Allégations: Violation du droit à la négociation collective et à la liberté syndicale par le Secrétariat au travail et à la sécurité sociale (STSS); licenciements et attaques perpétrées contre des syndicalistes en représailles de leur activité syndicale
- 448. La plainte figure dans une communication de la Confédération unitaire des travailleurs du Honduras (CUTH) datant du 6 juin 2017.
- 449. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication en date du 28 septembre 2017.
- 450. Le Honduras a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 451. Dans sa communication en date du 6 juin 2017, la CUTH dénonce trois cas de violation du droit de négociation collective et de la liberté syndicale par le Secrétariat au travail et à la sécurité sociale (STSS) à l’encontre du Syndicat des travailleurs de l’agro-industrie et similaires (STAS) (affilié à la Fédération syndicale des travailleurs de l’agro-industrie (FESTAGRO), laquelle est membre de l’organisation plaignante).
Premier cas: Sectorielle du STAS dans une entreprise bananière
- 452. L’organisation plaignante dénonce le fait que le STSS, en violation du régime juridique national et des conventions de l’OIT ratifiées par le Honduras, nie le droit de la sectorielle du STAS de l’exploitation agricole de bananes Santa Rita S.A. (ci-après «l’entreprise bananière») à négocier des conventions collectives et qu’elle ait concédé ce droit à des organisations syndicales dont les négociations détériorent les conditions économiques, professionnelles et sociales des travailleurs. Ainsi, l’organisation plaignante déclare que, le 5 mai 2014, l’entreprise bananière et le bureau régional du STSS de la municipalité d’El Progreso ont été informés de la création d’une sectorielle du STAS et de l’élection de son comité directeur. L’organisation plaignante ajoute que le 9 juin 2014 le STAS a formellement remis à ces deux entités un cahier de revendications en vue de la signature d’une convention collective sur les conditions de travail.
- 453. L’organisation plaignante soutient qu’en dépit de la notification formelle des revendications du STAS aussi bien au STSS qu’à l’entreprise, trois mois plus tard, entre le 29 septembre et le 4 octobre 2014, l’inspecteur général du travail, à la demande de l’entreprise et sans consulter au préalable les organisations syndicales de l’entreprise (le STAS et le Syndicat des travailleurs de l’exploitation agricole de bananes Santa Rita S.A. (SITRAEBASAR)), a mené une enquête en vue d’identifier le syndicat le plus représentatif avec lequel l’entreprise devrait négocier la convention collective. L’organisation plaignante dénonce le fait que l’inspecteur général du travail n’a pas tenu compte du fait que le STAS avait soumis 142 feuillets d’affiliation syndicale signés par les travailleurs de l’entreprise, laquelle employait alors 145 travailleurs à titre permanent. En outre, il soutient que le rapport final de l’inspecteur général du travail, en date du 21 octobre 2014 (copie en annexe) ne mentionne que 53 affiliations syndicales au STAS et ne fait aucune référence à la présentation de documents de la part de SITRAEBASAR pour justifier le nombre d’affiliés au syndicat en question. L’organisation plaignante déclare que le STSS n’a pas suivi la procédure définie par la législation du travail du Honduras et qu’elle a consigné des faits inexacts dans les procès-verbaux.
- 454. Dans sa communication, l’organisation plaignante joint une copie de la déposition faite le 26 novembre 2014 par la secrétaire aux finances de la FESTAGRO, en représentation du STAS, devant l’inspecteur général du travail du STSS d’El Progreso. Dans sa déposition, la secrétaire aux finances de la FESTAGRO indique que quelques jours auparavant, le 24 novembre, elle s’est rendue au bureau du STSS pour constater que le comité directeur du SITRAEBASAR n’avait pas fait le déplacement pour répondre aux questions et présenter le procès-verbal de l’élection du comité directeur, la liste des membres et le cahier de revendications.
Deuxième cas: Sectorielle du STAS dans les filiales d’une entreprise sucrière
- 455. L’organisation plaignante dénonce les actions illégales du STSS destinées à favoriser le Syndicat des travailleurs du secteur sucrier et agro-industriel du Nord (SITRAZUNOSAGS) dans les filiales de l’entreprise sucrière du Nord S.A. (AZUNOSA, ci-après «l’entreprise sucrière») et d’empêcher ainsi la sectorielle du STAS d’exercer son droit à la négociation collective au sein de l’entreprise de soudures et dérivés de structures métalliques (SODEMEM), filiale de l’entreprise sucrière.
- 456. L’organisation plaignante affirme que, le 18 novembre 2014, l’entreprise SODEMEM et le STSS d’El Progreso, ont été informés de la création d’une sectorielle du STAS. L’organisation plaignante soutient que, le 2 mars 2015, le STAS a formellement remis à ces deux entités un cahier de revendications en vue de la négociation d’une convention collective sur les conditions de travail. L’organisation plaignante dénonce le fait qu’en dépit de la notification relative à la sectorielle du SITRAZUNOSAGS dans les entreprises filiales de l’entreprise sucrière en date du 8 avril 2015, le STSS a manipulé les dates de la notification pour que figurent sur les documents émis par le STSS des notifications datées du 28 octobre 2014.
- 457. En outre, l’organisation plaignante ajoute que la notification relative à la sectorielle du SITRAZUNOSAGS dans l’entreprise sucrière et dans les filiales de celle-ci, émise par le STSS de San Pedro Sula, contrevient aux dispositions de juridiction géographique, puisque, en vertu de celles-ci, il appartenait au STSS d’El Progreso de se charger de la notification. L’organisation plaignante avance, par ailleurs, que le STSS a ignoré le fait que les filiales de l’entreprise sucrière disposaient déjà d’un syndicat, la sectorielle du STAS, regroupant 19 travailleurs sur un total de 35 travailleurs alors au service de ces entreprises.
Troisième cas: Sectorielle du STAS dans des entreprises agricoles
- 458. L’organisation plaignante signale que le 9 février 2016 ont été notifiées de la création du comité directeur de la sectorielle du STAS dans l’entreprise Sur Agrícola de Honduras S.A. de C.V. (SURAGROH, ci-après «l’exploitation agricole») l’exploitation agricole en question et le bureau régional du STSS de Choluteca. L’organisation plaignante allègue que le comité directeur a été retenu dans les bureaux de l’exploitation agricole par le personnel administratif de celle-ci. L’organisation plaignante allègue également que les membres du comité directeur de la sectorielle du STAS ont été licenciés sans juste cause, en violation des dispositions de l’article 516 du Code du travail, lesquelles n’autorisent pas le licenciement des membres des organes de direction pendant un délai de six mois après qu’ils se sont démis de leurs fonctions syndicales, à moins d’avoir, au préalable, apporté aux instances judiciaires pertinentes la preuve du caractère de juste cause ayant entraîné la rupture du contrat de travail.
- 459. L’organisation plaignante allègue que, en réponse à la demande d’annulation du procès-verbal de notification relatif à la création du comité directeur de la sectorielle du STAS présentée par l’exploitation agricole, la Direction des services juridiques de l’Inspection générale du travail du STSS de Tegucigalpa a émis une résolution, en date du 23 septembre 2016, déclarant la nullité de la notification, sans motiver sa décision. En outre, la résolution déclarait sans effet le procès-verbal émis le 24 février 2016 par l’Inspection générale du travail de Choluteca dénonçant la violation de la liberté syndicale par l’exploitation agricole face à la présentation qu’elle a faite d’un procès-verbal de démission des membres du comité de direction précité. A cet égard, l’organisation plaignante dénonce le fait que: i) en annulant la notification relative à la création du comité directeur de la sectorielle du STAS, le STSS viole les conventions no 87 et no 98; et ii) en déclarant sans effet le procès-verbal par une résolution non motivée, le STSS viole les dispositions du régime juridique national relatif à l’immunité syndicale ainsi que celles stipulant que tout acte administratif doit être obligatoirement motivé.
- 460. L’organisation plaignante indique que, le 20 octobre 2016, le STAS a fait appel de la résolution du STSS datée du 23 septembre 2016 devant l’inspecteur général du travail du STSS de Tegucigalpa. En outre, l’organisation plaignante fournit une copie de la plainte déposée le 17 novembre 2016 par le président du STAS auprès de la Commission nationale des droits humains (CONADEH) par laquelle il sollicite l’ouverture d’une enquête pour analyser les agissements abusifs et illégaux du STSS relatifs, entre autres, à la résolution du STSS.
- 461. Enfin, l’organisation plaignante dénonce le fait que, le 13 avril 2017, M. Moisés Sánchez Gómez, secrétaire général de la sectorielle du STAS dans l’entreprise MELEXSA (ci-après «entreprise de melons») et M. Misael Sánchez Gómez, affilié au même syndicat, ont été victimes d’un attentat criminel motivé par leur engagement syndical à Choluteca, et que ce dernier a été gravement blessé au visage par des coups de machette. D’après la plainte déposée le 19 avril 2017 par M. Moisés Sánchez Gómez à la Direction de la police d’investigation (DPI) du Secrétariat à la sécurité (copie en annexe), ces deux travailleurs ont été attaqués par un groupe de personnes cagoulées qui les ont menacés avec des armes à feu et des machettes et ont volé le téléphone portable de M. Moisés Sánchez Gómez qui contenait des informations sur ses activités syndicales. L’organisation plaignante rappelle qu’avant les faits, dans cette même zone, le conseiller du syndicat, M. Nelson Núñez, avait fait l’objet de menaces en raison de son activité syndicale et que le ministère public n’y avait pas donné suite.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernementPremier cas: Sectorielle du STAS dans une entreprise bananière
- 462. Dans une communication du 28 novembre 2017, le gouvernement signale la requête soumise par le consultant international de la Sociedad Mercantil Tela Railroad Company (entreprise appartenant à la même maison mère que l’entreprise bananière) sollicitant la présence du STSS dans l’entreprise bananière en vue de déterminer le syndicat le plus représentatif de l’entreprise, cette dernière comptant deux organisations syndicales et ayant l’intention de négocier une convention collective avec le syndicat le plus représentatif. Le gouvernement ajoute qu’il s’agit du STAS, syndicat du secteur de l’industrie et du SITRAEBASAR, syndicat d’entreprise ou de base.
- 463. Le gouvernement indique que, en vue de déterminer le syndicat le plus représentatif, l’entreprise bananière a fait l’objet d’une inspection du travail, du 29 septembre au 3 octobre 2014, et que des réunions ont été organisées avec MM. Miguel Armando Zapata, responsable des relations de travail pour le Honduras, Germán Edgardo Zepeda, président de la FESTAGRO, et Tomás Membreño, président du STAS, ainsi qu’avec les membres de la Fédération syndicale des travailleurs des entreprises nationales du Honduras (FESITRANH) en représentation du SITRAEBASAR. Le gouvernement précise que, afin de définir à quel syndicat les travailleurs étaient affiliés, l’inspection du travail a conduit des entretiens individuels sans la présence du patronat, mais en présence des représentants du STAS et du SITRAEBASAR, lesquels ont assuré que l’exercice s’était déroulé sans contrainte d’aucune sorte. Le gouvernement affirme que 137 travailleurs ont été interrogés, sur un total de 145 employés à titre permanent par l’entreprise. Le gouvernement signale qu’en vertu de l’article 54 du Code du travail – selon lequel «[…] si au sein d’une entreprise il existe plusieurs syndicats, la convention collective devra être signée avec celui ayant le plus grand nombre de travailleurs» –, de l’article 4 de la convention no 98 et sur la base des entretiens réalisés, le SITRAEBASAR a été désigné comme étant le syndicat avec lequel l’entreprise devait négocier la convention collective, étant donné que, sur 137 travailleurs interrogés, 77 avaient déclaré être affiliés au SITRAEBASAR et 53 au STAS.
- 464. En ce qui concerne les allégations relatives à la consignation de faits inexacts dans les procès-verbaux de l’Inspection générale du travail, le gouvernement indique qu’au cours de l’inspection, le STAS a présenté une liste de membres signée par les travailleurs, mais que 37 de ces feuillets ne contenaient que la signature des travailleurs sans aucune empreinte digitale, ni la date d’affiliation des travailleurs au syndicat. En conséquence, considérant que ces listes de membres contenaient des incohérences, l’inspecteur général du travail a émis un rapport en date du 21 octobre 2014 concluant que le SITRAEBASAR était le syndicat le plus représentatif avec lequel l’entreprise devait négocier la convention collective.
- 465. Enfin, le gouvernement transmet une copie du document daté du 20 août 2015 émis par le représentant juridique de l’entreprise, M. Fuad Alberto Giacoman Hasbun, à l’attention du coordinateur régional de l’Inspection générale du travail d’El Progreso, l’informant de la signature d’une convention collective avec le SITRAEBASAR.
Deuxième cas: Sectorielle du STAS dans les filiales d’une entreprise sucrière
- 466. En réponse aux allégations de l’organisation plaignante relatives à la manipulation des dates des procès-verbaux portant sur les notifications sectorielles du SITRAZUNOSAGS, le gouvernement indique que la notification formelle de la création d’une sectorielle du STAS dans l’entreprise SODEMEM est datée du 18 novembre 2014, mais comme l’indique le procès-verbal, le SITRAZUNOSAGS a remis la notification des sectorielles syndicales de l’entreprise sucrière aux filiales de celle-ci à une date antérieure. A cet égard, le gouvernement informe que l’Inspection générale du travail d’El Progreso s’est présentée dans les filiales de l’entreprise sucrière, en application de la décision du 28 octobre 2014, dont l’objectif était de donner suite à la demande formulée par la requête présentée par M. Julio Figueroa, coordonnateur régional de la Centrale générale des travailleurs (CGT), syndicat auquel est affilié le SITRAZUNOSAGS.
- 467. En ce qui concerne l’allégation de violation de la juridiction géographique par le STSS, le gouvernement indique que c’est le STSS d’El Progreso et non pas celui de San Pedro Sula qui s’est chargé de la notification de la sectorielle du SITRAZUNOSAGS, comme en atteste la signature et le tampon figurant sur les procès-verbaux des procédures menées à bien (copie en annexe).
Troisième cas: Sectorielle du STAS dans les entreprises agricoles
- 468. En ce qui concerne les allégations de l’organisation plaignante relatives aux licenciements de membres du comité directeur de la sectorielle du STAS, le gouvernement renvoie à la résolution du 23 septembre 2016 du STSS de Tegucigalpa qui annule la notification relative à la création du comité directeur de la sectorielle du STAS, et au procès-verbal de l’Inspection générale du travail du 24 février 2016 qui déclare que l’entreprise agricole s’est rendue responsable d’une violation de la liberté syndicale en licenciant les membres du comité directeur. A cet égard, le procès-verbal annulé défendait que les membres du comité directeur bénéficient d’une protection spéciale de l’Etat et ne peuvent être licenciés sans ordonnance judiciaire. Le gouvernement indique que la résolution du STSS du 23 septembre 2016 est conforme à la loi, l’article 516 du Code du travail relatif à l’immunité syndicale ne s’appliquant qu’aux membres du comité directeur central et non pas aux membres des comités directeurs sectoriels, lesquels ne bénéficient pas de l’immunité syndicale.
- 469. En ce qui concerne les attaques criminelles perpétrées contre le secrétaire général de la sectorielle du STAS, M. Moisés Sánchez Gómez, et son frère syndicaliste, M. Misael Sánchez Gómez, le gouvernement informe que, le 20 avril 2017, l’Inspection générale du travail du STSS de Choluteca a acté la dénonciation présentée par M. Moisés Sánchez Gómez et son représentant légal. Le gouvernement ajoute qu’en conséquence, à cette même date, l’inspecteur général du travail s’est présenté dans les locaux de l’entreprise de melons, où il a interrogé la responsable des ressources humaines, laquelle a déclaré ignorer les attaques supposées et indiqué que M. Moisés Sánchez Gómez ne travaillait pas dans l’entreprise et que M. Misael Sánchez Gómez n’y avait travaillé qu’à titre temporaire, du 21 novembre 2016 au 3 mars 2017. Le gouvernement conclut que le STSS, dans le cadre des compétences qui sont les siennes, a pris les dispositions qui s’imposaient face à la plainte présentée au sujet des attaques en question.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comitéPremier cas: Sectorielle du STAS dans une entreprise bananière
- 470. Le comité observe que, dans le présent cas, l’organisation plaignante affirme que le STSS a faussement ignoré le caractère plus représentatif de la sectorielle du STAS dans une entreprise bananière, empêchant ainsi que celle-ci puisse négocier des conventions collectives.
- 471. Le comité prend note, en particulier, du fait que l’organisation plaignante affirme que, le 9 juin 2014, le STSS et l’entreprise mentionnée ont été dûment informés du cahier de revendications soumis en vue de la négociation d’une convention collective sur les conditions de travail. Le comité observe que l’organisation plaignante allègue que, en dépit de la notification formelle émise par le STAS relative au cahier de revendications, plus de trois mois plus tard, entre le 29 septembre et le 3 octobre 2014, l’Inspection générale du travail du STSS d’El Progreso a entrepris une enquête à la demande de l’entreprise et sans consulter au préalable les organisations syndicales de celle-ci, afin de déterminer quel serait le syndicat le plus représentatif. Le comité prend note que l’organisation plaignante indique que, au terme de l’enquête menée par l’Inspection générale du travail, cette dernière a déterminé que le syndicat le plus représentatif avec lequel l’entreprise devait négocier une convention collective était le SITRAEBASAR. L’organisation plaignante dénonce le fait que l’Inspection générale du travail ait consigné des faits inexacts dans son rapport final. Plus précisément, l’organisation plaignante soutient que, bien que le STAS ait présenté 142 feuillets d’affiliation syndicale signés par les travailleurs de l’entreprise (qui employait alors 145 travailleurs à titre permanent), l’inspecteur général du travail n’a repris que 53 feuillets dans son rapport final. En outre, d’après l’organisation plaignante, le rapport ne mentionne pas la présentation de documents par le SITRAEBASAR attestant du nombre de travailleurs affiliés à ce syndicat. De plus, le comité observe que, conformément à la déposition de la secrétaire aux finances de la FESTAGRO auprès du STSS, le SITRAEBASAR n’a pas comparu devant le STSS pour présenter le procès-verbal relatif à l’élection du comité directeur syndical et le cahier de revendications.
- 472. Le comité note que le gouvernement, quant à lui, déclare que l’inspecteur général du travail a constaté dans le rapport mentionné que 37 des feuillets d’affiliation soumis par le STAS contenaient la signature des travailleurs mais pas leur empreinte digitale, et n’indiquaient pas leur date d’affiliation au syndicat. Le gouvernement affirme que, face à de telles incohérences, l’Inspection générale du travail a décidé de conduire des entretiens individuels avec les travailleurs, en présence des représentants du STAS et du SITRAEBASAR, mais sans la présence de l’entité patronale, afin de définir leur appartenance syndicale. Le gouvernement conclut que l’Inspection générale du travail, sur la base des informations recueillies pendant les entretiens, a désigné le SITRAEBASAR comme étant le syndicat le plus représentatif avec lequel l’entreprise devait négocier une convention collective, puisque sur les 137 travailleurs interrogés, 77 avaient déclaré être affiliés à ce syndicat et 53 au STAS.
- 473. Le comité observe que les organisations syndicales ont des divergences quant à leur représentativité au sein de l’entreprise. L’organisation plaignante conteste les décisions de l’Inspection générale du travail sur les points suivants: i) le nombre de feuillets d’affiliation soumis par le STAS et la validité de ceux-ci au regard de la législation hondurienne; ii) la non-présentation de feuilles d’affiliation de la part du SITRAEBASAR; iii) les critères utilisés par l’Inspection générale du travail pour déterminer la validité des listes d’affiliation au STAS, en particulier, parce que les signatures des travailleurs ont été jugées insuffisantes en l’absence des empreintes digitales obligatoires; et iv) la méthodologie employée par l’Inspection générale du travail à cette occasion pour déterminer le syndicat le plus représentatif. A cet égard, le comité rappelle que, «afin d’encourager le développement harmonieux des négociations collectives et d’éviter les conflits, on devrait toujours appliquer, lorsqu’elles existent, les procédures destinées à désigner les syndicats les plus représentatifs aux fins de négociation collective quand on ne sait pas clairement par quels syndicats les travailleurs désirent être représentés. Dans le cas où ces procédures feraient défaut, les autorités devraient, le cas échéant, examiner la possibilité d’instituer des règles objectives à cet égard». [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 1159.]
- 474. A la lumière de ces éléments et en l’absence d’informations relatives à l’éventuelle présentation d’un recours contre la décision de l’Inspection générale du travail et afin d’être en mesure de poursuivre l’examen de la question, le comité prie le gouvernement et l’organisation plaignante de lui indiquer si un recours a été intenté et, dans l’affirmative, de fournir des informations sur l’issue de cette action.
Deuxième cas: Sectorielle du STAS dans les filiales d’une entreprise sucrière
- 475. Le comité observe que l’organisation plaignante dénonce l’illégalité des agissements du STSS consistant à manipuler les dates des procès-verbaux relatifs à l’intervention de l’Inspection générale du travail et au non-respect de la juridiction géographique en vue de favoriser le SITRAZUNOSAGS dans les filiales de l’entreprise sucrière et d’empêcher ainsi la participation de la sectorielle du STAS à la négociation collective dans l’entreprise SODEMEM, également filiale de l’entreprise sucrière. Le comité prend note du fait que le gouvernement soutient que la notification sectorielle du SITRAZUNOSAGS dans les entreprises filiales de l’entreprise sucrière a eu lieu avant la notification sectorielle du STAS auprès de la SODEMEM, ce dont attestent les procès-verbaux des interventions menées à bien par le STSS d’El Progreso. Tout en notant les divergences entre l’organisation plaignante et le gouvernement au sujet de la date exacte de la notification sectorielle du SITRAZUNOSAGS aux filiales de l’entreprise sucrière, le comité observe qu’il ne dispose pas d’éléments lui permettant, dans le cas d’espèce, de déterminer l’existence ou non d’une violation des principes de la liberté syndicale et de la négociation collective. Constatant en outre, que l’organisation plaignante ne mentionne pas dans ses allégations l’interjection d’un recours à ce sujet, le comité décide de ne pas poursuivre l’examen de cette allégation.
Troisième cas: Sectorielle du STAS dans les entreprises agricoles
- 476. Le comité observe que la présente plainte dénonçant les agissements et omissions du STSS, intervenus entre septembre 2016 et avril 2017 consiste en: i) l’annulation de la notification relative à la création d’un comité directeur syndical d’une sectorielle du STAS; ii) l’annulation du procès-verbal de l’Inspection générale du travail de Choluteca reconnaissant la violation de la liberté syndicale par une entreprise agricole lors du licenciement des membres dudit comité directeur; et iii) l’absence d’enquête relative à l’attaque criminelle perpétrée contre M. Moisés Sánchez Gómez, secrétaire général de la sectorielle du STAS dans l’entreprise de melons et de M. Misael Sánchez Gómez, membre de ce même syndicat.
- 477. En ce qui concerne l’allégation relative à l’annulation du procès-verbal de notification relatif à la création du comité directeur syndical de la sectorielle du STAS, le comité prend note le fait que l’organisation plaignante, laquelle se contente de dénoncer la violation des conventions nos 87 et 98, et le gouvernement ne fournissent, ni l’une ni l’autre, le moindre élément sur les circonstances et les motifs ayant entraînés ladite annulation. Le comité prend note que, selon les informations fournies par l’organisation plaignante, le STAS a interjeté appel de la résolution du STSS du 23 septembre 2016 et déposé une plainte auprès de la CONADEH, où elle dénonce les agissements impropres et illégaux du STSS à cet égard. Soulignant l’importance de l’examen de ces éléments dans les meilleurs délais, le comité prie le gouvernement de le tenir informé des motifs de l’annulation du procès-verbal de notification relatif à la création du comité directeur syndical de la sectorielle du STAS, ainsi que de l’issue des procédures en cours.
- 478. En ce qui concerne l’allégation relative au licenciement des membres du comité directeur syndical de la sectorielle du STAS, le comité observe que la résolution du 23 septembre 2016 du STSS de Tegucigalpa fournie par le gouvernement concerne le licenciement des travailleurs membres du comité directeur syndical de la sectorielle du STAS, et indique que l’immunité syndicale n’a pas lieu d’être puisqu’il s’agit du comité directeur d’une sectorielle du syndicat et non pas d’un comité directeur d’un organe central et que, par conséquent, le licenciement de plusieurs membres du comité directeur d’une sectorielle syndicale est conforme au régime juridique en vigueur. Le comité prend note que le STAS a déposé un recours, le 20 octobre 2016, devant le STSS et déposé une plainte auprès de la CONADEH, le 17 novembre 2016, dans laquelle il demande que les agissements impropres et illégaux du STSS à cet égard fassent l’objet d’une enquête.. Rappelant que «lorsqu’elles sont saisies en plainte pour discrimination antisyndicale, les instances compétentes doivent mener immédiatement une enquête et prendre les mesures nécessaires pour remédier aux conséquences des actes de discrimination antisyndicale qui auront été constatés» [voir Compilation, op. cit., paragr. 1159], le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que, dans le cadre des procédures mentionnées, soit examiné l’éventuel caractère antisyndical du licenciement des membres du comité directeur syndical. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 479. En ce qui concerne l’allégation relative aux attaques perpétrées contre le secrétaire général de la sectorielle du STAS, M. Moisés Sánchez Gómez, et son frère syndicaliste, M. Misael Sánchez Gómez, le comité prend note que, selon l’information fournie par l’organisation plaignante, ces deux travailleurs ont été attaqués par un groupe de personnes cagoulées qui les ont menacés avec des armes à feu et des machettes et ont volé le téléphone portable de M. Moisés Sánchez Gómez, qui contenait des informations sur son activité syndicale. De plus, cette attaque a provoqué des lésions graves infligées par une machette au visage de M. Misael Sánchez Gómez. Le comité prend note du fait que M. Moisés Sánchez Gómez a déposé plainte pour ces faits auprès de la DPI du Secrétariat à la sécurité.
- 480. Le comité note que, pour sa part, le gouvernement indique que le STSS, dans le cadre de ses attributions, a pris les mesures qui s’imposaient face à la plainte déposée par M. Moisés Sánchez Gómez et son représentant légal. En particulier, le gouvernement précise que, le 20 avril 2017, l’Inspection générale du travail de Choluteca s’est présentée dans les locaux de l’entreprise de melons, où elle a interrogé la responsable des ressources humaines afin de clarifier les faits survenus. La réponse du gouvernement se limite à transmettre les informations fournies par la responsable, qui a déclaré que seul M. Misael Sánchez Gómez avait travaillé dans l’entreprise, et ce, à titre temporaire, avant l’incident survenu. Le comité exprime sa profonde préoccupation à l’égard de ces actes de violence grave et de la réponse limitée fournie par le gouvernement. Le comité observe que, le 1er mai 2017, la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a publié un communiqué de presse dans lequel elle condamnait les actes en question et exhortait le gouvernement à prendre les mesures nécessaires, afin de garantir que les dirigeants syndicaux peuvent mener à bien leurs activités de dénonciation, d’accompagnement et de protection sans être la cible d’attaques ou d’actes de violence. A cet égard, le comité insiste sur le fait que les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et qu’il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe. Le comité souhaite également rappeler que l’assassinat ou la disparition de dirigeants syndicaux et de syndicalistes ou des lésions graves infligées à des dirigeants syndicaux et des syndicalistes exigent l’ouverture d’enquêtes judiciaires indépendantes en vue de faire pleinement et à bref délai la lumière sur les faits et les circonstances dans lesquelles se sont produits ces faits et ainsi, dans la mesure du possible, de déterminer les responsabilités, de sanctionner les coupables et d’empêcher que de tels faits se reproduisent. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 84 et 94.] A cet égard, tout en prenant note des enquêtes menées à bien par le STSS, le comité observe avec inquiétude que le gouvernement ne fournit aucune information portant sur l’examen de la plainte présentée à la DPI ou sur toute autre enquête criminelle. Le comité prie instamment le gouvernement de veiller, dans les meilleurs délais, à l’ouverture d’une enquête criminelle sur les attaques perpétrées contre MM. Moisés Sánchez Gómez et Misael Sánchez Gómez afin de désigner les responsables de ces agressions et de punir les coupables. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard. Le comité prie également le gouvernement de veiller à ce que MM. Moisés Sánchez Gómez et Misael Sánchez Gómez bénéficient d’une protection adaptée garante de leur sécurité. Le comité prie enfin le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 481. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) A la lumière des éléments présentés dans ce cas, le comité prie le gouvernement et l’organisation plaignante d’indiquer si un recours a été intenté contre la décision de l’Inspection générale du travail au sujet de la détermination de l’organisation la plus représentative et, dans l’affirmative, de fournir des informations sur l’issue de cette action.
- b) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des motifs de l’annulation du procès-verbal de notification relatif à la création du comité directeur de la sectorielle du Syndicat des travailleurs de l’agro-industrie et similaires (STAS) dans l’entreprise agricole ainsi que des résultats du recours formé contre le Secrétariat au travail et à la sécurité sociale (STSS) et de la plainte déposée par le STAS devant la CONADEH à ce sujet.
- c) En ce qui concerne les allégations de licenciement des membres du comité directeur de la sectorielle du STAS de l’entreprise agricole, le comité demande au gouvernement d’adopter les mesures nécessaires pour veiller à ce que, dans le cadre des dossiers en cours d’instruction, soit envisagé le caractère antisyndical du licenciement des membres du comité directeur. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- d) En ce qui concerne les allégations d’attaque criminelle perpétrée contre le secrétaire général de la sectorielle du STAS de l’entreprise de melons, M. Moisés Sánchez Gómez et son frère syndicaliste, M. Misael Sánchez Gómez, le comité demande au gouvernement de veiller, dans les meilleurs délais, à l’ouverture d’une enquête criminelle à cet égard afin de désigner les responsables de ces agressions et de punir les coupables. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard. Le comité demande également au gouvernement de veiller à ce que MM. Moisés Sánchez Gómez et Misael Sánchez Gómez bénéficient d’une protection adaptée garante de leur sécurité. Le comité prie enfin le gouvernement de le tenir informé à cet égard.