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Cas individuel (CAS) - Discussion : 1987, Publication : 73ème session CIT (1987)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Equateur (Ratification: 1967)

Autre commentaire sur C087

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Le gouvernement a communiqué les informations suivantes:

Depuis le 12 mai 1987, un nouveau ministre est chargé de la Politique du travail dans ce pays. Il déterminera s'il convient de promouvoir les réformes législatives qui lui ont été proposées. C'est pourquoi un délai d'attente prudent est demandé.

Le gouvernement fait savoir que le Tribunal des garanties constitutionnelles, à l'occasion d'une procédure engagée par des représentants des travailleurs qui contestent la validité du décret-loi no 105 du 7 juin 1967, a confirmé que ledit décret était toujours applicable du fait qu'il ne contrevenait à aucun principe constitutionnel. Cette décision ayant été soumise à une instance supérieure, à savoir aux commissions législatives permanentes du Congrès national réunies en assemblée plénière, le parlement a confirmé le jugement du tribunal.

Cette situation réaffirme et confirme la position constante du gouvernement à l'égard dudit décret-loi, à savoir qu'il ne porte nullement atteinte au droit syndical, à la liberté syndicale ou à l'esprit ainsi qu'à la lettre de la convention no 87.

Primauté de la Constitution sur les autres lois. Cette hiérarchisation dans le domaine juridique s'exprime dans la Constitution. Les principes directeurs du droit du travail figurent dans celle-ci. Le droit d'association est garanti par la Constitution en tant que principe constitutionnel. Le droit des travailleurs à la grève et le droit des employeurs au lock-out sont aussi garantis par la Constitution en tant que principes constitutionnels.

Le droit de grève, garanti par la Constitution et efficacement protégé par les lois, est le droit, pour les travailleurs, de suspendre le travail dans certaines circonstances expressément déterminées par les normes positives, dans le cadre d'un conflit collectif entre un employeur et les travailleurs qu'il emploie, conflit dont les autorités compétentes en la matière sont saisies. En vertu de ce droit, les grévistes peuvent rester sur les lieux de travail, sous la surveillance de la police, qui garantit l'ordre et les protège de l'intrusion d'agitateurs ou de briseurs de grève. La sanction encourue par les personnes qui participent à une grève déclarée illicite n'est autre que la perte de la stabilité de leur emploi. Le lok-out ou arrêt du travail (paro), dans le domaine du travail, désigne la suspension du travail décidée par l'employeur dans certaines circonstances précises et aussi selon un processus soumis à la juridiction des autorités du travail. Le paro auquel se réfère le décret-loi no 105 de l'Assemblée nationale a un autre sens, car ce décret ne concerne pas des questions de travail.

Le décret no 105 concerne la paralysie criminelle des activités de toute une collectivité, nationale ou locale, à des fins perturbatrices. Il a trait à des forfaits entrant dans le cadre des délits contre la sécurité intérieure de l'Etat ou contre la sécurité publique. Il existe un lien entre ce décret et les chapitres du Code pénal relatifs à la caractérisation de ces infractions et, en particulier, les articles 129, 130, 135, 136, 153, 155, 158, 159, 218 et 221 de cet instrument.

Le gouvernement demande que, en ce qui concerne les allégations faites à maintes reprises à propos du décret-loi no 105 du 7 juin 1967, approuvé par l'Assemblée nationale constituante, il soit finalement reconnu que ledit décret-loi ne porte aucunement atteinte au droit de grève légale, amplement protégé par la Constitution et par les lois du pays, et n'empêche en aucune manière l'application de la convention.

D'un point de vue juridique, le décret-loi no 105 intéresse la paix publique et la sécurité intérieure de l'Etat. La victime directe des délits peut être n'importe quel habitant, national ou étranger, du territoire de la République; la victime indirecte est la société civile en général et peut être aussi l'Etat lui-même dans sa structure politique.

Lorsque le mot paro est utilisé dans le décret-loi, il ne l'est pas dans le sens dans lequel l'utilise le Code du travail; il ne s'agit pas en effet de la "suspension du travail décidée par un employeur ou une coalition d'employeurs".

Dans ce cas, le mot paro est utilisé dans le sens de "paralysie", d'imposition arbitraire, par une attitude de rébellion contre les autorités légitimes, de la suspension complète de toute vie dans une localité ou une région ou dans le pays tout entier, ce qui favorise une anarchie partielle ou totale dans la collectivité touchée et trouble la paix des habitants.

Les dispositions de notre Code pénal visant à protéger la sécurité intérieure de l'Etat et la paix publique ne sont pas différentes de celles d'autres pays. Toutes les nations civilisées du monde envisagent d'une manière ou d'une autre des mesures destinées à assurer la survie de l'Etat et à protéger la société de l'anarchie. Comme le disait Beccaria, "les premiers délits et les plus graves, car ce sont les plus néfastes, sont ceux qualifiés de lèse-majesté... tout délit, même s'il est de caractère privé, offense la société, mais tous les délits n'ont pas pour objet sa destruction immédiate."

En outre, un représentant gouvernemental a cité intégralement les observations formulées par la commission d'experts dans son rapport de 1987 au sujet de la convention en question. Ensuite, il s'est référé à des informations écrites communiquées par son gouvernement; de plus, il a donné lecture de certaines dispositions de la Constitution et du Code du travail relatives au droit d'organisation et au droit de grève.

Les membres travailleurs ont insisté sur le fait que la législation nationale n'était pas en conformité avec les conventions nos 87 et 98. Deux missions de contacts directs ont eu lieu en 1980 et 1985. Des amendements à la législation ont été préparés lors des contacts directs de 1985. Il est indispensable que ces modifications soient adoptées. De nouveaux contacts directs ne sont pas nécessaires et ne feraient que différer la question. Le représentant gouvernemental devrait fournir des informations sur la mise en oeuvre des modifications législatives envisagées.

Les membres employeurs ont rappelé que le rapport de la commission d'experts avait clairement relevé un certain nombre d'infractions aux conventions nos 87 et 98 d'importance variable. Lors de la mission de contacts directs de 1985, des projets de textes ont été élaborés pour mettre la législation en conformité avec les conventions. Il serait souhaitable que le représentant gouvernemental indique si les modifications législatives envisagées ont été adoptées et, dans la négative, si l'on peut s'attendre à leur adoption dans un proche avenir. L'utilité de la nouvelle demande de contacts directs faite par le gouvernement est difficile à concevoir puisque les amendements nécessaires à la législation ont déjà été préparés lors de la mission de contacts directs de 1985.

Le membre travailleur de l'Equateur a manifesté son complet désaccord avec les informations écrites communiquées par le gouvernement, ainsi qu'avec la déclaration du représentant gouvernemental. L'orientation de la politique en matière de travail relève du Président de la République, par l'intermédiaire du Bureau de coordination du travail qu'il a institué, et non pas du ministre du Travail. La nomination d'un nouveau ministre ne saurait donc en soi modifier la situation et conduire à l'adoption d'une législation donnant effet aux conventions nos 87 et 98 dont les dispositions ne sont pas respectées. Certes, la Constitution et le Code du travail consacrent les principes de base du droit au travail. Mais, dans la pratique, ces principes ne sont pas respectés. Ainsi, les employés publics n'ont pas le droit de constituer des syndicats, alors que la Constitution garantit ce droit. Ils ne jouissent pas non plus du droit de grève, bien que celui-ci soit prévu par la Constitution. Une loi - la loi sur le service civil et la carrière administrative - va à l'encontre de la Constitution. Il est nécessaire que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour la modifier car c'est là que se trouve le noeud du problème. En outre, dans la pratique, lorsque les travailleurs présentent des revendications ou donnent un préavis de grève, les employeurs répondent par des licenciements de travailleurs souvent massifs. Dans d'autres cas, ils licencient les responsables syndicaux. Bien que les tribunaux d'arbitrage et de conciliation peuvent exiger la réintégration des ouvriers licenciés pour avoir déclaré la grève, personne n'est réembauché. L'interdiction faite aux syndicats d'intervenir dans les activités de partis politiques ou religieux constitue également une violation des conventions nos 87 et 98. Il en est de même de l'attribution, à titre exclusif, aux "conseils d'entreprise" du droit de négocier collectivement. Plus grave encore est la classification des fonctionnaires en deux catégories, ceux qui sont couverts par le Code du travail et ceux qui relèvent de la loi sur le service civil et la carrière administrative.

En ce qui concerne le décret-loi no 105 du 7 juin 1967, le gouvernement déclare que son objet est de sanctionner les actes criminels visant à paralyser les activités d'une collectivité nationale ou locale. Cela est faux, les arrêts du travail visés par le décret-loi no 105 sont bien des grèves professionnelles car elles sont déclenchées par les quatre centrales syndicales. Il ne saurait donc s'agir de délits contre la sécurité intérieure de l'Etat. Toutefois, le décret-loi no 105 doit être considéré comme abrogé par la Constitution de 1979 et ne saurait donc être appliqué.

Un autre représentant gouvernemental, vice-ministre du Travail de l'Equateur, a indiqué que le Bureau de coordination du travail qui dépend de la présidence de la République n'est pas chargé d'orienter la politique du pays en matière de travail, mais de la coordination de tout ce qui a trait aux négociations collectives dans le secteur public. La Constitution garantit le droit d'organisation et les fonctionnaires publics jouissent du droit de grève depuis 1979 à la suite de l'adoption d'amendements au Code du travail, comme a pu du reste le constater la dernière mission de contacts directs. En ce qui concerne les dispositions légales prévoyant des conditions préalables au droit d'association des travailleurs du secteur public, elles ont été suspendues par la Cour des garanties constitutionnelles depuis un certain temps. Quant au décret-loi no 105 de 1967, il est toujours en vigueur et sa validité a été confirmée par ladite cour en janvier 1987. Le gouvernement a noté avec intérêt les commentaires de la commission d'experts. C'est pourquoi il a demandé qu'une nouvelle mission de contacts directs se rende dans le pays, afin qu'elle puisse se rendre compte de la situation sur place. Elle pourra constater l'existence des syndicats et prendre contact avec les membres de la Cour des garanties constitutionnelles, ainsi qu'avec les représentants du parlement. Ce n'est donc pas le moment d'adopter des conclusions critiquant l'Equateur. Un fonctionnaire du BIT se trouve du reste actuellement en Equateur pour entreprendre une étude sur toutes les difficultés rencontrées dans la mise en application des différentes normes concernant les fonctionnaires; cela prouve la volonté du gouvernement de garantir le plein exercice des droits, non seulement des travailleurs du secteur public mais également de tous les travailleurs. Le décret-loi no 105 ne sanctionne pas les travailleurs, ni leurs dirigeants, qui, en Equateur, se voient garantir le droit de grève mais est destiné à punir les actes criminels, quels qu'en soient les auteurs, visant à la paralysie des activités et qui portent atteinte à l'ordre intérieur et à la sécurité de l'Etat.

Le membre travailleur du Royaume-Uni a rappelé que la commission d'experts avait constaté avec regret que le gouvernement n'avait pas fourni d'informations sur les mesures qu'il entendait prendre pour donner suite à la mission de contacts directs. Les informations écrites communiquées par le gouvernement n'apportent pas non plus de nouvelles informations sur ce point. Quant à la demande de nouveaux contacts directs de la part du gouvernement, on ne voit pas en quoi ceux-ci pourraient servir, puisque la commission d'experts a déjà établi que la législation devait être modifiée. Par contre, le représentant gouvernemental devrait être prié de préciser de manière claire si la législation allait être modifiée de manière à assurer l'application des conventions.

Le vice-ministre du Travail a déclaré que c'est parce que son gouvernement estimait que certains points n'avait pas été réglés par la dernière mission de contacts directs, malgré l'excellence de son travail, qu'il avait demandé qu'une nouvelle mission se rende en Equateur pour compléter la tâche entreprise. En outre, depuis la dernière mission, des décisions ont été prises par certains organes ne dépendant pas du pouvoir exécutif, comme par exemple la décision susmentionnée prise par la Cour des garanties constitutionnelles.

Les membres travailleurs ont insisté sur le fait que la mission de contacts directs de 1985 avait élaboré avec précision les changements devant être apportés à la législation pour assurer sa conformité avec les conventions nos 87 et 98. Une nouvelle mission n'apporterait rien de nouveau, mais ne ferait que retarder d'un an ou deux l'adoption des changements qui sont nécessaires. Dans ces conditions, et étant donné l'ancienneté du problème en suspens, ils proposent l'adoption d'un paragraphe spécial exprimant la préoccupation de la commission et priant le gouvernement de donner suite aux propositions de modification à la législation préparées pendant la dernière mission de contacts directs et d'adapter ainsi la législation aux exigences des conventions considérées.

Les membres employeurs, après avoir rappelé qu'aucune information nouvelle n'avait été fournie sur les chances de voir la législation modifiée dans le sens des projets préparés lors de la mission de contacts directs, ont estimé que la nouvelle demande de contacts directs ne leur paraissait pas très convaincante. Etant donné l'importance de la question qui a fait l'objet de discussions au sein de la commission depuis de nombreuses années, ils appuient la proposition des membres travailleurs d'insérer dans le rapport de la commission un paragraphe spécial consacré à ce problème, dans l'espoir que le gouvernement voudra bien concrétiser les mesures proposées depuis fort longtemps déjà.

La commission a pris note des discussions détaillées qui ont eu lieu et notamment des informations fournies par les représentants gouvernementaux au sujet de l'application des conventions nos 87 et 98. La commission regrette qu'aucune mesure n'ait encore été prise pour donner effet aux conventions sur plusieurs points soulevés par la commission d'experts. Elle attire une fois encore l'attention sur les commentaires de la commission d'experts sur les propositions détaillées qui ont été élaborées lors de la mission de contacts- directs en décembre 1985. Elle prie le gouvernement d'envisager de prendre les mesures nécessaires pour réviser la législation. La commission espère que le gouvernement prendra rapidement des mesures sur la base des observations et des propositions susmentionnées et qu'il pourra indiquer l'année prochaine que des progrès substantiels ont été accomplis pour mettre la législation en pleine conformité avec les conventions. Enfin, la commission a décidé de mentionner ce cas dans un paragraphe spécial.

Le vice-ministre du Travail a déclaré se réserver le droit de faire des réserves lorsqu'il aura étudié le texte et les termes même des conclusions.

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