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- 376. Le comité a examiné ce cas à ses sessions de mars 2000 et de mars 2001 et a présenté des rapports intérimaires au Conseil d’administration. [Voir 320e rapport, paragr. 723-734, et 324e rapport, paragr. 685-716, approuvés par le Conseil d’administration respectivement à ses 277e et 280e sessions (mars 2000 et mars 2001).]
- 377. A la demande du comité, le gouvernement a envoyé de nouvelles observations dans des communications des 31 mai et 26 octobre 2001 et l’organisation plaignante dans des communications du 1er juin 2001.
- 378. Le Mexique a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; en revanche, il n’a pas ratifié la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 379. Lors de son précédent examen du cas, le comité a formulé les conclusions et recommandations suivantes. [Voir 324e rapport, paragr. 710-715.]
- — Le comité avait noté que les questions soulevées par l’organisation d’enseignants plaignante avaient trait: 1) au refus d’enregistrement du SINTACONALEP depuis sa création le 2 février 1997, et 2) à des actes d’ingérence et de discrimination contre les membres de cette organisation de la part du Collège national d’éducation professionnelle technique (CONALEP).
- — Concernant le refus d’enregistrement du SINTACONALEP depuis sa création le 2 février 1997, le comité prend note que, selon le gouvernement, il apparaît des décisions relatives aux procédures engagées par le SINTACONALEP en vue de bénéficier de la protection de la justice fédérale amparo que l’autorité administrative a agi dans le cadre de la légalité en refusant d’enregistrer cette organisation. Le comité note à cet égard que, pour pouvoir être enregistré, un syndicat doit se composer d’au moins 20 travailleurs et que le SINTACONALEP n’a pas obtenu de la Direction générale du registre des associations la reconnaissance qu’au moins 20 de ses membres ont la qualité de travailleurs; de même, l’autorité du travail compétente a procédé à une inspection dans les divers centres et a pu constater qu’il n’y avait pas de relation de travail entre les membres du SINTACONALEP et du CONALEP, mais seulement une relation d’ordre civil basée sur la prestation de services professionnels. Le comité note que d’après les déclarations du gouvernement de tels contrats de prestations de services se justifient: 1) en raison du déséquilibre entre l’offre d’enseignement professionnel technique et les exigences locales dans les Etats; 2) parce que les industries fournissent au CONALEP, en fonction des besoins, des personnes très spécialisées qui travaillent dans le secteur de la production et dont les honoraires perçus pour leur activité d’enseignants ne sont normalement pas leur principale ou unique source de revenu; et 3) parce que le personnel est engagé pour un semestre, les groupes d’enseignants variant considérablement d’un semestre à un autre en fonction des besoins du marché du travail de chaque région, ce qui ne permet pas d’avoir des instructeurs permanents ou d’entreprise.
- — Le comité note que, selon le gouvernement, le CONALEP n’a jamais empêché les membres de son personnel de constituer des associations de leur choix afin de pouvoir conclure des conventions collectives, comme le démontre le fait que ces travailleurs ont un syndicat (SUTSEN) qui a signé une convention collective, ainsi qu’une association civile composée d’enseignants de l’établissement. Selon le gouvernement, par ailleurs, rien n’empêche les membres du SINTACONALEP de constituer une association civile pour défendre et promouvoir légalement et efficacement les intérêts de ses membres.
- — Le comité estime que pour lui permettre de formuler des conclusions définitives au sujet de l’allégation de refus de l’enregistrement syndical du SINTACONALEP le gouvernement et le plaignant doivent lui faire savoir si, dans le cadre des dispositions dont dépend une association civile, les affiliés du SINTACONALEP peuvent conclure des conventions collectives avec le CONALEP, faire grève ou engager d’autres actions revendicatives et s’ils bénéficient de la protection de la justice contre des actes leur portant préjudice pour défendre leurs intérêts économiques et sociaux et, dans l’affirmative, lui indiquer la portée de cette protection et sa base légale.
- — Par ailleurs, le comité note que les membres du SINTACONALEP déploient des activités d’enseignants durant une période d’au moins six mois et que des centaines ou des milliers de personnes déploient de telles activités. Le comité note que, selon le gouvernement, ces personnes ont signé un contrat de prestations de services; il n’est toutefois pas encore en mesure de déterminer si ces personnes sont des travailleurs au sens de la convention no 87, et plus précisément si leur statut est assimilable à celui d’un travailleur dans un contexte de travail de durée déterminée. Par conséquent, le comité prie le gouvernement et le plaignant de lui fournir des informations précises sur la teneur des contrats de prestations de services ainsi que des copies de ces contrats, et un maximum d’informations sur les conditions de travail (horaires, congés payés, etc.) et sur l’éventuelle relation de dépendance envers le personnel de direction du CONALEP, sur l’application des normes de sécurité et de santé au travail et des normes de sécurité sociale, ainsi que sur les dispositions juridiques régissant la cessation de la relation contractuelle entre les parties.
- — Enfin, le comité prend note des observations du gouvernement au sujet des allégations relatives aux actes d’ingérence et de discrimination contre les membres du SINTACONALEP. Il estime néanmoins devoir ajourner l’examen de ces observations jusqu’au moment où il sera en mesure de formuler des conclusions définitives sur les allégations traitées dans les paragraphes précédents. Quant à ces dernières, le gouvernement avait formulé certaines observations qui apparaissent dans les deux paragraphes suivants.
- 380. Se référant à la recommandation concernant les allégations d’actes d’ingérence et de discrimination de la part du CONALEP, dans laquelle le comité demandait au gouvernement d’enquêter sur ces actes et de fournir des informations détaillées et spécifiques, le gouvernement avait souligné que les autorités compétentes ont effectué une enquête exhaustive sur les cas présentés aux comités de conciliation et d’arbitrage concernant les allégations d’ingérence et de discrimination de la part du CONALEP contre les plaignants, sans trouver aucune plainte à ce sujet. Il en va de même pour le Syndicat des travailleurs (SUTSEN) du CONALEP et l’association civile constituée par des enseignants de ladite institution dans le but de conclure des accords collectifs. Quant à l’allégation suivant laquelle le CONALEP aurait obligé les plaignants à signer divers documents contraires à leurs intérêts, elle n’a pas été prouvée. Aujourd’hui, cette institution d’enseignement réunit environ 17 000 personnes réparties dans ses 261 centres d’enseignement dans l’ensemble du pays et aucune autre plainte n’a été portée. [Voir 324e rapport, paragr. 705-706.]
B. Première réponse du gouvernement
B. Première réponse du gouvernement- 381. Dans sa communication du 31 mai 2001, le gouvernement explique, en ce qui concerne la recommandation contenue au paragraphe 716 a) du 324e rapport, que le droit civil et le droit du travail sont totalement distincts. Les associations civiles sont réglementées dans le cadre du droit civil alors que les syndicats le sont dans celui du droit du travail. De plus, il faut rappeler que les activités d’une association civile ne s’inscrivent pas dans le cadre de la plainte présentée par l’organisation plaignante ni celui de la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par le Mexique dès 1950.
- 382. La raison d’être ou les objectifs sociaux d’une association civile peuvent varier à condition d’avoir les caractéristiques suivantes: a) être possible; b) être licite; c) ne pas avoir un but essentiellement économique. L’article 2670, titre XI, chapitre, 1, du Code civil stipule que «lorsque plusieurs personnes décident de constituer un groupe qui n’est pas essentiellement ponctuel, pour atteindre un but commun qui n’est pas interdit par la loi et qui n’a pas un caractère essentiellement économique, elles constituent une association». Le gouvernement ajoute qu’aux termes du droit civil en vigueur dans les Etats-Unis du Mexique la législation civile généralement applicable ne prévoit aucune condition ou formalité spéciale pour qu’un groupe de citoyens puisse constituer légalement une association, ayant des droits et obligations, pour atteindre un but commun qui n’est pas interdit par la loi et n’est pas essentiellement économique (règle générale), articles 267 à 2687 du Code civil fédéral et articles correspondants du Code civil pour le district fédéral.
- 383. Il faut préciser que lors de sa constitution l’association civile acquiert une personnalité juridique différente de celle de ses membres. Si les membres de SINTACONALEP forment une société civile, seule cette dernière peut nouer des relations contractuelles avec le CONALEP sur les points correspondant à ses buts sociaux.
- 384. Par ailleurs, en matière de travail, l’article 356 de la loi fédérale du travail prévoit le statut juridique particulier du syndicat ou de l’association syndicale, définie comme «une association de travailleurs ou d’employeurs, constituée pour l’étude, l’amélioration et la défense de leurs intérêts respectifs». Le syndicat ou l’association sont considérés dans le cadre du travail comme une coalition permanente en cas de grève, conformément au paragraphe 441 de la loi fédérale.
- 385. Il ressort donc clairement de ce qui précède qu’une association représente deux concepts complètement différents suivant qu’elle se situe dans le cadre civil ou dans le cadre du travail, étant donné la différence de buts poursuivis. Alors que la première n’a pas un caractère essentiellement économique, la seconde a pour objet l’étude, l’amélioration et la défense des intérêts des travailleurs ou des employeurs (art. 356 de la loi fédérale du travail). La grève doit avoir pour but la recherche d’un équilibre entres les facteurs de production, afin d’harmoniser les intérêts du travail et du capital (art. 450(1) de la loi fédérale du travail).
- 386. Cela étant, les membres du SINTACONALEP ne pourraient pas conclure des accords collectifs de travail avec le CONALEP dans le cadre d’une association civile car, comme le prévoit la loi fédérale du travail (art. 386), seuls les syndicats de travailleurs ou d’employeurs sont habilités à le faire. Pour pouvoir déclarer une grève, il est indispensable de pouvoir exercer ce droit en tant que travailleur. La grève signifie la suspension provisoire du travail décidée par un groupe de travailleurs en vertu de l’article 440 de la loi fédérale du travail. Les conditions à remplir pour pouvoir faire grève sont énoncées à l’article 451(2) de ladite loi.
- 387. Aux termes de l’article 450 de la loi fédérale du travail, une grève devrait poursuivre les but suivants:
- 1) obtenir l’équilibre entre les divers facteurs de production, en harmonisant les droits du travail et du capital;
- 2) obtenir de l’employeur ou des employeurs un contrat collectif de travail et exiger sa révision lorsqu’il arrive à expiration, conformément au chapitre III du titre VII;
- 3) obtenir des employeurs un contrat et exiger sa révision lorsqu’il arrive à expiration, conformément au chapitre IV du titre VII;
- 4) exiger l’application du contrat collectif de travail ou du contrat-loi dans les entreprises ou les établissements où il aurait été violé;
- 5) exiger l’application des dispositions légales concernant la participation aux bénéfices;
- 6) appuyer une grève qui a pour objet un des points mentionnés ci-dessus;
- 7) exiger la révision des salaires déterminés par contrat, comme prévu par les articles 399bis et 419bis.
- 388. Il faut souligner que le cadre juridique du droit de grève est exclusivement celui du travail, indépendant du cadre civil comme il a déjà été indiqué.
- 389. S’agissant de la protection juridique dont jouit une association civile en cas de violation de garanties, ou contre les actes des autorités, elle peut intenter un recours constitutionnel en amparo, conformément aux articles 103 et 107 de la Constitution politique des Etats-Unis du Mexique.
- 390. Quant à la recommandation contenue dans le paragraphe 716 b) du 324e rapport, le gouvernement réitère que le caractère juridique du contrat de prestations de services professionnels est très différent de celui des contrats de travail; dans le premier cas, il est d’ordre civil, dans le second, il ressort au droit du travail. Les droits et obligations qui en découlent reflètent donc cette différence. Ces deux branches du droit sont indépendantes. Le contrat de prestations de services professionnels se fait dans des circonstances très précises et ne peut en aucun cas remplacer les contrats de travail. Conformément à la législation civile en vigueur, les plaignants et le CONALEP ont conclu des contrats de prestations de services professionnels prévoyant des versements d’honoraires pour une durée déterminée, et ce en vertu du principe qui reconnaît l’autonomie des parties dans l’établissement d’une relation contractuelle d’ordre civil, dans le respect des formalités exigées par la loi pour qu’elles soient pleinement reconnues dans le droit civil. Le texte de ces contrats civils établit l’accord des parties sur les prestations de services professionnels avec versement d’honoraires comme prévu par le chapitre 2, titre X de la deuxième partie, livre 4 du Code civil fédéral et autres textes correspondants.
- 391. Par contrat de prestations de services professionnels on entend un contrat qui oblige une personne dite professionnelle à offrir certains services — qui exigent une préparation technique et parfois même un titre professionnel — à une autre personne, appelée client, qui s’engage à lui verser en échange desdits services une rétribution appelée honoraires.
- 392. Il convient de souligner que le prestataire de services professionnels rémunéré par des honoraires et qui donne des cours au CONALEP se distingue par des qualités professionnelles, une spécialisation ou des compétences spécifiques qu’il transmet aux élèves des différents cours composant les programmes d’études.
- 393. Etant donné la nature du processus de formation et du contenu des cours du programme directement liés à l’évolution de la technologie, les enseignants choisis pour honorer ces contrats de prestations de services professionnels sont sélectionnés de préférence parmi les personnes qui travaillent dans le secteur de la production. Les prestataires de services professionnels sont des techniciens ou des professionnels. L’article 2608 du titre X, chapitre II, du Code Civil stipule que toute personne n’ayant pas de diplôme exigé par la loi et lui permettant d’exercer une profession sera sanctionnée en conséquence et n’aura pas le droit de percevoir une rémunération en échange des services rendus.
- 394. Il est également important de signaler que dans le contrat de prestations de services professionnels il n’existe aucune clause de dépendance, contrairement aux contrats de travail, et qu’il y est simplement mentionné la profession de la personne et le fait qu’elle exerce pour son propre compte.
- 395. Quant à la situation de dépendance qui existerait face à la direction du CONALEP, il faut indiquer qu’elle est d’ordre civil et ne concerne pas la relation de travail. Il en découle que les contrats civils conclus entre les uns et les autres prévoient exclusivement et uniquement pour le prestataire de services professionnels l’obligation d’offrir ses services pendant une durée déterminée. Le CONALEP s’engage pour sa part à verser en guise d’honoraires et en échange de ces services une somme déterminée pendant le temps fixé d’un commun accord et prévu par le contrat civil. Les contrats de prestations de services professionnels conclus entre le CONALEP et les enseignants ne comportent aucune clause d’avantages sociaux, comme les salaires, les congés payés, les étrennes, les normes de sécurité ou de santé dans le travail ou encore les prestations de sécurité sociale.
- 396. Quant au régime juridique de cessation de la relation contractuelle entre les parties, étant donné que la loi n’en prévoit pas de cause précise, il est déterminé par les conditions habituelles et communes à tout contrat.
- 397. Il est important de souligner que dans tout contrat civil conclu par les prestataires de services professionnels et le CONALEP, les conditions d’application et de dissolution du lien juridique civil auquel se soumettent les parties sont convenues d’un commun accord; il peut être mis fin au contrat de manière anticipée soit à la suite d’un accord entre les parties, soit après un manquement par l’une d’elles aux termes du contrat, provoquant du même coup sa résiliation. Cela est conforme aux règles spéciales et générales du Code civil fédéral et du Code civil pour le district fédéral, qui régissent les contrats de prestations de services professionnels en échange du versement d’honoraires. Un exemplaire de ce type de contrat de prestations de services professionnels est annexé, en réponse à la demande du Comité de la liberté syndicale.
- 398. Pour ce qui est de la recommandation contenue dans le paragraphe 716 c) du 324e rapport du comité, le gouvernement estime qu’il n’a pas à y répondre car le Comité de la liberté syndicale ne lui demande aucune information à ce sujet.
- 399. Suite à ces explications, le gouvernement du Mexique relève qu’après avoir examiné la législation du travail en vigueur, la convention no 87 et la jurisprudence de l’OIT sur la liberté syndicale, les associations civiles ne sont jamais mentionnées; par conséquent, les demandes d’information présentées par le Comité de la liberté syndicale ne concernent pas le régime du travail puisque, comme cela a été démontré, il diffère du régime juridique civil. Il convient de rappeler que le lien juridique existant entre les plaignants et le CONALEP est d’ordre exclusivement civil.
- 400. Le gouvernement considère avoir répondu intégralement aux arguments présentés au soutien de cette plainte, et tout particulièrement les raisons pour lesquelles l’enregistrement du syndicat a été refusé aux plaignants. Le gouvernement du Mexique note que ces derniers ont présenté un recours auprès des instances judiciaires compétentes à la suite de ce refus d’enregistrement. Les instances qui ont instruit les recours en amparo et en révision (dans ce cas le juge de district no 1 en matière de travail du district fédéral et le juge de district no 2 en matière de travail du district fédéral; voir les paragraphes 703 et 704 du 324e rapport du Comité de la liberté syndicale, document GB. 280/9) étaient différentes de l’instance administrative qui a refusé l’enregistrement, c’est à dire la Direction générale du registre des associations. Ce qui précède est conforme avec les paragraphes 246 et 264 du Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale («246. L’absence de recours auprès d’une instance judiciaire contre le refus éventuel du ministère d’accorder une autorisation (pour constituer des syndicats) est en violation des principes de la liberté syndicale»; «264. Il devrait exister un droit de recours auprès des tribunaux contre toute décision administrative en matière d’enregistrement d’une organisation syndicale. Ce recours constitue une garantie nécessaire contre les décisions illégales ou mal fondées des autorités chargées d’enregistrer les statuts.»). Le gouvernement joint un exemplaire du contrat de prestations de services en vigueur au CONALEP.
C. Nouvelles informations envoyées par l’organisation
C. Nouvelles informations envoyées par l’organisation- plaignante à la demande du comité
- 401 Dans sa communication de juin 2000, le Syndicat des travailleurs de l’enseignement du Collège national d’éducation professionnelle technique (SINTACONALEP), en se référant à la recommandation du comité contenue dans le paragraphe 716 a) de son 324e rapport, indique qu’au Mexique il y a une grande différence entre un syndicat et une association civile étant donné que cette dernière (l’association civile) n’a ni le droit de grève ni le droit de contrat collectif, la législation mexicaine réservant l’exercice légal de ces droits uniquement et exclusivement aux syndicats; par conséquent, une association civile ne dispose d’aucun moyen efficace pour faire valoir ses actions de revendication et ne peut conclure des accords collectifs avec le CONALEP. Ainsi, si les enseignants du SINTACONALEP constituent une association civile et veulent lancer un mouvement de grève ou conclure un pacte collectif, ils commettent un délit et ne disposent d’aucune protection juridique, la loi ne les protégeant qu’en cas d’association pour l’obtention d’un but commun mais en aucun cas pour l’exercice du droit de grève. Cela explique pourquoi l’association civile et le syndicat obéissent à des lois différentes, la première (l’association civile) au «Code civil» et (les syndicats) à «la loi fédérale du travail», qui réglemente aussi le droit de grève.
- 402 En conclusion, au Mexique les syndicats sont les seuls groupements habilités par la loi à exercer le droit de grève et à conclure un contrat collectif; les associations civiles ne jouissent donc pas de ces droits.
- 403 Pour faire suite à la recommandation b) du comité, l’organisation plaignante fait parvenir en annexe quatre reçus de paiements indiquant le type d’engagement offert par le CONALEP à ses enseignants mentionnant les heures de travail, les horaires et le niveau de rémunération. Elle joint à ces documents 15 originaux de contrats de prestations de services professionnels que le CONALEP fait signer à ses enseignants. En vertu de ces contrats, le signataire renonce aux droits fondamentaux du travail tels que la sécurité de l’emploi, les vacances payées, les primes de vacances; de plus, l’horaire journalier de travail est modifié tous les six mois de manière unilatérale par le CONALEP. Les tribunaux saisis d’un recours en amparo au sujet de ces contrats de prestations de services professionnels ont statué qu’ils établissent une relation de travail entre les enseignants et le CONALEP à qui ils offrent leurs services (sentence amparo 19832/2000); une copie certifiée figure en annexe, de même que celle du jugement arbitral définitif émis par l’autorité du travail à la suite du jugement 1068/97 suivi par David Pedroza Aparicio et autres; ce jugement condamne le CONALEP à reconnaître le droit de plusieurs enseignants comme travailleurs dans cette institution, à leur verser des prestations en matière de sécurité sociale, et à leur octroyer des congés payés. Une copie de ce jugement figure également en annexe.
- 404 D’après l’organisation plaignante, les enseignants du CONALEP effectuent un travail, de manière continue, permanente et indispensable pour le Collège national d’éducation professionnelle technique. La prestation de leurs services personnels est régie par les éléments suivants: un horaire de travail (horaire de classes), un espace physique (salle de classe) où sont données les cours, une rémunération en échange de ce travail, un chef qui donne des ordres et qui dirige le travail, du personnel chargé de la supervision des tâches, des cours de formation pour atteindre l’excellence académique; de plus, les travaux se font avec des éléments fournis par le CONALEP et ont une relation directe avec l’activité essentielle et unique du CONALEP. Il existe donc une relation de dépendance entre les plaignants et le CONALEP.
- 405 Le CONALEP a aussi entre autres obligations celle de former son personnel enseignant, de concevoir, d’élaborer, d’approuver, de superviser, d’évaluer, de mettre à jour et de modifier les programmes d’études par le biais des programmes de formation professionnelle qu’il est chargé de mettre au point en les actualisant et en les spécialisant à l’intention de ses enseignants. Il doit aussi adapter au plan d’études les cours de formation, de mise à jour et de spécialisation académique en préparant le matériel de soutien didactique pour la formation continue et la spécialisation des enseignants; il délivre les certificats voulus aux enseignants qui réussissent les cours de formation continue et de spécialisation imposés à tous les enseignants. Le CONALEP révise et tient à jour les programmes, les cours et le matériel didactique pour la formation académique. Tout cela est prévu dans les statuts du Collège national d’éducation professionnelle technique (CONALEP) de 1998.
- 406 Pour illustrer la relation de travail qui existe entre le CONALEP et ses enseignants, l’organisation plaignante donne l’exemple suivant: le 27 septembre 1997, Mme Martha Ceron Arroyo, membre du personnel de l’établissement Aragon du CONALEP, a présenté une plainte contre le Collège auprès du Bureau fédéral de conciliation et d’arbitrage, dans laquelle elle réclamait, suite à son renvoi injustifié, sa réintégration au poste de sous-chef technique spécialisé attaché à la coordination des services académiques du Collège Aragon. Cette plainte a été déposée auprès de la Commission spéciale (no 14) du Conseil fédéral de conciliation et d’arbitrage (no de dossier 1626/97). Le Collège national d’éducation professionnelle technique a contesté la plainte au cours d’une audience qui a eu lieu le 5 juin 1998; dans la réponse donnée à l’allégation no 3 de ladite plainte, il reconnaît que Mme Martha Ceron Arroyo, entre autres fonctions, s’occupait: de la préparation des horaires de travail des professeurs du CONALEP–Etablissement Aragon; de la supervision du déroulement des programmes d’études (réalisation des programmes); de la vérification des heures de présence (heures d’arrivée et de départ) des enseignants de l’établissement; et de la tenue des rapports sur les retards des professeurs. Elle avait pour supérieure hiérarchique une coordinatrice des services académiques de l’établissement Aragon du CONALEP. Cela démontre pleinement qu’il existait une relation de dépendance entre le Collège qui fait l’objet de la plainte et les enseignants y travaillant. Preuve en est cet aveu fait par le Collège auprès de l’Autorité du travail (voir copies en annexe).
- 407 Pour conclure, l’organisation plaignante rappelle que le CONALEP n’a inscrit aucun membre du corps enseignant au régime de sécurité sociale, qu’il n’offre pas de programmes de santé et de sécurité dans le travail, bien que les législations mexicaines de sécurité sociale stipulent clairement que tous les employeurs ont l’obligation d’inscrire les personnes qui travaillent pour eux auprès d’institutions de sécurité sociale.
D. Nouvelle réponse du gouvernement
D. Nouvelle réponse du gouvernement - 408. S’agissant des nouvelles informations du SINTACONALEP, le gouvernement réitère ses observations antérieures et déclare dans sa communication du 26 octobre 2001 qu’il est faux d’affirmer que la grève est uniquement réservée aux syndicats puisque les associations de travailleurs peuvent également exercer leur droit de grève en vertu de l’article 440 de la loi fédérale du travail. De plus, il est inexact de dire que, dans les contrats de prestations de services professionnels, l’on retrouve une liste des droits auxquels il faut renoncer. Le gouvernement réaffirme que dans la plainte il n’est pas question de contrat de travail mais bien de prestations de services.
- 409. Le gouvernement ajoute que le SINTACONALEP estime que le tribunal a décidé, en ce qui concerne le recours en amparo 19832/2000, qu’il découle des contrats de prestations de services professionnels une relation de travail entre les enseignants et le CONALEP pour les services rendus. A cet égard, le gouvernement précise que, des cinq personnes ayant présenté le recours en amparo, une d’elles a eu recours à la conciliation pour régler son différend avec le CONALEP, mais qu’il n’y a toujours pas de décision définitive sur ce cas. En outre, ladite décision s’applique uniquement aux cinq personnes ayant présenté le recours en amparo et non pas à tout le personnel enseignant du CONALEP.
- 410. De plus, le gouvernement indique qu’il existe une autre décision en amparo (ADL 232/2001) du 16 août 2001, dans laquelle les juges du premier tribunal de la 1re circonscription ont conclu que le CONALEP avait clairement démontré qu’entre le SINTACONALEP et lui-même il n’existait qu’un lien de nature civile par le biais d’un contrat de prestations de services professionnels.
- 411. Le SINTACONALEP affirme que le CONALEP a reconnu lors de l’audience devant le juge dans le cadre de la plainte déposée par Martha Cerón Arroyo que cette dernière «avait entre autres occupé des fonctions impliquant les mêmes horaires de travail que les enseignants…». Toutefois, le gouvernement précise que cela ne constitue pas une preuve de relation de subordination entre les enseignants et le CONALEP, puisque, pour que celle?ci existe, elle doit être déterminée par une décision arbitrale.
- 412. Le CONALEP n’a inscrit aucun de ses enseignants auprès d’une institution de sécurité sociale, puisque ces derniers ont été engagés pour fournir des prestations de services professionnels, et par conséquent le CONALEP n’a pas l’obligation de les assurer.
E. Conclusions du comité
E. Conclusions du comité- Refus d’enregistrement du SINTACONALEP
- depuis sa création le 2 février 1997
- 413 Le comité a noté lors de son précédent examen du cas que les tribunaux avaient statué que l’autorité administrative agissait dans le cadre de la légalité en refusant l’enregistrement du SINTACONALEP et que ce dernier n’avait pas obtenu de la Direction générale la reconnaissance qu’au moins 20 de ses membres ont la qualité de travailleurs. Le comité a aussi noté qu’il existe un syndicat (SUTSEN) au sein du CONALEP, syndicat qui a signé une convention collective ainsi qu’une association civile. Selon le gouvernement, rien n’empêche les membres du SINTACONALEP de constituer une association civile pour défendre et promouvoir légalement et efficacement les intérêts de ses membres.
- 414 Le comité prend note des récentes observations du gouvernement suivant lesquelles les membres d’une association civile comme le SINTACONALEP ne peuvent conclure des conventions collectives avec le CONALEP, car ils ne sont pas considérés comme des travailleurs au sens de la loi fédérale du travail mais plutôt comme de simples prestataires de services professionnels, pour une durée déterminée, c’est-à-dire une relation d’ordre civil ne créant pas une relation de dépendance comme le font les contrats de travail. De plus, ces contrats de prestataires de services n’ont aucune clause prévoyant des prestations telles que salaires, congés payés, étrennes, normes de sécurité et de santé au travail ou normes de sécurité sociale. Les membres du SINTACONALEP, n’étant pas des travailleurs au sens de la loi fédérale du travail, ne peuvent pas non plus exercer le droit de grève.
- 415 Le comité conclut que, contrairement à ce qu’affirme le gouvernement, l’organisation du SINTACONALEP en tant qu’association civile ne permet pas à ses membres de défendre et de promouvoir leurs intérêts valablement et efficacement, conformément à la convention no 87 et aux principes de la liberté syndicale en général, ce qui est incompatible avec lesdits principes. Le comité prend note du jugement communiqué récemment par le SINTACONALEP dans lequel l’autorité judiciaire reconnaît la condition de travailleur à plusieurs enseignants du SINTACONALEP ayant signé des contrats de prestations de services. Le comité note que, selon le gouvernement, il n’y a toujours pas de décision finale sur ce cas, que seules les cinq personnes ayant présenté le recours sont protégées et qu’il existe d’autres décisions judiciaires récentes relatives au CONALEP où il a été reconnu qu’un lien de nature civile était établi. Il considère cependant qu’un examen cas par cas des 17 000 enseignants du CONALEP pour déterminer s’ils sont des travailleurs aux yeux de la loi n’est pas envisageable.
- 416 Le comité rappelle que «en vertu des principes de la liberté syndicale, tous les travailleurs — à la seule exception des membres des forces armées et de la police — devraient avoir le droit de constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier. Le critère à retenir pour définir les personnes couvertes n’est donc pas la relation d’emploi avec un employeur; cette relation est en effet souvent absente, comme pour les travailleurs de l’agriculture, les travailleurs indépendants en général ou les membres des professions libérales, qui doivent pourtant tous jouir du droit syndical.» [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition (révisée), 1996, paragr. 235.] S’agissant des enseignants ayant signé des contrats de prestations de services, le comité estime que seuls les membres des forces armées et de la police sont exclus du champ d’application de la convention no 87 et que, partant, les enseignants devraient donc pouvoir constituer les organisations de leur choix et s’y affilier (article 2 de la convention no 87). Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures voulues pour s’assurer que les enseignants, qui sont assujettis à un contrat de prestations de services, et les autres catégories de personnes dans une situation similaire puissent légalement constituer les organisations de leur choix qu’ils estiment nécessaires à la promotion et à la défense de leurs intérêts et puissent s’y affilier.
- Allégations d’ingérence
- et de discrimination antisyndicales
- 417 Le comité note que, d’après le gouvernement, après une enquête exhaustive, les autorités n’ont trouvé aucune plainte à ce sujet. De même, d’après le gouvernement, il n’a pas été prouvé qu’on ait obligé certaines personnes à signer des documents contraires à leurs intérêts. Au vu de la contradiction existant entre les allégations des plaignants et la réponse du gouvernement, le comité ne se trouve pas en mesure de formuler des conclusions.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 418. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
- Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les enseignants assujettis à un contrat de prestations de services et les autres catégories de personnel dans des situations similaires puissent légalement constituer les organisations de leur choix, qui leur permettent d’assurer la promotion et la défense de leurs intérêts, et puissent s’y affilier.