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- 310. La plainte figure dans une communication du 21 avril 1999 de l'Organisation internationale des employeurs (OIE), agissant aussi au nom du Comité de coordination des associations agricoles, commerciales, industrielles et financières (CACIF). Le gouvernement a répondu dans des communication du 27 août 1999 et des 25 février et 4 mai 2000.
- 311. Le Guatemala a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants - 312. Dans sa communication du 21 avril 1999, le Comité de coordination des associations agricoles, commerciales, industrielles et financières (CACIF) et l'Organisation internationale des employeurs (OIE) attirent l'attention sur les événements ci-après décrits et, concrètement, sur le fait qu'en permettant que trois exploitations bananières soient envahies et saccagées - ce qui a entraîné d'énormes pertes d'emplois et d'argent - et en ignorant les ordres d'évacuation délivrés par les autorités judiciaires, le gouvernement du Guatemala a enfreint la convention no 87 de l'OIT.
- 313. Les plaignants expliquent qu'en février 1998 un groupe de personnes a envahi les exploitations bananières Mopá et Panorama, situées dans le département d'Izabal, dans le nord-est du pays. Les pertes s'élèvent à plusieurs millions, et des centaines de personnes ont été privées d'emploi. Ce groupe était constitué d'anciens travailleurs d'une entreprise de louage de services, conseillés et dirigés par le Syndicat des travailleurs des exploitations bananières d'Izabal (SITRABI) de la Société de développement bananier du Guatemala SA (BANDEGUA). Cette société est propriétaire de terres qu'elle loue à des producteurs indépendants (bananeraies Mopá et Panorama), qui lui vendent la production. Poussés par le SITRABI à commettre des actes délictueux, ces anciens employés, recourant à la force et à la contrainte, se sont emparés, avec un groupe d'habitants du village El Cedro, des véhicules et de toutes les installations des bananeraies Mopá et Panorama, causant des dommages importants à la propriété. L'opération était dirigée par le SITRABI, syndicat qui a fait pression sur l'entreprise BANDEGUA pour qu'elle annule les baux des exploitations occupées et les cède à leurs occupants; le SITRABI a déclaré qu'au cas où il ne serait pas accédé à sa demande l'occupation des lieux continuerait et une grève générale serait déclenchée jusqu'à ce que les exploitations soient remises aux occupants.
- 314. Les plaignants ajoutent qu'en outre, le 13 avril 1998, le même groupe de personnes a envahi la bananeraie Panchoy ou Paraíso. Leur ayant opposés une résistance, les travailleurs de cette exploitation ont été cernés de toutes parts et mis dans l'impossibilité d'en sortir. Les occupants n'ont alors cessé de les harceler, de les menacer, de jour comme de nuit, ainsi qu'il ressort du constat établi le 16 avril 1998 par l'inspecteur du travail Francisco Duarte Aldana:
- ... les employés déclarent qu'ils souhaitent figurer dans le présent constat comme représentants de l'ensemble de leurs collègues - au nombre de 85 - et affirment qu'ils ne sont, à ce jour, aucunement organisés et qu'un groupe de travailleurs extérieurs à l'exploitation les harcèle de jour comme de nuit, les retient prisonniers à l'intérieur des installations sans leur permettre de sortir. Ils sollicitent, par conséquent, la protection immédiate des autorités compétentes, administratives et judiciaires car ils craignent qu'un malheur n'arrive d'un moment à l'autre. Ils déclarent, par ailleurs, qu'ils manquent de nourriture, de médicaments et d'eau potable et demandent aux inspecteurs d'en informer immédiatement les autorités supérieures pour qu'elles fassent le nécessaire.
- Dans l'exploitation Panchoy, les occupants ont bloqué toutes les voies d'accès en dressant des barricades et des palissades, et c'est au moyen d'un hélicoptère que les propriétaires ont fourni aux travailleurs assiégés de l'eau potable, de la nourriture et des médicaments.
- 315. Les plaignants indiquent que les représentants des trois exploitations ont saisi les tribunaux pour obtenir l'évacuation des lieux et l'arrestation des responsables, à savoir les dirigeants du SITRABI. Dans tous les cas, les décisions judiciaires ont été favorables aux entreprises: la grève dans les exploitations Mopá et Panorama a été déclarée illégale et des ordres d'expulsion ont été délivrés. Toutefois, les autorités compétentes n'ont pas donné effet à ces décisions, si ce n'est que, le 25 mars 1998, elles ont dépêché 400 policiers chargés d'arrêter les responsables et de faire évacuer les exploitations Mopá et Panorama; cette tentative a échoué parce que la police n'était pas préparée à affronter une foule de plus de 3 000 personnes, mobilisée et entraînée par le SITRABI, et qu'elle n'a pas demandé les renforts nécessaires pour exécuter la décision judiciaire. Cette intervention a été l'unique tentative des autorités pour accomplir leur devoir.
- 316. Le manque à gagner subi par le Guatemala en conséquence de tout cela s'élève à des millions de dollars, des centaines de personnes ont été réduites au chômage et des droits ont été impunément violés, notamment le droit de propriété, la liberté de mouvement et la liberté du travail.
- 317. De l'avis des plaignants, le gouvernement n'a pas respecté son obligation constitutionnelle d'appliquer et de faire appliquer la loi; de fait, par volonté délibérée ou par négligence, il n'a pas donné suite aux décisions des tribunaux qui visaient à rétablir l'ordre juridique enfreint par les occupants, autrement dit à préserver l'état de droit.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement - 318. Dans ses communications du 27 août 1999 et des 25 février et 4 mai 2000, le gouvernement déclare que toutes les actions qui, selon la plainte, ont été commises contre les exploitations Mopá et Panorama l'auraient été par des travailleurs et des syndicalistes, et non par le gouvernement de la République. Il ressort de cette plainte qu'aucune limitation n'a été imposée à la liberté d'organisation, ni à la liberté syndicale ni à l'exercice des mandats syndicaux; il n'y a donc pas eu violation de la liberté syndicale. Le gouvernement précise en revanche, comme il est mentionné dans la plainte, que le chef de police à la tête de 400 agents a essayé de faire évacuer les exploitations, mais qu'il lui a fallu affronter 3 000 personnes et que le bon sens lui a conseillé d'éviter un bain de sang, lequel, s'il avait eu lieu, serait encore aujourd'hui considéré comme un acte de barbarie commis par le gouvernement. La doctrine recommande toujours d'éviter le pire et, s'il est vrai que l'évacuation n'a pu être obtenue, un massacre a été évité. Par conséquent, la logique et la raison indiquent que le commandant de police a agi correctement. Quoi qu'il en soit, cela n'a rien à voir avec la liberté syndicale.
- 319. Le gouvernement renvoie aux observations qu'il a communiquées à propos du cas no 1960 concernant des faits intervenus dans les exploitations bananières susmentionnées et qui mettaient en lumière les nombreuses mesures prises par le gouvernement pour essayer de mettre un terme au différend encore en cours dans ces exploitations. Le gouvernement déclare que ce différend a été résolu le 8 février 2000 par la signature d'une convention collective.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité - 320. Le comité observe que le présent cas se réfère aux allégations suivantes: 1) le gouvernement a permis que trois exploitations bananières soient envahies et saccagées par des travailleurs et d'autres personnes menées par le syndicat SITRABI; recourant à la force et à la contrainte, ceux-ci se sont emparés des véhicules et des installations de deux exploitations (Mopá et Panorama) et ont occupé l'exploitation Paraíso. Les travailleurs de ces exploitations, qui leur ont opposé une résistance, ont été harcelés et menacés puis, les voies d'accès ayant été bloquées, mis dans l'impossibilité de sortir, tout cela ayant provoqué de grands dommages à la propriété; 2) le gouvernement n'a pas donné suite aux ordres d'expulsion des occupants, sauf lors d'une unique tentative qui a échoué faute d'effectifs policiers suffisants, des renforts n'ayant pas été demandés; 3) en conséquence, des centaines de personnes ont été réduites au chômage, il y a eu atteinte au droit de propriété, à la liberté de mouvement et à la liberté du travail, et le pays a subi un manque à gagner s'élevant à des millions de dollars.
- 321. Le comité note que le présent cas est en relation avec le cas no 1960 (plainte de la Confédération internationale des syndicats libres) qui est aussi examiné dans le présent rapport (voir paragr. 214 à 247).
- 322. Dans le présent cas, le comité prend note des déclarations du gouvernement, à savoir en particulier: 1) les actes de violence, dont les exploitations Mopá et Panorama ont été le théâtre, ont été commis par des travailleurs et des syndicalistes et non par le gouvernement, et il n'y a pas eu violation de la liberté syndicale; 2) la police n'a pas fait évacuer les exploitations Mopá et Panorama afin d'éviter un massacre, compte tenu du fait qu'il y avait 3 000 personnes sur les lieux, face à 400 policiers environ.
- 323. Au vu du cas no 1960 et du présent cas, le comité déplore le climat général de violence que reflète ce conflit.
- 324. Le comité signale à l'attention du gouvernement que, conformément à l'article 8, paragraphe 1, de la convention no 87 "Dans l'exercice des droits qui leur sont reconnus par la présente convention, les travailleurs, les employeurs et leurs organisations respectives sont tenus, à l'instar des autres personnes ou collectivités organisées, de respecter la légalité." Dans ces conditions, le comité déplore profondément les actes commis par certains travailleurs, actes qualifiés par le plaignant d'actes attentatoires à la liberté des personnes, à la propriété et à la liberté du travail, ainsi que les menaces proférées et la contrainte exercée. Le comité rappelle que "les droits des organisations de travailleurs et d'employeurs ne peuvent s'exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l'encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe". (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 47.) Le comité considère que l'occupation de plantations par des travailleurs et d'autres personnes, surtout lorsque sont commis des actes de violence, est contraire à l'article 8 de la convention no 87.
- 325. Par conséquent, tout en prenant note des explications fournies par le gouvernement quant aux raisons pour lesquelles, dans un cas, il n'a pu obtenir l'évacuation des exploitations Mopá et Panorama, le comité demande au gouvernement d'exécuter à l'avenir les ordres d'expulsion délivrés par l'autorité judiciaire lorsque des actes délictueux sont commis dans les exploitations ou centres de travail en raison de conflits du travail.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 326. Vu les conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver la recommandation suivante:
- Tout en déplorant le climat général de violence que reflète ce conflit dans le secteur bananier et exprimant l'espoir que les accords intervenus mettront un terme à ce climat de violence, le comité demande au gouvernement d'exécuter à l'avenir les ordres d'expulsion délivrés par l'autorité judiciaire quand sont commis des actes délictueux dans des exploitations ou centres de travail en raison d'un conflit du travail.