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- 665. La présente plainte de la Coordination des organisations professionnelles de cadres de la République argentine figure dans une communication du 20 septembre 1990. Cette organisation a envoyé des informations complémentaires dans une communication du 16 novembre 1990. Le gouvernement a envoyé ses observations dans une communication du 18 septembre 1991.
- 666. L'Argentine a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant
- 667. Dans ses communications des 20 septembre et 16 novembre 1990, la Coordination des organisations professionnelles de cadres de la République argentine allègue que le gouvernement n'a pas respecté les engagements qu'il a pris à l'occasion de la mission de contacts directs de l'OIT effectuée à Buenos Aires en mars 1990 dans le cadre des cas nos 1456 et 1496 (dans lesquels il était déjà plaignant). Ces cas avaient été examinés par le comité à sa réunion de mai 1990; c'est ce qui avait conduit la Coordination à abandonner les plaintes, puisque le ministère du Travail avait créé une commission spéciale chargée "d'analyser les questions faisant l'objet des plaintes (...) et de proposer des solutions ...".
- 668. Le cas no 1456 porte sur la loi no 23551 du 14 avril 1988 relative aux associations syndicales et sur son décret d'application no 467/88 qui, selon les organisations plaignantes, contiennent des dispositions contraires aux conventions nos 87 et 98, notamment les articles 28 de la loi et 21 du règlement (nombre de membres cotisants requis pour qu'une organisation n'ayant pas le statut syndical puisse le disputer à une autre organisation dotée de ce statut et opérant dans le même secteur), l'article 29 (conditions pour qu'un syndicat d'entreprise obtienne le statut syndical), l'article 30 de la loi (conditions pour l'octroi du statut syndical aux syndicats de métier, d'occupation ou de catégorie), et les articles de la loi qui accordent des droits exclusifs aux organisations dotées du statut syndical (représentation d'intérêts collectifs, négociation collective, administration des oeuvres sociales, retenue à la source des cotisations syndicales, exonération d'impôts et privilège syndical pour leurs représentants, etc.). S'agissant du cas no 1496, la Coordination avait présenté des allégations concernant l'application de la loi dans la pratique, dénonçant des retards excessifs et des obstacles bureaucratiques aux formalités d'enregistrement des syndicats et d'octroi - ou de refus - du statut syndical, la non-approbation des statuts syndicaux rendus conformes à la nouvelle loi relative aux associations syndicales, etc. (Voir le 274e rapport, annexe, paragr. 3.)
- 669. La Coordination ajoute que la "commission spéciale" créée pour analyser les questions évoquées ci-dessus n'a servi qu'à enregistrer les revendications des organisations de personnel d'encadrement, et non à y faire droit. Quatorze demandes de statut syndical et 15 de personnalité syndicale sont en instance (dont certaines remontent à cinq ans); des licenciements de dirigeants syndicaux d'organisations de cadres ont été effectués tant dans le secteur public, par exemple à l'HIPASAM, que dans le secteur privé, par exemple ceux de l'Association des cadres de l'industrie argentine du papier, du carton et des produits chimiques (qui était en voie d'obtenir le statut syndical); il s'agit de MM. Botta, Deminotti, Albertini et Santillán.
- 670. La Coordination allègue par ailleurs que le décret no 1757/90 restreint la négociation collective puisque son article 67 prévoit la suspension des clauses conventionnelles qui déterminent les conditions de travail nuisibles à la productivité ou qui empêchent ou entravent l'exercice normal du pouvoir de direction et d'administration des entreprises et sociétés d'Etat, des sociétés d'économie mixte ou à participation publique majoritaire et de toutes autres entités dans lesquelles l'Etat joue un rôle d'employeur et dont le personnel se trouve actuellement régi par des conventions collectives de travail. Le plaignant se réfère en particulier à la clause suivante: "... le personnel dirigeant entre dans le champ d'application des conventions collectives du travail" (art. 67, paragr. e), du décret). Cette suspension est provisoire et conforme aux dispositions antérieures du décret. Elle fera l'objet de négociations par des commissions paritaires des conventions respectives, et, selon le plaignant, le gouvernement s'efforcera d'obtenir l'exclusion définitive de cette catégorie de travailleurs de l'application des conventions collectives.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 671. Dans sa communication du 18 septembre 1991, le gouvernement déclare que la position de l'organisation plaignante est en contradiction avec ce qui apparaît dans la plainte, puisqu'elle a fini par adopter un point de vue extrême sur deux plans: la rupture unilatérale du dialogue le 5 juin 1990 et l'abandon de la participation à la discussion des questions qui avaient fait l'objet de la plainte devant la "commission spéciale" de l'organisation créée par le document du 15 mars 1990 (rédigé à la suite de la mission de contacts directs de mars 1990); la volonté de voir l'administration résoudre les questions en suspens sans régler les différends mettant en cause les autres secteurs intéressés, qui s'écarte ainsi des règles de procédure qui garantissent le droit de se défendre à toutes les parties en cause.
- 672. Par ailleurs, l'allégation de l'organisation plaignante relative au refus du gouvernement de faire droit aux demandes d'enregistrement ou de statut syndical des organisations professionnelles de cadres n'est pas conforme à la réalité. S'il est évident que l'abondance des tâches qui incombent à l'autorité administrative, et en particulier à la Direction nationale des associations syndicales, peut occasionner des retards dans la transmission des décisions soumises à son examen, ces retards affectent également toutes les associations syndicales intéressées, et non seulement les associations professionnelles de cadres. Le ministère du Travail a accordé l'enregistrement syndical à 54 associations syndicales de cadres et le statut syndical à 74 de ces associations. Outre ces cas, il faut ajouter de nombreuses autres décisions administratives dans lesquelles le dossier a déjà été communiqué à la direction susmentionnée, qui l'a soumis à l'autorité supérieure avec avis favorable.
- 673. Par ailleurs, de nombreuses associations syndicales de cadres n'ont pas répondu aux observations formulées en temps utile au sujet des projets ou propositions de statuts, et de nombreuses autres, après avoir fait les modifications voulues, ont omis de transmettre des copies résumées des statuts ainsi modifiés, ce qui a retardé l'examen des dossiers.
- 674. Le gouvernement ajoute qu'il a entrepris une vaste refonte de la législation du travail afin de l'adapter aux exigences qu'imposent les transformations en cours dans la structure socio-économique du pays, qui doit s'adapter aux temps modernes. La loi no 23551 doit être révisée non seulement pour une mise à jour, mais aussi être pleinement conforme aux principes de la liberté syndicale énoncés dans les normes internationales du travail. A cet égard, le gouvernement a demandé à l'Organisation internationale du Travail de collaborer avec le ministère du Travail à l'élaboration d'un projet de réforme qui sera soumis ensuite au Congrès. Cette collaboration s'est traduite par la visite d'une mission d'experts de l'OIT en août 1991. A ce sujet, il convient de signaler que les membres de la mission ont eu des entretiens non seulement avec les plus hautes autorités du ministère, mais aussi avec les membres des commissions de législation du travail du Congrès et avec le Président de la République, M. Carlos Saul Menem; les autorités nationales, et en particulier le premier magistrat du pays, ont assuré la mission de leur ferme intention de procéder le plus rapidement possible à une réforme complète du cadre juridique qui régit la vie institutionnelle des associations syndicales. La mission d'experts s'est engagée à continuer à collaborer à l'élaboration du projet de réforme législative qui sera soumis par la suite à l'examen du Congrès. Le régime envisagé vise à supprimer toute restriction à la création d'associations syndicales, sous quelque forme ou degré de représentation que ce soit, et facilitera l'obtention du statut syndical ou du simple enregistrement aux syndicats de métier, de profession, de catégorie professionnelle ou d'entreprise; il supprimera en particulier tous les obstacles qui entravent le libre exercice des droits syndicaux des associations de ce type. Pour cela - comme l'a indiqué le Président de la République lors de son entrevue avec les experts de l'OIT -, il a été décidé de modifier les articles 29 et 30 de la loi no 23551. Ces diverses initiatives permettront de créer un instrument juridique moderne et efficace et ainsi, grâce au concours de l'OIT et des partenaires nationaux concernés, de mettre un terme aux critiques actuelles et de donner aux associations syndicales les plus larges possibilités de création et de libre fonctionnement.
- 675. En ce qui concerne le décret no 1757/90, qui suspend l'application des dispositions des conventions collectives de travail conclues par les associations que représente l'organisation plaignante, le gouvernement explique que ce décret ne régit pas exclusivement les conventions relatives aux conditions de travail des cadres, mais qu'il s'applique à tous les membres du personnel des entreprises et des organismes d'Etat, quelle que soit leur position hiérarchique. En outre, ce décret a été motivé par la crise économique grave dans laquelle est plongée depuis longtemps l'Argentine (crise ayant notamment pour origine le déficit, qui provient lui-même pour une part de la taille excessive du secteur public), dont la solution exigeait une politique de lutte contre l'inflation et de stabilisation. De plus, le décret a également pour objet une réforme administrative; en effet, les conventions collectives de travail devaient être réactualisées puisqu'elles n'avaient pas été négociées au cours des dernières années - malgré l'entrée en vigueur de la loi no 14250 - et qu'elles étaient totalement anachroniques. Dans ce contexte, le décret no 1757/90 prévoit que, tant que les nouvelles conventions qui remplaceront les conventions en vigueur n'auront pas été définitivement conclues, les parties intéressées pourront suspendre temporairement l'application des dispositions conventionnelles qui touchent à la productivité et que, faute d'accord entre elles, le ministère du Travail pourra décider de la durée de suspension de ces dispositions. A ce sujet, le gouvernement signale que le système n'a pas pour effet d'annuler la procédure prévue par la loi no 14250, puisqu'au contraire elle reste en vigueur, comme le précise l'article 64 du décret no 1757/90. En outre, cette suspension n'a qu'un caractère purement temporaire, puisqu'elle a pour date limite la conclusion de la nouvelle convention collective. Par ailleurs, non seulement le régime prévu par le décret no 1757/90 ne porte pas atteinte à la liberté de négociation des représentants du personnel d'encadrement, mais il contribue essentiellement à ce qu'elle se déroule de manière indépendante et autonome vis-à-vis des syndicats. Qui plus est, il faut signaler que, sur ce point, la plainte n'a plus de raison d'être puisque, dans la pratique, de nombreuses associations de cadres ont été convoquées par l'autorité compétente pour renégocier leurs conventions collectives, que lesdites conventions sont en cours de négociation et que nombre d'entre elles ont déjà abouti à un nouvel accord, qui a été enregistré (le gouvernement communique une liste des accords en question).
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 676. En ce qui concerne les allégations relatives aux restrictions légales imposées aux droits syndicaux des organisations de cadres et aux retards et obstacles apportés à la transmission des demandes d'enregistrement syndical et de statut syndical, le comité prend note avec satisfaction de la décision du gouvernement, communiquée à la mission d'experts de l'OIT qui s'est rendue en Argentine en août 1991, d'élaborer dès que possible, avec la collaboration de l'OIT, un projet de réforme qui devra être soumis à l'examen du Congrès, et qui aura pour objet d'harmoniser la législation qui régit les associations syndicales avec les principes de la liberté syndicale énoncés dans les normes internationales du travail. Le comité observe à cet égard que le nouveau régime qui s'appliquera aux associations syndicales répond aux préoccupations des organisations de cadres: suppression de toute restriction à la création de nouvelles associations syndicales, lesquelles pourront obtenir le statut syndical, quels que soient leur forme ou leur degré de représentation; possibilité d'obtention de l'enregistrement et du statut syndical pour les syndicats de métier, de profession, de catégorie professionnelle et d'entreprise, grâce à la modification des articles 29 et 30 de la loi no 23551. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l'évolution des réformes en cours et exprime l'espoir de pouvoir constater à une date prochaine des progrès sensibles à ce sujet; il espère en outre que le gouvernement prendra rapidement les mesures nécessaires pour mettre fin aux retards qu'il reconnaît pour la transmission des dossiers d'enregistrement ou de statut syndical des associations syndicales.
- 677. En ce qui concerne les restrictions alléguées à la négociation collective apportées par le décret no 1757/90, le comité prend note des observations du gouvernement et réitère les principes qu'il a formulés au sujet des cas nos 1560 et 1567 examinés dans le présent rapport, relatifs aux limitations de la négociation collective dans des situations d'urgence économique.
- 678. Enfin, le comité observe que le gouvernement n'a pas répondu aux allégations relatives au licenciement de dirigeants syndicaux des organisations de cadres dont le plaignant a fait état. Le comité prie le gouvernement d'envoyer ses observations à ce sujet.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 679. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prend note avec satisfaction de la décision du gouvernement, communiquée à la mission d'experts de l'OIT qui s'est rendue en Argentine en août 1991, d'élaborer dès que possible, avec la collaboration de l'OIT, un projet de réforme qui devra être soumis à l'examen du Congrès et qui aura pour objet d'harmoniser la législation qui régit les associations syndicales avec les principes de la liberté syndicale énoncés dans les normes internationales du travail. Le comité observe à cet égard que le nouveau régime qu'il est proposé d'appliquer aux associations syndicales répond aux préoccupations des organisations de cadres. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l'évolution des réformes en cours et exprime l'espoir de pouvoir constater à une date prochaine des progrès sensibles dans les questions faisant l'objet de la plainte; il espère en outre que le gouvernement prendra rapidement les mesures nécessaires pour accélérer la transmission des dossiers d'enregistrement ou de statut syndical des associations syndicales.
- b) En ce qui concerne les allégations relatives aux restrictions apportées à la négociation collective par le décret no 1757/90, le comité réitère les principes qu'il a formulés au sujet des cas nos 1560 et 1567 examinés dans le présent rapport, relatifs aux limitations de la négociation collective dans des situations d'urgence économique.
- c) Enfin, le comité prie le gouvernement de communiquer ses observations sur les allégations relatives au licenciement de dirigeants syndicaux d'organisations de cadres.