Allégations: Enlèvement et détention arbitraire de trois syndicalistes, dont le
président de la Centrale congolaise du travail, par les services spéciaux
- 685. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa réunion de
juin 2012 et a présenté à cette occasion un rapport intérimaire au Conseil
d’administration. [Voir 364e rapport, approuvé par le Conseil d’administration à sa
315e session (2012), paragr. 1009-1018.]
- 686. A sa réunion de juin 2013 [voir 368e rapport, paragr. 5], le comité
a lancé un appel pressant au gouvernement indiquant que, conformément à la règle de
procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil
d’administration (1971), il pourrait présenter un rapport sur le fond de l’affaire à sa
prochaine réunion même si les informations ou observations demandées n’étaient pas
reçues à temps. A ce jour, le gouvernement n’a envoyé aucune information. Cependant, une
mission d’assistance technique du Bureau a pu recueillir dans le pays des informations
sur le cas auprès de représentants gouvernementaux.
- 687. La République démocratique du Congo a ratifié la convention (no 87)
sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98)
sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, ainsi que la convention
(no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 688. Lors de son précédent examen du cas en juin 2012, déplorant que,
malgré le temps écoulé, le gouvernement n’ait fourni aucune information au sujet des
actes allégués, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 364e rapport, paragr. 1018]:
- a) De manière générale, le comité ne peut que déplorer le fait
que le gouvernement n’ait toujours pas fourni la moindre information concernant cinq
plaintes consécutives présentées depuis 2009 qui ont toutes déjà été examinées en
l’absence de réponse de sa part et qui portent sur des violations graves de liberté
syndicale. Le comité note une nouvelle fois avec un profond regret que le
gouvernement persiste dans son manquement malgré les assurances données au président
du comité lors d’une réunion tenue en juin 2011 et s’attend à ce qu’il fasse preuve
de plus de coopération à l’avenir. Pour le présent cas, le comité déplore
profondément le fait que, malgré le temps écoulé depuis la présentation de la
plainte en avril 2009, le gouvernement n’ait toujours pas répondu aux allégations de
l’organisation plaignante alors qu’il a été invité à plusieurs reprises, y compris
par trois appels pressants, à présenter ses observations sur les faits allégués et
en réponse aux recommandations formulées par le comité.
- b) Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter sans
délai une enquête indépendante de nature à expliquer l’arrestation de deux
syndicalistes de la CCT, MM. Richard Kambale Ndayango et Israël Kanumbaya Yambasa,
ainsi que du président de l’organisation, M. Nginamau Malaba, respectivement les 11,
16 et 19 janvier 2009 par des agents de l’ANR, à déterminer les charges retenues
contre ces derniers pour justifier leur détention et, s’il s’avère qu’ils sont
détenus uniquement pour des motifs liés à l’exercice légitime d’activités
syndicales, de procéder immédiatement à leur libération, de les compenser pour toute
perte de rémunération et de sanctionner les responsables de manière suffisamment
dissuasive pour que de tels actes antisyndicaux ne puissent plus se reproduire.
- c) Le gouvernement est prié de fournir copie des décisions de
justice dans cette affaire, notamment la décision du 26 février 2009 du tribunal de
paix de Kinshasa/Gombe, la décision de la juridiction d’appel dont l’audience était
prévue le 13 mars 2009, et d’indiquer les suites données à la décision de
justice.
- d) Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter sans
délai une enquête concernant le fait que les trois syndicalistes seraient demeurés
un mois en détention avant d’être auditionnés et que ces derniers auraient fait
l’objet de traitements inhumains et dégradants et d’en indiquer le résultat.
- e) Le comité demande au gouvernement ou à l’organisation
plaignante d’indiquer les suites données à la plainte déposée par la CCT auprès du
Procureur général de la République le 28 janvier 2009.
- f) Le comité prie le gouvernement d’accepter une mission de haut
niveau pour traiter l’ensemble des plaintes concernant la République démocratique du
Congo en suspens devant le comité.
B. Conclusions du comité
B. Conclusions du comité- 689. Le comité note avec intérêt que le gouvernement a accepté une
mission d’assistance technique du Bureau international du Travail afin de recueillir des
informations relatives aux différents cas que le comité examine depuis de nombreuses
années sans qu’aucun progrès réel ne soit enregistré dans le suivi de ses
recommandations. Le comité a pris note du rapport de la mission d’assistance technique
(en annexe au présent rapport) et fait bon accueil du nouvel esprit de collaboration
dont fait preuve le gouvernement. Il espère que les recommandations qu’il aura à
formuler seront suivies d’effet dans le même esprit.
- 690. S’agissant du présent cas, le comité prend note des informations
selon lesquelles MM. Richard Kambale Ndayango, Israël Kanumbaya Yambasa et Nginamau
Malaba, tous trois représentants de la CCT au secrétariat à l’Economie, ont été arrêtés
en janvier 2009. Ils ont ensuite été gardés en détention pendant un mois sur présomption
de faux et usage de faux (production d’un ordre de mission falsifié). Le 2 mars 2009, le
juge du tribunal de paix de Kinshasa/Gombe a ordonné leur libération provisoire au motif
de défaut d’indice de culpabilité. Cependant, le ministère public a fait appel de la
décision et ils sont demeurés en prison. Le comité note qu’ils ont été libérés par
ordonnance du 18 mars 2009 du Tribunal de grande instance de Gombe qui a confirmé le
défaut d’indice de culpabilité (copies des décisions de justice ont été fournies à la
mission par l’organisation plaignante).
- 691. Le comité note que les syndicalistes ont déposé plainte en mai 2009
devant le parquet général de la République pour mauvais traitement durant leur détention
et pour exiger réparation. Cependant, le comité note qu’à ce jour il n’aurait pas été
donné suite à leur plainte. Le comité s’attend à ce que le gouvernement prenne sans
délai des mesures pour l’examen de la plainte déposée par les membres de la CCT pour
détention abusive et mauvais traitement et le prie de le tenir informé à cet égard. Il
s’attend à une décision qui tienne compte des principes de réparation contenus dans ses
recommandations précédentes (voir ci-dessus, paragr. 688 b)).
- 692. Le comité note la déclaration faite à la mission par le représentant
du Secrétariat général à l’Economie selon laquelle l’administration n’est pas à
l’origine de l’arrestation et de la détention des syndicalistes en question. Elle était
spectatrice de la situation et, lorsque ces derniers ont été libérés, ils ont pu
réintégrer leurs postes de travail et continuer à exercer leurs activités syndicales. Le
comité observe que les syndicalistes ont confirmé à la mission qu’ils menaient leurs
activités syndicales sans entrave.
- 693. Le comité regrette profondément la longue période de détention subie
par les syndicalistes (près de deux mois) sur la simple base «d’indices sérieux de leur
culpabilité pour faux et usage de faux» avancés par le ministère public, alors même que
les juridictions saisies ont constaté dans leurs jugements que ce dernier n’était pas en
mesure de démontrer l’existence de ces indices sérieux de culpabilité. En conséquence,
même si aucun élément dans cette affaire ne permet d’appuyer l’allégation selon laquelle
l’arrestation et la détention de MM. Richard Kambale Ndayango, Israël Kanumbaya Yambasa
et Nginamau Malaba sont liées à leurs activités syndicales, le comité observe néanmoins
que les événements décrits ne permettent pas d’écarter totalement cette possibilité. Sur
ce point, le comité attire l’attention du gouvernement sur le principe selon lequel
l’arrestation de syndicalistes contre lesquels aucune charge n’est ultérieurement
retenue comporte des restrictions à la liberté syndicale, et les gouvernements devraient
prendre des dispositions afin que des instructions appropriées soient données pour
prévenir les risques que comportent, pour les activités syndicales, de telles
arrestations. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté
syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 70.] Le comité attend du gouvernement qu’il
veille au strict respect de ce principe de liberté syndicale.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 694. A la lumière des conclusions qui précèdent, le comité invite le
Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
- Le comité s’attend à ce que le gouvernement prenne sans délai des mesures pour
l’examen de la plainte déposée par les membres de la CCT en mai 2009 pour détention
abusive et mauvais traitement et le prie de le tenir informé à cet égard. Il
s’attend à une décision qui tienne compte des principes de réparation contenus dans
ses recommandations précédentes (voir paragr. 688 b)).
Annexe
Annexe- Mission d’assistance technique du Bureau international du Travail en République
démocratique du Congo (14-20 juillet 2013)
- A. Contexte de la mission
- 1. Depuis 2009, le Comité de la liberté syndicale a été saisi de plusieurs plaintes
présentées par différentes centrales syndicales contre le gouvernement de la République
démocratique du Congo. A ce jour, le comité a été saisi de six plaintes. Comme l’exige
la procédure devant le comité, le gouvernement a été invité à fournir ses observations
en réponse aux allégations formulées dans les plaintes. Or, jusqu’à très récemment, le
gouvernement n’a réagi sur aucun des cas et, malgré les rappels réguliers du Bureau,
aucune observation sur les allégations ou sur les recommandations du comité n’est
parvenue au Bureau. Le président du Comité de la liberté syndicale a eu à rencontrer une
délégation gouvernementale afin de rappeler l’importance de fournir des informations et,
à cet égard, le comité a proposé à plusieurs reprises l’assistance technique du Bureau.
- 2. Le gouvernement a envoyé des informations partielles concernant trois cas sur les
six en janvier 2013 et a accepté une mission d’assistance du Bureau afin de collecter
des informations sur les cas. La mission, composée d’un spécialiste juridique sur les
questions de liberté syndicale du Département des normes internationales du travail et
du spécialiste en normes internationales du travail du bureau de l’OIT à Yaoundé, s’est
rendue à Kinshasa du 14 au 20 juillet 2013.
- 3. La mission a bénéficié de l’appui logistique du bureau de l’OIT à Kinshasa et de la
collaboration du ministère du Travail pour l’élaboration du calendrier des rencontres.
La mission a ainsi pu rencontrer toutes les parties prenantes dans les six cas examinés
par le comité, ainsi que le ministre du Travail et le directeur de cabinet du Premier
ministre, ce dernier ayant été empêché à la dernière minute.
- B. Informations recueillies par la mission au sujet du cas no 2712
- 4. S’agissant du cas no 2712, la mission a rencontré les membres de la CCT impliqués
dans l’affaire au siège de l’organisation. Nommément, il s’agit de M. Nginamau Malaba,
président de la CCT au ministère de l’Economie nationale et du Commerce, de M. Richard
Kambale Ndayango et de M. Israël Kanumbaya Yambasa. La mission s’est également
entretenue avec un représentant du Secrétariat général à l’Economie sur l’affaire.
- 5. Selon les informations recueillies par la mission, MM. Kambale Ndayango, Kanumbaya
Yambasa et Nginamau Malaba ont été arrêtés en janvier 2009 par des agents de l’Agence
nationale des renseignements (ANR). Ils ont été gardés en détention pendant un mois sur
présomption de faux et usage de faux (production d’un ordre de mission falsifié). Le 2
mars 2009, le juge du tribunal de paix de Kinshasa/Gombe a ordonné leur libération
provisoire au motif de défaut d’indice de culpabilité. Cependant, le ministère public a
fait appel de la décision et ils sont demeurés en prison. Se prononçant sur le recours
en appel, le Tribunal de grande instance de Gombe a confirmé le défaut d’indice de
culpabilité et ordonné leur libération le 18 mars 2009. Selon ces derniers, ils ont
repris le travail au secrétariat général à l’Economie et exercent depuis leurs mandats
syndicaux sans entrave. Cependant, assistés par l’Association africaine des droits de
l’homme (ASADO), ils ont déposé plainte en mai 2009 devant le parquet général de la
République pour mauvais traitement durant leur détention et pour exiger réparation. A ce
jour, il n’a pas été donné suite à leur plainte.
- 6. Le représentant du Secrétaire général à l’Economie a indiqué à la mission que son
administration n’est pas à l’origine de l’arrestation et de la détention des
syndicalistes en question. Elle était donc spectatrice de la situation et, lorsque ces
derniers ont été libérés, ils ont pu réintégrer leurs postes de travail et continuer à
exercer leurs activités syndicales.