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Informe definitivo - Informe núm. 397, Marzo 2022

Caso núm. 3398 (Países Bajos) - Fecha de presentación de la queja:: 22-DIC-20 - Cerrado

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Allégations: Les organisations plaignantes allèguent que le gouvernement s’est immiscé dans le processus de négociation collective entre une compagnie aérienne nationale et des organisations de travailleurs en obligeant les parties à modifier des conventions collectives librement négociées et à accepter de force des conditions d’emploi applicables sur une longue période

  1. 601. La plainte figure dans une communication de la Fédération syndicale des professionnels (VCP), de l’Association néerlandaise des pilotes de ligne (VNV) et de la Société néerlandaise des techniciens de l’aviation (NVLT). La Fédération internationale des associations de pilotes de ligne (IFALPA) et l’Association européenne du personnel navigant technique (ECA) ont appuyé la plainte par des communications également datées du 22 décembre 2020.
  2. 602. Par une communication du 28 janvier 2022, le gouvernement des Pays-Bas a envoyé ses observations concernant les allégations.
  3. 603. Les Pays-Bas ont ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 604. Dans leur communication du 22 décembre 2020, les organisations plaignantes exposent six points sur lesquels elles estiment que le gouvernement néerlandais a violé les conventions nos 87 et 98. Elles font observer que la crise du COVID 19 a eu d’importantes répercussions sur la compagnie aérienne KLM (ci-après, «la compagnie aérienne»), celle-ci ayant dû arrêter une grande partie de ses activités pour une durée indéterminée. Conséquence directe de cette crise, la compagnie aérienne a eu besoin d’un appui financier et a bénéficié d’un dispositif d’aide publique assorti de conditions qui, de l’avis des organisations plaignantes, sont contraires aux principes qui régissent la négociation collective pour les raisons suivantes:
    • a) L’État n’a pas consulté les partenaires sociaux, ou du moins les organisations de travailleurs VNV et NVLT, avant de fixer des conditions qui ont des répercussions sur les conventions collectives actuelles, qui sont toujours en vigueur. L’État n’a pas encouragé le dialogue social ni favorisé des consultations et une coopération efficaces entre les pouvoirs publics, les organisations d’employeurs et les organisations de travailleurs.
    • b) L’État oblige la compagnie aérienne et les organisations de travailleurs telles que la VNV et la NVLT à modifier le contenu de conventions collectives librement conclues.
    • c) L’État impose des limitations aux compagnies aériennes et aux organisations syndicales telles que la VNV et la NVLT en ce qui concerne le contenu des conventions collectives à venir.
    • d) En subordonnant le dispositif d’aide publique à des conditions particulières qui consistaient à modifier les conditions d’emploi prévues par les conventions collectives, l’État poursuivait des objectifs politiques dont il aurait dû informer la compagnie aérienne et les organisations de travailleurs, auxquelles il aurait dû laisser la possibilité de décider si elles souhaitaient les prendre en considération et à quel moment.
    • e) L’État n’a pas favorisé la négociation collective entre les organisations d’employeurs et les organisations de travailleurs telles que la VNV et la NVLT en ne communiquant pas aux organisations de travailleurs (mais uniquement à l’employeur) les conditions réelles du dispositif d’aide publique touchant aux conditions d’emploi. Les organisations plaignantes jugent cette pratique discriminatoire. Celle-ci est préjudiciable aux bonnes relations sociales entre les organisations d’employeurs et les organisations de travailleurs telles que la VNV et la NVLT.
    • f) L’État a de fait coupé court au processus de négociation collective entre la compagnie aérienne et les organisations de travailleurs et a imposé les conditions auxquelles les organisations de travailleurs devraient consentir pendant une longue période.
  2. 605. À titre d’information générale, les organisations plaignantes rappellent leur statut d’organisations de représentation au sein de la compagnie aérienne, qui exploite des vols long courrier (intercontinentaux) et court courrier (européens). Au début de 2020, la compagnie employait environ 33 000 personnes, dont plus ou moins 3 250 pilotes. Jusqu’à la crise du COVID 19, la compagnie aérienne était une entreprise prospère et rentable, qui avait enregistré des bénéfices de 449 millions d’euros pour l’année civile 2019.
  3. 606. Les organisations plaignantes rappellent qu’elles avaient négocié avec la compagnie aérienne, au fil du temps, les conditions d’emploi du personnel d’exploitation. La convention collective actuelle qui s’applique aux pilotes a pris effet le 1er juin 2019 et arrive à échéance le 28 février 2022, le reste du personnel étant couvert par d’autres conventions collectives comme celles applicables au personnel navigant technique et au personnel au sol travaillant aux Pays-Bas, également applicables jusqu’en février 2022.
  4. 607. Les organisations plaignantes reconnaissent que la pandémie de COVID 19 a eu de graves conséquences pour la compagnie aérienne. Du fait des décisions prises par les gouvernements du monde entier qui consistaient à restreindre les voyages, la majeure partie de ses activités ont cessé, de telle sorte qu’elle n’avait plus de rentrées d’argent, mais devait néanmoins assumer des coûts tels que la rémunération de quelque 33 000 salariés. Le gouvernement néerlandais a versé une subvention générale à toutes les entreprises employant des personnes aux Pays-Bas qui étaient frappées par la pandémie de COVID 19. Une part importante des salaires a été remboursée (moyennant des restrictions et dans certaines limites). Pour autant, il était évident que la compagnie aérienne aurait besoin d’une aide financière supplémentaire, si bien que, le 24 avril 2020, le ministre des Finances a fait savoir à la compagnie aérienne et au Parlement que l’État était disposé à fournir une aide financière à la compagnie aérienne sous la forme d’un prêt et de garanties particulières. Dès le départ, le gouvernement a indiqué clairement qu’il entendait établir plusieurs conditions à cet égard, y compris en ce qui concernait les conditions d’emploi des salariés.
  5. 608. Bien qu’il n’ait pas été précisé si la compagnie aérienne pourrait négocier les conditions du prêt, il était manifeste que le gouvernement n’avait pas l’intention d’inclure les organisations syndicales telles que la VNV et/ou la NVLT dans les discussions relatives à l’éventuelle modification des conditions d’emploi. Parallèlement, les organisations de travailleurs qui négocient habituellement avec la compagnie aérienne avaient déjà concédé une première contribution de taille, en négociant un accord consistant, entre autres choses, à accepter que le versement de certaines parties du revenu variable soit reporté, à renoncer à des jours de congés auxquels les salariés avaient droit et à déroger aux dispositions de la convention collective concernant les tableaux d’astreinte, ainsi que les temps de vol et de repos.
  6. 609. Presque immédiatement après avoir pris connaissance des intentions du gouvernement dans la presse (le 27 avril 2020), la VNV a écrit au ministre des Finances pour lui rappeler que les conditions d’emploi étaient examinées et convenues par elle-même et la compagnie aérienne et que les éventuelles modifications en la matière devraient être examinées et convenues à ce niveau, sur une base volontaire. Dans sa lettre, la VNV demandait notamment à être associée à toute discussion relative aux conditions d’emploi qui pourrait être envisagée dans le cadre du dispositif d’aide publique. Cette demande a été rejetée dans les réponses des 11 et 28 mai 2020 (les organisations plaignantes ont fourni une traduction de la lettre du ministère en date du 28 mai).
  7. 610. De l’avis des organisations plaignantes, la réponse du gouvernement était très ambiguë dans la mesure où celui-ci semblait d’une part reconnaître qu’il ne devait pas s’immiscer dans les conditions d’emploi, tandis que de l’autre il revendiquait avoir autorité pour imposer des conditions – en fixant des «limites» – concernant la modification des conditions d’emploi qui avaient été convenues entre la compagnie aérienne et la VNV et figuraient dans une convention collective. Bien que la VNV ait une nouvelle fois fait part de ses préoccupations à ce sujet au ministère, les organisations plaignantes sont demeurées exclues de toutes les discussions et négociations entre l’État et la compagnie aérienne quant aux conditions du dispositif d’aide publique qui auraient une incidence sur les conditions d’emploi prévues par les conventions collectives. Les organisations plaignantes affirment que la seule raison qui leur a été donnée pour expliquer l’exclusion de la VNV était que l’État «n’[était] pas partie prenante à l’application concrète des conditions d’emploi», bien que celui-ci reconnaisse parallèlement qu’il fixait des «limites» concernant la teneur de la convention collective. L’État n’a pas invoqué de questions de confidentialité ni de questions de délais pour refuser d’associer la VNV aux discussions.
  8. 611. Si la compagnie aérienne a communiqué différents éléments d’information et différentes variantes concernant les conditions durant le processus, de l’avis des organisations plaignantes, cela n’a pas été fait de manière ouverte et transparente. La compagnie aérienne a refusé de fournir un exemplaire de manière inconditionnelle au motif que les conditions étaient confidentielles. Début août 2020, la compagnie s’est dite disposée à autoriser un membre du comité directeur de l’organisation de travailleurs à prendre connaissance des conditions relatives aux conditions d’emploi dans ses bureaux, précisant qu’elle ne fournirait aucune copie et n’autoriserait pas l’intéressé à prendre des notes. En outre, le membre du comité directeur devrait souscrire à une clause de confidentialité assortie d’une amende en cas de non-respect. Il ne serait pas autorisé à discuter des conditions avec les autres membres du comité directeur de l’organisation de travailleurs, à en faire part aux adhérents de l’organisation ni à dire quoi que ce soit à qui que ce soit à ce sujet. Ces conditions n’étaient pas acceptables pour la NVLT et la VNV qui ont par conséquent refusé de signer l’accord de confidentialité.
  9. 612. Les organisations plaignantes considèrent que, s’il est attendu des organisations de travailleurs qu’elles négocient la mise en œuvre de conditions imposées par les pouvoirs publics (auxquelles elles n’ont jamais souscrit), celles-ci peuvent attendre et exiger – à tout le moins – que les conditions en question leur soient communiquées, de manière que toutes les parties aux négociations puissent se baser sur les mêmes informations pour toute discussion ultérieure, même si ces discussions ne peuvent être considérées comme authentiques et constructives dans la mesure où le gouvernement a imposé un résultat préétabli. Les organisations plaignantes soulignent que l’octroi du prêt n’était pas subordonné à une demande tendant à ce que des réductions salariales soient envisagées, mais à une obligation de procéder à de telles réductions. À cet égard, les organisations plaignantes indiquent que la compagnie aérienne s’est contentée de remettre des questions-réponses aux salariés pour leur expliquer la situation. Il ressortait clairement des informations fournies dans ce document que l’issue de toute négociation était prédéterminée dans la mesure où les exigences du gouvernement concernant les conditions d’emploi devaient être remplies, ce qui excluait toute possibilité de négociations libres et authentiques. La VNV a souligné que cela s’était vu durant les négociations en cours concernant la modification de la convention collective existante, la compagnie aérienne ayant fait valoir que le pourcentage à sacrifier était déterminé et non négociable et s’étant contentée d’exiger que des pourcentages préétablis soient appliqués. D’après les organisations plaignantes, en établissant à l’avance le résultat des négociations, l’État n’a pas créé un climat de confiance fondé sur le respect des organisations professionnelles et syndicales et n’a pas favorisé des relations sociales stables et solides.
  10. 613. Les conditions associées au dispositif d’aide publique ont obligé la VNV, notamment, à accepter des réductions salariales d’au moins 20 pour cent, ou une révision globale à la baisse des conditions d’emploi représentant au moins 20 pour cent de la rémunération totale des pilotes, car ceux-ci gagnaient au moins trois fois le salaire moyen. L’aide financière additionnelle destinée à la compagnie aérienne ne serait pas mise à disposition si les salariés ne se pliaient pas à cette condition, ce qui risquait de conduire la compagnie aérienne à la faillite.
  11. 614. Les organisations plaignantes estiment que ces conditions sont contraires aux principes de la libre négociation collective, dans la mesure où le résultat attendu des négociations (réductions salariales minimales et/ou réduction globale des conditions d’emploi représentant au moins 20 pour cent de la rémunération totale des pilotes) est préétabli. Il n’appartient plus à la compagnie aérienne et à la VNV de se prononcer sur les réductions concrètes nécessaires et de s’entendre à ce sujet, leur marge de négociation se limitant aux modalités d’application de ces réductions. Les organisations plaignantes soulignent que l’État n’est pas légalement fondé à intervenir et à prescrire que le contenu d’une convention collective librement conclue soit modifié. Aucun état d’urgence n’a été proclamé, ni d’une manière générale ni en ce qui concerne la compagnie aérienne. Le gouvernement n’a jamais invoqué un règlement national ou international qui lui donnerait autorité pour s’immiscer dans une convention collective librement convenue afin d’en modifier le contenu.
  12. 615. D’après les organisations plaignantes, les réductions salariales ont été exigées, parce que notamment le gouvernement jugeait cette mesure «sensée du point de vue politique», mais il n’y avait pas de raison économique pour que l’entreprise exige les réductions salariales en question ou, du moins, cela n’a jamais été expliqué. De l’avis des organisations plaignantes, les déclarations du gouvernement confirment que les réductions exigées répondaient à des considérations politiques. Avant même le début des échanges entre la compagnie aérienne et le gouvernement, le ministre des Finances avait déclaré qu’il était attendu des salariés qu’ils consentent à une réduction de leur rémunération.
  13. 616. D’après les organisations plaignantes, les organisations de travailleurs, notamment la VNV et la NVLT, auraient dû être invitées à prendre part aux discussions concernant les modifications futures des conditions d’emploi, et le ministre aurait dû essayer de convaincre les parties de tenir compte d’elles-mêmes du point de vue du gouvernement sans leur imposer de renégocier les conventions collectives en vigueur. Les organisations plaignantes appellent l’attention sur le fait qu’elles croient comprendre que, dans des situations analogues (par exemple, dans le cas des aides publiques de l’Allemagne et de la France à leurs compagnies aériennes respectives), les gouvernements n’ont pas imposé de réductions salariales de manière unilatérale, mais ont laissé le soin aux partenaires sociaux de discuter et de s’entendre sur l’étendue des éventuelles modifications des conditions d’emploi. Pour les organisations plaignantes, il s’agit là d’un point important, car cela montre que la crise du COVID 19 n’a pas obligé les gouvernements à intervenir comme l’a fait le gouvernement néerlandais.
  14. 617. Si la VNV ne souscrivait pas aux conditions associées au dispositif d’aide publique qui supposaient d’opérer des réductions salariales allant jusqu’à 20 pour cent, elle n’a eu d’autre solution alors que de les accepter et de les incorporer jusqu’à l’échéance de la convention collective en vigueur fixée au 28 février 2022. La compagnie aérienne et la VNV sont parvenues à un accord le 1er octobre 2020 et ont envoyé les modifications apportées à la convention collective au gouvernement, mais celles-ci ne convenaient pas au ministre des Finances, et la compagnie aérienne a reçu l’ordre de renégocier. Bien que surpris de cette posture, le syndicat a accepté de rencontrer à nouveau la compagnie aérienne et a consenti à des modifications supplémentaires le 23 octobre 2020, mais celles-ci ne convenaient toujours pas au ministre, qui a décidé d’intervenir une troisième fois. À cette occasion, son ministère a rédigé un texte (la «clause d’engagement»), qui devait être signé par les organisations de travailleurs. Ce texte a été envoyé à la compagnie aérienne afin qu’elle le présente aux organisations de travailleurs. La compagnie aérienne a convoqué les organisations de travailleurs à son siège le 30 octobre afin de leur expliquer en quoi consistait cette nouvelle exigence; les syndicats ont alors expressément été informés que la «clause d’engagement» était non négociable et qu’elle devait être entérinée. Cette nouvelle disposition devait être signée dans un délai de moins de vingt-quatre heures (avant le samedi 31 octobre, à midi). La «clause d’engagement» consistait à faire reconnaître aux parties que les conditions devaient être acceptées dans les trois secteurs de négociation collective en ce qui concernait le retour à l’emploi durant la période couverte par le dispositif d’aide publique (lequel devait durer cinq ans). Il était ainsi demandé aux parties de déclarer qu’elles prendraient leurs responsabilités pour se conformer à cette exigence de la même manière dans les trois secteurs de négociation collective. Si la majorité des organisations de travailleurs ont décidé de signer la «clause d’engagement» parce que la compagnie aérienne et le ministre des Finances avaient dit que, sans cela, le financement additionnel provenant du programme d’aide publique ne serait pas mis à disposition, la FNV et la VNV ont refusé de signer la «clause d’engagement» à si brève échéance. L’entreprise a indiqué que la «clause d’engagement» était non négociable, parce que le gouvernement exigeait la présence de cette clause dans le texte correspondant. Pour la VNV, il était notamment inacceptable de devoir déclarer qu’elle se conformerait aux conditions énoncées dans les modalités de prêt qui restaient confidentielles et n’avaient pas été dévoilées à ses adhérents.
  15. 618. La position de la VNV a été communiquée par écrit à la compagnie aérienne, et le ministre en a été informé par la suite. Sur cette base, toutefois, le ministre a fait savoir au Parlement que le dispositif d’aide publique ne pouvait être approuvé étant donné qu’un syndicat avait refusé de signer la clause d’engagement et qu’il ne pouvait de ce fait être garanti que les efforts nécessaires seraient déployés tout au long de la période de validité de cette clause. Bien que la VNV ait déclaré publiquement, le 31 octobre, avant l’expiration du délai, qu’elle prendrait toujours ses responsabilités et qu’elle ait proposé de discuter de la situation avec le ministre, celui-ci a refusé de rencontrer ses représentants et a décidé de ne pas approuver le programme de restructuration. La VNV a alors fait l’objet de fortes pressions, étant tenue pour responsable de faire barrage au dispositif d’aide publique dont la compagnie aérienne avait tant besoin, de sorte qu’elle a fini par signer la clause. Les organisations plaignantes soulignent toutefois que cet «accord» a été obtenu par la force et non librement consenti et estiment que le ministre des Finances n’a donné aucun argument qui justifie que les salariés acceptent une révision à la baisse de leurs conditions d’emploi et, par conséquent, que cette condition n’a été dictée que par des considérations politiques.
  16. 619. Les organisations plaignantes jugent inacceptable d’avoir été contraintes de signer la «clause d’engagement». Cette clause fait que, pendant une période d’au moins cinq ans, les organisations de travailleurs sont tenues d’accepter de nouvelles réductions salariales concrètes, conformément à ce que prévoient les conditions associées au dispositif d’aide publique qui n’ont pas été discutées et convenues avec lesdites organisations, celles-ci ayant dû déclarer qu’elles «souscrivaient» à cette exigence du gouvernement.
  17. 620. Les organisations plaignantes réaffirment qu’elles ont pleinement conscience que la crise du COVID 19 a de graves répercussions sur la compagnie aérienne et qu’il est nécessaire de réexaminer les conditions d’emploi, y compris celles des pilotes et du personnel technique, et de discuter à ce sujet. Elles soulignent toutefois que les organisations de travailleurs VNV et NVLT aimeraient pouvoir négocier librement avec la compagnie aérienne, sans résultat préétabli. Elles estiment qu’il devrait y avoir de réelles négociations et que c’est à la compagnie aérienne et aux organisations de travailleurs qu’il appartient de discuter et de convenir de modifications concrètes des conditions, compte tenu des besoins de la compagnie aérienne et de l’intérêt des salariés.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 621. Dans une communication datée du 28 janvier 2022, le gouvernement insiste sur le fait que la plainte doit être considérée dans le contexte suivant. Depuis mars 2020, le gouvernement néerlandais a mis à disposition des aides financières conséquentes dans l’intérêt public du fait de la crise du COVID 19. Dans la majorité des cas, l’aide était de nature générale, mais dans certains cas elle s’adressait à des secteurs auxquels il était interdit d’ouvrir ou était mise à disposition pour sauver une entreprise donnée, comme la compagnie aérienne. Comme dans tout autre pays, cette aide était nécessaire pour éviter aux entreprises de faire faillite par suite des mesures de confinement imposées par le gouvernement dans l’intérêt de la santé publique. Parmi les plans de soutien global que le gouvernement néerlandais a mis en place durant cette période figure le Dispositif temporaire d’urgence pour le maintien de l’emploi (NOW), une contribution aux dépenses salariales destinée à préserver l’emploi. Ce dispositif était (et reste) ouvert à toutes les entreprises. Outre les plans de soutien global, afin d’éviter la faillite et des licenciements massifs, la compagnie aérienne avait besoin d’un programme d’aide spécifique supplémentaire sous la forme d’un prêt remboursable et d’une garantie sur une facilité de crédit accordée par un consortium bancaire. Pour trouver un juste équilibre entre la nécessité d’éviter des disparitions d’emploi et le fait de garantir la santé et la stabilité de l’entreprise sur le long terme, l’État a assorti le programme d’aide de conditions, comme d’autres États Membres dans des situations analogues. Il était nécessaire que la compagnie aérienne réduise certains coûts structurels, notamment les coûts salariaux, pour parvenir à une situation équilibrée sur le plan économique qui lui permette d’affronter l’avenir. C’était là le seul moyen d’éviter la faillite sur le long terme après la crise du COVID 19 compte tenu de la forte diminution des activités de la compagnie aérienne. Par rapport aux prévisions budgétaires de la compagnie aérienne pour 2020, le nombre de vols avait diminué d’environ 50, 90 et 80 pour cent en mars, avril et mai respectivement, sachant qu’on ne pouvait compter sur un retour de la circulation aérienne aux niveaux d’avant la crise à court terme. Si la compagnie aérienne avait essayé de réduire les dépenses autant que possible, par exemple en recourant aux dispositifs généraux d’aides financières et en réduisant ses dépenses variables, les coûts fixes courants pesaient lourdement sur l’entreprise. Avec des conseillers extérieurs indépendants et l’entreprise, le gouvernement a évalué les besoins de liquidités de la compagnie aérienne et a réfléchi à la manière de répondre au mieux à ces besoins. C’est sur cette base qu’ont été définis les détails des mesures d’aide retenues.
  2. 622. Le gouvernement a ensuite étudié avec des prêteurs extérieurs dans quelle mesure les financements nécessaires pouvaient être assurés par le marché et dans quelle mesure une aide publique pourrait être nécessaire. Les modalités de financement ont été étudiées précisément, et le plan de soutien global a été approuvé par le conseil d’administration et le conseil de supervision. Des échanges ont été menés avec la Commission européenne avant la notification de manière à s’assurer que l’aide envisagée était conforme aux règles de l’Union européenne (UE) en matière d’aides publiques. Le plan de soutien, qui représentait en tout 3,4 milliards d’euros, se composait d’une garantie de l’État sur un prêt de 2,4 milliards d’euros qui serait accordé par un consortium bancaire et d’un prêt d’État de 1 milliard d’euros dont l’État serait caution à hauteur de 90 pour cent. La compagnie aérienne est tenue de rembourser l’aide dans un délai de cinq ans et demi. La notification formelle a été présentée le 26 juin 2020, et le plan de soutien a été approuvé par la Commission européenne. Cette solution constructive a permis à l’État de pallier les graves difficultés financières auxquelles se heurtait la compagnie aérienne du fait de la crise du COVID 19 et de prévenir des licenciements massifs sur le long terme. Cela a aussi évité un préjudice économique aux entreprises dont les activités sont liées à celles de la compagnie aérienne et du secteur aéronautique et préservé l’emploi dans l’ensemble du secteur. La compagnie aérienne est responsable d’une grande partie du réseau de destinations intercontinentales desservies par Schiphol, le principal aéroport néerlandais. Ce réseau est extrêmement important pour l’économie néerlandaise et l’emploi aux Pays-Bas. De ce point de vue, la compagnie aérienne occupe une place importante dans la société.
  3. 623. Le 19 mai 2021, le tribunal de la Cour de justice de l’UE a annulé la décision de la commission par laquelle celle-ci avait approuvé l’aide financière que les Pays-Bas avaient accordée à la compagnie aérienne dans le cadre de la pandémie de COVID 19 pour motivation insuffisante. Toutefois, au vu des conséquences particulièrement dommageables de la pandémie pour l’économie néerlandaise, le tribunal a suspendu les effets de l’annulation en attendant que la Commission européenne adopte une nouvelle décision. Le 19 juillet 2021, la commission a publié une décision par laquelle elle approuvait à nouveau l’aide publique de 3,4 milliards d’euros consentie à la compagnie aérienne, décision qu’elle a davantage motivée au vu de l’arrêt du tribunal en date du 19 mai 2021.
  4. 624. S’agissant des conditions du plan de soutien, le gouvernement précise qu’il peut subordonner l’aide financière à certaines conditions, notamment à des exigences relatives aux conditions d’emploi, sans lesquelles il est hautement probable que l’entreprise aurait fait faillite et que l’aide accordée aurait été inutile. Les conditions destinées à garantir la bonne utilisation de l’argent des contribuables, à rendre l’entreprise plus compétitive et à atteindre des objectifs de pérennité et de qualité de vie ont été annoncées au Parlement dans une lettre du 26 juin 2020. Pour la compagnie aérienne, elles signifient: i) qu’il ne sera pas versé de dividendes aux actionnaires pendant la durée de l’aide; ii) que, outre les primes et intérêts convenus, la compagnie aérienne versera une somme supplémentaire à l’État lors du remboursement de l’aide (solde du prêt direct et échéance de la facilité de crédit bancaire garantie par l’État) et lorsque sa position financière sera suffisamment favorable; iii) que cette somme sera majorée à l’échéance de l’aide de manière à inciter la compagnie aérienne à honorer le remboursement dans les meilleurs délais (pour autant que cette façon de procéder soit responsable). Autre condition, la compagnie aérienne doit gagner en rentabilité et en compétitivité, notamment grâce à un plan de restructuration qui devait être élaboré avec le concours de conseillers extérieurs avant le 1er octobre 2020 et qui porte notamment sur les moyens d’améliorer sa position concurrentielle, par exemple en réduisant les coûts. La compagnie aérienne doit parvenir à une réduction de 15 pour cent de ses coûts compressibles, la manière de remplir cette condition étant laissée à sa libre appréciation. Le plan de restructuration porte aussi sur le rôle que les partenaires de la compagnie aérienne dans le secteur aéronautique peuvent jouer à cet égard.
  5. 625. Le gouvernement affirme que le renforcement de la compétitivité de la compagnie aérienne exige aussi une contribution importante du personnel sous la forme de modifications des conditions d’emploi, selon le principe qui veut que la charge la plus lourde pèse sur les épaules les plus solides. Cela signifie que les salariés qui gagnent au moins trois fois le revenu modal devront renoncer à 20 pour cent au moins du montant que représentent leurs conditions d’emploi. Des pourcentages moindres s’appliquent aux revenus modaux avec une augmentation linéaire jusqu’à 20 pour cent pour les revenus les plus élevés. Les modalités d’application de cette condition sont laissées à l’appréciation de l’entreprise et des syndicats. L’une des conséquences est que les primes du conseil d’administration et de l’encadrement supérieur sont suspendues pendant la durée de l’aide.
  6. 626. Cette réduction graduée était une proposition et non une exigence ferme comme en atteste le fait que la compagnie aérienne et les syndicats n’ont pas appliqué de réduction de salaire graduée au personnel navigant technique, mais sont au contraire convenus, à la demande des syndicats, selon les dires de la compagnie, d’une contribution égale et généralisée de plus de 19 pour cent. L’État ne s’est pas mêlé du conflit entre l’employeur et ses salariés dans la mesure où il n’est pas partie aux négociations sur le contenu des conventions collectives.
  7. 627. Dans la mesure où la menace de faillite et le besoin de certitude de toutes les parties contribuent aux efforts consentis pour éviter la faillite grâce au programme d’aide publique, le gouvernement est d’avis que la condition fixée, en ce qui concerne les modifications des conditions d’emploi, était justifiée. De l’avis du gouvernement, il était inévitable de revoir les conventions collectives en vigueur. Si les conventions collectives antérieures à la flambée de COVID 19, y compris les hausses de salaires convenues, avaient été maintenues dans leur intégralité, la compagnie aérienne aurait eu plus de mal à remplir les conditions fixées par le gouvernement pour sauver la compagnie dans un avenir proche et préserver l’emploi.
  8. 628. L’État reconnaît comme essentiel le droit des parties au processus de négociation collective de négocier librement, tel que garanti par les conventions nos 87 et 98 de l’OIT et n’en conteste pas l’importance. Comme indiqué plus haut, toutefois, il s’agit d’une situation exceptionnelle dans laquelle le dispositif d’aide publique était nécessaire pour éviter la faillite d’une entreprise essentielle. La compagnie aérienne est importante pour le réseau de destinations intercontinentales desservies par l’aéroport de Schiphol et, par extension, pour l’emploi au Pays Bas, qui est une question d’intérêt public. Le gouvernement estime que les conditions auxquelles le dispositif d’aide publique est subordonné ne sont pas en contradiction avec la liberté de négociation collective prévue par les conventions de l’OIT et souligne que l’employeur et les syndicats étaient libres de décider à quelles modifications des conditions d’emploi il convenait de procéder pour contribuer à assurer la réduction des coûts structurels exigée.
  9. 629. Le gouvernement affirme qu’il ne s’agit pas d’une affaire dans laquelle il aurait unilatéralement imposé une mesure générale empiétant directement sur les conventions collectives en vigueur. Le plan de soutien est un accord bilatéral entre l’État et la compagnie aérienne, qui a été longuement débattu par les parties et que la compagnie aérienne a accepté sans y être obligée. Pour parvenir à la réduction des coûts compressibles et que la compagnie aérienne gagne en compétitivité, il était nécessaire notamment de demander au personnel d’apporter une contribution importante sous la forme de modifications des conditions d’emploi, selon le principe qui veut que la charge la plus lourde pèse sur les épaules les plus solides. Il appartenait à la compagnie aérienne de décider comment satisfaire aux conditions et de s’entretenir avec les syndicats. Le gouvernement ajoute que les syndicats sont libres, par exemple, de refuser de consentir une réduction des salaires.
  10. 630. Le caractère inopiné de la crise du COVID 19 fait qu’il fallait prendre des mesures immédiates et de grande envergure. Il importait que les mesures d’aide et les conditions afférentes soient établies et approuvées au plus vite. Le gouvernement est convaincu que, compte tenu de l’objectif d’assurer la pérennité de l’entreprise sur le long terme et de l’obligation de rembourser les prêts, il était en droit de fixer des conditions strictes. Se référant à l’avis rendu par le comité dans un cas antérieur (1758), il rappelle que le comité a jugé acceptable, dans certaines circonstances, qu’un État fixe des limites au droit de négociation collective, par exemple dans des périodes de nécessité économique impérieuse comparables à la situation qui s’est présentée durant la crise du COVID 19 avec la situation financière pressante à laquelle la compagnie aérienne était confrontée. Si le comité devait arriver à la conclusion que le cas présent porte sur une mesure salariale imposée de manière unilatérale par le gouvernement, ce dernier est d’avis que la condition de l’exception susmentionnée était remplie compte tenu des graves difficultés financières engendrées par la pandémie de COVID 19.
  11. 631. Lorsque l’aide accordée par l’État a des effets sur l’application de la convention collective de travail conclue avant la crise du COVID 19 et/ou sur la possibilité de conclure de nouveaux accords dans le cadre d’une nouvelle convention collective, le gouvernement estime que ces effets sont justifiés par l’urgence de la situation économique. La durée de ces effets était/est limitée et directement liée à la situation économique résultant de la pandémie et à l’octroi de fonds publics généraux aux fins d’atténuer, pour une durée limitée, l’impact économique et de protéger les emplois dans la compagnie aérienne et dans les secteurs connexes. De plus, ces effets ont une portée limitée et ne s’étendent pas à toutes les questions normalement traitées dans le cadre du processus de négociation collective. En outre, non seulement des garanties adéquates étaient en place pour protéger le niveau de vie des travailleurs, mais l’aide allouée par l’État visait précisément à assurer cette protection. Enfin, il est clair que les effets des mesures d’aide ne concernent pas les employés de l’entreprise les plus vulnérables en termes de revenus.
  12. 632. S’agissant des allégations des organisations plaignantes selon lesquelles il n’y a pas eu de consultation sur ces questions, le gouvernement indique que l’État peut subordonner l’aide publique à des conditions et que, si cela a des répercussions sur les conditions d’emploi, il appartient aux partenaires à la convention collective de déterminer comment remplir ces conditions, compte dûment tenu de la crise en cause et de la menace de faillite. Le gouvernement ajoute qu’il n’était nullement tenu de consulter les partenaires sociaux, notamment du fait de la pandémie de COVID 19 et de la situation de crise dans laquelle se trouvait la compagnie aérienne. La condition relative à la réduction des coûts a été libellée de telle sorte qu’elle permettait à l’entreprise et aux associations de salariés concernées de négocier la contribution à consentir pour réaliser la réduction des coûts structurels exigée. De plus, en l’espèce, l’État ne s’est pas immiscé dans les conventions collectives. Par ailleurs, en ce qui concerne l’allégation selon laquelle le gouvernement aurait dû fournir des informations aux syndicats quant à l’aide publique envisagée et aux conditions afférentes, celui-ci réaffirme qu’il débat de l’aide financière et des conditions afférentes avec le bénéficiaire, en l’occurrence l’entreprise, qui est également l’employeur. Il appartient ensuite à l’employeur et aux associations de salariés de débattre des moyens de remplir les conditions associées au plan de soutien et de la faisabilité de celles-ci. Ce n’est pas à l’État d’engager des négociations sur ce point avec les associations de salariés ni de fournir à celles-ci des informations sur l’aide ou les conditions qui y sont associées.
  13. 633. Le gouvernement a le pouvoir de subordonner l’aide publique à certaines conditions et, dans des cas exceptionnels, de fixer des exigences concernant les conditions d’emploi. L’établissement de ces conditions par l’État visait à prévenir la faillite de l’entreprise et à éviter la disparition d’emplois. De l’avis du gouvernement, le fait de sauver l’entreprise et, ce faisant, de prévenir des répercussions qui auraient été préjudiciables aux intérêts économiques du pays dans leur ensemble, de préserver l’emploi et, in fine, de protéger la sécurité du revenu d’un grand nombre de travailleurs, n’était pas un objectif politique mais au contraire un objectif hautement social. C’est également pour cette raison que l’État et l’entreprise, mais aussi l’employeur et les associations de salariés, devaient parvenir à un accord (dans un délai très court).
  14. 634. S’agissant de l’allégation selon laquelle les conditions s’appliquent sur une longue période, le gouvernement fait observer que les conditions associées au dispositif d’aide publique sont liées aux obligations de remboursement des prêts. Pour fixer le délai de remboursement, il a été tenu compte de la viabilité de la compagnie aérienne, laquelle dépend du respect des conditions associées au plan de soutien. En outre, le gouvernement dit que l’assertion des organisations plaignantes concernant la «clause d’engagement» est inexacte, car il a été demandé à la compagnie aérienne d’établir un plan de restructuration comprenant des mesures destinées à atteindre une réduction des coûts de 15 pour cent. La réduction des frais de personnel n’est qu’un élément de ce plan.
  15. 635. En conclusion, le gouvernement demande que la plainte soit jugée infondée dans la mesure où la violation des conventions nos 87 et 98 n’a pas été démontrée ou doit être jugée acceptable compte tenu des circonstances exceptionnelles décrites plus haut.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 636. Le comité constate qu’en l’espèce les organisations plaignantes allèguent que le gouvernement s’est immiscé dans leur convention collective avec la compagnie aérienne en imposant des modifications des conditions d’emploi établies parmi les conditions associées au dispositif d’aide publique en faveur de la compagnie aérienne, ne laissant que peu voire pas de place à une négociation collective autonome à ce sujet et influant en outre sur les conventions futures. Les organisations plaignantes ajoutent que les conditions associées au dispositif d’aide publique ont été décidées sans consultation préalable et sans que des informations essentielles aient été fournies, malgré leurs répercussions non négligeables sur les conventions collectives actuelles qui sont toujours applicables.
  2. 637. Les organisations plaignantes et le gouvernement reconnaissent que, du fait de la pandémie de COVID 19 et des restrictions en matière de voyage, la compagnie aérienne se trouvait dans une situation catastrophique et que c’est dans ce contexte que le gouvernement a proposé, le 24 avril 2020, un prêt additionnel à la compagnie aérienne au moyen d’un plan de soutien d’un montant de 3,4 milliards d’euros afin d’éviter la faillite et de protéger l’emploi. Le comité prend toutefois note de l’affirmation des organisations plaignantes selon laquelle, dans la mesure où le plan de soutien renfermait des exigences tendant à modifier les conditions d’emploi de leurs adhérents qui avaient des répercussions sur les conventions collectives applicables, le gouvernement aurait dû consulter les syndicats sur ce point avant d’arrêter définitivement le plan de soutien. Bien que la VNV ait presque immédiatement exprimé le souhait d’être associée à toute discussion touchant aux conditions d’emploi, sa demande a été rejetée par le ministre des Finances en mai 2020. D’après l’organisation plaignante, le gouvernement a justifié ce refus en expliquant qu’il n’était pas partie à l’application concrète des conditions d’emploi, quoique reconnaissant qu’il fixait des «limites» touchant au contenu de la convention collective. Les organisations plaignantes font en outre valoir qu’aucune question de confidentialité ni aucune question de délais n’ont été avancées pour refuser d’associer la VNV aux discussions, mais que la compagnie aérienne a néanmoins imposé des conditions excessivement restrictives à la communication d’informations à un représentant des travailleurs de sorte que les syndicats n’ont pas pu défendre valablement les intérêts de leurs adhérents.
  3. 638. S’agissant des allégations relatives à l’absence de consultations et/ou au manque d’informations concernant les conditions prévues par le plan de soutien au sujet des conditions d’emploi, le comité prend bonne note de ce qu’indique le gouvernement, à savoir: i) qu’il débat de l’aide financière et des conditions afférentes avec le bénéficiaire, en l’occurrence l’entreprise, qui est aussi l’employeur; ii) que l’État peut subordonner l’aide publique à des conditions et que, si celles-ci ont des répercussions sur les conditions d’emploi, il appartient aux partenaires à la convention collective de déterminer comment remplir ces conditions, compte dûment tenu de la crise en cause et du risque de faillite; iii) qu’il n’était nullement tenu de consulter les partenaires sociaux, notamment du fait de la pandémie de COVID 19 et de la situation de crise dans laquelle se trouvait la compagnie aérienne; iv) que la condition relative à la réduction des coûts a été libellée de telle sorte qu’elle permettait à l’entreprise et aux associations de salariés concernées de négocier la contribution à consentir pour parvenir à la réduction des coûts structurels exigée; et v) que ce n’est pas à l’État d’engager des négociations sur ce point avec les associations de salariés ni de fournir à celles-ci des informations sur l’aide ou les conditions qui y sont associées.
  4. 639. Le comité rappelle que la question de savoir si les difficultés économiques graves des entreprises nécessitent dans certains cas que la modification des conventions collectives soit abordée et, s’il est possible de régler le problème de plusieurs manières, ces solutions devraient être étudiées dans le cadre du dialogue social. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1451.] En outre, les limitations à la négociation collective de la part des autorités publiques devraient être précédées de consultations avec les organisations de travailleurs et d’employeurs en vue de rechercher l’accord des parties. [Voir Compilation, paragr. 1421.] S’il prend note du fait que l’élaboration du plan de soutien porte sur un certain nombre d’aspects sans rapport avec les conditions d’emploi dans la compagnie aérienne et observe qu’il y a eu dans un deuxième temps une certaine latitude dans les négociations sur la manière de mettre en œuvre les conditions d’emploi sur des aspects visés par les conventions collectives applicables, le comité considère que les organisations de travailleurs concernées auraient dû être consultées.
  5. 640. Le comité prend note des autres allégations des organisations plaignantes selon lesquelles les conditions prévues par le dispositif d’aide publique empiétaient sur les conventions collectives en vigueur et étaient contraires aux principes de la libre négociation collective. Les organisations plaignantes font valoir en particulier: i) que les conditions associées au dispositif d’aide publique ont obligé la VNV à accepter des réductions salariales d’au moins 20 pour cent ou une révision générale à la baisse des conditions d’emploi représentant au moins 20 pour cent de la rémunération totale des pilotes, car ceux-ci gagnaient au moins trois fois le salaire moyen; ii) que l’aide financière additionnelle destinée à la compagnie aérienne ne serait pas mise à disposition si les salariés ne se pliaient pas à cette condition, ce qui risquait de conduire la compagnie aérienne à la faillite; iii) qu’il n’appartient plus à la compagnie aérienne et à la VNV de se prononcer sur les réductions concrètes nécessaires et de s’entendre à ce sujet, leur marge de négociation se limitant aux modalités d’application de ces réductions; iv) que l’État n’est pas légalement fondé (par la proclamation d’un quelconque état d’urgence, qu’il soit général ou qu’il concerne uniquement la compagnie aérienne) à intervenir et à prescrire que le contenu d’une convention collective librement conclue soit modifié; v) que les déclarations du gouvernement confirment que les réductions salariales exigées étaient motivées par des considérations politiques; et vi) que, en établissant à l’avance le résultat des négociations, l’État n’a pas instauré un climat de confiance fondé sur le respect des organisations professionnelles et des organisations syndicales ni favorisé des relations professionnelles stables et solides. De l’avis des organisations plaignantes, les syndicats auraient dû être invités à participer aux discussions sur les modifications futures des conditions d’emploi, et le ministre aurait dû essayer de convaincre les parties de tenir compte d’elles-mêmes du point de vue du gouvernement, sans leur imposer de renégocier les conventions collectives en vigueur. Les organisations plaignantes réaffirment qu’elles sont pleinement conscientes que la crise du COVID 19 a de graves répercussions sur la compagnie aérienne et qu’il est nécessaire de réexaminer les conditions d’emploi, y compris celles des pilotes et du personnel technique, et de discuter à ce sujet. Elles soulignent néanmoins que les organisations de travailleurs VNV et NVLT aimeraient négocier librement avec la compagnie aérienne, sans résultat préétabli.
  6. 641. Le comité prend note de la réponse du gouvernement à ces allégations, à savoir: i) que, pour trouver un juste équilibre entre le fait d’éviter la perte d’emplois et la nécessité de garantir la santé et la pérennité de la compagnie aérienne sur le long terme, il était nécessaire de réduire certains coûts structurels, notamment les coûts salariaux, pour parvenir à une situation qui permette d’affronter l’avenir et qui soit équilibrée sur le plan économique; ii) que c’était là la seule manière, sur le long terme, d’éviter la faillite après la crise du COVID 19 compte tenu de la forte diminution des activités de la compagnie aérienne; iii) que, avec des conseillers extérieurs indépendants et l’entreprise, le gouvernement a évalué l’étendue des besoins de liquidités de la compagnie aérienne et a réfléchi à la manière de répondre au mieux à ce besoin; iv) que les conditions visaient à garantir la bonne utilisation de l’argent des contribuables, à rendre l’entreprise plus compétitive et à atteindre des objectifs de pérennité et de qualité de vie; v) qu’il fallait pour cela une contribution importante du personnel sous la forme de modifications des conditions d’emploi, selon le principe qui veut que la charge la plus lourde pèse sur les épaules les plus solides; et vi) que les conditions prévues par le plan de soutien ont aussi évité un préjudice économique aux entreprises dont les activités sont liées à la compagnie aérienne et au secteur aéronautique et permis de préserver l’emploi dans l’ensemble du secteur. Le gouvernement ajoute que les conditions applicables à la compagnie aérienne prévoient également: i) l’absence de versement de dividendes aux actionnaires pendant la durée de l’aide; ii) le versement par la compagnie aérienne d’une somme supplémentaire à l’État lors du remboursement de l’aide (solde du prêt direct et arrivée à échéance de la facilité de crédit bancaire garantie par l’État); et iii) la majoration de cette somme à l’échéance de l’aide de manière à inciter la compagnie aérienne à honorer le remboursement dans les meilleurs délais. Autre condition, la compagnie aérienne devait gagner en rentabilité et en compétitivité, ce qui supposait notamment qu’elle élabore, avec le concours de conseillers extérieurs, avant le 1er octobre 2020, un plan de restructuration qui porterait notamment sur les moyens d’améliorer sa position concurrentielle. Plus précisément, la compagnie aérienne doit parvenir à une réduction de 15 pour cent de ses coûts compressibles, et c’est à elle qu’il appartient de déterminer comment satisfaire à cette exigence. Le gouvernement ajoute que cela signifie que les salariés qui gagnent au moins trois fois le revenu modal devront renoncer à 20 pour cent au moins de la valeur de leurs conditions d’emploi. Des pourcentages moindres s’appliquent aux revenus modaux avec une augmentation linéaire jusqu’à 20 pour cent pour les revenus les plus élevés. Les modalités d’application de cette condition sont laissées à l’appréciation de l’entreprise et des syndicats. Cela a notamment pour conséquence que les primes du conseil d’administration et de l’encadrement supérieur sont suspendues pendant la durée de l’aide. Cette réduction graduée était une proposition et non une exigence ferme comme en atteste le fait que la compagnie aérienne et les syndicats, sans aucune intervention du gouvernement, n’ont pas appliqué de diminution de salaire graduée au personnel navigant technique, mais sont au contraire convenus, à la demande des syndicats selon les dires de la compagnie, d’une contribution égale et généralisée de plus de 19 pour cent. Compte tenu du risque de faillite et du besoin de s’assurer que toutes les parties contribueraient aux efforts pour l’éviter grâce notamment au programme d’aide publique, le gouvernement est d’avis que la condition fixée quant aux modifications des conditions d’emploi était justifiée et que le réexamen des conventions collectives en vigueur était inévitable. Si les conventions collectives antérieures à la flambée de COVID 19, y compris les hausses de salaires convenues, avaient été maintenues dans leur intégralité, la compagnie aérienne aurait eu plus de mal à remplir les conditions fixées par le gouvernement pour sauver la compagnie dans un avenir proche et préserver l’emploi.
  7. 642. Enfin, le comité prend note de l’affirmation du gouvernement selon laquelle l’État a assorti le plan d’aide de conditions comme l’avaient fait d’autres États Membres dans des situations analogues, tandis que les organisations plaignantes croient comprendre que, dans des situations similaires, les gouvernements n’ont pas imposé de réductions salariales de manière unilatérale, mais ont laissé aux partenaires sociaux le soin de discuter de l’étendue des éventuelles modifications des conditions d’emploi et de s’entendre à ce sujet.
  8. 643. Avant toute chose, le comité souhaite certifier qu’il a pleinement conscience des perturbations extrêmes engendrées par la pandémie de COVID 19 pour les entreprises et les travailleurs, ainsi que de la nécessité de prendre des mesures exceptionnelles pour préserver l’emploi et les moyens de subsistance et atténuer les effets économiques et sociaux de la crise qui résulte de celle-ci. Si le gouvernement soutient qu’il n’a pas imposé de conditions de manière unilatérale et a laissé les parties déterminer comment incorporer les conditions prescrites dans les conventions collectives, le comité relève que, sans modification des conditions salariales établies au préalable, le plan de soutien n’aurait pas été approuvé et que la solvabilité de la compagnie aérienne aurait été gravement menacée, ce qui laissait peu de marge aux syndicats pour négocier des solutions. Le comité rappelle que, d’une manière générale, les organes de l’État devraient s’abstenir d’intervenir pour modifier le contenu des conventions collectives librement conclues. [Voir Compilation, paragr. 1424.] Prenant note en outre du fait que le gouvernement évoque les circonstances exceptionnelles d’urgence économique qui justifient les restrictions fixées au droit de négociation collective, le comité rappelle en effet, comme l’a relevé le gouvernement, que, dans les cas de même nature qui traitent des limitations du droit à la négociation collective liées à des mesures de stabilisation économique, il a reconnu que lorsque, pour des raisons impérieuses relevant de l’intérêt économique national et dans le cadre de sa politique de stabilisation, un gouvernement considère que le taux des salaires ne peut pas être fixé librement par voie de négociation collective, une telle restriction devrait être appliquée comme une mesure d’exception, limitée à l’indispensable, elle ne devrait pas excéder une période raisonnable et elle devrait être accompagnée de garanties appropriées en vue de protéger le niveau de vie des travailleurs, notamment ceux qui risquent d’être les plus touchés. [Voir 297e rapport, cas no 1758, paragr. 255.] Le comité ne doute pas que le gouvernement veillera à ce que toute mesure exceptionnelle qui pourrait s’imposer à l’avenir soit limitée à ce qui est nécessaire, qu’il dialoguera avec les partenaires sociaux dans toute la mesure possible et établira des garanties suffisantes pour protéger le niveau de vie des travailleurs.
  9. 644. Enfin, le comité prend note de l’allégation des organisations plaignantes concernant la «clause d’engagement» que tous les syndicats représentatifs ont dû signer. Cette clause fait que, pendant une période d’au moins cinq ans, les organisations de travailleurs sont contraintes de consentir à de nouvelles baisses de salaires concrètes, en application des conditions associées au dispositif d’aide publique qui n’ont pas été discutées et convenues avec les organisations de travailleurs. Les organisations plaignantes estiment que cet «accord» a été imposé de force et non donné spontanément et affirment qu’aucun argument n’a été exposé pour expliquer pourquoi l’engagement des salariés d’accepter de nouvelles révisions à la baisse de leurs conditions d’emploi serait essentiel pour le programme de restructuration. Les organisations plaignantes ajoutent qu’elles s’étaient entendues à deux reprises avec la compagnie aérienne sur les réductions nécessaires compte tenu des conditions d’emploi prévues par le plan de soutien, mais que les accords en question ont été refusés par le ministre des Finances et n’ont été acceptés qu’une fois la clause d’engagement signée. D’après les organisations plaignantes, cela démontre que cette condition n’a été établie que pour des raisons politiques.
  10. 645. S’agissant de l’allégation selon laquelle les conditions s’appliquent sur une longue période, le gouvernement fait observer que les conditions associées au dispositif d’aide publique sont liées aux obligations de remboursement des prêts. Pour fixer le délai de remboursement, il a été tenu compte de la viabilité de la compagnie aérienne, laquelle dépend du respect des conditions associées au plan de soutien. En outre, le gouvernement dit que l’assertion des organisations plaignantes concernant la clause d’engagement est inexacte, car il a été demandé à la compagnie aérienne d’établir un plan de restructuration comprenant des mesures destinées à réaliser une réduction des coûts de 15 pour cent. La réduction des frais de personnel n’est qu’un élément du plan. Le gouvernement estime que le fait de sauver l’entreprise et, ce faisant, de prévenir des répercussions qui auraient été préjudiciables aux intérêts économiques du pays dans leur ensemble, de préserver l’emploi et, in fine, de protéger la sécurité du revenu d’un grand nombre de travailleurs, n’était pas un objectif politique, mais au contraire un objectif hautement social. C’est aussi pour cette raison que l’État et l’entreprise, mais aussi l’employeur et les associations de salariés, devaient parvenir à un accord (dans un délai très court).
  11. 646. Le comité prend bonne note de l’engagement du gouvernement et de la reconnaissance par celui-ci de l’importance du droit des parties au processus de négociation collective de négocier librement, tel que garanti par les conventions nos 87 et 98 de l’OIT, et constate qu’il insiste sur le fait qu’il s’agissait d’une situation exceptionnelle dans laquelle un dispositif d’aide publique était nécessaire pour éviter la faillite d’une entreprise essentielle. Bien qu’il ne soit pas de sa responsabilité de se prononcer sur la pertinence des arguments de caractère économique avancés par le gouvernement pour justifier son intervention visant à restreindre la négociation collective, le comité se doit de rappeler que les mesures susceptibles d’être envisagées pour faire face à une situation exceptionnelle doivent être de nature provisoire, compte tenu des graves conséquences négatives sur les conditions d’emploi des travailleurs et en particulier des effets sur les travailleurs les plus vulnérables. [Voir Compilation, paragr. 1434.] En outre, le comité rappelle que la recommandation (no 205) sur l’emploi et le travail décent pour la paix et la résilience, 2017, souligne l’importance du dialogue social en général et de la négociation collective en particulier pour répondre aux situations de crise en encourageant la participation active des organisations d’employeurs et de travailleurs à la planification, à la mise en œuvre et au suivi des mesures en faveur du redressement et de la résilience. Le comité encourage par conséquent le gouvernement à nouer un dialogue avec les organisations d’employeurs et de travailleurs concernées pour faire en sorte que la durée et l’impact des mesures susmentionnées soient strictement limités aux circonstances exceptionnelles en cause et à veiller à ce qu’il soit fait pleinement usage de la négociation collective comme moyen de trouver des solutions justes et tenables en période de crise.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 647. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité encourage le gouvernement à nouer un dialogue avec les organisations d’employeurs et de travailleurs concernées pour faire en sorte que la durée et l’impact des mesures susmentionnées soient strictement limités aux circonstances exceptionnelles en cause et à veiller à ce qu’il soit fait pleinement usage de la négociation collective pour trouver des solutions justes et tenables en période de crise.
    • b) Le comité considère que le présent cas n’appelle pas un examen plus approfondi et qu’il est clos.
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