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- 363. La plainte faisant l’objet du présent cas figure dans des communications de l’Organisation démocratique syndicale des travailleurs africains (ODSTA) des 3 et 22 janvier 2001.
- 364. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications des 31 mai et 12 juillet 2001.
- 365. La Mauritanie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 366. Dans sa communication du 3 janvier 2001, l’ODSTA indique qu’à l’issue d’un congrès ordinaire constitutif, des pêcheurs artisanaux ont constitué une organisation syndicale, la Fédération nationale des travailleurs et professionnels de la pêche (FNTPP), affiliée à la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie (CLTM). Selon l’organisation plaignante, suite à cette initiative, les autorités administratives auraient entrepris une vaste campagne d’intimidation et de dissuasion visant à amener ces pêcheurs à se désaffilier de la CLTM. Le 20 mai 2000, le secrétaire général de la CLTM a adressé une lettre de protestation aux autorités, mais sans réaction positive de ces dernières. Au contraire, le directeur général du marché aux poissons de Nouakchott aurait pris la décision d’interdire toute activité syndicale à l’intérieur du marché.
- 367. Par ailleurs, l’organisation plaignante indique que, bien que les pêcheurs artisanaux ne soient pas considérés comme exerçant une activité libérale, ils se sont vu imposer, par la Fédération nationale de pêche, une taxe d’accès à la mer et une plaque de recensement. De plus, les pêcheurs affiliés à la CLTM sont exclus du droit au crédit maritime, de l’exonération du matériel et du gasoil ainsi que des subventions et aides des bailleurs de fonds accordés au secteur de la pêche artisanale. En outre, pour protester contre de telles mesures, les pêcheurs ont organisé une marche qui s’est soldée par l’arrestation de quatre dirigeants de la fédération, soit MM. Mohamed Nagem, Moctar Mohamed, Moctar Mohamed et Mbaye Ndiaye. Ces individus ont depuis été relâchés.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 368. Dans sa communication du 31 mai 2001, le gouvernement explique qu’aucune interdiction n’a été faite à des pêcheurs artisanaux de s’organiser librement ou de s’affilier à une organisation syndicale de leur choix. S’agissant de la situation au marché de poissons de Nouakchott, le directeur de ce marché a adressé un avis au public, et non pas à ses employés, concernant les activités syndicales. Le marché étant géré par une société et les pêcheurs n’étant que des usagers, si ceux-ci veulent se réunir, rien ne les en empêche, mais ils doivent le faire dans un local ou ailleurs en plein air pour éviter les encombrements à l’intérieur du marché. Le gouvernement indique que c’est dans ce sens qu’il fallait comprendre l’objet de l’avis au public du 7 juin 2000. D’ailleurs, suite à la polémique créée par cet avis, un nouvel avis au public, en date du 16 juillet 2000, est venu clarifier l’avis initial en précisant que «l’interdiction de toute activité syndicale signifie que les attroupements et autres réunions sur le milieu de travail ne sont pas autorisés pour une raison de sécurité et de gêne pour les visiteurs, mais qu’il reste entendu que les travailleurs de la société, au même titre que les autres travailleurs, sont libres d’exercer leurs activités syndicales dans la limite de ce qu’autorise la loi».
- 369. S’agissant des taxes imposées aux pêcheurs, le gouvernement précise que seuls les propriétaires d’embarcation se sont vu imposer des taxes patronales, et non pas les pêcheurs non propriétaires qui sont considérés comme des travailleurs. Dès lors, ces derniers ne peuvent prétendre accéder au crédit maritime et à l’exonération du matériel et du gasoil puisqu’ils ne sont pas propriétaires d’embarcation.
- 370. Enfin, le gouvernement indique qu’aucune marche n’est interdite en Mauritanie, à condition qu’elle fasse l’objet d’une autorisation de l’autorité compétente en application des lois en vigueur. A cet égard, le gouvernement déclare qu’il n’y a jamais eu de marche ou tentative de marche, même illégale, de la part des pêcheurs.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 371. Le comité note que ce cas concerne des allégations d’obstruction à l’exercice du droit syndical des pêcheurs et, notamment, au marché aux poissons de Nouakchott, ainsi que l’arrestation de syndicalistes suite à l’organisation d’une marche de protestation par les pêcheurs.
- 372. S’agissant des entraves au libre exercice du droit syndical des pêcheurs, le comité note que, selon l’organisation plaignante, suite à la création de la FNTPP, les autorités publiques auraient entrepris une vaste campagne d’intimidation et de dissuasion visant à amener ces pêcheurs à se désaffilier de la CLTM. L’organisation plaignante ne fournit toutefois aucun détail précis quant à ces actes. Pour ce qui est de la situation au marché de poissons de Nouakchott, le comité prend note des explications du gouvernement selon lesquelles l’avis au public du 7 juin 2000, clarifié par celui du 16 juillet 2000, n’interdit pas la libre affiliation syndicale ou l’exercice de toute activité syndicale aux pêcheurs mais précise que les attroupements et autres réunions sur le lieu de travail ne sont pas autorisés. A cet égard, le comité souhaite rappeler qu’en vertu des principes de la liberté syndicale tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, y compris sans discrimination tenant à l’occupation, devraient avoir le droit de constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier. Par ailleurs, s’il appartient aux syndicats de respecter les dispositions légales visant à assumer le maintien de l’ordre public, les autorités publiques n’en sont pas moins tenues de s’abstenir de toute intervention de nature à restreindre le droit des syndicats d’organiser librement la tenue et le déroulement de leurs réunions. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 144.]
- 373. S’agissant des allégations relatives à l’imposition aux propriétaires d’embarcation de taxe d’accès à la mer et de plaque de recensement, le comité observe qu’à la lumière des informations disponibles rien ne permet de conclure que ces taxes aient été imposées aux seuls membres de la FNTPP. Dès lors, il n’apparaît pas que cette question relève de l’exercice des droits syndicaux, et le comité considère que cet aspect du cas n’appelle pas d’examen plus approfondi.
- 374. S’agissant des allégations relatives à la marche de protestation des pêcheurs qui se serait soldée par l’arrestation de quatre dirigeants syndicaux, relâchés ultérieurement, le comité note que, selon le gouvernement, aucune marche organisée par les pêcheurs, fût-elle légale ou non, n’aurait eu lieu. Devant ces versions contradictoires, le comité estime opportun de rappeler certains principes. En premier lieu, le comité a toujours considéré que les travailleurs doivent pouvoir jouir du droit de manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels. De plus, le comité insiste sur le fait que les mesures privatives de liberté prises contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales, même s’il ne s’agit que de simples interpellations de courte durée, constituent un obstacle à l’exercice des droits syndicaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 77 et 132.] A cet égard, le comité demande au gouvernement de fournir des précisions concernant l’arrestation alléguée des quatre dirigeants syndicaux mentionnés par l’organisation plaignante. Dans le cas où le caractère antisyndical de ces arrestations était avéré, le comité demande au gouvernement de prendre des dispositions afin que des instructions appropriées soient données pour prévenir les risques que comportent, pour les activités syndicales, de telles arrestations. Il lui demande de le tenir informé à cet égard.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 375. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité rappelle que tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, y compris sans discrimination tenant à l’occupation, devraient avoir le droit de constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier, et que les autorités publiques doivent s’abstenir de toute intervention de nature à restreindre le droit des syndicats d’organiser librement leurs réunions.
- b) Rappelant que les travailleurs doivent pouvoir jouir du droit de manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels et que les mesures privatives de liberté, même de courte durée, prises contre des syndicalistes pour des motifs liés à leurs activités syndicales constituent un obstacle à l’exercice des droits syndicaux, le comité prie le gouvernement de fournir des précisions concernant l’arrestation alléguée des quatre dirigeants syndicaux mentionnés par l’organisation plaignante. Dans le cas où le caractère antisyndical de ces arrestations était avéré, le comité demande au gouvernement de prendre des dispositions afin que des instructions appropriées soient données pour prévenir les risques que comportent, pour les activités syndicales, de telles arrestations. Il lui demande de le tenir informé à cet égard.