifié cette convention en 2000, et la commission d’experts a formulé des observations au sujet de son application en 2006, 2007, 2008, 2010, 2011, 2014, 2015 et 2016. En outre, la mise en œuvre de cette convention par le Kazakhstan a été examinée par la commission en 2015. L’on voit donc que le cas n’est pas nouveau. En 2015, la commission déplorait l’absence d’un représentant gouvernemental aux débats malgré son accréditation à la Conférence internationale du Travail. Ils ont remercié le gouvernement pour sa présence cette année et pour ses informations. Les membres employeurs ont noté que la référence faite par la commission d’experts dans l’introduction de l’observation sur ce cas, au sujet des conclusions de la Commission de la Conférence, montrait la relation forte et positive qui lie la présente commission avec la commission d’experts. En 2015, la commission a examiné les questions en suspens que la commission d’experts avait posées au sujet des restrictions de la liberté syndicale des travailleurs et de l’ingérence dans les affaires des organisations d’employeurs. Les conclusions sur ce cas faisaient l’objet d’un paragraphe spécial du rapport de la commission, ce qui reflète une préoccupation importante de cette dernière. Le gouvernement n’a pas présenté de rapport complet qui puisse répondre aux demandes de la commission d’experts et de cette commission. Ces manquements répétés sont très inquiétants.

Pour ce qui est des restrictions à la liberté syndicale des travailleurs, la commission a demandé en 2015 au gouvernement de modifier les dispositions de la loi de 2014 sur les syndicats, pour les rendre conformes à la convention. Tout en notant l’indication du gouvernement selon laquelle des travaux sont en cours pour résoudre cette question, les membres employeurs ont estimé que des informations complémentaires devaient être apportées sur ce point. De plus, la commission a demandé au gouvernement de modifier la Constitution et la législation pertinente afin de permettre aux juges, aux pompiers et au personnel pénitentiaire de constituer un syndicat et de s’y affilier. Malgré les informations supplémentaires que le gouvernement a fournies au sujet de ces exclusions et de l’impact de la Constitution, davantage d’informations s’avèrent nécessaires pour qu’ils puissent évaluer pleinement la question. Faisant part de leur préoccupation quant aux restrictions importantes qui entravent la liberté syndicale dans la loi comme dans la pratique, ils ont à nouveau prié instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de modifier sa législation de façon à permettre aux juges, aux pompiers et au personnel pénitentiaire de constituer un syndicat, conformément à la convention. La commission a demandé en outre au gouvernement de modifier la Constitution et la législation pertinente afin de lever l’interdiction imposée à toute organisation internationale d’apporter une aide financière aux syndicats. Les membres employeurs ont observé que, bien que le gouvernement ait indiqué qu’un syndicat pouvait recevoir une aide financière externe, cette notion ne semble pas être reflétée dans la législation en vigueur. En ce qui concerne les questions relatives à l’ingérence des organisations d’employeurs, la commission a demandé au gouvernement de modifier la loi sur la Chambre nationale des entrepreneurs de 2013 de sorte qu’elle garantisse la pleine autonomie et l’indépendance des organisations d’employeurs. Tout en prenant note des informations nouvelles fournies par le gouvernement qui font état de l’instauration d’une période de transition de cinq ans pendant laquelle certaines fonctions de l’Etat allaient être transférées à la chambre nationale, et signalant la révision de l’article 176 du Code du Travail, les membres employeurs ont fait part de leur préoccupation devant le fait que la loi susmentionnée a entraîné une ingérence dans la liberté et l’indépendance des organisations d’employeurs et que le gouvernement n’a pas fait part de la moindre intention de modifier cette loi. Compte tenu de l’importance de ces questions, ils ont instamment prié le gouvernement de prendre sans attendre des mesures afin de modifier la loi, de façon à éliminer toute ingérence possible du gouvernement et à garantir la pleine autonomie et l’indépendance des organisations d’employeurs au Kazakhstan. Ils l’ont encouragé à solliciter l’assistance technique du BIT à ce sujet. Faisant part également de leur préoccupation devant le constat qu’à leur connaissance le gouvernement n’a pas pris de mesures afin de lever les restrictions qui existent pour la constitution d’organisations d’employeurs, les membres employeurs l’ont prié de prendre sans plus attendre ces mesures.

Les membres travailleurs ont exprimé leur profonde préoccupation face à la négligence répétée du gouvernement kazakh de répondre de ses obligations internationales devant la commission. Cette attitude doit être condamnée avec fermeté. Les modifications apportées en 2014 et 2015 à la loi sur les syndicats et au Code du travail n’améliorent en rien l’exercice de la liberté syndicale: la législation kazakhe reste en contradiction avec la convention à différents égards. Premièrement, l’article 2 de la convention consacre le droit des travailleurs et des employeurs, sans distinction d’aucune sorte, de constituer des organisations et de s’y affilier. Il apparaît toutefois que la législation kazakhe fait obstacle à la libre constitution d’organisations syndicales pour les juges, les sapeurs-pompiers et le personnel pénitentiaire. Or les seules exceptions à la liberté syndicale prévues par la convention concernent les membres de la police et des forces armées. Deuxièmement, la loi sur les syndicats impose à ceux-ci de s’affilier à une structure au niveau national. Cela empêche la constitution d’organisations syndicales structurées librement et en toute autonomie, ce qui est contraire à l’article 2 de la convention. Les syndicats sectoriels doivent par ailleurs totaliser au moins la moitié des travailleurs du secteur, la moitié des syndicats au sein du secteur, ou être présents dans plus de la moitié des régions, pour être valablement constitués. Or il est rappelé dans l’étude d’ensemble publiée en 2012 par la commission d’experts que, pour être conforme à la convention, le seuil devrait être fixé à un niveau raisonnable de façon à ne pas entraver la constitution des organisations. Troisièmement, selon la loi sur les syndicats, une procédure en deux étapes doit être suivie afin de valablement constituer une organisation syndicale: il faut l’enregistrer auprès du ministère de la Justice puis s’affilier à une organisation syndicale au niveau national dans les six mois qui suivent l’enregistrement, sous peine d’annulation de ce dernier. Cela porte atteinte au libre exercice du droit de constituer des organisations et de s’y affilier qui implique le droit des travailleurs de constituer des organisations sans autorisation préalable et de décider librement s’ils veulent s’associer à une structure syndicale de niveau supérieur ou en devenir membres. Ces différentes atteintes à la liberté syndicale, tant des organisations de travailleurs que des organisations d’employeurs, mettent en péril l’une des valeurs fondatrices de l’OIT, à savoir le dialogue social. Une indépendance pleine et entière des partenaires sociaux est nécessaire afin que ceux-ci puissent librement et efficacement représenter les intérêts de leurs membres.

L’article 3 de la convention garantit le droit des organisations d’organiser leur activité et de formuler leurs programmes d’action. Force est de constater que la législation restreint cette liberté d’action pour un certain nombre d’organisations qui mèneraient des «activités industrielles dangereuses». La commission a déjà souligné le problème posé par le caractère flou de cette notion et de l’incertitude qui règne quant à savoir quelles organisations sont précisément visées par cette disposition. La commission d’experts rappelle qu’un service minimum ne doit pas être un obstacle à toute liberté d’action. Il est également essentiel que les partenaires sociaux puissent participer à sa définition. L’article 303 du Code du travail apparaît contraire à ces principes. La législation kazakhe prévoit toujours une interdiction pour les organisations syndicales d’accepter une aide financière d’organisations internationales ce qui, comme l’a rappelé la commission d’experts, porte atteinte aux principes concernant le droit de s’affilier à des organisations internationales de travailleurs. Cette aide est souvent indispensable pour des organisations syndicales dont la liberté est entravée par des obstacles tant légaux que pratiques imposés par le gouvernement. Ce dernier doit cesser toute ingérence dans les affaires des organisations représentatives des travailleurs et, pour ce faire, adapter sans plus tarder sa législation conformément aux recommandations émises par la commission. Les informations publiées par Human Rights Watch en mai 2016 se réfèrent également à l’introduction en 2014 de nouvelles dispositions relatives aux violations administratives et aux infractions pénales. De nouvelles sanctions administratives sont imposées aux dirigeants et aux membres d’associations publiques qui sont plus facilement rendus responsables pour tout acte qui n’est pas défini par leurs statuts. Cela a pour conséquence d’étendre exagérément leur responsabilité. La participation à des actions déclarées illégales et l’acceptation de financements d’organisations internationales sont par ailleurs considérées comme des actes criminels et sanctionnées pénalement par des peines pouvant aller jusqu’à trois ans de prison. La notion de dirigeant d’association publique est très floue alors que toute une série d’infractions pénales spécifiques peuvent lui être reprochées, notamment les infractions à la loi sur l’incitation à des dissensions sociales, une notion en elle-même particulièrement floue. Ces éléments démontrent que la situation reste préoccupante pour les libertés syndicales. Les événements tragiques de 2011 à Zhanaozen restent d’ailleurs dans les mémoires. Il convient donc de répéter et de renforcer les recommandations déjà adressées dans le passé au gouvernement afin qu’il leur donne enfin une suite effective.

Le membre travailleur du Kazakhstan a déclaré que beaucoup de progrès ont été réalisés dans le pays ces quatre dernières années pour renforcer le mandat et la fonction de protection des syndicats, y compris l’adoption en juin 2014 de la nouvelle loi sur les syndicats qui a mis un terme aux rivalités qui existaient entre les syndicats et en leur sein. Un système multidimensionnel de partenariat social existe au Kazakhstan, avec l’unité de travail – soit le syndicat principal et l’employeur – constituant le premier échelon. Le deuxième échelon se situe au niveau territorial. A chaque niveau, un organe tripartite traite des conflits du travail. Cet organe tient des réunions mensuelles, auxquelles participent les syndicats, les employeurs et les autorités territoriales, afin de résoudre les conflits au travail. Par exemple, en 2015, avec la participation du ministère public, 83 000 travailleurs ont pu recevoir 4,1 milliards de tenge d’arriérés de salaires. Dans ce contexte, des amendes ont été imposées aux employeurs qui avaient violé les lois du travail dans 1 075 cas; 178 affaires ont été portées en justice et 5 procédures pénales ont été engagées. Au sein des organes territoriaux des syndicats, durant les trois premiers mois de 2016, 1 200 demandes et requêtes ont été reçues concernant le droit du travail, ce qui témoigne de la confiance accordée aux syndicats. La nouvelle loi concernant les conseils publics a été adoptée. Toutes ces initiatives sont favorables aux travailleurs. Dans le contexte de la crise mondiale, les organes territoriaux ont pu conclure des mémorandums avec les employeurs et les autorités locales qui ont permis de protéger les emplois de plus de 2,5 millions de travailleurs. Le niveau ministériel, avec les syndicats de branche et des organisations patronales, est le troisième échelon important où un travail important est fait pour régler les questions sociales dans une branche ou un secteur particulier. Le quatrième échelon, regroupant le gouvernement, des travailleurs et des employeurs, se réunit tous les trimestres pour examiner les questions les plus pressantes que pose le partenariat social. Un accord tripartite a été signé tous les trois ans par les trois centrales syndicales nationales, ce qui n’était pas le cas précédemment. Le pays compte 2,5 millions de travailleurs affiliés à un syndicat et 836 syndicats sont enregistrés; certains d’entre eux ne sont présents dans les entreprises que pour des activités limitées, comme la collecte des cotisations syndicales. Ainsi, durant une période transitoire, la loi prévoit des mesures visant à consolider et renforcer les syndicats, ce qui n’est, par principe, pas contraire à la convention. L’orateur a indiqué que la loi sur les syndicats ne porte pas atteinte au droit des travailleurs de constituer un syndicat et que plusieurs organisations syndicales peuvent travailler ensemble au sein d’une même entreprise. En vertu de l’article 13 de la loi sur les syndicats, les syndicats de branche ou de secteur sont les représentants officiels des travailleurs dans le cadre des partenariats sociaux au niveau de la branche. A partir du moment où un syndicat de branche est constitué, il dispose de six mois pour confirmer son statut et il doit couvrir plus de la moitié des districts de la région concernée. La loi n’est pas contraire aux principes démocratiques et est nécessaire durant cette période de transition. En vertu de la nouvelle législation, les syndicats ont conservé le droit de déterminer leurs structures organisationnelles, d’élire leurs représentants et d’établir des associations et des syndicats au niveau de la branche ou du territoire. La loi prévoit également la protection des dirigeants syndicaux contre tous actes d’ingérence. L’orateur a estimé que cette approche est conforme à la convention et à la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949. L’affiliation à un syndicat ne doit entraîner aucune discrimination ou restriction au droit des citoyens en matière d’emploi et de promotion. Le droit d’un travailleur de quitter, d’adhérer ou de constituer un syndicat ne doit pas être limité, et des sanctions pénales sont prévues en cas d’atteinte aux droits des travailleurs à cet égard. L’article 16 de la nouvelle loi, portant sur les intérêts sociaux et professionnels, précise certains points absents de la précédente législation. Le nouveau Code du travail, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2016, a été revu et remanié en fonction des commentaires des syndicats et accorde de nouveaux pouvoirs aux syndicats et aux inspecteurs. La Fédération des syndicats du Kazakhstan a proposé 219 amendements dont 117 ont été adoptés au cours du processus d’examen des différentes versions du Code du travail.

Le membre gouvernemental du Turkménistan a approuvé les mesures complètes adoptées pour se conformer à la convention et a noté les efforts déployés pour améliorer la législation et introduire de nouvelles normes propices à un partenariat social dynamique. Il s’est félicité de la coopération constructive avec le BIT et avec la commission d’experts à cet égard.

La membre travailleuse des Etats-Unis est revenue sur les événements tragiques de décembre 2011 au cours desquels la police est violemment intervenue pour mettre fin à une grève de sept mois de travailleurs du secteur pétrolier, causant la mort d’au moins 17 syndicalistes et en blessant des douzaines d’autres. Jusqu’à présent, les autorités compétentes n’ont rien fait pour enquêter et poursuivre les auteurs. Le gouvernement n’a aucunement indiqué qu’il prenait au sérieux cette tragédie et, de manière inexplicable, les accusations à l’encontre des travailleurs pétroliers demeurent. Les nouvelles lois adoptées en 2014 et en 2015 n’apportent pas de solutions adaptées, et les droits des travailleurs restent affaiblis et limités. La législation du Kazakhstan sur les syndicats impose des restrictions graves à la liberté syndicale des travailleurs, de même qu’à leur droit d’organisation. Les syndicats doivent suivre une procédure d’enregistrement fastidieuse et comportant plusieurs étapes: ils doivent d’abord parvenir à s’enregistrer auprès du ministère de la Justice et ensuite confirmer leur statut en prouvant, dans les six mois, qu’ils sont affiliés à une organisation syndicale de niveau supérieur. Les syndicats à tous les niveaux rencontrent des difficultés et subissent des retards en essayant de se réenregistrer en application de cette loi. Même lorsqu’un syndicat parvient à prouver son affiliation, le gouvernement a toujours la possibilité de lui refuser son enregistrement pour des raisons prétendument techniques. De ce fait, toutes les organisations syndicales indépendantes ne sont enregistrées que de façon temporaire, pour six mois, et risquent la dissolution si elles ne parviennent pas à franchir la deuxième barrière imposée par le gouvernement. En exigeant des syndicats qu’ils confirment leur adhésion à une organisation syndicale de niveau supérieur, la loi rend obligatoire l’affiliation syndicale et limite la liberté de choix quant à cette affiliation, en infraction à la convention. Alors que la Commission de la Conférence a demandé au gouvernement de modifier les dispositions de la loi sur les syndicats de 2014 pour la rendre conforme à la convention, le gouvernement n’a adopté aucune mesure en ce sens. Les lois existantes sur les syndicats sont peut-être moins restrictives, mais leurs effets sont identiques et la situation est aussi critique qu’en 2015. Dans plusieurs industries, les travailleurs subissent régulièrement des ingérences au moment de s’organiser, sont victimes d’intimidations, allant parfois jusqu’à des menaces de renvoi, parce qu’ils adhèrent à des syndicats indépendants ou sont surveillés par les autorités. Certains travailleurs sont menacés de sanctions pénales à cause de leur militantisme syndical et de leurs activités syndicales. Au vu de la persistance des restrictions imposées à la liberté syndicale, le gouvernement devrait apporter des changements significatifs à la législation et à sa pratique pour veiller à la liberté syndicale des militants syndicaux indépendants, comme l’exige la convention.

Un observateur représentant l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA) a déclaré que la situation concernant le droit des travailleurs à la liberté syndicale doit être examinée non seulement en tenant compte de la manière dont les normes législatives ont évolué, mais surtout des événements du 16 décembre 2011, lorsqu’il a été mis un terme à une grève de sept mois menée par des travailleurs du secteur pétrolier. Si le pays s’était acquitté de ses obligations en vertu de la convention, la grève se serait achevée pacifiquement, par la négociation d’un accord ou d’un protocole, et non à la suite de l’intervention des forces armées qui a fait que de nombreux travailleurs ont été arrêtés, blessés ou tués. Les dirigeants travailleurs ont été accusés d’aviver la division sociale et d’organiser le désordre. Ces événements ont été un message clair adressé à tous les travailleurs pour leur dire qu’ils ne devraient pas défendre leurs droits ou le droit à la liberté syndicale et à la négociation collective, et ces événements ont été un tournant dans l’évolution du système des relations professionnelles en Europe de l’Est et en Asie centrale. Plus important encore, tant que le gouvernement n’aura pas évalué pleinement ces événements, l’avenir de la liberté syndicale dans le pays restera incertain. Le gouvernement devrait prendre en compte les commentaires de la commission d’experts et des résultats de la discussion de cette commission. Le principe de liberté syndicale est l’un des moyens pour garantir les conditions de travail et la paix, et qu’il est nécessaire pour des progrès constants sur le plan social. L’orateur a rappelé que des personnes ont cherché à protéger et à défendre leurs droits en 2011 et insiste sur le fait que les décisions de justice prises devraient être annulées et que justice devrait être rendue pour ces travailleurs.

Le membre gouvernemental du Bélarus a salué les mesures complètes prises pour appliquer la convention, notamment l’adoption de la loi sur les syndicats et l’extension de leurs droits et de leur participation à tous les niveaux de la discussion. Avec la création de la chambre des entrepreneurs et le renforcement de la législation, les droits des employeurs ont également été renforcés. Cette chambre nationale, propice à une économie efficace et à la création d’entreprises dynamiques, peut servir de modèle pour d’autres pays européens. Il s’est félicité de la volonté du gouvernement de coopérer à tous les niveaux tripartites pour se conformer à la convention et a estimé utile que le BIT aide le pays à remplir ses obligations conformément aux normes internationales.

Le membre travailleur de la Fédération de Russie s’est référé aux faits nouveaux qui sont survenus au Kazakhstan en ce qui concerne les questions à l’étude et la manière dont la nouvelle loi sur les syndicats est appliquée. Cette législation prévoit une procédure en deux étapes pour l’enregistrement des syndicats, compliquée et non transparente, qui rend le respect des dispositions difficile. A cet égard, l’intervenant a évoqué certains des problèmes auxquels se heurtent les syndicats kazakhs en matière d’enregistrement, tels que les refus d’enregistrement. Les syndicats rencontrent aussi des problèmes de discrimination. L’intervenant s’est dit préoccupé par l’existence d’un article du Code pénal sur les troubles sociaux, qui a été cité au sujet de la tragédie de 2011 impliquant des travailleurs du secteur pétrolier. Il a exprimé l’espoir que le droit pénal et la législation du travail soient mis en conformité avec la convention.

Un observateur, représentant la Fédération syndicale mondiale (FSM), s’est déclaré inquiet du nombre de cas examinés par la commission qui relèvent de la convention no 87. Il a relevé que, dans le cas présent, étaient évoqués des meurtres, des faits d’intimidation, d’emprisonnement et de transferts arbitraires de syndicalistes. Le gouvernement doit adopter des lois pour mettre fin à la violation des droits fondamentaux. Il a exprimé l’espoir que le droit des travailleurs de choisir librement leur organisation syndicale sera respecté. Les organisations syndicales doivent être indépendantes du gouvernement et des employeurs et doivent être établies et choisies librement. Se déclarant solidaire des travailleurs kazakhs et de leur droit à un libre choix de leurs organisations syndicales, il a appelé le gouvernement à respecter les droits des travailleurs et les conventions internationales du travail et a demandé à la commission de donner l’opportunité au gouvernement d’améliorer la situation.

Le membre gouvernemental de la Fédération de Russie s’est félicité des informations détaillées fournies par le gouvernement et a noté que ce dernier était prêt à collaborer de manière pratique et constructive avec l’OIT en vue de garantir, en association avec les partenaires sociaux, les droits à la liberté syndicale et autres droits énoncés par la convention. L’orateur s’est déclaré convaincu que le retard à fournir des informations est dû à des problèmes d’organisation et que le malentendu qui s’est produit avec la commission d’experts sera rapidement dissipé. Il a appelé le BIT à continuer à fournir au gouvernement une assistance technique et le soutien d’experts dans la mise en œuvre de la convention, prenant en compte sa volonté de coopérer.

Le membre travailleur du Turkménistan a pris note que le gouvernement s’employait à améliorer la législation et les méthodes de travail des syndicats. Une nouvelle loi sur les syndicats a été adoptée en vue de protéger les intérêts des travailleurs, ainsi que de créer, de développer et de protéger un système syndical efficace et fonctionnel dans le pays, aux niveaux des secteurs et du gouvernement. Les syndicats ne sont pas obligés d’être membres d’instances supérieures. La nouvelle loi ne fait pas obstacle aux droits des syndicats et il n’existe aucun monopole dans le système syndical. Cette loi prévoit un environnement flexible propice à la création de syndicats. Le nouveau Code du travail élargit le rôle des syndicats et le droit de grève. Ces réformes législatives auront des incidences considérables sur le fonctionnement des syndicats, et il est important d’apporter son soutien au gouvernement à cet égard.

Le membre gouvernemental de l’Ouzbékistan s’est félicité des informations fournies par le gouvernement concernant la mise en œuvre de la convention et la manière dont il met en place une coopération constructive avec l’OIT à cet égard. Des mesures sont prises dans le pays pour assurer la liberté syndicale, protéger le droit des travailleurs à constituer des syndicats et à s’y affilier, et améliorer la législation nationale. En conséquence des modifications apportées à la législation, notamment les nouvelles dispositions de la loi sur les syndicats, plus de trois confédérations syndicales ont été enregistrées, couvrant un nombre important de travailleurs. Plus de 3,6 millions de travailleurs sont par conséquent représentés par des syndicats, soit 58 pour cent des salariés du pays. L’orateur a salué les efforts déployés par le gouvernement pour mettre en place un partenariat social efficace ainsi que ceux visant à appliquer la convention.

Le membre gouvernemental de la Chine a pris note des améliorations apportées par le Kazakhstan et de sa volonté politique de coopérer avec l’OIT pour s’attaquer activement à ces questions et pour élaborer des lois qui correspondent aux normes internationales du travail. Il incombe aux pays qui les ont ratifiées de mettre en œuvre les conventions internationales du travail. De son côté, le BIT doit apporter aux Etats Membres l’assistance technique nécessaire à l’application des normes. L’orateur a conclu en déclarant souscrire aux efforts du gouvernement et espérer que le BIT sera en mesure de fournir à celui-ci une assistance technique.

Le représentant gouvernemental a donné l’assurance à la commission que tous les commentaires seront pris en considération. S’agissant de l’enregistrement des organisations syndicales, la nouvelle loi sur les syndicats a instauré une nouvelle procédure. Du fait qu’un syndicat de branche défend les intérêts des travailleurs de ladite branche, il faut qu’il soit suffisamment représentatif. La loi prévoit trois critères d’égale importance en matière d’effectif, qu’un syndicat de branche doit remplir en matière d’effectifs pour être enregistré: i) pas moins de la moitié des personnes travaillant dans une branche; ii) pas moins de la moitié des entreprises d’une branche; et iii) des organisations membres sur au moins la moitié du territoire couvert par le secteur. Le représentant gouvernemental s’est dit persuadé que la loi est raisonnable, en particulier parce que les syndicats peuvent s’affilier à n’importe quelle organisation d’échelon supérieur de leur choix et que la loi ne limite pas le nombre des syndicats au niveau de la branche ou de l’entreprise. Les syndicats de branche s’enregistrent d’abord auprès des organes agréés par l’Etat sans fournir de documents. Après enregistrement, ils disposent de six mois pour fournir les documents attestant qu’ils répondent aux exigences de la loi. Le gouvernement est disposé à améliorer la législation qui fixe la procédure d’enregistrement. En outre, le représentant gouvernemental a évoqué les questions liées à l’ingérence du gouvernement dans la Chambre nationale des entrepreneurs. Conformément à l’article 32(11) de la loi, à la fin de la période transitoire, le gouvernement ne participera plus aux activités de la Chambre nationale des entrepreneurs; ce sera le cas en juillet 2018. Il a conclu en indiquant que, en décembre 2015, le Kazakhstan est devenu membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et que la prochaine étape consistera à devenir membre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Les réformes institutionnelles qui ont été annoncées par le Président visent principalement à améliorer les lois et la pratique ainsi qu’à les harmoniser avec les normes internationales du travail. Il a donné l’assurance de l’attachement du Kazakhstan aux principes de l’OIT et de sa coopération avec l’Organisation.

Les membres travailleurs ont souligné qu’aucun progrès significatif n’a été réalisé par le Kazakhstan sur les manquements qui ont déjà été soulignés l’année dernière. Certains corps de métiers autres que la police ou les forces armées sont toujours privés du droit de constituer ou de s’affilier à des organisations syndicales, ce qui est contraire à la convention. Les organisations syndicales sont toujours privées du choix de la structure qu’elles adoptent. Cette structure est imposée par la législation et constitue une entrave à la liberté syndicale consacrée par l’article 2 de la convention no 87. Cette liberté est par ailleurs entravée par des procédures d’enregistrement extrêmement contraignantes et par l’interdiction pénalement sanctionnée de recevoir une assistance financière d’organisations internationales. Des ingérences sont également constatées dans les affaires des partenaires sociaux, ce qui est contraire à l’article 3 de la convention. La législation devra ainsi être modifiée afin de: i) permettre aux juges, pompiers et agents pénitentiaires de former et de rejoindre des organisations syndicales; ii) retirer les critères restrictifs et les procédures d’enregistrement qui limitent la liberté syndicale; iii) mettre un terme à l’affiliation obligatoire d’un syndicat sectoriel, territorial ou local à un syndicat formé au niveau national dans les six mois qui suivent son enregistrement; iv) réduire le seuil d’affiliation qui permet de constituer une organisation syndicale; v) lever l’interdiction de recevoir une aide financière d’organisations internationales de travailleurs ou d’employeurs; vi) modifier les codes administratif et pénal pour clarifier les notions floues telles que «dirigeant d’une association publique» et «dissension sociale»; vii) s’assurer que le service minimum est effectivement et exclusivement un service minimum et que les organisations de travailleurs peuvent participer à la définition de ce service; et viii) clarifier les organisations qui effectuent des «activités industrielles dangereuses» pour lesquelles les actions sont illégales. Les membres travailleurs ont exhorté le gouvernement à recourir à l’assistance technique du BIT afin de mettre en œuvre ces recommandations.

Les membres employeurs, à l’instar des membres travailleurs, estiment qu’il n’y a eu ni mesures concrètes ni progrès significatifs au Kazakhstan en ce qui concerne les questions que la commission d’experts et la Commission de la Conférence ont soulevées à maintes reprises. Ils ont rejoint l’appel pour que le gouvernement cesse son interférence dans la liberté d’association des organisations d’employeurs et de travailleurs. Les membres employeurs ont été surpris par le fait que le gouvernement s’est référé à la loi sur la Chambre nationale des entrepreneurs, et en particulier à son article 23(2) pour démontrer qu’il n’y a pas d’ingérence du gouvernement dans la chambre. Cette loi met en évidence de graves atteintes à la liberté d’association, en particulier des ingérences, dans les organisations d’employeurs, par exemple les dispositions suivantes: i) il est obligatoire d’appartenir à la Chambre nationale des entrepreneurs; ii) le montant maximum de la cotisation de membre doit être approuvé par le gouvernement et les modalités de paiement de la cotisation sont établies par le gouvernement; iii) la chambre a la compétence exclusive de représenter les employeurs kazakhs et servir et défendre leurs intérêts dans les différents organes de l’Etat; iv) le gouvernement participe aux travaux du congrès de la chambre et a un droit de veto sur ses décisions; v) le présidium de la chambre est composé entre autres de représentants gouvernementaux et de parlementaires, mais de seulement un nombre restreint de représentants des employeurs à l’échelle sectorielle et régionale. Les membres employeurs ont conclu que la législation institutionnalise l’ingérence du gouvernement dans les décisions et activités de la Chambre nationale des entrepreneurs. La chambre ne peut pas être considérée comme une organisation indépendante d’employeurs, comme l’exige la convention, mais plutôt comme une institution proche des pouvoirs publics. Les membres employeurs ont demandé instamment au gouvernement de modifier sans délai la loi sur la Chambre nationale des entrepreneurs pour garantir pleinement l’autonomie et l’indépendance des organisations d’employeurs au Kazakhstan.

Conclusions

La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi sur les questions soulevées par la commission d’experts.

La commission a exprimé sa profonde préoccupation face à l’absence de progrès du gouvernement en ce qui concerne la suite donnée aux conclusions de 2015 de la commission.

Prenant en compte la discussion qui a eu lieu, la commission a demandé instamment au gouvernement de:

  • - modifier les dispositions de la loi sur la Chambre nationale des entrepreneurs de manière à garantir sans délai supplémentaire la pleine autonomie et l’indépendance des organisations d’employeurs libres et indépendantes au Kazakhstan;
  • - modifier les dispositions de la loi de 2014 sur les syndicats conformément à la convention, notamment les questions relatives aux restrictions abusives concernant la structure des syndicats visées aux articles 10 à 15, qui limitent le droit des travailleurs de constituer des syndicats de leur choix et d’y adhérer; et modifier l’article 303(2) du Code du travail afin de veiller à ce qu’un service minimum soit véritablement et exclusivement minimum;
  • - indiquer quelles organisations relèvent de la catégorie des organisations réalisant des «activités industrielles dangereuses», et indiquer également toutes les autres catégories de travailleurs dont les droits peuvent être restreints, comme le dispose l’article 303(5) du Code du travail;
  • - modifier la Constitution et la législation pertinente pour permettre aux juges, aux sapeurs-pompiers et au personnel pénitentiaire de constituer des syndicats et d’y adhérer;
  • - modifier la Constitution et la législation pertinente afin de lever l’interdiction empêchant les syndicats nationaux de recevoir l’aide financière d’une organisation internationale; et
  • - accepter une assistance technique du Bureau pour mettre en œuvre les conclusions précédentes.

Le gouvernement devrait accepter une mission de contacts directs cette année afin de donner suite à ces conclusions.

Le représentant gouvernemental, après avoir remercié la commission pour avoir procédé à l’examen des mesures prises par son gouvernement en vue de la pleine application de la convention, a assuré que d’autres mesures seront prises dans un proche avenir et qu’elles seront communiquées aux organes de contrôle de l’OIT.

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