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- 172. La plainte figure dans une communication en date du 6 juillet 2009 de l’Union ouvrière de la construction de la République argentine (UOCRA). L’UOCRA a adressé un complément d’information dans une communication du 16 juillet 2009 et de nouvelles allégations dans des communications des 14 août et 1er décembre 2009.
- 173. Le gouvernement a adressé ses observations dans une communication en date du 27 mai 2010.
- 174. L’Argentine a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 175. Dans sa communication en date du 6 juillet 2009, l’UOCRA indique qu’elle présente une plainte officielle pour violation des principes de la liberté syndicale contre l’Etat national argentin et la province de Chubut. L’UOCRA précise qu’elle est une organisation syndicale du premier degré dont le champ d’action est l’ensemble du territoire de la République argentine. Elle représente individuellement et territorialement les travailleurs de la construction en vertu du statut syndical qui, sous le numéro 17, lui a été reconnu. La loi no 23551 et son décret réglementaire no 467, adoptés en 1988, constituent la base normative des associations syndicales de travailleurs. Ce corpus juridique découle de la faculté qu’a l’autorité fédérale d’adopter des normes et il s’applique de façon exclusive et excluante dans tout le pays. Si l’UOCRA précise ce point, c’est que, aux fins de la plainte, il est important de savoir que l’Argentine est organisée de manière fédérale et compte 23 provinces et une ville autonome, lesquelles sont des juridictions autonomes qui exercent toutes les facultés qu’elles n’ont pas déléguées au niveau fédéral. Ainsi, tant l’ensemble des normes qui s’appliquent aux syndicats que leur action syndicale relèvent de la compétence et du contrôle des instances fédérales.
- 176. L’UOCRA souligne que la représentation qu’elle exerce a une portée nationale. Sa base juridique émane des normes susmentionnées et de l’instrument qui certifie le statut syndical, lequel donne à l’UOCRA l’exclusivité de la représentation de l’ensemble des ouvriers de la construction. A cette fin, une fois certifié le fait qu’elle comptait des affiliés dans toute la République argentine, sa condition d’organisation suffisamment représentative a été accréditée en temps opportun. Dans le cadre de la législation en vigueur, à moins qu’il ne soit démontré qu’elle n’est pas une organisation suffisamment représentative, aucune autre entité de ce secteur ne peut se voir reconnaître la faculté de déployer des activités syndicales, pas plus que la «légitimation de fait» de personnes n’appartenant pas à l’UOCRA ne permettrait de le faire.
- 177. L’UOCRA indique que les faits allégués ont été commis à la demande et à l’instigation du gouvernement de la province de Chubut, avec son assentiment et sa participation. L’UOCRA souligne que, comme on le déduira rapidement des faits mentionnés ci-après, des actes et des pratiques ont été perpétrés, et continuent de l’être, qui vont à l’encontre de ses droits exclusifs à l’échelle provinciale. En effet, dans la province de Chubut, le pouvoir exécutif, par le biais de sa plus haute autorité et de certains de ses fonctionnaires compétents dans le domaine des relations professionnelles, compromet l’autonomie syndicale et, par conséquent, les principes et garanties de la liberté syndicale. Cette situation a été affectée et aggravée par l’intervention de la représentation de l’autorité administrative fédérale du travail, conjointement avec l’autorité provinciale du travail, dans les décisions suivantes: 1) adoption d’une décision administrative au sujet d’un prétendu différend du travail qui était inexistant et qui, dans les faits, constituait un délit pénal d’usurpation d’un bien, à savoir l’occupation par la violence du siège de la section de l’UOCRA; 2) légitimation de fait d’un groupe de personnes qui n’avait aucune représentativité et dont il s’est avéré qu’il était appuyé par le pouvoir politique de la province de Chubut.
- 178. L’organisation plaignante ajoute que, de plus, la représentation de l’autorité administrative fédérale s’est arrogée une faculté inexistante en recevant les clés d’un immeuble appartenant à l’UOCRA, alors qu’une décision judiciaire en demandait la restitution à son propriétaire légitime, c’est-à-dire l’organisation syndicale. Or c’est le gouvernement national qui doit assumer la responsabilité de garantir pleinement la liberté syndicale ainsi que tous ses effets. C’est ce qu’a estimé le Comité de la liberté syndicale.
- 179. L’UOCRA indique aussi que c’est au sommet du gouvernement provincial qu’a été prise l’initiative de plusieurs actes visant à la discréditer et à entraver le libre exercice des fonctions syndicales, dans le but tortueux de favoriser la création d’une nouvelle entité à portée locale, dont l’action et l’idéologie sont proches du pouvoir politique et fonctionnelles à celui-ci. L’UOCRA souligne qu’elle est respectueuse de la libre expression et de la décision des travailleurs mais elle attire l’attention sur la manipulation de ce droit par le pouvoir politique. Par conséquent, du point de vue de la liberté syndicale, cette action est illégitime car la volonté des travailleurs est tamisée par le pouvoir politique; cette action est aussi illicite car elle a été menée par la violence et en marge de la loi.
- 180. Selon l’organisation plaignante, le pouvoir politique provincial a contribué, par action ou par omission, à perpétuer autant qu’il lui a été possible une situation extrême, entre autres, l’occupation par la violence du siège de la section de l’UOCRA et plusieurs actes et infractions plus ou moins graves qui visaient tous à exclure l’UOCRA de la sphère provinciale en l’empêchant d’exercer ses droits légitimes de défense et de représentation des travailleurs de la construction. Le gouverneur de la province de Chubut, prétendant qu’il procède à une analyse objective de la situation, veille en fait à ses propres intérêts politiques; il empêche le développement professionnel de l’UOCRA, en discrédite publiquement les dirigeants et en remet en question les modalités et les méthodes. Cela dit, il n’agit pas de façon isolée et désintéressée puisqu’il favorise simultanément la création d’un nouveau syndicat qui satisfait à ses intérêts. Dans ce cadre d’exploitation et de captation à son profit de la liberté syndicale, le gouverneur a formulé les déclarations publiques suivantes: «C’en est fini des collusions d’entrepreneurs et de dirigeants sans scrupules, de syndicalistes qui négocient dans le dos des travailleurs, car ce sont eux qui disqualifient les authentiques organisations syndicales, c’est-à-dire celles qui défendent les travailleurs et qui sont formées d’hommes dont l’esprit responsable et rationnel les amène à rencontrer d’égal à égal les employeurs et à discuter des questions qui les intéressent. C’en est fini ici des nominations abusives par qui que ce soit, c’est ce que j’ai dit à Gerardo Martínez comme je le devais. Il est peut-être le secrétaire de l’UOCRA mais moi je suis le gouverneur de tous les travailleurs.» (déclarations publiées le vendredi 26 juin 2009 dans El Diario de Madryn)
- 181. L’UOCRA souligne que ce que l’on ne dit pas, c’est qu’un assentiment a été donné à la violence, à la coercition et à l’agression à l’encontre de l’autorité syndicale légitimement constituée. L’organisation plaignante estime que le gouverneur de la province de Chubut semble se considérer «propriétaire» des travailleurs de la province qu’il dirige et du droit de décider «qui» les représentera et «comment»; comme si cela ne suffisait pas, il offense les dirigeants de l’UOCRA et sous-estime la représentation légitime des dirigeants élus au suffrage direct par tous les affiliés de l’UOCRA, qui représente 75 pour cent de l’ensemble des travailleurs de la construction.
- 182. L’UOCRA indique que, vu ses caractéristiques, la plainte doit être qualifiée de grave et traitée de toute urgence, de même que les effets qu’elle implique. Il s’agit d’une violation grave de la convention no 87 et de la résolution de 1952 de la Conférence internationale du Travail concernant l’indépendance du mouvement syndical. L’UOCRA ajoute qu’elle est une entité syndicale du premier degré (elle affilie les travailleurs à titre individuel sur tout le territoire national). A cette fin, conformément au Statut social, chapitre XIV, elle agit dans les différents domaines par le biais de sections et, le cas échéant, de délégations. Dans la province de Chubut, la section de Comodoro Rivadavia, entre autres, est en place depuis longtemps et recouvre les travailleurs qui relèvent de son domaine géographique spécifique.
- 183. L’organisation plaignante affirme que, le 12 mars 2009, l’immeuble sis rue Rawson 1405, Comodoro Rivadavia, province de Chubut, où se trouve son siège a été occupé par la violence. Ces actes ont été dénoncés en temps opportun devant la justice pénale locale et plainte a été déposée – les fonctionnaires municipaux, locaux et nationaux n’y ont pas donné suite – pour les délits, commis en concours réel, de privation illégitime de liberté, d’usurpation et de dommages à la propriété, devant le tribunal pénal (cas no 20571, Muñoz Sergio J., plainte pour usurpation UOCRA, demande juridictionnelle no 2493). Il convient de souligner que, en raison de cette occupation par la violence qui s’est prolongée pendant plus de 30 jours, la défense des droits des travailleurs de la construction dans la zone a été gravement compromise: l’impossibilité d’entrer dans l’immeuble et la présence quasi illimitée d’un groupe armé dans l’immeuble et les rues avoisinantes ont interrompu brusquement et illicitement l’action syndicale.
- 184. L’UOCRA a été non seulement privée de l’usage et de la jouissance de biens lui appartenant mais a subi aussi les conséquences de l’occupation par la violence de son siège: a) mécontentement de la communauté en raison, entre autres, des difficultés qu’ont entraînées pour les citoyens les actes de vandalisme, ainsi que le bouclage par la police de la zone; b) endommagement et destruction de plusieurs de ses biens – ordinateurs, meubles et immeuble lui-même; c) appropriation indue de documents et d’objets de valeur; d) préjudice pour d’autres institutions situées à proximité du siège, puisque cette situation a affecté notamment les activités normales de prestation de soins de santé que ces institutions assurent aux travailleurs de la construction et à leurs familles au titre de leur mutuelle.
- 185. L’organisation plaignante juge surprenant le retard de l’ordre d’expulsion par la justice locale. Le ministère public avait demandé à la juge d’ordonner l’expulsion mais celle-ci avait déclaré cet ordre irrecevable. Etant donné l’absence manifeste de volonté des juridictions pénales de la province d’expulser les usurpateurs, un recours en amparo a été intenté (UOCRA c. Fernández Darío et consorts, recours en amparo, dossier no 141/2009) devant le tribunal civil et commercial no 1 de la circonscription de Comodoro Rivadavia. Le juge en fonction au tribunal, dans le cadre d’une mesure conservatoire, a ordonné la restitution de l’immeuble à l’UOCRA et donné des instructions dans ce sens au chef de police de la province. Mais ce dernier a évoqué des difficultés opérationnelles dues au manque de personnel et, alors qu’il était impossible de maintenir l’ordre pendant une période prolongée, les instructions ont été données avec un retard hors du commun, ce qui révèle à nouveau l’intérêt et l’ingérence du pouvoir politique provincial. Non content d’intervenir dans l’activité de l’entité syndicale, le pouvoir politique provincial a tenté aussi d’étendre son action au domaine judiciaire, dût-il violer ainsi l’indépendance des pouvoirs, en retardant autant qu’il l’a pu l’exécution de l’ordre donné par le magistrat. Il est impossible de parvenir à une autre conclusion si l’on prend en compte que, pour procéder à une expulsion, la justice a nécessairement besoin de l’aide de la police provinciale, laquelle relève directement du pouvoir politique provincial.
- 186. L’expulsion n’a finalement pas eu lieu et l’UOCRA a été lésée lorsque l’autorité administrative fédérale du travail a reçu des usurpateurs les clés du local syndical et de l’immeuble vandalisé. Il a fallu par la suite intenter une action en justice pour intimer au ministère l’ordre de mettre à disposition de l’UOCRA l’immeuble en question. L’UOCRA n’a pas cessé de demander qu’il soit procédé à une enquête exhaustive des faits afin d’identifier les personnes qui avaient occupé son siège, en fournissant dans le cadre de la loi et à l’autorité judiciaire toutes les preuves dont elle disposait. Toutefois, l’autorité provinciale n’a pas eu la même attitude, alors même qu’elle savait que nombre d’usurpateurs n’étaient pas des travailleurs de la construction et qu’il n’y avait dans l’usurpation aucun intérêt syndical mais un but manifestement politique. Les usurpateurs bénéficiaient clairement de la connivence et du soutien du pouvoir politique dont la tête, sans gêne ni scrupule, a favorisé ce groupe de personnes et a affiché dans la presse sa sympathie et sa préférence à leur égard, sans même condamner les actes illicites, délictueux et de vandalisme auxquels ils recouraient pour parvenir à leur but d’exclure l’UOCRA de la sphère provinciale.
- 187. De plus, les autorités provinciales du travail ont légitimé de nouveau ce groupe en le laissant participer sur des chantiers à l’inspection de travaux. Ces activités, de façon surprenante, ne se limitaient plus au domaine territorial ponctuel et spécifique de leur lieu de travail, à savoir le Cerro Dragón, mais s’étendaient à celui de la ville de Comodoro Rivadavia, province de Chubut. Voilà qui a démontré de nouveau leur intention manifeste d’exclure l’UOCRA. Mettant en évidence sa préférence pour ce groupe et son affinité avec celui-ci, le gouverneur est intervenu directement dans la vie syndicale de la province, en violation de toutes les normes de la liberté syndicale, et a stimulé la création de syndicats provinciaux proches de son projet politique.
- 188. L’UOCRA ajoute que, presque simultanément, des faits ont démontré de nouveau que la prépondérance donnée par le pouvoir politique aux voies de fait par rapport aux voies de droit alimente la violence. Ainsi, le 10 juin, le domicile (sis dans le lotissement Los Tres Pinos) de Ricardo Luis Cheuquepal, délégué chargé de l’UOCRA, section de Comodoro Rivadavia, a été la cible de tirs d’inconnus munis d’armes de gros calibre alors que ses jeunes enfants se trouvaient à l’intérieur.
- 189. L’UOCRA a demandé que, une fois informé le président du Comité de la liberté syndicale, ce dernier approuve la désignation d’une mission de contacts préliminaires chargée de faire connaître les principes en jeu de la liberté syndicale et les procédures de l’Organisation internationale du Travail, et de prendre connaissance de façon informelle sur place des faits portés à son attention. Concurremment, et quelle que soit la suite donnée à la requête susmentionnée, l’UOCRA demande qu’une communication soit adressée au président du Comité de la liberté syndicale pour faire en sorte que, après un échange d’informations avec le gouvernement de la République argentine – sans autre procédure et en raison de la gravité du cas –, ce dernier accepte la venue d’une mission de contacts directs. Celle-ci devra concentrer ses efforts de coopération sur la situation de la liberté syndicale dans la province de Chubut, afin que soit assuré par l’intermédiaire de l’autorité nationale le plein exercice des droits et garanties de la liberté syndicale dans cette province, et afin de réparer les conséquences des faits commis, de mettre un terme à la situation actuelle et d’éviter qu’elle se reproduise.
- 190. Dans sa communication du 16 juillet 2009, l’UOCRA dénonce des faits nouveaux qui s’inscrivent dans les atteintes à la liberté syndicale qui ont été déjà portées à la connaissance du comité. Selon l’UOCRA, certains nouveaux faits et circonstances confirment l’extrême gravité de ce qui a été signalé précédemment. Ils montrent que le gouverneur encourage la formation de groupes violents et les appuie dans le but de promouvoir la création d’une nouvelle entité syndicale proche de ses intérêts politiques à l’échelle locale et nationale.
- 191. L’UOCRA ajoute que, en outre des faits signalés dans sa communication de juillet 2009, alors que touchait à sa fin une campagne politique qui impliquait directement le gouverneur de la province de Chubut, ce dernier a tenu une réunion publique au cours de laquelle les groupes violents dénoncés en temps opportun lui ont exprimé leur soutien, sûrement pour le remercier de l’aide reçue, alors qu’ils cherchent à exercer une représentation syndicale des travailleurs de la construction. Cela démontre clairement la réciprocité et l’affinité politique, avec le gouverneur, de cette entité syndicale naissante. L’appui politique et économique est évident. Voici ce qu’ont déclaré dans la presse ceux qui formeraient le nouveau syndicat: «Le délégué de Los Dragones a souligné hier le ferme soutien que leur a apporté le gouverneur Mario Das Neves pour former, en dehors de l’UOCRA, le nouveau syndicat qui regroupera les travailleurs de la construction.» (article paru dans le journal Crónica), puis, dans le même article: «Le gouverneur a été à ce jour le seul à nous appuyer et, par conséquent, nous croyons qu’il saura comment résoudre les éventuels problèmes qui se poseront dans ce dur combat.»
- 192. L’UOCRA signale un autre fait, au moins aussi grave que les précédents mentionnés ici. Selon l’UOCRA, il s’inscrit aussi dans un projet qui vise à persécuter sur les plans politique et syndical ses dirigeants afin de l’exclure du domaine territorial de la province de Chubut et de la remplacer par un syndicat, favorisé par le pouvoir politique local, qui serait fonctionnel et perméable aux intérêts de ce dernier. A cette fin, par une manœuvre surprenante qui révèle que le pouvoir politique contrôle clairement le pouvoir judiciaire, et dénote l’indifférence à l’égard des garanties républicaines élémentaires, on a essayé de relancer des poursuites pénales anciennes auxquelles la justice n’avait pas donné suite et qui visaient à incriminer des membres de la section de Puerto Madryn de l’UOCRA.
- 193. Concrètement, à la demande du pouvoir politique, la justice pénale locale a enfreint dans toutes les instances les garanties d’une procédure régulière en rouvrant une action pénale qui n’avait pas abouti, à la seule fin de harceler politiquement le secrétaire général de la section de Puerto Madryn de l’UOCRA et de le faire incarcérer. Essayant de justifier une telle action, le ministère public a argué du fait qu’il «s’était trompé précédemment» et, faisant machine arrière, a soumis le cas à un juge manifestement incompétent après en avoir dessaisi le juge naturel. Il n’a pas tenu compte d’autres éléments d’une importance singulière – entre autres, la liberté syndicale, l’existence d’immunités imposées par la loi et la Constitution, la nécessité d’une procédure spécifique et distincte, les facultés de l’UOCRA.
- 194. On le voit, l’accumulation de ces faits suppose ni plus ni moins qu’une tentative de violation des normes de la Constitution de Chubut et du principe de l’autorité de la chose jugée (non bis in idem), qui est consacré dans la Constitution nationale argentine. Par ailleurs, ce qui attire l’attention, c’est l’absence d’impartialité et d’indépendance de l’organe judiciaire, lequel ne cache nullement qu’il est fonctionnel et fidèle au pouvoir politique en l’accompagnant dans son attaque qui vise non seulement une entité syndicale mais aussi la liberté syndicale elle-même. Cela ne peut ni ne saurait être toléré, d’autant moins que ces actes s’inspirent des pratiques obscures qui ont fait tant de mal dans la République argentine.
- 195. Selon l’UOCRA, il ressort des faits décrits ici que le pouvoir politique, s’affranchissant de toute limite, exerce et tente d’accentuer son ingérence dans l’autonomie syndicale de l’UOCRA. Une campagne a été organisée pour harceler l’UOCRA et ses dirigeants; elle comporte une ingérence dans l’action de la justice, ainsi que le manque de collaboration et la passivité de la police face à des actes de violence qui menacent la vie des dirigeants et de leurs familles et les biens syndicaux. Tous ces faits ont une finalité manifeste qui n’est autre que promouvoir et créer une nouvelle entité syndicale contrôlée par le gouvernement provincial.
- 196. L’UOCRA affirme que l’ensemble des conduites et pratiques en cause ont eu un effet immédiat: une série de dénonciations de la part des forces vives de la province et tout particulièrement des entrepreneurs qui, tandis que l’on tentait de discréditer et de criminaliser l’UOCRA afin de favoriser un nouveau groupe syndical, ont commencé à être victimes d’actes à caractère délictueux, voire de violence. Alors que les faits dont l’UOCRA a été l’objet n’ont donné lieu ni à des enquêtes ni à des condamnations, cela avec l’assentiment du pouvoir politique provincial qui considérait ces faits avec bienveillance, plusieurs entreprises ont commencé à faire l’objet de pratiques violentes du nouveau groupe syndical qui cherchait à imposer ses prétendus représentants. La municipalité de la ville de Comodoro Rivadavia n’a pas échappé non plus à la violence et au vandalisme des groupes liés à la nouvelle entité syndicale. Brandissant des armes à feu, ils sont entrés par la force dans le siège de la municipalité, y ont détruit des meubles et ont retenu des personnes pendant un temps considérable.
- 197. Selon l’UOCRA, tous ces faits montrent clairement que le pouvoir politique n’a d’autre intention que celle de porter atteinte à l’autonomie syndicale et d’exclure l’UOCRA de l’activité de représentation dans la province en créant à cette fin un syndicat favorable et perméable à ses intérêts politiques, et qui exerce la violence sous la protection du pouvoir politique.
- 198. Dans sa communication du 14 août 2009, l’UOCRA indique qu’un autre fait s’est produit, dans le cadre des faits allégués dans la plainte. Concrètement, un individu, s’identifiant comme étant membre du gouvernement, a évoqué dans des médias électroniques une hypothétique réclamation présentée à l’Organisation internationale du Travail dans laquelle il formule des appréciations et des avis injurieux non seulement pour l’UOCRA mais aussi pour des membres de comités directeurs – qui ont été élus directement à bulletin secret par les affiliés. L’UOCRA estime que, dans cette communication, elle porte à la connaissance du comité un fait très grave car, jusqu’à ce jour, la violence avait été commise par des groupes «s’identifiant au gouvernement» et exprimée par le gouverneur lui-même. Or, dans ce cas, on peut dire que la violence vient du cœur même de l’Etat et qu’elle confirme que l’action visant l’UOCRA a été orchestrée et protégée par l’Etat provincial. Selon l’UOCRA, la personne en question était et continue d’être fonctionnaire du gouvernement de Chubut. C’est-à-dire qu’elle ne fait même pas partie des dirigeants des travailleurs concernés par le différend mais est en fait un «commissaire politique» du gouvernement de la province de Chubut qui aggrave les atteintes aux conventions et aux institutions de la liberté syndicale.
- 199. Dans sa communication de novembre 2009, l’UOCRA fait état d’une série de nouveaux faits qui confirment ce qu’elle allègue dans la plainte, à savoir que, à l’instigation du pouvoir politique de la province de Chubut, une campagne de harcèlement des dirigeants locaux de l’UOCRA, et tout particulièrement du secrétaire général de sa section de Puerto Madryn, a été planifiée et mise en œuvre à la demande de la principale autorité de la province, c’est-à-dire le gouverneur.
- 200. L’UOCRA indique que ce qui, dans sa première communication, se limitait à quelques faits s’est poursuivi après la première plainte. Il faut donc que le Directeur général intervienne immédiatement et décide, après consultation comme il se doit du président du Comité de la liberté syndicale, d’envoyer de toute urgence une mission de contacts préliminaires. Cette procédure exceptionnelle est justifiée par la situation anormale qui existe dans la province de Chubut, où les ingérences du pouvoir politique dans l’activité syndicale se reproduisent et, plus grave encore, sont de plus en plus virulentes. L’UOCRA affirme que, le 11 novembre 2009, quelque 33 travailleurs sur 70 ont été licenciés. Exerçant des tâches propres à l’industrie de la construction, ils effectuaient pour l’entreprise Dycasa des travaux de réfection de la route provinciale no 2. Les travailleurs touchés par cette décision arbitraire et unilatérale de l’entreprise sont les suivants: Santiago Carrizo, Marco Ceballos, Mario Bisoso, Luca Paz Galván, Leandro Marfil, Luis Romero, Franco Secco, Orlando Tenorio, Milton Tolava, Darío Valenzuela, Omar Vallejo, Juan Vargas, Gabriel Villegas, Jorge Orrego, Nicanor Carlos, Catriel Pichun, Jorge Pérez, José Peredo, Jorge Franco, José Fuentes, Pablo Huenilian, Andrés Jofre, Rafael Loscar, Nelson Meruglia, César Olivares, Roberto Araya, Walter Busto, Fernández Díaz, Diego Sánchez, Pablo Rivero, Sergio Aciar, Iván Joi et Julio Arévalo.
- 201. L’UOCRA indique que, face à cette mesure unilatérale et arbitraire de l’entreprise, les travailleurs ont honoré le principe de solidarité et décidé de manifester à proximité du chantier avec leurs dirigeants, dont Mateo Suárez, secrétaire général de la section de Puerto Madryn de l’UOCRA. L’UOCRA affirme que cette action syndicale légitime des travailleurs, dans le seul souci de défendre des postes de travail en l’absence de réponse de l’entreprise et du gouvernement, a été l’objet d’une répression policière brutale et démesurée à la demande du pouvoir politique provincial. Ainsi, le droit des travailleurs de se rassembler et d’adresser des revendications aux autorités a été injustement bafoué par le pouvoir politique provincial, qui a demandé au chef de la police de la province de refouler et de disperser les manifestants, et d’en arrêter les dirigeants.
- 202. L’organisation plaignante indique que, dans ce contexte, le dirigeant syndical Mateo Suárez, qui était déjà victime d’actes de harcèlement de l’administration provinciale, actes qui étaient assortis de mesures judiciaires, a été arrêté, incarcéré et accusé de nombreux délits – entre autres, insubordination (article 239 du Code pénal), entrave à la circulation (article 194 du Code pénal) et incitation au délit (article 209 du Code pénal). Mateo Suárez n’est pas le seul à avoir été arrêté et la police a de nouveau mis en évidence son hostilité à l’encontre de l’organisation syndicale puisque dix autres dirigeants et syndicalistes ont été arrêtés. Ils ont été la cible aussi d’une opération de police démesurée à laquelle ont participé de nombreux agents et une force spéciale de répression, le Groupe spécial d’opérations policières (GEOP). Les personnes suivantes ont été détenues: 1) Mateo Suárez, secrétaire général de la section de Puerto Madryn de l’UOCRA; 2) Jonathan Suárez, militant et syndicaliste; 3) Benjamín Bustos, militant et syndicaliste; 4) Alejandro Jiménez, militant et syndicaliste; 5) Richard Villegas, secrétaire de réunion de la section de Puerto Madryn de l’UOCRA; 6) Eliseo Amaya, délégué de chantier de l’entreprise Dycasa; 7) Diego Paz, militant et syndicaliste; 8) Mario Bisoso, travailleur de l’entreprise Dycasa, licencié; 9) Félix Díaz, délégué de l’entreprise Dragados y Obras Portuarias S.A.; 10) Carlos Muñoz, travailleur de l’entreprise Dycasa; 11) Darío Valenzuela, travailleur de l’entreprise Dycasa, licencié; et 12) Jorge Franco, travailleur de l’entreprise Dycasa, licencié.
- 203. L’UOCRA ajoute que tous ces dirigeants, ainsi que des syndicalistes, militants et travailleurs, ont été rudoyés et frappés par le personnel de police. En raison de cette réaction d’une violence inusitée et de la légitimité des revendications, la Confédération générale du travail de la Vallée inférieure du Chubut, avec d’autres syndicats de branche importants, ont condamné vivement ces faits et demandé la libération des détenus devant le commissariat local, ce qu’ils ont obtenu.
- 204. L’organisation plaignante indique que, alors que ces faits se succédaient, le gouverneur de la province (qui est le chef de la police locale et qui la contrôle), loin de tenir compte des réclamations et de contribuer à les résoudre, a ordonné une répression brutale qu’il a tenté de justifier par des déclarations qui non seulement sont infondées mais qui, puisqu’elles se répètent, révèlent son animosité ouverte et manifeste à l’égard de l’UOCRA et de ses dirigeants. Cela, de même que les autres faits dénoncés dans cette plainte, met en évidence sa préférence franche et son favoritisme pour une autre entité syndicale. Le gouverneur, tandis que les faits mentionnés avaient lieu, a indiqué que Mateo Suárez n’était pas «un dirigeant syndical mais un délinquant» et a essayé de justifier son action démesurée et illégitime en affirmant ce qui suit: «Nous avions dit que nous ne permettrions en aucune façon qu’il coupe la route. Nous n’avons pas besoin pour cela de l’autorisation de la justice. Si une personne entrave la circulation, elle commet un délit et la police doit se rendre sur les lieux, non pas pour frapper mais pour éloigner cette personne. Et si cette personne résiste à l’autorité, à l’évidence il arrive ce qui est arrivé. Cette personne a résisté aux autorités, elle a enfreint la loi, elle est arrêtée. C’est le juge qui décidera maintenant et qui, sûrement, le remettra en liberté.» (voir le journal Diario El Chubut du 13 novembre 2009)
- 205. L’UOCRA ajoute que, après les arrestations susmentionnées, M. Miguens, secrétaire général de la section de Trelew, a été enlevé sur la voie publique par des inconnus. Armés, menaçant de mort sa famille, ils l’ont obligé à formuler à la radio des déclarations contre M. Suárez. Dès qu’il a été libéré, M. Miguens est revenu immédiatement sur ses déclarations. Il a dit la vérité tant à la police qu’à l’autorité judiciaire et a rendu responsable le pouvoir politique des actes dont il avait été victime.
- 206. Enfin, l’UOCRA indique que le pouvoir politique a tenté d’ajouter au chaos et à la confusion en contribuant à ce que des groupes étrangers à l’UOCRA menacent avec des armes de fort calibre l’intégrité physique des dirigeants, travailleurs et syndicalistes de l’UOCRA. Ainsi, le 18 novembre 2009, le siège de Puerto Madryn de l’UOCRA a été attaqué et, plus tard le même jour, des partisans du gouverneur appelés «Los Dragones» ont tiré sur le siège à Comodoro Rivadavia de l’UOCRA. Ces faits sont liés entre eux et ont une portée institutionnelle, ce qui justifie de penser qu’est en jeu l’existence de l’organisation syndicale dans le cadre géographique de la province de Chubut. Par conséquent, il convient de considérer que la situation est grave et urgente.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 207. Dans sa communication du 27 mai 2010, le gouvernement estime que, à l’évidence, ce cas comporte notamment des aspects pratiques, sociaux et du travail. Il s’agit d’un problème qui, en raison de la nature du différend, a eu des conséquences tant au niveau fédéral que provincial, et qui est lié à l’autonomie des provinces et aux relations qui existent entre les autorités nationales et provinciales, en particulier dans ce cas avec le pouvoir exécutif.
- 208. Pour ce qui est de la province de Chubut, cette affaire a été portée à la connaissance de la province mais il n’a pas encore été obtenu de réponse ni à ce sujet ni en ce qui concerne les différentes injonctions judiciaires qui en découlent et auxquelles les autorités provinciales, qui jouissent de l’autonomie fédérale, doivent donner suite. Par conséquent, la réponse du gouvernement se fonde sur les actes des procédures qui sont menées au niveau national et qui seront complétées lorsque la province aura fourni les informations à ce sujet.
- 209. En ce qui concerne l’action du ministère du Travail de la Nation, en fait, l’intervention de l’autorité administrative du travail a été demandée par le gouverneur de la province étant donné l’impossibilité politique de maîtriser la situation. Néanmoins, par ailleurs, il convient de souligner que le ministère public de la province, dans le cadre de l’action en justice que l’UOCRA a intentée pour le délit d’usurpation («Muñoz Sergio Javier, plainte pour usurpation», cas no 20571), avait demandé au chef de l’antenne régionale de Comodoro Rivadavia du ministère du Travail de la Nation si l’intervention de ce dernier était nécessaire et, dans le cas où il serait intervenu, d’indiquer quelle avait été la participation de l’organisme administratif national et si des progrès avaient été enregistrés.
- 210. Comme il convient, cette antenne régionale, dans une note du 18 mars 2009, a indiqué que le ministère du Travail de la Nation ne pouvait pas intervenir en raison de la situation qui se présentait, puisqu’il était du ressort «exclusif» de l’UOCRA de prendre une décision à ce sujet. L’attitude du ministère est tout à fait conforme aux dispositions de la convention no 87 de l’OIT. Néanmoins, vu cette situation complexe et très tendue, le gouverneur de la province de Chubut a demandé aux autorités nationales du travail d’intervenir, estimant que leur médiation pouvait permettre de maîtriser la situation. Les actes de violence, qui comportaient de nouveaux préjudices et dommages, et d’éventuels périls pour les personnes, ont fait que, dans une véritable situation de nécessité, l’administration nationale du travail a commencé à agir officieusement et proposé aux travailleurs qui avaient occupé le siège du syndicat un cadre de négociation – ses résultats sont exposés dans la note adressée en réponse à la demande du ministère public. L’action du ministère est donc fondée sur le plan international.
- 211. Il convient de souligner qu’à aucun moment l’action du gouvernement national n’a porté atteinte à la liberté syndicale du plaignant puisque l’UOCRA n’était plus en mesure de récupérer son local syndical, occupé par des personnes que l’entité syndicale elle-même avait qualifiées alors d’«étrangères au syndicat». C’est dans cette situation de «nécessité» qu’ont eu lieu les événements qui placent le ministère du Travail de la Nation dans un rôle de médiateur afin qu’il contribue à résoudre une situation dont le contenu, la nature et la portée lui étaient étrangers. Il lui a été imposé dans l’urgence un rôle de facilitateur du dialogue social, ce qui est loin d’être contraire à la liberté syndicale. Selon le gouvernement, une action a été lancée en faveur de la liberté syndicale, afin de défendre les biens du plaignant et d’aider à trouver une solution maîtrisée et pacifique à une situation politiquement très tendue. Le gouvernement affirme que l’action du ministère se fonde aussi sur la plus haute doctrine internationale. En effet, la résolution de 1970 concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles souligne qu’il incombe aux Etats de veiller à la sûreté de la personne et à la protection des biens des syndicats.
- 212. Le gouvernement indique que le différend a dépassé son cadre initial et s’est étendu aux entreprises, ce qui a compliqué d’autant la situation. C’est ce qui ressort de plusieurs actes de procédure qui rendent compte de cette situation. Ces actes indiquent qu’ont participé à l’action qui a abouti à la remise des clés du local syndical et à la libération de l’immeuble qui avait été occupé, le délégué de la région australe du ministère du Travail de la Nation, le délégué régional national et le secrétaire au travail de la province, ainsi que plusieurs entreprises, ce qui montre que le différend s’était étendu.
- 213. C’est pourquoi l’administration fédérale, étant donné que le différend avait dépassé son cadre initial, s’est appuyée sur la loi no 14786, article 2, pour demander une conciliation obligatoire. Cette loi dispose ce qui suit: «Dans le cas d’un différend auquel les parties ne trouvent pas de solution, l’une ou l’autre partie devra, avant de recourir à des mesures d’action directe, le porter à la connaissance de l’autorité administrative afin de procéder à la conciliation obligatoire. Le ministère pourra aussi intervenir d’office s’il estime que la nature du différend le justifie…» Le gouvernement précise que, pendant cette période, le ministère du Travail de la Nation – qui a agi dans l’urgence et en se fondant sur les normes internationales qu’il a indiquées à cette occasion – a satisfait aux exigences prévues par la loi. Il a procédé à un inventaire du patrimoine de l’institution et déposé les clefs, dans un délai de 24 heures après que les occupants les lui ont remises, au tribunal civil et commercial de droit commun de première instance no 1 de la circonscription judiciaire de Comodoro Rivadavia – secrétariat no 2.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 214. Le comité note que, dans le présent cas, l’organisation plaignante affirme que, alors que les autorités de la province de Chubut ont cherché à discréditer l’UOCRA et ont favorisé la création à l’échelle locale d’une nouvelle organisation syndicale, les faits suivants ont été commis au détriment de l’organisation plaignante et de ses affiliés: 1) le 12 mars 2009, un groupe armé a occupé par la violence pendant plus de 30 jours le siège de l’organisation plaignante dans la ville de Comodoro Rivadavia; des biens meubles et des ordinateurs ont été détruits et des documents et des objets de valeur ont été soustraits (selon l’UOCRA, l’immeuble a été évacué à la suite d’une action en amparo, les clefs du local ont été remises à l’autorité administrative du travail et il a fallu recourir à la justice pour demander la restitution de ces clés ); 2) le 10 juin 2009, le domicile de Ricardo Luis Cheuquepal, délégué de l’UOCRA à Comodoro Rivadavia, a fait l’objet d’une attaque à main armée; 3) à la demande du pouvoir politique provincial, une procédure pénale qui était close a été rouverte contre des membres de la section de Puerto Madryn de l’UOCRA; 4) dans ce cadre de discrédit et de criminalisation de l’UOCRA dans le but de favoriser une nouvelle entité syndicale, avec l’assentiment du pouvoir politique de la province, plusieurs entreprises ont commencé à faire l’objet de pratiques violentes de la part de cette entité, et des personnes armées ont commis aussi des actes de violence à l’encontre de la municipalité de la ville de Comodoro Rivadavia; 5) un fonctionnaire du gouvernement de la province de Chubut a utilisé des médias électroniques pour formuler des appréciations et des avis injurieux sur les membres de l’UOCRA et de ses comités directeurs; 6) des travailleurs affiliés à l’UOCRA, accompagnés de dirigeants syndicaux dont Mateo Suárez, secrétaire général de la section de Puerto Madryn, ont manifesté pour protester contre le licenciement de plus de 30 travailleurs; ils ont fait l’objet d’une répression violente de la police provinciale et 12 d’entre eux (dont Mateo Suárez) ont été arrêtés temporairement; 7) le secrétaire général de la section de la ville de Trelew de l’UOCRA a été enlevé et, parce qu’on menaçait de mort sa famille, il a été obligé de formuler des déclarations à la radio contre M. Suárez; 8) le 18 novembre 2009, des groupes armés appelés «Los Dragones» ont attaqué le siège de l’UOCRA dans les villes de Puerto Madryn et de Comodoro Rivadavia.
- 215. En ce qui concerne la prétendue occupation violente par un groupe armé du siège de l’UOCRA le 12 mars 2009 dans la ville de Comodoro Rivadavia pendant plus de 30 jours, la destruction de biens meubles et d’ordinateurs et la soustraction de documents et d’objets de valeur, le comité prend note des indications du gouvernement: 1) ce cas comporte des aspects pratiques, sociaux et du travail; il s’agit d’un problème qui, en raison de la nature du différend, a eu des conséquences aux niveaux fédéral et provincial, et qui est lié à l’autonomie des provinces et aux relations qui existent entre les autorités nationales et provinciales; 2) la plainte a été portée à la connaissance de la province de Chubut mais il n’a pas été encore obtenu de réponse, si bien que la réponse du gouvernement se fonde sur les actes des procédures qui sont en cours à l’échelle nationale; 3) vu la situation complexe et très tendue, les autorités de la province de Chubut ont demandé l’intervention du ministère du Travail de la Nation, estimant que sa médiation pouvait permettre de maîtriser la situation; 4) ces actes de violence ont fait que, dans une situation de nécessité, l’administration nationale du travail a commencé à agir officieusement et a proposé aux travailleurs qui avaient occupé le siège du syndicat un cadre de négociation; 5) l’action du gouvernement national n’a pas porté atteinte à la liberté syndicale du plaignant puisque l’UOCRA n’était plus en mesure de récupérer son local syndical, lequel était occupé par des personnes étrangères à l’UOCRA; 6) le ministère du Travail de la Nation, dans son rôle de facilitateur du dialogue social, a mené une action en faveur de la liberté syndicale pour défendre les biens de l’UOCRA et contribuer à une solution maîtrisée et pacifique; 7) le différend a dépassé son cadre initial et s’est étendu aux entreprises et, selon le procès-verbal dressé par la délégation régionale du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale que le gouvernement communique avec sa réponse, les travailleurs qui avaient occupé le siège de l’UOCRA ont remis les clés du local au représentant du ministère du Travail de la Nation; 8) le différend s’étant étendu, l’administration fédérale a demandé une conciliation obligatoire; et 9) entre-temps, le ministère du Travail, satisfaisant aux exigences prévues par la loi, a procédé à un inventaire du patrimoine de l’organisation syndicale et déposé les clefs au tribunal civil et commercial de droit commun de première instance no 1 de la circonscription judiciaire de Comodoro Rivadavia.
- 216. A ce sujet, le comité attend la réponse des autorités de la province de Chubut à propos de ces allégations. Toutefois, tenant compte de la date de la présentation de la plainte, le comité souligne que «l’inviolabilité des locaux et biens syndicaux constitue l’une des libertés civiles essentielles pour l’exercice des droits syndicaux» et rappelle que, examinant des allégations d’assauts menés contre des locaux syndicaux, il a indiqué que «de tels agissements créent un climat de crainte parmi les syndicalistes fort préjudiciable à l’exercice des activités syndicales et que les autorités, lorsqu’elles sont informées de tels faits, devraient sans tarder faire procéder à une enquête pour déterminer les responsabilités afin que les coupables soient sanctionnés». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 178 et 184.] Dans ces conditions, le comité, constatant qu’aucune autorité judiciaire n’a ordonné l’expulsion de l’UOCRA de son local syndical dans la ville de Comodoro Rivadavia, attend de l’autorité judiciaire qui a reçu du ministère du Travail de la Nation les clés du siège syndical qu’elle les remette à l’UOCRA, et s’attend à ce que cette organisation puisse immédiatement disposer de son siège syndical dans la ville de Comodoro Rivadavia. Le comité demande au gouvernement de l’informer à ce sujet. Il le prie également instamment de prendre les mesures nécessaires pour que soit menée une enquête approfondie sur la destruction ou l’appropriation alléguées de biens et d’objets de valeur de l’UOCRA pendant l’occupation de son siège, et de l’informer à ce sujet.
- 217. Par ailleurs, le comité note avec préoccupation la gravité des autres allégations présentées dans le présent cas (répression violente de manifestants, détention temporaire de dirigeants syndicaux et de manifestants, attaque à main armée du domicile d’un dirigeant syndical et d’un siège de l’UOCRA, enlèvement temporaire à des fins d’intimidation d’un dirigeant syndical et ingérence des autorités provinciales dans la constitution d’une organisation, etc.). Le comité prend note des indications suivantes du gouvernement: ce cas comporte notamment des aspects pratiques, sociaux et du travail et il s’agit d’un problème qui, en raison de la nature du différend, a eu des conséquences tant au niveau fédéral que provincial, et qui est lié à l’autonomie des provinces et aux relations qui existent entre les autorités nationales et provinciales. La plainte a été portée à la connaissance de la province de Chubut mais il n’a pas été encore obtenu de réponse, si bien que la réponse du gouvernement se fonde sur les actes des procédures qui sont en cours à l’échelle nationale. A ce sujet, le comité comprend qu’il est difficile d’adresser une réponse complète puisque plusieurs juridictions (à l’échelle provinciale et nationale) interviennent dans le présent cas, mais il déplore que, malgré le temps passé et la gravité des allégations, le gouvernement n’ait répondu qu’à propos d’une seule des allégations présentées. Dans ces conditions, le comité regrette profondément le climat de violence qui ressort des faits allégués et demande instamment au gouvernement de prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires pour que soient menées des enquêtes sur l’ensemble de ces faits, et d’adresser ses observations et celles des autorités de la province de Chubut à cet égard.
- 218. Enfin, le comité note que l’organisation plaignante a demandé, dès le moment où elle a présenté sa plainte, que soit réalisée une mission de contacts préliminaires pour faire savoir aux autorités compétentes la préoccupation que suscitent les faits mentionnés dans la plainte et pour expliquer aux autorités les principes de la liberté syndicale concernés. En même temps, étant donné la gravité des allégations, l’organisation plaignante a demandé que le nécessaire soit fait pour que le gouvernement accepte une mission de contacts directs qui devrait concentrer ses efforts de coopération sur la situation de la liberté syndicale dans la province de Chubut. Le comité demande au gouvernement d’adresser ses commentaires à ce sujet.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 219. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité note avec préoccupation la gravité des allégations présentées dans le présent cas (répression violente de manifestants, détention temporaire de dirigeants syndicaux et de manifestants, attaque à main armée du domicile d’un dirigeant syndical et d’un siège de l’UOCRA, enlèvement temporaire à des fins d’intimidation d’un dirigeant syndical et ingérence des autorités provinciales dans la constitution d’une organisation, etc.). Le comité regrette profondément le climat de violence qui ressort des faits allégués et demande instamment au gouvernement de prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires pour que soient menées des enquêtes sur l’ensemble de ces faits, et d’adresser ses observations et celles des autorités de la province de Chubut à cet égard.
- b) Le comité s’attend à ce que l’UOCRA puisse immédiatement disposer de son siège syndical dans la ville de Comodoro Rivadavia. Le comité demande au gouvernement de l’informer à ce sujet. Il le prie également instamment de prendre les mesures nécessaires pour que soit menée une enquête approfondie sur la destruction ou l’appropriation alléguées de biens et d’objets de valeur de l’UOCRA pendant l’occupation de son siège, et de l’informer à ce sujet. Le comité attend la réponse des autorités de la province de Chubut à propos de ces allégations.
- c) Le comité demande au gouvernement d’adresser ses commentaires au sujet d’une éventuelle mission de contacts directs qui devrait concentrer ses efforts de coopération sur la situation de la liberté syndicale dans la province de Chubut.
- d) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.