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- 970. La plainte a été présentée par la Fédération du travail Muttahida (MLF) et la Fédération des travailleurs du Pakistan (PWF), dans des communications en date des 20 mai, 30 juin et 31 juillet 2010. La PWF a envoyé des observations complémentaires dans des communications en date du 4 octobre 2010 et 7 février 2011. Dans une communication en date du 12 novembre 2010, la Confédération syndicale internationale (CSI) s’est associée aux organisations plaignantes.
- 971. Le gouvernement a fait connaître ses observations dans une communication en date du 27 août 2010.
- 972. Le Pakistan a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 973. Dans leurs communications datées des 20 mai, 30 juin, 31 juillet et 4 octobre 2010, les organisations plaignantes, la MLF et la PWF, indiquent que la loi sur les relations professionnelles (IRA 2008), qui était une loi provisoire, est venue à expiration le 30 avril 2010. Elles soulignent que, bien qu’il se soit engagé lors de la 98e session de la Conférence internationale du Travail en 2009 à réviser cette loi, le gouvernement ne l’a ni révisée ni prorogée. D’après les plaignants, le fait que cette législation soit parvenue à expiration sans être remplacée par une nouvelle loi a entraîné la pire crise juridique qu’aient connue les relations du travail dans le pays: il n’existe aucune instance devant laquelle les travailleurs peuvent recourir pour faire valoir leurs griefs en cas de victimisation ou de pratiques déloyales de la part des employeurs; les tribunaux du travail et les services d’enregistrement des syndicats aux niveaux des provinces et des districts ont cessé de fonctionner depuis le 1er mai 2010; des milliers de recours introduits par des travailleurs devant les tribunaux du travail sont en suspens; aucun nouveau syndicat ne peut être constitué ni légalement enregistré; et le processus de négociation collective avec les employeurs a été interrompu. Dans ce contexte, le statut des syndicats et des fédérations syndicales est devenu paradoxal du point de vue de leur capacité à conserver leur identité juridique et à négocier avec les employeurs dans les entreprises opérant au niveau national (par exemple, dans les secteurs des chemins de fer et des hydrocarbures, avec l’Agence de développement des ressources en eau et de l’énergie du Pakistan, dans le secteur des postes et télécommunications, avec le ministère des Travaux publics, etc.). Par ailleurs, beaucoup d’employeurs dans les entreprises nationales éprouvent des réticences à engager un dialogue et à négocier avec les négociateurs élus désignés précédemment en vertu de l’article 30 de l’IRA 2008.
- 974. La MLF et la PWF expliquent que, de son côté, le Parlement du Pakistan a mis en application le 18e amendement constitutionnel aux termes duquel la responsabilité des questions relatives au travail est transférée aux gouvernements provinciaux. Ces derniers ont donc commencé à légiférer en la matière. Ainsi, le gouvernement du Pendjab, la province la plus étendue du pays, a promulgué une ordonnance sur les relations professionnelles (IRO 2010). D’après les organisations plaignantes, aux termes de cette législation, la Commission nationale des relations professionnelles (NIRC) voit sa compétence expressément exclue en matière d’enregistrement et de désignation des négociateurs dans les institutions nationales et dans le règlement des conflits du travail. Les plaignantes renvoient en particulier aux articles 82 et 83 de l’ordonnance sur les relations professionnelles du Pendjab (IRO 2010) qui dispose:
- 82. Abrogation et sauvegarde – 1) Nonobstant l’abrogation de la loi sur les relations professionnelles, 2008 (IV de 2008) ci-après la «loi abrogée»:
- a) tout syndicat enregistré en vertu de la loi abrogée est réputé enregistré aux termes de la présente ordonnance.
- 83. Transfert des affaires dont était saisie la Commission nationale des relations professionnelles –
- 1) Toutes les affaires pendantes devant la Commission nationale des relations professionnelles constituée en vertu de la loi sur les relations professionnelles, 2008 (IV de 2008) sont réputées transférées au tribunal, au tribunal du travail et au greffe ayant compétence en la matière.
- 2) La Commission nationale des relations professionnelles transfère tous les dossiers concernant les affaires et les syndicats au tribunal, au tribunal du travail ou au greffe compétent.
- 975. Les organisations plaignantes renvoient en outre à l’arrêt du 18 juin 2010 de la Haute Cour de la province du Sind (Karachi), aux termes duquel celle-ci a arrêté que l’IRA 2008 est réputée avoir été abrogée le 30 avril 2010 en vertu de son article 87(3), et déclaré que l’ordonnance sur les relations professionnelles (IRO 1969) était remise en vigueur jusqu’à ce qu’elle soit modifiée, abrogée ou révisée par l’autorité compétente. Les plaignants renvoient également aux paragraphes 2 et 3 de l’avis no PAS/Legis B-16/2010 du 5 juillet 2010 sur la loi sur les relations professionnelles (remise en vigueur et modification), loi de la province du Sind no XV de 2010, qui dispose:
- 2. Remise en vigueur de la loi no IV de 2008. La loi sur les relations professionnelles, 2008 (loi no IV de 2008) est remise en vigueur par les présentes avec effet au 1er mai 2010, comme si elle n’avait jamais été abrogée.
- 3. Modification de l’article 87 de la loi no IV de 2008. Dans la loi sur les relations professionnelles, 2008, s’agissant de la remise en vigueur, le paragraphe 3 de l’article 87 est omis.
- 976. Les plaignantes expliquent que la Commission nationale des relations professionnelles est l’autorité régulatrice ayant compétence pour l’enregistrement au plan national des syndicats, des fédérations et des confédérations et pour la désignation des négociateurs au niveau national. Etant donné que l’IRA 2008 n’est pas applicable dans les provinces du Sind et du Pendjab du fait de la promulgation de lois provinciales, cette commission n’a aucune compétence dans ces provinces.
- 977. La PWF fait savoir qu’elle a introduit une requête devant la Cour suprême du Pakistan en vertu de l’article 184(3) de la Constitution contre la violation des droits fondamentaux de liberté syndicale garantis par son article 17.
- 978. Elle ajoute que, si la Division droit et justice du ministère des Affaires juridiques et parlementaires a présenté des «éclaircissements concernant les cas de conflits du travail qui ne sont pas limités à une seule province et concernent de par leur nature tout un secteur industriel» dans lequel elle considère que, dans de tels cas, la Commission nationale des relations professionnelles «peut examiner l’affaire [...] sous réserve de l’existence de lois applicables», cette interprétation n’est pas suivie par certaines hautes cours provinciales au motif que l’IRA 2008 est parvenue à expiration.
- 979. Compte tenu de ce qui précède, les organisations plaignantes demandent qu’une loi sur les relations professionnelles soit promulguée pour permettre aux syndicats et aux fédérations nationales de conserver leur identité juridique et de négocier avec les employeurs des entreprises nationales et afin de garantir que la protection contre les pratiques du travail déloyales bénéficie également à leurs adhérents et aux dirigeants syndicaux. Elles demandent en outre que la Commission nationale des relations professionnelles soit réactivée. Les organisations plaignantes indiquent qu’une nouvelle législation peut être adoptée en incorporant un amendement au 18e amendement constitutionnel rétablissant le point no 27 dans la liste fédérale concurrente figurant dans la quatrième nomenclature de la Constitution concernant les «Syndicats, conflits industriels et du travail», qui pourrait permettre au gouvernement fédéral de rétablir la loi sur le sujet ci-dessus pour que soient respectés les principes de la liberté syndicale et de la négociation collective.
- 980. Dans sa communication en date du 7 février 2011, la PWF ajoute que la législation adoptée dans le Pendjab viole un nombre de principes des conventions nos 87 et 98, y compris une exigence d’affiliation syndicale minimale excessive et concernant la dissolution administrative des syndicats ainsi que des dispositions qui pourraient avoir un impact sur les droits de négociation collective.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 981. Dans sa communication du 27 août 2010, le gouvernement indique que l’IRA 2008 est restée en vigueur jusqu’à ce que cela soit contesté devant un tribunal. La Haute Cour du Sind (Karachi) a décidé, dans un arrêt du 18 juin 2010, que l’IRA 2008 était réputée avoir été abrogée le 30 avril 2010 en vertu de son article 87(3) et que l’ordonnance sur les relations professionnelles (IRO 1969) était de nouveau en vigueur et le demeurerait tant qu’elle n’aurait pas été modifiée, abrogée ou révisée par l’autorité compétente, car elle fait partie des éléments de la législation protégés par l’article 268(1) de la Constitution. Par conséquent, d’après le gouvernement, il n’y a aucun vide juridique à l’heure actuelle et les questions syndicales se posant au niveau national sont traitées par la Commission nationale des relations professionnelles et les commissions interprovinciales. Le gouvernement ajoute que l’éclaircissement donné par la Division droit et justice au sujet du fonctionnement de la Commission nationale des relations professionnelles a facilité le travail des syndicats et de leurs fédérations au niveau national.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 982. Le comité note que cette plainte résulte de l’expiration, le 30 avril 2010, de la loi sur les relations professionnelles (IRA 2008). Celle-ci avait été adoptée en tant que loi provisoire et, en vertu de son article 87(3), elle devait expirer le 30 avril 2010. D’après les plaignants, le fait que la législation nationale régissant les relations professionnelles ait expiré et que les questions relatives aux relations professionnelles et aux syndicats aient été transférées aux provinces, en vertu du 18e amendement à la Constitution, a donné naissance à une situation intenable pour les organisations syndicales nationales assortie d’une absence de mécanismes compétents pour assurer la protection de la liberté syndicale.
- 983. Le comité note que les plaignants allèguent que le fait que l’IRA 2008 soit venue à expiration sans qu’une nouvelle loi ait été adoptée a engendré une crise et un vide juridique en ce qui concerne la réglementation des relations professionnelles dans le pays. En particulier, les travailleurs ne disposent d’aucune instance devant laquelle ils peuvent introduire des recours en cas de victimisation ou de pratiques déloyales de la part des employeurs; les tribunaux du travail et les services d’enregistrement des syndicats aux niveaux provincial et de district ont cessé de fonctionner depuis le 1er mai 2010; les recours introduits par les travailleurs devant les tribunaux du travail sont en suspens; aucun nouveau syndicat ne peut être constitué ni légalement enregistré et le processus de négociation collective avec les employeurs a cessé; le statut des syndicats et des fédérations syndicales nationales est devenu paradoxal en ce qui concerne leur capacité à conserver une identité juridique et à négocier avec les employeurs dans les entreprises opérant au niveau national; et de nombreux employeurs dans les entreprises nationales éprouvent des réticences à nouer un dialogue et à négocier avec les négociateurs élus désignés précédemment au titre de l’article 30 de l’IRA 2008.
- 984. Le comité prend note en outre de l’arrêt du 18 juin 2010 de la Haute Cour du Sind (Karachi) par lequel celle-ci a statué que l’IRA 2008 était réputée avoir été abrogée le 30 avril 2010 en vertu de son article 87(3) et que l’ordonnance sur les relations professionnelles (IRO 1969) était de nouveau en vigueur tant qu’elle n’aurait pas été modifiée, abrogée ou révisée par l’autorité compétente. Le comité note également qu’au moins deux gouvernements provinciaux ont légiféré en la matière: le gouvernement du Pendjab a promulgué l’ordonnance sur les relations professionnelles (IRO 2010) et, le 5 juillet 2010, le gouvernement du Sind a adopté la loi sur les relations professionnelles (remise en vigueur et révision) 2010. Le plaignant soulève des préoccupations spécifiques au sujet de la conformité avec les conventions nos 87 et 98, des exigences concernant l’affiliation syndicale minimale, la dissolution des syndicats et les dispositions portant sur la négociation collective dans la loi du Pendjab IRO.
- 985. Le comité note que les plaignants expriment également certaines craintes quant au statut de la Commission nationale des relations professionnelles. A cet égard, il relève que le ministère des Affaires juridiques et parlementaires a donné des «éclaircissements» en ce qui concerne les cas de conflits du travail concernant plusieurs provinces et des industries ayant une envergure nationale, expliquant que, dans de tels cas, cette commission «peut examiner l’affaire [...] sous réserve de l’existence de lois applicables». Le comité fait observer à ce propos que si, pour sa part, le gouvernement indique que la Commission nationale des relations professionnelles reste en fonction, les organisations plaignantes allèguent que cette interprétation n’est pas suivie par certaines hautes cours provinciales qui estiment quant à elles que, l’IRA 2008 ayant expiré et des législations provinciales ayant été promulguées, ladite commission n’a aucune compétence dans les provinces du Pendjab et du Sind.
- 986. Le comité note également que, si le gouvernement indique que, conformément à la décision de la Haute Cour du Sind, l’IRO 1969 est désormais en vigueur et qu’il n’y a donc pas de vide juridique eu égard à la réglementation des relations professionnelles dans le pays, le comité croit comprendre, pour sa part, que la compétence de la Haute Cour du Sind est restreinte au territoire de cette province. Il note en outre que, si certains gouvernements provinciaux ont procédé à l’adoption de leur propre législation du travail sur la base de l’IRA 2008, qui a expiré, d’autres ne l’ont pas fait. Il s’inquiète donc de ce que la situation actuelle empêche manifestement les syndicats couvrant l’ensemble d’un secteur industriel au niveau national d’exercer leurs droits, et il fait observer que l’absence de clarté en ce qui concerne le cadre législatif national régissant les relations professionnelles et les droits syndicaux pourrait restreindre la liberté syndicale des organisations nationales de travailleurs. Le comité s’attend donc à ce qu’une nouvelle législation garantissant pleinement les droits syndicaux des travailleurs, y compris au niveau national, soit très prochainement adoptée dans le pays après pleine consultation des partenaires sociaux concernés. A cet égard, le comité souligne l’intérêt d’une consultation des organisations d’employeurs et de travailleurs lors de la préparation et de la mise en œuvre d’une législation touchant leurs intérêts. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1072-1074.]
- 987. Le comité note que la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations s’est déjà exprimée sur un certain nombre de restrictions importantes du droit d’organisation résultant des dispositions de l’IRO 1969, de l’IRO 2002, qui a remplacé l’IRO 1969, ainsi que de l’IRA 2008 qui a remplacé l’IRO 2002. Il rappelle également le cas no 2229, qui est toujours pendant, dans lequel il a considéré qu’un certain nombre de dispositions tant de l’IRO 2002 que de l’IRA 2008 n’étaient pas conformes aux conventions nos 87 et 98 que le Pakistan a ratifiées. Le comité s’attend donc à ce que toute législation adoptée, y compris celle adoptée au niveau provincial, soit pleinement conforme à ces conventions et il demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 988. Notant les allégations des plaignantes s’agissant de la Commission nationale des relations professionnelles et prenant en compte la réponse donnée par le gouvernement à ce sujet, le comité exprime le ferme espoir que, dans l’attente de l’adoption de la législation applicable, cette instance pourra exercer ses fonctions s’agissant du règlement des conflits du travail et du traitement des questions relatives à l’enregistrement et à la désignation des négociateurs dans les institutions nationales et les industries d’envergure et d’importance nationales. De la même manière, des dispositions devraient être prises afin de s’assurer que les syndicats nationaux ainsi que les organisations d’employeurs puissent exercer leurs activités au niveau national de manière légale et efficace. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé sur la manière dont la Commission nationale des relations professionnelles a poursuivi l’exercice de ses fonctions dans le contexte actuel et de lui fournir toutes statistiques pertinentes sur les cas qu’elle a réactivés.
- 989. Le comité rappelle au gouvernement qu’il peut se prévaloir de l’aide technique du Bureau s’il le souhaite.
- 990. Il appelle l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 991. A la lumière des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité espère qu’une nouvelle législation garantissant les droits syndicaux des travailleurs, y compris au niveau national, sera très prochainement adoptée dans le pays après pleine consultation des partenaires sociaux concernés et que toute législation adoptée, y compris la législation provinciale adoptée récemment, sera mise pleinement en conformité avec les conventions nos 87 et 98. Il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- b) Le comité espère que, dans l’attente de l’adoption de la législation applicable, la Commission nationale des relations professionnelles pourra s’acquitter de ses fonctions s’agissant du règlement des conflits du travail et du traitement des questions relatives à l’enregistrement et à la désignation des négociateurs dans les institutions nationales et les industries d’envergure et d’importance nationales, et des dispositions devraient être prises afin de s’assurer que les syndicats nationaux ainsi que les organisations d’employeurs puissent exercer leurs activités au niveau national de manière légale et efficace. Il prie le gouvernement de le tenir informé sur la manière dont cette commission a poursuivi l’exercice de ses fonctions dans le contexte actuel et de lui fournir toutes statistiques pertinentes sur les cas qu’elle a réactivés.
- c) Le comité rappelle au gouvernement qu’il peut se prévaloir de l’assistance technique du Bureau s’il le souhaite.
- d) Le comité appelle l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.