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- 127. La plainte figure dans une communication de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) datée du 19 septembre 1994. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications datées des 20 et 31 janvier 1995.
- 128. Le Venezuela a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant
- 129. Dans sa communication du 19 septembre 1994, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) critique un projet de loi destiné à protéger l'exercice de la démocratie au sein des syndicats, des fédérations et des confédérations de travailleurs, au motif que son adoption porterait gravement atteinte au fonctionnement interne des syndicats violant ainsi les dispositions de l'article 3 de la convention no 87. Concrètement, l'organisation plaignante conteste les dispositions ci-après du projet de loi:
- - l'article 2, qui exige le vote direct des membres des syndicats aux élections organisées à tous les niveaux, y compris à celui de la confédération;
- - l'article 3, qui impose le pluralisme dans les commissions électorales pour que tous les candidats ou groupes de candidats y soient représentés. En outre, d'importants pouvoirs sont conférés aux tribunaux du travail afin d'assurer l'équilibre et la régularité des élections;
- - les articles 5 et 6, qui limitent à trois années la durée maximale du mandat des cadres des fédérations et des confédérations et interdisent que les dirigeants soient réélus plus d'une fois à la même charge ou qu'ils soient membres d'un comité exécutif pendant plus de dix ans;
- - l'article 7, qui fait obligation aux syndicats de soumettre à l'approbation de leurs adhérents les décisions relatives aux conventions collectives provisoires, le contenu des conventions collectives et le déclenchement ou le règlement d'un conflit, y compris au niveau de la confédération. Cet article permettrait également à un juge, à la demande d'au moins 10 pour cent des membres du syndicat, de convoquer une assemblée générale chargée de se prononcer sur la révocation du mandat du comité exécutif;
- - les articles 15 et 19, qui obligent les syndicats, les fédérations et les confédérations à utiliser, pour leurs élections, un système de listes ouvertes avec représentation proportionnelle des minorités;
- - l'article 23, en vertu duquel les dispositions des règlements ou des statuts des syndicats qui sont contraires aux dispositions du projet de loi ne seront pas applicables;
- - l'article 24, qui prévoit la révocation de tous les dirigeants syndicaux qui n'ont pas été élus au suffrage universel, secret et direct, et l'organisation de nouvelles élections dans un délai de six mois;
- - l'article 25, qui dispose que les syndicats ne peuvent retirer à quiconque son droit de vote pour non-paiement de cotisations syndicales.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 130. Dans ses communications des 20 et 31 janvier 1995, le gouvernement déclare que le projet de loi contesté par l'organisation plaignante a été soumis au service juridique du ministère du Travail car il semblait violer le droit des organisations syndicales, reconnu dans la convention no 87, de s'organiser librement et de formuler leur programme d'action. Concrètement, l'avis du service juridique du ministère du Travail met en cause plusieurs dispositions du projet:
- - l'article 2 (aux termes duquel les élections au sein des organisations syndicales doivent avoir lieu, au suffrage universel, direct et secret, auprès des travailleurs syndiqués et de ceux qui appartiennent aux fédérations et aux confédérations par l'intermédiaire de leurs syndicats) réglemente des questions qui devraient demeurer la prérogative des organisations syndicales;
- - l'article 4 (qui dispose que les instances dirigeantes des syndicats ne pourront pas intervenir dans les négociations et dans les conflits collectifs du travail) porte atteinte à la liberté de réglementation des organisations syndicales évoquée plus haut et pourrait faire peser des menaces sérieuses sur le libre exercice du droit;
- - l'article 5 (aux termes duquel le mandat des instances dirigeantes des fédérations ou des confédérations ne devra pas dépasser trois ans) viole la liberté de réglementation des organisations syndicales;
- - l'article 6 (qui prévoit qu'aucun membre de la direction d'une organisation syndicale ne pourra être réélu plus d'une fois à la même charge ni conserver celle-ci pendant plus de dix ans) est contraire aux dispositions de la convention no 87;
- - l'article 7 (qui soumet l'exercice de certaines activités syndicales - négociation et conflits collectifs - à un "référendum obligatoire") pourrait porter gravement préjudice aux travailleurs qui, par exemple, sont dispersés géographiquement;
- - les articles 8 à 19 (qui régissent la convocation des élections syndicales) permettent aux autorités judiciaires d'intervenir largement dans le processus électoral;
- - l'article 15 (les organisations syndicales devront élire leurs dirigeants selon le système des listes ouvertes avec représentation proportionnelle des minorités) menace l'autonomie syndicale car c'est aux syndicats eux-mêmes qu'il appartient de déterminer le système électoral qu'ils estiment correspondre le mieux à leurs intérêts;
- - l'article 23 (qui prévoit la nullité des dispositions statutaires des syndicats, fédérations et confédérations contraires à la loi) enfreint la liberté de réglementation des organisations syndicales;
- - l'article 24 (seront considérés comme échus les mandats de tous les dirigeants des organisations syndicales, hormis ceux qui ont été élus par les travailleurs au suffrage universel, direct et secret) méconnaît le principe de la non-rétroactivité des lois et viole le droit des organisations syndicales de choisir leurs dirigeants;
- - l'article 25 (qui interdit de retirer à quiconque son droit de vote pour non-paiement des cotisations syndicales) viole le droit des organisations syndicales de rédiger librement leurs statuts.
- 131. Enfin, le gouvernement ajoute que le ministère du Travail a communiqué au Congrès de la République ses observations sur le projet de loi et qu'il transmettra en temps utile toute information pertinente.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 132. Le comité observe que les allégations présentées en l'espèce se rapportent à un projet de loi, qui a été soumis au Congrès national, relatif à la protection de l'exercice de la démocratie au sein des syndicats, des fédérations et des confédérations de travailleurs. Concrètement, l'organisation plaignante critique de nombreuses dispositions du projet de loi concernant entre autres le système d'élection des dirigeants syndicaux, la limitation de la durée des mandats des dirigeants, l'impossibilité de leur réélection, la révocation de dirigeants syndicaux, etc.
- 133. Le comité a estimé que, lorsqu'il est saisi d'allégations précises et détaillées concernant un projet de loi, le fait que ces allégations se rapportent à un texte n'ayant pas force de loi ne devrait pas, à lui seul, l'empêcher de se prononcer sur le fond des allégations présentées. Le comité a été d'avis qu'il y a en effet intérêt à ce que, en de tels cas, le gouvernement et le plaignant aient connaissance du point de vue du comité à l'égard d'un projet de loi avant l'adoption de celui-ci, étant donné que le gouvernement, à qui revient l'initiative en la matière, a la faculté de lui apporter d'éventuelles modifications. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 30.)
- 134. Dans le cas d'espèce, le comité prend acte de la déclaration du gouvernement selon laquelle le ministère du Travail a examiné le projet incriminé et en a conclu que celui-ci paraissait "contrevenir au droit des organisations syndicales de s'organiser librement et de formuler leur programme d'action", conclusions qui ont été communiquées au Congrès de la République. Le comité partage l'avis du ministère. Il observe, en effet, que l'on peut déduire des déclarations de l'organisation plaignante et de celles du gouvernement que de nombreuses dispositions du projet de loi violent manifestement le droit des organisations de travailleurs d'élire librement leurs représentants et d'organiser leur gestion et leurs activités. Dans ces conditions, le comité suggère au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que le projet de loi soumis au Congrès de la République, qui contient des dispositions non conformes à la liberté syndicale, ne soit pas maintenu.
- 135. En outre, le comité invite le gouvernement, au cas où il souhaiterait présenter un nouveau projet, de faire en sorte que celui-ci respecte pleinement toutes les prescriptions des conventions nos 87 et 98, et notamment le principe en vertu duquel "la réglementation des procédures et modalités d'élection des dirigeants syndicaux relève en priorité des statuts syndicaux"; l'idée de base de l'article 3 de la convention no 87 est de laisser aux travailleurs et aux employeurs eux-mêmes le soin de décider des règles à observer pour la gestion de leurs organisations et pour les élections en leur sein. (Voir 259e rapport, cas no 1403 (Uruguay), paragr. 74.) Enfin, le comité recommande au gouvernement de consulter les organisations représentatives, et lui rappelle que le BIT est à sa disposition, s'il le souhaite, pour lui apporter une assistance technique.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 136. Vu les conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité suggère au gouvernement de ne pas maintenir le projet de loi relatif à la protection de l'exercice de la démocratie au sein des syndicats, des fédérations et des confédérations de travailleurs qui contient des dispositions non conformes à la liberté syndicale.
- b) Au cas où le gouvernement déciderait de soumettre un nouveau projet au Congrès de la République, le comité l'invite à faire en sorte qu'il soit pleinement tenu compte de toutes les prescriptions des conventions nos 87 et 98, et de consulter les organisations représentatives.
- c) Le comité rappelle au gouvernement que le BIT est à sa disposition s'il souhaite bénéficier d'une assistance technique.