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- 637. Dans une communication datée du 6 avril 1989, le Syndicat pancypriote de la fonction publique (PASYDY) a porté plainte pour violation de la liberté syndicale à Chypre.
- 638. Le gouvernement a répondu par une communication datée du 11 septembre 1989.
- 639. Chypre a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant
- 640. Le plaignant formule deux séries d'allégations: il soutient en premier lieu que les autorités cypriotes ont refusé d'appliquer et de ratifier plusieurs conventions collectives librement négociées dans le secteur public entre 1986 et 1989; et, en second lieu, que les autorités ont émis un arrêté en conseil interdisant une grève dans les ports de l'île et ordonnant aux salariés de reprendre le travail.
- 641. Dans sa première série d'allégations sur des violations des conventions collectives du secteur public, le plaignant soulève six points, exposés ci-dessous, relatifs aux événements survenus de 1986 à 1989.
- 642. Premièrement, après des consultations et négociations directes entre les autorités et le PASYDY, le gouvernement a saisi le Parlement d'un projet de loi sur la fonction publique en mai 1987. Ce projet visait à rationaliser les mécanismes et procédures de relations professionnelles du secteur public, et à rendre la fonction publique plus efficace dans l'exécution de ses tâches. Le plaignant fait observer qu'on ignore ce qu'il est advenu de ce projet.
- 643. Deuxièmement, le gouvernement et le PASYDY se sont entendus sur un nouveau système d'évaluation du personnel, appelé rapports confidentiels de qualification que le Conseil des ministres a approuvés et déférés au Parlement, en même temps que le projet de loi sur la fonction publique pour adoption d'une loi. On ignore aussi ce qu'il est advenu de ces rapports.
- 644. Troisièmement, après de longues et pénibles négociations, la Commission paritaire du personnel (organisme officiel chargé des consultations et négociations dans la fonction publique) s'est accordée le l7 octobre 1986 sur les durées de travail, le système de quarts de travail, la rémunération des heures supplémentaires et la semaine de cinq jours. Aucun de ces accords n'est encore appliqué aujourd'hui.
- 645. Quatrièmement, pour améliorer l'efficacité de la fonction publique, la Commission paritaire du personnel a négocié le regroupement des postes au niveau d'entrée dans la fonction publique, et approuvé les conditions d'emplois pour quatre types de postes des nouvelles catégories de personnel auxiliaire ainsi regroupées. Ces conditions d'emploi, après approbation du Procureur général et du Conseil des ministres, auraient paru le 4 novembre 1988 au Journal officiel de la République. Or ces tableaux de service ne peuvent pas entrer en vigueur avant que le projet de loi sur la fonction publique n'ait pris force de loi.
- 646. Cinquièmement, une décision prise par la Commission paritaire du personnel, et tendant à instituer dans le secteur public un véritable service central d'administration du personnel, n'a pas encore été appliquée. Le PASYDY relève à cet égard qu'il avait soumis, dès le 30 septembre 1988, un plan uniforme concernant la structure et les fonctions de ce service central.
- 647. Enfin, le budget de 1989 comprenait 56 nouveaux postes convenus par la Commission paritaire du personnel et approuvés par le Conseil des ministres; saisi de ce budget, le Parlement a refusé de ratifier ces créations de postes et de voter les crédits nécessaires afin de les pourvoir. Après les vives protestations et les menaces de grève du PASYDY, le Parlement a accepté de revoir sa décision, mais la question reste en suspens.
- 648. En ce qui concerne la deuxième série d'allégations, le plaignant soutient que les autorités ont récemment aggravé leurs nombreuses violations de la convention no 151 en promulgant un arrêté en conseil pour interdire la grève dans les ports et ordonner aux travailleurs de reprendre le travail dans les mêmes conditions qu'avant la grève.
- 649. Selon le plaignant, l'intervention arbitraire du Parlement et du pouvoir exécutif dans les relations professionnelles de la fonction publique cypriote viole l'esprit et la lettre de la convention no 151; elle sape le droit de négociation collective dans le secteur public, et elle prive les agents publics du droit de protéger et promouvoir leurs intérêts légitimes en tant que citoyens égaux de la République.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 650. Dans sa communication du 11 septembre 1989, le gouvernement déclare que le projet de loi sur la fonction publique dont parle le PASYDY, et qui visait à améliorer les procédures de nomination et de promotion et les règlements sur les obligations des fonctionnaires et sur la discipline, a effectivement été soumis au Parlement en 1987, et que depuis lors ce dernier, par l'intermédiaire de sa commission compétente, a eu plusieurs consultations avec le gouvernement et le PASYDY sur les questions visées par le projet. Comme pour tout autre projet de loi soumis au Parlement, l'adoption de ce projet de loi relève entièrement de la compétence parlementaire; un retard dans ce processus ne saurait constituer une violation de convention collective, comme le prétend le PASYDY. Le projet est le fruit de consultations paritaires dont les résultats sont, conformément à la constitution et au règlement de la Commission paritaire du personnel, soumis au Conseil des ministres sous forme de recommandations, et ensuite déférés au Parlement. En ce qui concerne l'avancement de la procédure, le gouvernement ajoute que la commission parlementaire compétente a récemment envoyé une copie du projet qu'elle a formulé au gouvernement et au PASYDY afin qu'ils lui fassent part de leur avis.
- 651. En ce qui concerne les rapports confidentiels de qualification, il s'agit d'un nouveau système d'évaluation du personnel qui résulte d'un accord entre le PASYDY et les autorités, mais n'a pas encore été communiqué au Parlement. Cette communication sera faite au moyen de règlements dont le Parlement sera saisi une fois promulguée la nouvelle loi sur la fonction publique; le PASYDY doit être parfaitement au courant de ce fait puisque, dans un article paru le 25 mai 1989 dans son propre journal "Demosios Ypallelos" (Le fonctionnaire), sous le titre "Un programme accéléré pour l'examen des problèmes en instance", ce syndicat déclare que le nouveau système d'évaluation du personnel "ne pourra être appliqué avant que le Parlement ait approuvé le projet modifié de loi sur la fonction publique, et qu'il soit entré en vigueur". Le gouvernement joint à sa réponse la page correspondante du journal.
- 652. A l'égard des durées de travail, des quarts de travail, des heures supplémentaires et de la semaine de cinq jours, la Commission paritaire du personnel n'est encore parvenue à aucun accord définitif. A la réunion tenue le 17 octobre 1986, dont parle le PASYDY, il n'y a eu qu'un échange de vues général; quoique la question des heures supplémentaires et du travail par quarts aient fait l'objet d'un accord préliminaire sur certains principes fondamentaux, la Commission paritaire du personnel poursuit l'examen de l'ensemble des questions.
- 653. A propos du classement des postes et des conditions d'emploi, le gouvernement fait valoir que le fait que la nouvelle loi sur la fonction publique n'ait pas été adoptée n'empêche pas d'appliquer l'accord sur ces questions. En effet, les conditions d'emploi ont déjà été publiées au Journal officiel de la République (de l'aveu même du PASYDY en annexe V à sa communication) et les postes vacants correspondants ont été annoncés.
- 654. En ce qui concerne le Service central d'administration du personnel de la fonction publique, le seul accord auquel soit parvenue la Commission paritaire du personnel concerne la création d'un nouveau poste de directeur général. Le Conseil des ministres a approuvé la recommandation correspondante de la Commission paritaire du personnel, mais le Parlement ne l'a pas encore fait.
- 655. Quant à la création et au financement de 56 nouveaux postes sur lesquels s'était accordée la Commission paritaire du personnel, le gouvernement relève que cette allégation est semblable à celle qu'avait déjà faite le PASYDY en 1984, et à laquelle il avait déjà répondu. Le gouvernement renvoie à cette réponse, où il disait qu'en deux occasions le Parlement avait rejeté ou modifié des projets de suppléments budgétaires issus d'accords conclus par le gouvernement et le PASYDY après de longues négociations collectives. Le gouvernement considère que les mesures prises en ces deux occasions étaient absolument conformes aux articles 46 et 54 de la Constitution, qui disposent que le Conseil des ministres ne peut engager de dépenses que dans la limite du budget voté par la Chambre des représentants; toute convention collective conclue entre l'Etat en sa qualité d'employeur et le PASYDY, et supposant des dépenses supplémentaires, doit donc être incorporée au projet de budget et soumise à l'approbation du Parlement.
- 656. Enfin, répondant à l'allégation selon laquelle le Conseil des ministres aurait violé la convention no 151 en prenant un arrêté "interdisant une grève dans les ports du pays et ordonnant la reprise du travail", le gouvernement déclare qu'il n'y a là aucun rapport avec la convention no 151, mais bien plutôt avec la convention no 105. A propos du même arrêté, un autre syndicat, le DEOK, a allégué une violation de la convention no 105, et le gouvernement cypriote y a déjà répondu; dans cette réponse, datée du 31 juillet 1989, le gouvernement soulignait qu'à son avis les services assurés par les travailleurs de l'administration portuaire étaient des services essentiels au sens de la convention no 105 et de la Constitution de Chypre, et que les instructions émises par le ministre des Communications et des Travaux publics le 7 février 1989 pour ordonner aux employés de ladite administration de continuer d'assurer leurs services ne constituaient pas une violation de la convention no 105. Le gouvernement avait ajouté dans la même lettre que ces instructions avaient été abrogées le ler mars 1989 sans qu'il y ait eu à les faire appliquer.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 657. En ce qui concerne d'abord le retard dont souffrirait l'adoption du projet de loi sur la fonction publique, texte destiné à améliorer les procédures de nomination et de promotion et les règlements sur les obligations des fonctionnaires, le comité note que le projet en question, après consultation au sein de la Commission paritaire du personnel, a été soumis au Parlement, dont la commission compétente aurait, selon le gouvernement, "récemment" envoyé une copie du projet aux deux parties pour prendre leur avis. Comme il est très probable que le projet sera bientôt présenté pour adoption à la Chambre des représentants, il serait prématuré que le Comité de la liberté syndicale exprime une opinion sur ce point; le comité fait néanmoins observer au gouvernement qu'un retard trop important dans l'adoption d'une telle loi est peu favorable à des relations professionnelles harmonieuses, et il le prie de prendre les mesures voulues pour accélérer la procédure d'adoption; il prie en outre les deux parties de le tenir au courant de l'état d'avancement du projet de loi.
- 658. A propos du nouveau système d'évaluation du personnel (rapports confidentiels de qualification), le comité note que son introduction dépend de l'adoption de la loi sur la fonction publique, puisqu'elle sera mise en oeuvre par voie réglementaire. Le comité renvoie donc à ses remarques du paragraphe précédent et invite les deux parties à le tenir informé de l'état d'avancement de ces règlements une fois la loi promulguée.
- 659. Pour ce qui est des questions relatives à la durée du travail, aux quarts de travail, aux heures supplémentaires et à la semaine de cinq jours, les communications du plaignant et du gouvernement sont contradictoires: le premier allègue qu'il y a eu accord à la Commission paritaire du personnel le 17 octobre 1986, alors que le second soutient qu'il y a seulement eu un échange de vues général et que, malgré un accord préliminaire sur certains principes fondamentaux relatifs aux heures supplémentaires et aux quarts de travail, la Commission paritaire du personnel poursuit l'examen de l'ensemble des questions. A l'appui de son allégation, le gouvernement renvoie aux "procès-verbaux ci-joints de la réunion tenue par la Commission paritaire du personnel le l7 octobre 1986", mais n'a pas joint ce document à sa réponse. Devant ces contradictions, le comité n'a d'autre choix que de prier les parties de lui fournir de nouvelles informations pour établir s'il y a réellement eu accord lors de la réunion tenue le 17 octobre 1986 par la Commission paritaire du personnel.
- 660. Le plaignant et le gouvernement se contredisent également sur la création d'un service central d'administration du personnel dans la fonction publique. Aux dires du plaignant, la Commission paritaire du personnel se serait prononcée pour un véritable service central, tandis que le gouvernement maintient que l'accord ne portait que sur la création d'un nouveau poste de directeur général. Là encore, le comité doit demander aux parties de fournir de nouveaux éléments à l'appui de leurs allégations.
- 661. En ce qui concerne le classement des postes et les conditions d'emploi, le comité note que, contrairement aux allégations du PASYDY selon qui ces conditions ne pourraient être appliquées qu'une fois promulguée la loi sur la fonction publique, ils ont déjà paru au Journal officiel et que les postes vacants correspondants ont été annoncés. Le comité estime donc que cette question n'appelle pas un examen plus approfondi.
- 662. Quant aux 56 nouveaux postes, le gouvernement répond en substance que, bien que la Commission paritaire du personnel se soit accordée sur leur création et leur financement, et que cette décision ait été ensuite approuvée en Conseil des ministres et intégrée au budget de 1989, il doit s'en tenir à la décision du Parlement qui a rejeté les projets de suppléments budgétaires destinés à couvrir le surcroît de dépenses. Le comité estime qu'il appartient au gouvernement d'établir des mécanismes appropriés permettant la négociation collective, et que le gouvernement aurait dû faire savoir aux partenaires à la négociation que la création des postes en question était sujette à l'agrément du Parlement.
- 663. Passant enfin à la dernière allégation, à savoir que le gouvernement aurait pris un arrêté en conseil pour mettre fin à une grève des travailleurs de l'administration portuaire et leur ordonner la reprise du travail, le comité rappelle que le droit de grève est, pour les travailleurs et leurs organisations, un des moyens légitimes de défense de leurs intérêts économiques et sociaux (Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, troisième édition, 1985, paragr. 362 et 363, et les cas cités).
- 664. Par ailleurs, il est bien établi que la limitation ou l'interdiction du droit de grève ne peuvent se justifier que dans un nombre restreint de cas, et notamment celui des fonctionnaires ou des travailleurs assurant des services essentiels au sens strict du terme, à savoir les services dont l'interruption pourrait mettre en péril la vie, la sécurité ou la santé de la personne dans une partie ou dans la totalité de la population (Recueil, loc. cit, paragr. 387), à la condition toutefois que ces travailleurs aient accès à des procédures satisfaisantes, telles que la conciliation ou l'arbitrage, auxquelles les intéressés puissent participer à toutes les étapes, et où les sentences soient exécutoires pour les deux parties et soient pleinement et promptement appliquées.
- 665. Le comité a déjà eu l'occasion de vérifier si une activité, ou une entreprise donnée, constituait un service essentiel selon les critères évoqués ci-dessus. Le comité a déclaré par le passé que, lorsque dans un secteur important de l'économie, un arrêt total et prolongé du travail peut provoquer une situation telle que la vie, la santé ou la sécurité de la population peuvent être mises en danger, il semble légitime qu'un ordre de reprise du travail soit applicable à une catégorie de personnel déterminée en cas de grève dont l'étendue et la durée pourraient provoquer une telle situation. Par contre, exiger la reprise du travail en dehors de tels cas est contraire aux principes de la liberté syndicale (cas no 1430, Canada, 256e rapport, paragr. 189).
- 666. Dans le présent cas, le comité n'a reçu aucun élément d'information laissant à penser que la situation était de nature à justifier une dérogation au principe que, en temps normal, le travail des dockers n'est pas un service essentiel. Le comité note que les ordres de reprise du travail ont été rapportés environ trois semaines après leur proclamation, sans que le gouvernement ait eu à les faire exécuter. Le comité estime néanmoins que le gouvernement aurait dû s'assurer qu'il s'agissait de circonstances réellement exceptionnelles avant d'émettre des instructions ordonnant aux employés de l'administration portuaire de reprendre le travail.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 667. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie le gouvernement d'accélérer, dans la mesure de ses moyens, la procédure d'adoption de la loi sur la fonction publique, et prie les deux parties de le tenir informé de l'état d'avancement de la loi et des règlements d'application.
- b) Le comité prie les deux parties de lui communiquer de plus amples informations sur les débats et décisions de la Commission paritaire du personnel en ce qui concerne:
- i) les conditions de travail; et
- ii) le Service central d'administration du travail.
- c) Le comité estime que les allégations relatives au classement des postes et aux conditions d'emploi n'appellent pas un examen plus approfondi.
- d) En ce qui concerne les 56 nouveaux postes, le comité estime qu'il appartient au gouvernement d'établir des mécanismes appropriés permettant la négociation collective, et que le gouvernement aurait dû faire savoir aux partenaires à la négociation que la création des postes était sujette à l'agrément du Parlement.
- e) Le comité estime que le gouvernement aurait dû s'assurer qu'il s'agissait de circonstances réellement exceptionnelles avant d'émettre des instructions ordonnant aux employés de l'administration portuaire de reprendre leur travail.