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Informe en el que el Comité pide que se le mantenga informado de la evolución de la situación - Informe núm. 397, Marzo 2022

Caso núm. 3364 (República Dominicana) - Fecha de presentación de la queja:: 14-JUN-19 - En seguimiento

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Allégations: Interdiction du droit de grève dans le secteur de l’éducation publique

  1. 709. La plainte figure dans la communication de la Confédération nationale de l’unité syndicale (CNUS) et de l’Association dominicaine des professeurs (ADP) datée du 14 juin 2019.
  2. 710. Par des communications du 20 août 2020, du 1er février 2021 et du 15 septembre 2021, le gouvernement a envoyé ses observations.
  3. 711. La République dominicaine a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 712. Les organisations plaignantes dénoncent l’interdiction du droit de grève imposée par voie judiciaire au secteur public de l’éducation. Elles affirment notamment que:
    • Dans le contexte des actions prévues et menées dans le cadre du plan d’action de l’ADP en vue de réclamer une augmentation du salaire des enseignants ainsi que le paiement des arriérés de salaires non perçus, des arrêts de travail isolés se sont produits à partir du 16 janvier 2017 dans diverses écoles publiques de la province de Barahona, qui n’ont nullement mis en péril le déroulement de l’année scolaire.
    • Divers secteurs, principalement ceux liés aux entreprises du secteur de l’éducation, ont mené une campagne très médiatisée contre l’ADP afin d’éviter les revendications des travailleurs dans le secteur public, lesquelles auraient conduit à des pressions pour améliorer les conditions de travail dans le secteur privé. Les actions menées par l’ADP ont été faussées et amplifiées à tel point que cela a déclenché un recours en amparo de plusieurs personnes représentant supposément diverses personnes mineures, qui fréquentaient prétendument les écoles où certaines actions de protestation ont eu lieu, des faits qui n’ont jamais été établis dans les actions en justice ultérieures.
    • Il résulte de ce recours en amparo que, le 21 mars 2017, la première chambre civile, commerciale et du travail du Tribunal de première instance de Barahona a rendu l’arrêt no 0105-2017: i) ordonnant à l’ADP de lever immédiatement la suspension des cours et de demander au corps enseignant de reprendre le travail; ii) prévenant l’ADP de s’abstenir à l’avenir de suspendre les cours au détriment des droits fondamentaux à l’éducation, au motif que ces derniers prévalent sur les autres droits – sans préjudice du droit légitime de l’ADP de faire valoir ses revendications devant les autorités compétentes par d’autres moyens légaux; iii) affirmant que paralyser les cours était illégal, compte tenu du caractère obligatoire de l’enseignement élémentaire, moyen et fondamental; et iv) imposant une astreinte de 50 000 pesos dominicains (environ 870 dollars États-Unis) par jour de retard d’exécution à verser à l’académie des forces armées et de la police nationale de Barahona.
    • Face à cet arrêt, l’ADP a introduit une requête en révision devant le Tribunal constitutionnel, lequel a malheureusement rejeté le recours par son arrêt TC/0064/19 du 13 mai 2019 et a confirmé l’arrêt attaqué. Les organisations plaignantes dénoncent le fait que, par cet arrêt, le Tribunal constitutionnel a traité le secteur de l’éducation comme un service essentiel, ce qui est en contradiction avec les décisions du comité en la matière.
  2. 713. Les organisations plaignantes considèrent que le fait que l’exercice du droit de grève dans le secteur ne soit pas réglementé – même s’il est reconnu en termes généraux dans la Constitution – n’aurait pas dû conduire les juridictions à nier son existence. À cet égard, elles sont d’avis que, pour remédier à cette situation, il convient de modifier la législation applicable afin que soit expressément reconnu le droit de grève dans le secteur de l’éducation publique. Les organisations plaignantes affirment également que les autres mécanismes de règlement des conflits comme la médiation ou l’arbitrage dans les conflits collectifs, auxquels le Tribunal constitutionnel a fait allusion, et qui sont en revanche applicables au secteur privé en vertu du Code du travail, ne sont pas accessibles au secteur de l’éducation publique, étant donné que ni la loi no 41-08 relative à la fonction publique ni le règlement sur les relations du travail ne prévoient ces mécanismes. Les organisations plaignantes estiment que cette situation prive les travailleurs de l’éducation publique de tout moyen de défense.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 714. Dans ses communications du 20 août 2020, du 1er février 2021 et du 15 septembre 2021, le gouvernement transmet ses observations sur le cas.
  2. 715. Le gouvernement indique que, conformément à la loi no 41-08 relative à la fonction publique et à son règlement d’exécution no 523-09, la grève est interdite dans les services publics essentiels – à savoir ceux dont l’interruption peut mettre en danger la vie, la santé ou la sécurité des citoyens –, même si les travailleurs qui fournissent ce type de services peuvent soumettre le conflit de travail à la considération du comité du personnel de l’organisme correspondant.
  3. 716. Quant au cas concret objet de la plainte, le gouvernement communique et retranscrit le texte de l’arrêt du Tribunal constitutionnel du 13 mai 2019, qui a confirmé l’arrêt attaqué et établit que: i) une série de marches, de piquets de grève, d’assemblées et de suspensions partielles des cours ont eu lieu afin de réclamer des améliorations des conditions de travail dans les écoles publiques dans la province de Barahona, et ces suspensions partielles de l’enseignement ont affecté les heures de cours que les élèves devaient recevoir, raison pour laquelle plusieurs parents et tuteurs ont engagé un recours en amparo; ii) les suspensions des cours dues à la grève lancée par l’ADP portent gravement atteinte au droit à l’éducation et à l’égalité, étant donné que les élèves des collèges privés bénéficient de programmes de cours ininterrompus; iii) les élèves mineurs ne doivent pas être utilisés comme un moyen de régler des conflits et ont le droit de bénéficier d’un enseignement public dans les mêmes conditions que les autres; iv) l’absence des enseignants de manière progressive et indiscriminée, sans tenir compte des familles des élèves, a des effets collatéraux sur les droits fondamentaux – à savoir: elle désoriente les étudiants par rapport à la discipline qu’ils se forgent en s’efforçant de remplir leurs engagements éducatifs; elle affecte l’organisation des familles dans l’ordre social, économique, professionnel et en termes de sécurité alimentaire; elle affecte l’état émotionnel des pères et des mères qui profitent des heures où leurs enfants vont à l’école pour travailler et s’insérer dans le marché du travail et elle affecte l’état émotionnel des familles en raison des risques ou de la situation de vulnérabilité qui entourent leurs enfants –; et v) partant, à la définition traditionnelle des services essentiels, dont la suspension met en péril la vie, la santé ou la sécurité des personnes dans l’ensemble ou dans une partie de la population, le tribunal a considéré qu’il convient d’additionner l’éducation publique gratuite au niveau élémentaire, fondamental et moyen lorsque la suspension des cours a lieu de façon «progressive, prolongée et indiscriminée».
  4. 717. Par ailleurs, le gouvernement indique que, à la suite de l’arrêt, l’ADP et le ministère de l’Éducation ont conclu un accord pour une éducation de qualité le 13 janvier 2020, en vertu duquel, afin de créer un climat harmonieux qui contribue à une éducation de qualité, les deux parties se sont engagées notamment: i) à respecter le calendrier scolaire sur l’ensemble du territoire; ii) à ne pas interférer dans leurs affaires et structures respectives, en convenant de préserver le respect mutuel; et iii) à ce que les transferts d’enseignants aient lieu avec l’accord des ressources humaines, du district et de la région et que les suggestions de l’ADP soient écoutées.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 718. La présente plainte dénonce l’interdiction, par décision judiciaire, du droit de grève dans le secteur de l’éducation publique. Le comité observe que, selon l’arrêt du Tribunal constitutionnel en cause, les actions qui sous-tendent la plainte ont consisté en «une série de marches, de piquets de grève, d’assemblées et de suspensions partielles des cours afin de réclamer des améliorations des conditions de travail dans les écoles publiques» dans la province de Barahona et que «ces suspensions partielles de l’enseignement ont affecté les heures de cours que les élèves devaient recevoir, raison pour laquelle plusieurs parents et tuteurs ont engagé un recours en amparo». Le comité observe qu’il résulte de ce recours en amparo que le Tribunal constitutionnel a décidé, sur la base de ses considérations, de «qualifier l’éducation publique gratuite au niveau élémentaire, fondamental et moyen de service essentiel lorsque la suspension des cours a lieu de manière progressive, prolongée et indiscriminée».
  2. 719. Le comité n’est pas en mesure d’apprécier les effets qu’a pu avoir la grève dont l’interdiction a entraîné le dépôt de la plainte. Le comité rappelle que ce que l’on entend par service essentiel au sens strict du terme dépend largement des conditions spécifiques de chaque pays. En outre, ce concept ne revêt pas un caractère absolu dans la mesure où un service non essentiel peut devenir essentiel si la grève dépasse une certaine durée ou une certaine étendue, mettant ainsi en péril la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans la totalité de la population. Le comité rappelle aussi que lorsque le droit de grève a été restreint ou supprimé dans certaines entreprises ou services considérés comme essentiels, les travailleurs devraient bénéficier d’une protection adéquate de manière à compenser les restrictions qui auraient été imposées à leur liberté d’action pendant les différends survenus dans lesdites entreprises ou lesdits services. Le comité rappelle également que même si le secteur de l’éducation ne constitue pas un service essentiel au sens strict du terme et que les conséquences éventuelles à long terme d’une grève dans le secteur de l’enseignement ne sauraient justifier son interdiction, dans les cas de grève de longue durée dans le secteur de l’enseignement, des services minima peuvent être établis en pleine consultation avec les partenaires sociaux. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, paragr. 837, 853, 842, 846 et 898.] Le comité invite le gouvernement à prendre, en consultation avec l’ADP, les mesures nécessaires pour garantir l’exercice du droit de grève dans le secteur de l’éducation publique, y compris la possibilité d’instaurer des mécanismes définissant des services minima en pleine consultation avec les partenaires sociaux dans les cas de grève de longue durée. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation.
  3. 720. Le comité observe que, selon ce qu’affirment les organisations plaignantes et qui n’est pas nié par le gouvernement dans sa réponse, les enseignants du secteur public ne disposeraient pas de l’accès à des mécanismes adéquats de règlement des conflits , à la différence des éducateurs du secteur privé, tels que la médiation ou l’arbitrage en matière de conflits collectifs. Le comité prend dûment note de la conclusion d’un accord entre le ministère de l’Éducation et l’ADP afin de créer un climat harmonieux qui contribue à une éducation de qualité dans le pays et observe que le texte de cet accord traduit une évolution positive du dialogue entre les parties et contient des engagements sur divers points. Le comité observe également que l’accord ne contient pas de dispositions spécifiques sur la gestion des conflits collectifs du travail. À cet égard, le comité rappelle que, aux termes de la recommandation (nº 92) sur la conciliation et l’arbitrage volontaires, 1951, des organismes de conciliation volontaire adaptés aux conditions nationales devraient être établis en vue de contribuer à la prévention et au règlement des conflits du travail entre employeurs et travailleurs. Des dispositions devraient être prises pour que la procédure puisse être engagée soit sur l’initiative de l’une des parties au conflit, soit d’office par l’organisme de conciliation volontaire. [Voir Compilation, paragr. 792.] À cet égard, le comité invite le gouvernement à inclure dans la consultation avec l’ADP l’examen de mesures visant à garantir l’existence de mécanismes adéquats de règlement des conflits collectifs dans le secteur de l’éducation publique.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 721. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité invite le gouvernement à prendre, en consultation avec l’ADP, les mesures nécessaires pour garantir l’exercice du droit de vote dans le secteur de l’éducation publique, y compris la possibilité d’instaurer des mécanismes définissant des services minima en pleine consultation avec les partenaires sociaux dans les cas de grève de longue durée. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation.
    • b) Le comité invite le gouvernement à inclure dans la consultation avec l’ADP l’examen de mesures visant à garantir l’existence de mécanismes adéquats de règlement des conflits collectifs dans le secteur de l’éducation publique.
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