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Informe provisional - Informe núm. 386, Junio 2018

Caso núm. 3269 (Afganistán) - Fecha de presentación de la queja:: 06-MAR-17 - Activo

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Allégations: L’organisation plaignante dénonce des violations des droits syndicaux de la part du gouvernement, en particulier l’émission d’une décision unilatérale de confiscation de locaux et de biens syndicaux, en l’absence de mandat judiciaire

  1. 69. La plainte figure dans une communication du Syndicat national des travailleurs et des employés d’Afghanistan (National Union of Afghanistan Workers and Employees, NUAWE) en date du 6 mars 2017. Dans une communication en date du 26 avril 2018, la Confédération syndicale internationale (CSI) s’associe à la plainte.
  2. 70. En l’absence de réponse du gouvernement, le comité a dû ajourner l’examen du cas à plusieurs reprises. A l’issue de la réunion du comité de mars 2018, le gouvernement a été invité à communiquer sa réponse concernant ce cas et a été informé que, conformément à la règle de procédure, compte tenu du temps écoulé, le comité pouvait présenter un rapport sur le fond de l’affaire même si les observations ou informations demandées n’avaient pas été reçues en temps voulu. A ce jour, le gouvernement n’a envoyé aucune information.
  3. 71. L’Afghanistan n’a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 72. Dans sa communication en date du 6 mars 2017, l’organisation plaignante dénonce des violations des droits syndicaux de la part du gouvernement, en particulier l’émission d’une décision unilatérale de confiscation de locaux et de biens syndicaux, en l’absence de mandat judiciaire.
  2. 73. L’organisation plaignante allègue que, le 31 août 2016, le gouvernement a pris un décret ordonnant au ministère de l’Intérieur, au ministère des Finances et à l’Autorité foncière indépendante afghane (ARAZI) de saisir tous les biens syndicaux du NUAWE, de l’Union coopérative des cultivateurs d’Afghanistan et de l’Union de la jeunesse, et d’en transférer la propriété officielle à l’Etat. L’organisation plaignante explique que le NUAWE est une entité enregistrée conformément à la loi, dotée d’un statut et possédant 17 locaux (5 dans la capitale et 12 en province) légalement acquis et certifiés par acte authentique d’un notaire, enregistrés officiellement et financés par les cotisations syndicales. La majorité des bâtiments (13 sur 17) servent de locaux pour les activités syndicales; 3 sont loués afin de générer un revenu régulier qui permet de financer les activités statutaires du syndicat, les salaires du personnel et d’autres obligations légales, et 1 est occupé illégalement par le ministère de la Défense, qui ne verse pas de loyer. L’organisation plaignante indique aussi qu’aucun des locaux concernés n’a été donné ou alloué à titre gratuit au NUAWE par le gouvernement; tous ont été achetés légalement et réglés avec les fonds propres du syndicat.
  3. 74. L’organisation plaignante allègue en outre que la seule démarche effectuée avant la décision unilatérale du gouvernement ordonnant la confiscation des biens du syndicat a été la nomination d’un organe consultatif ad hoc, constitué principalement de membres du gouvernement et de représentants d’autres agences publiques et où ne siégeaient que deux organisations non gouvernementales. Dans l’une de ses recommandations concernant l’organisation plaignante, cet organe consultatif indiquait que le syndicat, dans son statut juridique actuel, avait été créé après l’entrée en vigueur de la loi de 2003 sur les organisations sociales, que tous ses biens avaient été acquis avant 2003 et que les autorités compétentes du gouvernement étaient autorisées à prendre toute décision concernant lesdits biens. La recommandation indiquait également qu’il conviendrait de charger une commission conjointe de recenser les biens mobiliers et immobiliers, d’en établir une liste et de soumettre celle-ci au Président de l’Afghanistan pour décision finale.
  4. 75. Selon l’organisation plaignante, le gouvernement justifie donc la saisie des locaux du syndicat par le fait que les biens ont été acquis avant l’enregistrement de l’entité en vertu de la loi de 2003 sur les organisations sociales, qui régit le statut des organisations syndicales en Afghanistan. Cependant, l’organisation plaignante explique qu’au moment de l’acquisition légale des biens, avant l’entrée en vigueur de la loi de 2003, l’entité s’était constituée en tant qu’organisation non gouvernementale et exerçait ses activités sous ce statut. Elle estime en outre que la décision du gouvernement de confisquer arbitrairement des biens syndicaux, en l’absence d’un mandat judiciaire et sans qu’une consultation ait été tenue avec les syndicats concernés, constitue une violation grave de la Constitution de l’Afghanistan, qui prévoit en son article 40 que nul ne peut voir ses biens confisqués en dehors du cadre légal et sans décision d’un tribunal compétent, et des principes de la liberté syndicale. L’organisation plaignante souligne que l’indépendance financière des syndicats ainsi que la protection de leurs biens et de leur patrimoine sont des composantes fondamentales et inaliénables du droit des syndicats d’organiser leurs obligations statutaires et leur gestion, sans intervention, manipulation ni ingérence des pouvoirs publics. Cependant, en prenant des mesures en vue de déposséder le syndicat de ses biens, le gouvernement le prive de l’exercice et de la jouissance de ses droits de propriété ainsi que de la possibilité de mener concrètement ses activités légitimes opérationnelles, ce qui entraînera par voie de conséquence une baisse des activités courantes du fait de la chute des ressources financières.
  5. 76. Enfin, l’organisation plaignante demande au comité de prier instamment le gouvernement de revenir immédiatement sur sa décision de confiscation des biens du syndicat car une telle saisie ne devrait être autorisée que si elle a été ordonnée par la justice et de faire en sorte qu’un recours puisse être déposé contre toute décision judiciaire de ce type et contre le décret gouvernemental correspondant.
  6. 77. Dans une communication en date du 26 avril 2018, la Confédération syndicale internationale (CSI) demande à être associée à la plainte du NUAWE et allègue que, depuis le dépôt de la plainte initiale, le gouvernement a intensifié ses efforts pour confisquer et reprendre des biens légitimement acquis par le NUAWE, empêchant ainsi le syndicat de poursuivre ses activités. La CSI dénonce en particulier les récentes tentatives de prise de contrôle et d’occupation violentes des bureaux du NUAWE par la police et les forces armées, le gel des comptes bancaires du syndicat sans autorisation judiciaire, le non-renouvellement de son enregistrement, l’absence de dialogue avec le syndicat, ainsi que les obstacles à la liberté d’expression et à la liberté de la presse.

B. Conclusions du comité

B. Conclusions du comité
  1. 78. Le comité regrette que, depuis la présentation de la plainte, en mars 2017, le gouvernement n’ait toujours pas présenté ses observations, alors même qu’il a été invité à le faire à plusieurs reprises. Le comité prie le gouvernement d’être plus coopératif à l’avenir.
  2. 79. Dans ces conditions, conformément à la règle de procédure applicable, compte tenu du temps écoulé, le comité se voit dans l’obligation de présenter un rapport sur le fond de l’affaire sans pouvoir tenir compte des informations qu’il espérait recevoir du gouvernement.
  3. 80. Le comité rappelle au gouvernement que l’ensemble de la procédure instituée par l’Organisation internationale du Travail pour l’examen d’allégations de violations de la liberté syndicale vise à assurer le respect de cette liberté en droit comme en fait. Il demeure convaincu que, si la procédure protège les gouvernements contre les accusations déraisonnables, ceux-ci doivent, à leur tour, reconnaître l’importance de présenter, en vue d’un examen objectif, des réponses détaillées aux allégations formulées à leur encontre. [Voir premier rapport du comité, publié en 1952, paragr. 31.]
  4. 81. Le comité prend note des allégations de l’organisation plaignante selon lesquelles le gouvernement a pris en août 2016 un décret ordonnant la saisie des locaux de l’organisation plaignante et le transfert de leur propriété à l’Etat, une mesure qui a été prise en l’absence d’un mandat judiciaire et sans qu’aucune consultation n’ait été tenue avec le syndicat. Le comité note également que, selon l’organisation plaignante, le gouvernement justifie la confiscation des biens par le fait que ceux-ci ont été acquis avant que le NUAWE soit enregistré en vertu de la loi de 2003 sur les organisations sociales, tandis que l’organisation plaignante fait valoir que l’entité s’était constituée en tant qu’organisation non gouvernementale et exerçait ses activités sous ce statut bien avant l’entrée en vigueur de la loi de 2003. D’après l’examen des documents communiqués, le comité croit comprendre aussi que le décret d’août 2016 semble considérer que les biens et les bâtiments de l’organisation plaignante sont la propriété de l’Etat et doivent être restitués à ce dernier, tandis que l’organisation plaignante soutient que tous ces biens ont été légalement acquis et réglés avec les fonds propres du syndicat et qu’aucun d’entre eux n’a été alloué par le gouvernement à titre gratuit.
  5. 82. Tout en notant que la question de l’origine des locaux et celle de l’incidence d’une acquisition antérieure à l’entrée en vigueur de la loi de 2003 demeurent contestées, le comité constate d’après les informations dont il dispose que tous les biens actuellement détenus par le NUAWE sont utilisés, directement ou indirectement, à des fins syndicales légitimes (la majorité servent de locaux pour les activités syndicales et certains sont loués pour financer de telles activités, les salaires du personnel et d’autres obligations légales). Prenant note à cet égard des graves préoccupations exprimées par l’organisation plaignante qui indique qu’en confisquant les biens du syndicat, le gouvernement prive celui-ci de sa capacité de mener effectivement ses activités syndicales, le comité regrette que le gouvernement ne fournisse aucune observation à ce sujet. Dans ces circonstances, le comité doit rappeler que la résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa 54e session (1970), énonce que le droit à une protection adéquate des biens des syndicats constitue l’une des libertés civiles essentielles à l’exercice normal des droits syndicaux. La confiscation des biens des organisations syndicales par les autorités, en l’absence de mandat judiciaire, constitue une atteinte au droit de propriété des organisations syndicales et une ingérence indue dans les activités des syndicats. Un contrôle judiciaire indépendant devrait être exercé par les autorités concernant l’occupation ou la mise sous scellés de locaux syndicaux, étant donné les risques importants de paralysie que ces mesures font peser sur les activités syndicales. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 275, 288 et 287.] Compte tenu de ce qui précède, le comité prie instamment le gouvernement de communiquer sans délai ses observations sur les allégations de l’organisation plaignante afin qu’il puisse examiner cette question en toute connaissance de cause et, en particulier, d’indiquer quelles sont les raisons précises justifiant le transfert à l’Etat de la propriété des biens de l’organisation plaignante dont il est fait état. Entre temps, compte tenu des risques importants que ces mesures font peser sur les activités syndicales, le comité prie le gouvernement de suspendre l’application du décret d’août 2016 ordonnant la confiscation des biens de l’organisation plaignante dans l’attente d’un réexamen judiciaire et de faire en sorte que tous les biens déjà saisis sans mandat judicaire valide soient restitués à l’organisation plaignante.
  6. 83. Le comité croit comprendre de plus d’après le texte du décret de 2016 que celui-ci, outre qu’il ordonne le transfert à l’Etat de la propriété des biens de l’organisation plaignante, charge également le ministère de la Justice d’examiner, à la lumière de la législation applicable, si le NUAWE et deux autres syndicats peuvent poursuivre leurs activités, et d’agir en conséquence. S’il ne dispose pas d’informations suffisantes pour formuler des conclusions complètes à cet égard, le comité souligne que les organisations de travailleurs ont le droit d’organiser librement leur gestion et leur activité, sans ingérence des autorités. Il rappelle en outre que les mesures de suspension ou de dissolution par voie administrative constituent de graves violations aux principes de la liberté syndicale. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 986.] Par conséquent, le comité prie le gouvernement de préciser si le décret de 2016 conduit effectivement à l’intervention des autorités dans les affaires syndicales ou à l’exercice de contrôle sur ces activités et si, en particulier, l’examen conduit pourrait entraîner la dissolution ou la suspension d’un syndicat par voie administrative et, si tel est le cas, invite le gouvernement à modifier le décret de 2016 afin d’assurer que cela n’est pas possible.
  7. 84. Enfin, le comité prend note des informations complémentaires données par la CSI et prie le gouvernement de lui transmettre des observations détaillées sur les allégations formulées dans la communication de la CSI: intensification des efforts du gouvernement pour confisquer et reprendre des biens légitimement acquis par le NUAWE, en particulier les récentes tentatives de prise de contrôle et d’occupation violentes des bureaux du NUAWE par la police et les forces armées, le gel des comptes bancaires du syndicat sans autorisation judiciaire, le non-renouvellement de son enregistrement, l’absence de dialogue avec le syndicat, ainsi que les obstacles à la liberté d’expression et à la liberté de la presse.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 85. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie instamment le gouvernement de communiquer sans délai ses observations concernant les allégations de l’organisation plaignante afin qu’il puisse examiner cette question en toute connaissance de cause, et, en particulier, d’indiquer quelles sont les raisons précises justifiant le transfert à l’Etat de la propriété des biens de l’organisation plaignante dont il est fait état. Entre temps, compte tenu des risques importants que ces mesures font peser sur les activités syndicales, le comité prie le gouvernement de suspendre l’application du décret d’août 2016 ordonnant la confiscation des biens de l’organisation plaignante dans l’attente d’un réexamen judiciaire et de faire en sorte que tous les biens déjà saisis sans mandat judicaire valide soient restitués à l’organisation plaignante.
    • b) Le comité prie le gouvernement de préciser si le décret de 2016 conduit effectivement à l’intervention des autorités dans les affaires syndicales ou à l’exercice de contrôle sur ces activités et si, en particulier, l’examen conduit pourrait entraîner la dissolution ou la suspension d’un syndicat par voie administrative et, si tel est le cas, invite le gouvernement à modifier le décret de 2016 afin d’assurer que cela n’est pas possible.
    • c) Le comité prie le gouvernement de fournir des observations détaillées sur les allégations formulées dans la communication de la CSI: intensification des efforts du gouvernement pour confisquer et reprendre des biens légitimement acquis par le NUAWE, en particulier les récentes tentatives de prise de contrôle et d’occupation violentes des bureaux du NUAWE par la police et les forces armées, le gel des comptes bancaires du syndicat sans autorisation judiciaire, le non-renouvellement de son enregistrement, l’absence de dialogue avec le syndicat, ainsi que les obstacles à la liberté d'expression et à la liberté de la presse.
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