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- 866. La plainte figure dans une communication du 1er mars 2004 de L’Organisation de l’unité syndicale africaine (OATUU) et dans une communication de la Union Network International (UNI) du 1er avril 2004. La Confédération internationale des syndicats libres (CISL) a formulé des allégations relatives à la même question dans une communication du 9 juillet 2004.
- 867. Le gouvernement a transmis ses observations dans une communication du 14 mai 2004 et une autre du 19 novembre 2004.
- 868. Le Zimbabwe a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants - 869. Dans sa communication du 1er mars 2004, l’OATUU déclare que M. Lovemore Matombo, président du Congrès des syndicats du Zimbabwe (ZCTU), a été licencié de son travail le 23 janvier 2004 par la direction de la poste du Zimbabwe (Zimpost). L’organisation plaignante déclare que, avant son licenciement, M. Matombo avait été suspendu de ses fonctions le 13 janvier 2004 pour avoir perturbé la réunion du conseil d’administration de Zimpost le 11 décembre 2003. L’organisation plaignante note que, selon Zimpost, M. Matombo était absent du travail du 5 au 12 janvier 2004 sans avoir officiellement demandé congé alors qu’en réalité, pendant cette période, il dirigeait la délégation du ZCTU au 8e Congrès de l’OATUU à Khartoum, au Soudan.
- 870. L’OATUU considère le licenciement de M. Matombo comme irrégulier et comme une violation flagrante de la convention no 98. L’organisation déclare avoir envoyé une lettre le 26 janvier 2004 au ministère des Services publics, du Travail et des Affaires sociales demandant la réintégration de M. Matombo à son poste, mais elle n’a reçu ni réponse, ni accusé de réception. L’organisation joint cette lettre à sa communication ainsi qu’un courriel du 24 janvier 2004 provenant du ZCTU signalant le congédiement de M. Matombo.
- 871. La communication de l’UNI du 1er avril 2004 reprend essentiellement les mêmes allégations que l’OATUU relatives au congédiement de M. Matombo. L’UNI y explique également que M. Matombo était président du Syndicat des travailleurs de la communication et des services connexes (CASWUZ), syndicat qui lui est affilié. Quant à la présence de M. Matombo au Congrès de l’OATUU, l’UNI déclare avoir été informée que, contrairement aux allégations de Zimpost, M. Matombo avait «suivi scrupuleusement la procédure exigée, c’est-à-dire qu’il avait demandé un congé spécial en joignant à sa demande l’invitation de l’organisation hôte (l’OATUU)».
- 872. L’organisation déclare également que trois autres dirigeants du CASWUZ (M. C. Nkala, vice président, M. C. M. Chizura, adjoint au secrétaire général, et M. D. C. Munandi, trésorier) ont été suspendus pour une durée indéterminée par la direction de Zimpost le 12 janvier 2004 pour avoir perturbé la réunion du conseil d’administration de la société, le 11 décembre 2003. L’UNI déclare que les dirigeants du syndicat avaient été à la réunion du conseil d’administration pour réclamer les salaires des employés qui n’avaient pas été payés depuis quarante et un jours. Avant cette intervention, ils avaient également essayé, sans succès, de rencontrer les membres de la direction pour discuter du même sujet. Le versement des salaires avait été retardé par la direction qui avait décidé de déduire 17 jours de congé des salaires des employés, en guise de sanction contre ceux qui avaient participé à la grève lancée par le CASWUZ (entre le 17 novembre et le 4 décembre) pour revendiquer un ajustement des salaires au coût de la vie. L’UNI déclare que, grâce aux «négociations» pendant la réunion du conseil, la direction avait accepté de payer les salaires le 12 décembre 2003, soit le lendemain. Il a également été noté qu’«à aucun moment, ni pendant la réunion ni durant les jours qui ont suivi, le conseil d’administration n’avait qualifié le comportement du syndicat d’incorrect ou d’irrespectueux».
- 873. Dans une communication du 9 juillet 2004, la CISL a également abordé la question du congédiement de M. Matombo. La CISL considérait que M. Matombo avait été renvoyé de Zimpost à cause de ses activités syndicales.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement - 874. Dans une communication du 14 mai 2004, le gouvernement décrit de la façon suivante les faits concernant les circonstances du licenciement de M. Matombo. L’OATUU avait invité le ZCTU à son 8e Congrès ordinaire, qui avait lieu à Khartoum entre le 5 et le 12 janvier 2004, et M. Matombo avait été nommé par le ZCTU membre de sa délégation au congrès. Le gouvernement affirme que M. Matombo n’a pas rempli le formulaire de demande de congé requis mais qu’il a demandé à M. Chimanikire, le secrétaire général du CASWUZ, de faire une demande de congé spécial en son nom bien après être parti pour le congrès. La direction de Zimpost affirme ne pas avoir reçu de demande de congé au nom de M. Matombo.
- 875. A son retour au Zimbabwe, M. Matombo a été accusé d’inconduite, selon le code de conduite de la société. Il a ensuite comparu devant un comité de conseil de discipline constitué officiellement et visant à faire appliquer le code de conduite des employés des postes et des télécommunications. Le gouvernement considérait approprié d’inclure dans le comité de discipline deux représentants syndicaux et deux représentants de la direction, y compris des membres du syndicat dirigé par M. Matombo. Ce dernier a été jugé coupable par le comité de discipline et, par conséquent, congédié. Il a ensuite fait appel selon les procédures disciplinaires prévues par le code de conduite. Etant donné que le comité d’appel n’était pas parvenu à une décision dans un délai de trente jours, il a transféré le dossier au ministère des Services publics, du Travail et des Affaires sociales, selon les dispositions prévues à l’article 101(6) de la Loi sur les relations de travail, chapitre 28:01. Le gouvernement a affirmé que «le dossier, comme tous les différends en matière de relations de travail, sera traité par un membre du ministère du Travail compétent, conformément aux dispositions de la Loi sur les relations de travail, chapitre 28:01».
- 876. Le gouvernement insiste sur le fait que son rôle et celui du ministère étaient de veiller à ce que justice soit faite, sur le fond et dans la forme, et se bornaient à constater l’application de la procédure en vigueur. Le gouvernement considère M. Matombo d’abord et avant tout comme un employé de Zimpost.
- 877. Dans une communication du 19 novembre 2004, le gouvernement a présenté des informations supplémentaires sur les allégations relatives à la suspension de MM. C. Nkala, C. Chizura et D. C. Munandi par Zimpost. Selon les informations obtenues, les employés en question avaient été suspendus, conformément aux dispositions du code de conduite des postes et des télécommunications, pour avoir perturbé une réunion du conseil d’administration.
- 878. Le comité de discipline de Zimpost n’étant pas parvenu à une décision dans un délai de trente jours, il a transféré le dossier au ministère le 15 avril 2004, conformément aux dispositions de l’article 101(6) de la Loi sur les relations de travail, chapitre 28:01. Après de nombreuses tentatives infructueuses de conciliation, le fonctionnaire responsable du dossier a délivré un «certificat de non-règlement» le 17 août 2004 et l’a renvoyé à l’arbitrage, conformément à la procédure de règlement de différends prévue dans la loi. Le gouvernement précise que les parties ont été citées à comparaître devant l’arbitre dans le cadre d’une audience d’arbitrage le 15 décembre 2004.
- 879. Le gouvernement souligne que les différends de travail qui ont lieu chez Zimpost sont régis, comme pour toutes les autres sociétés privées du Zimbabwe, par la Loi sur les relations de travail, chapitre 28:01, qui a été, dans cette affaire, appliquée sans discrimination par le ministère. Par conséquent, le gouvernement ne pouvait que laisser les mécanismes légaux établis suivre leur cours. Le gouvernement indique que le ministère était «prêt à informer les dirigeants des syndicats concernés des dispositions de la Loi sur les relations de travail, notamment celles du chapitre 28:01 qui protège les droits des travailleurs, et des recours dans le cas d’une violation».
- 880. Quant aux allégations de la CISL relatives au licenciement de M. Matombo, le gouvernement renvoie à sa communication du 14 mai 2004.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité - 881. Le comité note que cette plainte est liée à des allégations de discrimination antisyndicale relatives à deux dossiers connexes. Le premier concerne le licenciement de M. Matombo, président du ZCTU et du CASWUZ, à la suite d’une décision indiquant qu’il avait été absent du travail sans consentement de son employeur. Le deuxième concerne la suspension de trois dirigeants syndicaux pour avoir perturbé une réunion du conseil d’administration de la société.
- 882. En ce qui concerne le congédiement de M. Matombo, président du ZCTU et du CASWUZ, le comité souligne que M. Matombo a été suspendu de ses fonctions le 13 janvier 2004, tout comme MM. Nkala, Chizura et Munandi qui, semble-t-il, sont encore suspendus pour une durée indéterminée. M. Matombo a été congédié de son travail pour des motifs apparemment différents, et il semble que sa suspension se soit maintenant muée en licenciement.
- 883. Le comité note que tant l’organisation plaignante que le gouvernement ont donné comme motif du congédiement de M. Matombo par Zimpost son absence non autorisée du travail du 5 au 12 janvier 2004, période pendant laquelle il menait la délégation du Zimbabwe au 8e Congrès de l’OATUU à Khartoum. Le comité souligne que, selon les organisations plaignantes, la raison donnée par le gouvernement est fausse: l’UNI a notamment déclaré que M. Matombo avait suivi scrupuleusement la procédure de demande de congé spécial en joignant à sa demande la lettre d’invitation de l’organisation hôte.
- 884. Le comité note que, selon le gouvernement, M. Matombo n’a pas suivi la procédure de demande de congé adéquate mais il avait demandé au secrétaire général du CASWUZ de faire la demande en son nom bien après être parti pour le congrès; la direction de Zimpost maintient ne pas avoir reçu de demande de congé de la part de M. Matombo. Le gouvernement déclare que M. Matombo a été trouvé coupable d’inconduite par le comité de discipline constitué selon les règlements et a donc été congédié. M. Matombo s’est pourvu devant le comité d’appel mais, ce dernier n’étant pas parvenu à une décision dans un délai de trente jours, le dossier a été transféré au ministère des Services publics, du Travail et des Affaires sociales, conformément aux dispositions de la Loi sur les relations de travail. Le gouvernement indique que le dossier sera traité, comme tout autre différend de ce type, par un fonctionnaire spécialisé dans les relations de travail.
- 885. Le comité rappelle que la participation de syndicalistes à des réunions syndicales internationales est un droit syndical fondamental. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition (révisée), 1996, paragr. 151.] La protection adéquate des travailleurs contre tous les actes de discrimination antisyndicale en matière d’emploi comme le licenciement, la rétrogradation, le transfert ou d’autres mesures préjudiciables constitue un autre droit fondamental de la liberté syndicale. Cette protection est particulièrement souhaitable dans le cas des délégués syndicaux. En effet, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu'ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu'ils détiennent. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 724.] De plus, le comité rappelle que le gouvernement a la responsabilité de prévenir tous actes de discrimination antisyndicale et doit veiller à ce que les plaintes pour des pratiques discriminatoires de cette nature soient examinées dans le cadre d'une procédure qui doit être prompte, impartiale et considérée comme telle par les parties intéressées. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 738.] Finalement, le comité rappelle que le congédiement de syndicalistes pour absence du travail sans le consentement de l'employeur, afin de participer par exemple ? un cours d'éducation ouvrière, ne semble pas constituer en soi une violation de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 728.]
- 886. Le comité note qu’il existe, dans cette affaire, une contradiction claire entre les affirmations des organisations plaignantes et celles du gouvernement, ainsi qu’une absence de preuves écrites. Dans ces circonstances, le comité ne peut parvenir à une conclusion finale quant à la véracité des allégations, et demande donc au plaignant de fournir des renseignements additionnels. Le comité doit néanmoins exprimer sa préoccupation quant au congédiement de M. Matombo et à sa suspension de durée indéterminée ainsi que celle d’autres dirigeants de CASWUZ peu de temps après une grève lancée par ledit syndicat. En effet, la succession de ces faits suggère l’existence d’un lien entre ces événements et la nature éventuellement antisyndicale des actions de Zimpost. En raison de ces préoccupations, le comité demande au gouvernement de mener une enquête indépendante, qui soit considérée comme telle par les parties, pour examiner promptement et minutieusement les allégations de discrimination antisyndicale concernant M. Matombo et pour veiller à l’adoption de mesures adaptées aux conclusions qui auront été tirées. S’il s’avère que M. Matombo a rempli les conditions nécessaires à l’obtention d’un congé pour activités syndicales, le comité s’attend à ce qu’il soit réintégré à son poste sans perte de salaire. Le comité demande au gouvernement de l’informer de toute évolution concernant cette question.
- 887. En ce qui concerne le deuxième dossier, le comité note que, le 13 janvier 2004, trois dirigeants du CASWUZ ont été suspendus pour une durée indéterminée de leurs fonctions chez Zimpost pour avoir, selon la direction, perturbé une réunion du conseil d’administration de la société le 11 décembre 2003. Le comité note que les organisations plaignantes prétendent que MM. Nkala, Chizura et Munandi, tous les trois dirigeants du CASWUZ, s’étaient présentés à la réunion du conseil d’administration pour réclamer les salaires des employés qui n’avaient pas été payés depuis quarante et un jours, que ce retard de paiement a suivi une grève lancée par le CASWUZ pendant les mois de novembre et décembre 2003 et que, avant cette intervention, les trois dirigeants avaient tenté, sans succès, de rencontrer la direction pour discuter de cette question. Les organisations plaignantes prétendent que, pendant la réunion du conseil d’administration, les trois syndicalistes avaient obtenu l’accord de la direction concernant le paiement des arriérés de salaires aux travailleurs et qu’à aucun moment, que ce soit pendant la réunion ou dans les jours qui ont suivi, il n’a été dit que les trois dirigeants avaient agi d’une façon irrespectueuse.
- 888. Le comité rappelle que, selon le gouvernement, MM. Nkala, Chizura et Munandi avaient été suspendus pour avoir perturbé la réunion du conseil d’administration, conformément aux dispositions du code de conduite. Il semble que la procédure adéquate a été suivie: l’affaire a été examinée par un comité de discipline de Zimpost qui, n’étant pas parvenu à une conclusion dans le délai fixé de trente jours, a transféré le dossier au ministre le 15 avril 2004, conformément aux dispositions de la Loi sur les relations de travail. Après plusieurs tentatives de conciliation infructueuses, le fonctionnaire spécialisé dans les relations de travail a délivré un certificat de non-règlement le 17 août. L’affaire a finalement été renvoyée à un comité d’arbitrage conformément à la procédure légale et les parties ont été citées à comparaître le 15 décembre 2004.
- 889. A ce sujet, le comité rappelle les commentaires formulés ci-dessus concernant le caractère essentiel de la protection contre la discrimination antisyndicale, notamment dans le cas des délégués syndicaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 738.] De plus, le comité réitère ses préoccupations concernant les faits relatés par les organisations plaignantes qui semblent suggérer le caractère éventuellement antisyndical des actions de Zimpost. Le comité demande au gouvernement de mener une enquête indépendante, qui soit considérée comme telle par les parties, visant à examiner minutieusement et promptement les allégations de discrimination antisyndicale relatives à la suspension d’une durée indéterminée de MM. Nkala, Chizura et Munandi, et à prendre les mesures adaptées aux conclusions qui auront été tirées. Si l’autorité compétente en vient à la conclusion qu’ils ont été suspendus de leurs fonctions pour des raisons antisyndicales, le comité s’attend à ce que ces trois employés soient réintégrés à leur poste ou à un poste équivalent, sans perte de salaire et avantages sociaux. Le comité demande à être informé de toute évolution dans ce dossier.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 890. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Etant donné la contradiction entre les déclarations des plaignants et du gouvernement, le comité demande aux plaignants de fournir des renseignements supplémentaires, y compris toute documentation écrite, en rapport avec le licenciement de M. Matombo.
- b) Le comité demande au gouvernement de mener une enquête indépendante, qui soit considérée comme telle par les parties, visant à examiner minutieusement et promptement les allégations de discrimination antisyndicale relatives au congédiement de M. Matombo et à la suspension d’une durée indéterminée de MM. Nkala, Chizura et Munandi, et à prendre les mesures adaptées aux conclusions qui auront été tirées. Plus particulièrement, s’il s’avère que M. Matombo a rempli les conditions nécessaires à l’obtention d’un congé pour activités syndicales, le comité s’attend à ce qu’il soit réintégré à son poste sans perte de salaire. De plus, si l’autorité compétente conclut que MM. Nkala, Chizura et Munandi ont été suspendus de leurs fonctions pour des raisons antisyndicales, le comité s’attend à ce que ces trois employés soient réintégrés à leur poste ou à un poste équivalent sans perte de salaire ni avantages sociaux. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de toute évolution dans ce dossier.