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- 505. Par une communication du 1er octobre 1987, l'Union internationale des travailleurs de l'alimentation et des branches connexes a présenté une plainte en violation des droits syndicaux contre le gouvernement de Fidji. La Confédération internationale des syndicats libres a soumis une plainte semblable les 14 et 15 octobre 1987. La CISL a en outre formulé de nouvelles allégations dans une lettre du 8 février 1988. Le gouvernement a envoyé sa réponse dans des communications des 19, 28, 29 et 30 octobre et 10 novembre 1987. Compte tenu du fait que les nouvelles allégations de la CISL ont été adressées récemment au gouvernement, celui-ci n'a pas pu encore y répondre.
- 506. Fidji n'a pas ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948; mais elle a ratifié la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes
- 507. Dans sa communication du 1er octobre 1987, l'UITA allègue que M. James R. Raman, secrétaire général de son affilié, le Syndicat national des travailleurs industriels et commerciaux de Fidji, a été arrêté après le coup d'état militaire du 25 septembre à Fidji.
- 508. Le 14 octobre 1987, la CISL allègue que le secrétaire général et le trésorier de son affilié, le Congrès des syndicats de Fidji (Fidji Trades Union Congress - TUC), MM. James Raman et Bob Kumar, ont été détenus pendant plusieurs jours par les forces de sécurité de Fidji. Elle déclare que les activités syndicales ont été gravement restreintes et que les forces militaires ont occupé et fermé pour une durée indéfinie le siège du TUC, ainsi que les bureaux du Syndicat des organismes de crédit/Association de la fonction publique de Fidji, du Syndicat des employés de banque de Fidji et du Syndicat des enseignants de Fidji. Elle ajoute que les locaux du Syndicat national des travailleurs industriels et commerciaux ont été fermés pendant une partie de la journée du 8 octobre 1987. Selon la CISL, le dirigeant militaire, M. Rabuka, aurait déclaré que son gouvernement allait restructurer le mouvement syndical à Fidji, ce que la CISL considère comme étant une ingérence manifeste dans les affaires intérieures du mouvement syndical de Fidji.
- 509. Le 15 octobre 1987, la CISL allègue que les locaux de l'Association de la fonction publique de Fidji ont également été fermés et mis sous contrôle militaire. Elle déclare que les autorités ont empêché M. James Raman du TUC de quitter le pays par l'aéroport de Nadi quelques jours plus tôt pour se joindre à une délégation du Congrès des syndicats du Commonwealth qui devait rencontrer les chefs d'Etat du Commonwealth lors de leur réunion à Vancouver.
- 510. Dans sa lettre du 8 février 1988, la CISL déclare qu'elle a envoyé une mission à Fidji du 13 au 15 janvier 1988. Cette mission a constaté la poursuite des restrictions aux droits syndicaux, notamment, mais pas seulement, dans le secteur public. Ainsi, les syndicalistes qui souhaitent se rendre à l'étranger doivent obtenir l'autorisation du ministère de l'Intérieur; un certain nombre de syndicalistes ont été suspendus de leur emploi; les syndicalistes et les locaux syndicaux font l'objet de surveillance, et les réunions syndicales doivent être notifiées à la police.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 511. Dans son télégramme daté du 19 octobre 1987, le gouvernement - par la voix du ministre de l'Emploi et des Relations professionnelles du Conseil exécutif du gouvernement intérimaire de Fidji - assure le BIT de ce que les droits syndicaux à Fidji, tels qu'ils ont été accordés par la législation du travail en vigueur, étaient encore intacts. Il fait toutefois observer que ces droits ne seront maintenus qu'à condition que certains dirigeants syndicaux s'abstiennent d'exercer des activités subversives propres à mettre en danger l'économie. Le gouvernement déclare que les syndicalistes mentionnés par les organisations plaignantes ont été remis en liberté. En outre, il fait état de conversations se poursuivant entre le président et le secrétaire général du TUC concernant la fermeture des locaux syndicaux; le gouvernement s'engage à tenir le comité au courant du résultat desdites conversations en temps opportun.
- 512. Dans sa lettre du 28 octobre 1987, le gouvernement reconnaît que certains dirigeants syndicaux (y compris M. J.R. Raman) ont été détenus tout de suite après le coup d'état militaire du 25 septembre 1987, mais il explique que cette mesure avait été nécessaire à cause des actions subversives menées par ces syndicalistes en vue de mettre en danger l'économie. Le gouvernement répète que tous les syndicalistes ont, depuis lors, été libérés et que les droits syndicaux en vigueur sont restés intacts étant donné, déclare-t-il, "que nous nous lançons tous sur la voie de la réconciliation et en définitive sur celle du retour à la normalité". Il souligne toutefois qu'il espère que le mouvement syndical de Fidji va coopérer avec le gouvernement, et il ajoute qu'en contrepartie il garantirait le maintien des droits syndicaux normaux. Le gouvernement admet que, dans cette période difficile, l'Etat devra intervenir davantage pour résoudre les différends si les syndicats refusent d'assumer leurs responsabilités à l'égard de la collectivité et de la nation dans son ensemble. Il ajoute qu'il espère que ce qui précède explique clairement les motifs des mesures qu'il a été contraint de prendre, désagréables peut-être mais nécessaires dans les circonstances d'alors.
- 513. Dans son télégramme du 29 octobre 1987, le gouvernement déclare que tous les locaux syndicaux ont été ouverts à nouveau et que tous les droits syndicaux légaux, y compris le droit de grève, demeurent intacts. En outre, le gouvernement garantit que ces droits resteraient tels que les énonce la loi actuelle dans toute nouvelle Constitution qui serait promulguée. Il ajoute que, dans les circonstances actuelles, rien n'empêche la tenue de réunions normales de conseils, de comités et de conférences de syndicats, à condition toutefois que le poste de police le plus proche en soit informé. Cette mesure, assure-t-il, est censée être exclusivement temporaire, et il indique que les responsables syndicaux ne verraient pas leurs mouvements entravés dans l'exercice de leurs fonctions syndicales normales.
- 514. Le gouvernement ajoute que, après une série de conversations avec le gouvernement de Fidji, le TUC a déclaré être satisfait des droits syndicaux qu'assure la législation en vigueur, ainsi que des assurances qu'il a données selon lesquelles ces droits continueront d'être protégés à condition que les syndicats s'abstiennent de mener des actions subversives susceptibles de déstabiliser l'économie. En contrepartie, le gouvernement a reçu du TUC l'assurance qu'il donnera pour consigne à tous ses affiliés de ne pas entamer d'action syndicale sans aller au bout de la procédure prévue dans la loi sur les différends du travail actuellement en vigueur. Selon le gouvernement, à cet effet et après des échanges de vues cordiaux, le TUC a accepté de demander au Conseil des syndicats australiens (Australian Council of Trade Unions - ACTU) de retirer sa proposition tendant à interdire les vols à destination de Fidji à partir du 1er novembre, et le TUC a également accepté d'essayer de se réunir avec l'ACTU et la Fédération néo-zélandaise du travail (New Zealand Federation of Labour - NZFOL) pour discuter de l'avenir des interdictions.
- 515. Dans sa communication du 30 octobre 1987, le ministre déclare que le gouvernement de Fidji et le TUC sont parvenus à un accord amiable sur toutes les questions et allégations soulevées dans le présent cas, et que tous les droits syndicaux que prévoit la législation en vigueur ont été restaurés à l'entière satisfaction du TUC. A titre de confirmation de ce qui précède, le 10 novembre 1987, le gouvernement a envoyé le texte du décret no 13 sur les libertés fondamentales (modification) qui abroge l'article 14 du décret du 1er octobre 1987 sur les libertés fondamentales, lequel suspendait le droit des syndicats d'entreprendre toute action directe sous forme de grève, d'interdiction de grève de zèle, de marche et de manifestation de protestation.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 516. Le comité note que le présent cas concerne une série de faits qui se sont produits immédiatement après le coup d'état militaire du 25 septembre 1987, et en particulier: la détention provisoire de MM. James Raman et Bob Kumar, respectivement secrétaire général et trésorier du Congrès des syndicats de Fidji, la fermeture pendant plusieurs jours des locaux des principaux syndicats et une entrave à la liberté de mouvement du secrétaire général du TUC.
- 517. Le comité note que le gouvernement ne nie pas ces faits, mais qu'il essaie de les justifier comme étant temporaires et nécessaires à la suite du coup d'état militaire et compte tenu des actions subversives menées par ces syndicalistes en vue de mettre en danger l'économie de Fidji.
- 518. Le comité observe que, bien que le gouvernement n'ait pas mentionné la nature des "actions subversives" dont se seraient rendus coupables les syndicalistes considérés et n'ait pas donné de précisions à ce sujet, il a souligné, dans ses communications les plus récentes, qu'il y avait eu des entretiens cordiaux entre le TUC et le gouvernement qui avaient débouché sur un accord satisfaisant et sur un échange d'assurances concernant l'exercice des droits syndicaux à Fidji.
- 519. Le comité prend note de cet accord ainsi que de ce que tous les syndicalistes détenus ont été libérés, de ce que les locaux syndicaux fermés ont été ouverts à nouveau et de ce que la liberté de mouvement n'est pas entravée de quelque façon que ce soit. Il note aussi avec intérêt que certaines dispositions législatives - qui n'avaient pas été mentionnées par les organisations plaignantes - mais qui avaient suspendu toute forme d'action directe ont été abrogées quelques semaines après leur adoption.
- 520. En revanche, le comité se doit d'appeler l'attention du gouvernement sur l'importance du principe selon lequel l'arrestation et la détention de syndicalistes, même pour des raisons de sécurité intérieure, risquent d'impliquer une grave ingérence dans l'exercice des droits syndicaux si une telle mesure ne s'accompagne de garanties judiciaires appropriées. (Voir, exemple, 233e rapport, cas no 1211 (Bahreïn), paragr. 589.) En outre, dans des cas semblables, le comité a déclaré que les mesures de détention préventive peuvent impliquer une grave ingérence dans les activités syndicales, qui semblerait devoir être justifiée par l'existence d'une crise ou situation sérieuse et qui pourrait donner lieu à des critiques, à moins qu'elle ne soit accompagnée de garanties judiciaires appropriées, mises en oeuvre dans des délais raisonnables. (Voir, par exemple, 222e rapport, cas no 1135 (Ghana) paragr. 263.) Parmi ces garanties devrait figurer l'assurance que la détention sera de très brève durée et ne sera pas prolongée au-delà de ce qui est strictement nécessaire, qu'elle ne s'accompagnera pas de mesures d'intimidation et qu'elle ne sera pas détournée de ses fins et, en particulier, que seront exclus les mauvais traitements. (Voir, par exemple 214e rapport, cas no 1032 (Equateur), paragr. 161, et 216e rapport, cas no 1084 (Nicaragua), paragr. 38.)
- 521. De même, en ce qui concerne la fermeture temporaire de certains locaux de syndicats importants, d'une manière générale, le comité souhaite appeler l'attention du gouvernement sur la résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles adoptée par la Conférence internationale du Travail à sa 54e session, 1970, qui prévoit parmi les libertés civiles essentielles à l'exercice normal des droits syndicaux le droit à la protection des biens syndicaux.
- 522. Enfin, le comité regrette que le secrétaire général du Congrès des syndicats de Fidji ait été empêché, à l'aéroport de Nadi, de se joindre à une délégation du Congrès des syndicats du Commonwealth qui se rendait à Vancouver et voudrait rappeler d'une manière générale, à cet égard, que le droit des organisations syndicales nationales d'envoyer des représentants aux congrès syndicaux internationaux découle normalement de leur droit de s'affilier à des organisations internationales de travailleurs. (Voir, par exemple, 181e rapport, cas no 880 (Madagascar), paragr. 114.)
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 523. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité estime que la détention préventive de certains dirigeants du Congrès des syndicats de Fidji, même pour une période limitée, qui a eu lieu après le coup d'état militaire du 25 septembre 1987, a impliqué une grave ingérence dans l'exercice des droits syndicaux.
- b) Le comité voudrait également rappeler, d'une manière générale, que le fait que le gouvernement militaire ait fermé temporairement certains locaux de syndicats importants et qu'il ait empêché un dirigeant syndical de voyager avec une délégation d'un congrès syndical international est contraire aux principes internationaux concernant la protection des locaux syndicaux et le droit d'entrer librement en contact avec les organisations syndicales internationales.
- c) Le comité, tout en prenant note des accords intervenus avec le TUC et des assurances données par le gouvernement, tient à souligner que l'exercice des droits syndicaux ne saurait être considéré comme illégal du simple fait d'un manque de coopération des organisations syndicales avec un gouvernement. L'exercice de ces droits ne doit pas non plus être considéré comme le gage et le résultat de la coopération entre le mouvement syndical et un gouvernement, mais comme un droit inaliénable des travailleurs.
- d) Le comité demande au gouvernement d'envoyer ses observations sur la dernière communication de la CISL en date du 8 février 1988.