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- 44. A sa session de février 1988, le comité a examiné les
- aspects du présent
- cas relatifs à l'exercice du droit de grève et à l'imposition de
- services
- minima dans diverses entreprises et il a présenté un rapport
- intérimaire au
- Conseil d'administration. (Voir 254e rapport, paragr. 428 à 449,
- approuvé par
- le Conseil d'administration à sa 239e session (février-mars
- 1988).)
- 45. Les allégations qui restent à examiner figurent dans des
- communications
- du Syndicat unique national du vêtement et des branches
- assimilées
- (SUA-VESTIMENTA) des 25 mars, 21 avril, 3 août, 2 et 9
- septembre 1987 et dans
- une communication de la Plénière intersyndicale des
- travailleurs - Convention
- nationale des travailleurs (PIT-CNT), du 14 mai 1987. La
- Fédération syndicale
- mondiale, par une communication du 9 septembre 1987, et la
- la plainte de la SUA-VESTIMENTA. Le gouvernement a
- répondu par des
- communications des 8 octobre 1987, 5 juin et 10 octobre
- 1988.
- 46. L'Uruguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté
- syndicale et la
- protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no
- 98) sur le
- droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants- 47. Le Syndicat unique national du vêtement et des
- branches assimilées
- (SUA-VESTIMENTA) présente une série d'allégations relatives
- à la violation de
- la liberté syndicale par la Chambre industrielle du vêtement
- (CIV) au cours
- d'un long conflit du travail qui revêt, depuis 1986, un caractère
- de plus en
- plus aigu. Tout en reconnaissant le caractère démocratique du
- gouvernement et
- en relevant que les libertés civiles et politiques sont reconnues
- et que, par
- conséquent, les principes de la liberté syndicale sont
- respectés, la
- SUA-VESTIMENTA fait observer que les autorités
- compétentes n'ont adopté aucune
- mesure effective pour éviter, comme il est prévu aux articles 3
- et 5 de la
- convention no 98, les graves violations des droits syndicaux
- qui se sont
- produites. Devant l'intransigeance et l'attitude antisyndicale
- manifestées par
- les employeurs dans les négociations menées, en juin 1986,
- au sein des
- conseils des salaires (qui fixent les salaires minima), le pouvoir
- exécutif
- s'est hâté de décréter une augmentation salariale de 17 pour
- cent, avec le
- vote favorable de la délégation des employeurs. Ce décret a
- été rejeté par la
- SUA-VESTIMENTA qui n'était pas d'accord avec le
- pourcentage d'augmentation et
- s'élevait contre le non-respect de la disposition législative (art.
- 9 de la
- loi no 10449) qui veut que les salaires soient fixés par
- catégorie de
- travailleurs afin que ces derniers puissent être rémunérés, en
- fonction des
- emplois plus ou moins spécialisés qu'ils occupent. Par ailleurs,
- le recours au
- travail à domicile et aux petits ateliers de confection favorise la
- surexploitation, à laquelle s'ajoute le fait que les employeurs
- recourent à
- l'assurance chômage ou au licenciement en arguant du
- manque de travail, alors
- que celui-ci est exécuté par les petits ateliers de confection
- susmentionnés
- pour se débarrasser du personnel syndiqué. Pour faire pression
- sur la CIV,
- afin qu'elle respecte la législation, des arrêts d'une journée de
- travail ont
- été organisés. La réponse de la CIV a été la suivante:
- - établissement de listes noires qui empêchent les dirigeants
- et les
- militants syndicaux d'obtenir un emploi stable. Tel est le cas de
- Ramón
- Cáceres, secrétaire général de la SUA-VESTIMENTA, de
- Harlem Olivera,
- secrétaire général adjoint, du dirigeant Hugo Bergalta (accusé
- de façon
- diffamatoire par les employeurs d'avoir eu des attitudes
- discriminatoires
- fondées sur la race) et de 50 pour cent des dirigeants
- syndicaux
- (l'organisation plaignante envoie en annexe une liste des
- personnes qui
- figurent sur les listes noires);
- - licenciement ou mise au bénéfice de l'assurance chômage,
- durant le
- conflit du travail du mois de juillet 1986, de plus de la moitié
- des 60
- membres de la direction nationale de la SUA-VESTIMENTA.
- Des centaines de
- travailleurs ont en outre été mis à pied, et 46 travailleurs ont
- été licenciés
- pour avoir participé activement aux actions syndicales, sous
- prétexte de
- prétendues fautes disciplinaires commises durant les arrêts de
- travail (la
- SUA-VESTIMENTA joint la liste des travailleurs licenciés);
- - présence de policiers en uniforme dans plus de dix
- fabriques; les
- huissiers appelés par les employeurs pour vérifier auprès des
- travailleurs
- leur volonté de participer à l'arrêt de travail et dans l'alternative
- les
- empêcher de pénétrer sur leur lieu de travail;
- - dans plus de six entreprises, séquestration du personnel qui
- occupait
- pacifiquement les ateliers, sans que les autorités publiques ne
- s'y opposent;
- - recours à des contrats de durée déterminée en tant que
- mesure
- discriminatoire antisyndicale pour empêcher l'affiliation
- syndicale;
- - utilisation abusive de l'assurance chômage pour se
- débarrasser des
- travailleurs syndiqués et recruter, par la suite, d'autres
- travailleurs ou
- donner du travail à de petits ateliers, souvent clandestins;
- - réalisation d'enquêtes préalables sur les travailleurs qui
- souhaitent
- entrer dans les entreprises du vêtement par l'intermédiaire
- d'agences ou
- d'entreprises qui se chargent d'interroger les proches des
- intéressés pour
- savoir s'ils participent généralement à des arrêts de travail,
- quelles sont
- leurs idées politiques, etc. C'est ce qui se passe dans diverses
- entreprises
- du secteur, et plus précisément à la Milton SA et à la Orlon SA;
- - signature de conventions collectives entre entreprises et
- travailleurs à
- l'insu de l'organisation syndicale (une convention collective
- conclue dans
- l'entreprise Milton SA octroie des prestations salariales plus
- élevées aux
- ouvriers, à condition qu'ils ne participent pas à la négociation
- centrale
- menée par le syndicat). La SUA-VESTIMENTA illustre,
- ensuite, ses allégations,
- en citant des faits de caractère antisyndical qui se sont
- produits dans les
- entreprises MILTON, CIMPEX, EVERFIT, EL MAGO, RELOS,
- RODOY, ROMINA, SIDEX,
- CUBACAN, MOISES FELD, PAUL SHARK, FARGO,
- BERNALESA, RINSY, DYMAC, PRAKER,
- DAKAR, MANTEL.
- 48. Dans sa communication du 14 mai 1987, la Plénière
- intersyndicale des
- travailleurs - Convention nationale des travailleurs (PIT-CNT),
- après avoir
- relevé que, depuis le retour au régime démocratique, les
- organisations
- syndicales sont reconnues et fonctionnent normalement au
- sein de la
- collectivité nationale, allègue qu'il n'a pas été créé
- d'"organismes
- appropriés aux conditions nationales pour assurer le respect
- du droit
- d'organisation" (art. 3 de la convention no 98); il est possible,
- en Uruguay,
- d'éloigner les militants syndicaux des lieux de travail
- simplement en les
- licenciant, puisqu'il suffit à l'employeur d'en prendre la décision
- "sans en
- donner les motifs" et de verser les indemnités dues pour que le
- licenciement
- ne puisse être contesté. Cette situation, connue du ministère
- du Travail, qui
- n'en tient pas compte, donne lieu à des persécutions
- antisyndicales flagrantes
- et de plus en plus nombreuses. Le décret 93/68 du 3 février
- 1968, qui
- réglemente, interdit et sanctionne la discrimination
- antisyndicale, a un
- caractère purement formel puisqu'il fixe des amendes très
- faibles (elles
- peuvent aller jusqu'à l'équivalent de 25 ou 50 jours de salaire
- de
- journaliers) et que l'initiative de la sanction appartient au seul
- pouvoir
- administratif. Il ne s'agit donc pas d'un organisme "approprié"
- dans le sens
- prévu par la convention no 98, mais plutôt d'un organisme qui
- facilite la
- discrimination. La Chambre des députés a approuvé un projet
- de loi en la
- matière qui ne répond pas aux aspirations du mouvement
- syndical, car il
- implique une ingérence excessive dans la vie interne des
- organisations
- syndicales en imposant des systèmes de vote pour l'élection
- des dirigeants
- syndicaux. Les droits syndicaux sont enfreints non seulement
- dans l'industrie
- du vêtement, mais également dans celle du cuir; la PIT-CNT
- allègue les faits
- suivants:
- - licenciement de plusieurs dizaines d'ouvriers, en majorité
- des délégués
- de comités d'entreprise et de plusieurs membres de bureaux
- syndicaux. Ces
- faits ont été dénoncés auprès du ministère du Travail, mais
- aucune solution
- n'a été trouvée et la répression exercée par les employeurs se
- poursuit. Dans
- l'entreprise AZADIAN, un militant syndical a été licencié pour
- s'être rendu au
- ministère du Travail et de la Sécurité sociale, afin d'y déposer
- une plainte
- contre la répression syndicale infligée par l'employeur. Dans les
- entreprises
- EXXON et SAN LUIS, des ouvrières ont été licenciées pour
- avoir exigé le
- respect des normes édictées spécifiquement par l'autorité
- compétente pour
- cette branche d'industrie. De fait, aussi bien dans l'industrie du
- cuir que
- dans celle du vêtement, l'activité syndicale a pris un caractère
- secret ou
- clandestin, car la simple connaissance de ces activités par les
- entreprises
- entraîne le licenciement immédiat ou d'autres types d'actes
- discriminatoires à
- l'encontre des intéressés;
- - plusieurs entreprises exigent des travailleurs qu'ils signent
- un
- formulaire dans lequel ils déclarent n'avoir jamais été affiliés au
- Syndicat
- de l'industrie du cuir et qu'ils n'y adhéreront pas à l'avenir. Ces
- documents
- conditionnent l'entrée du travailleur dans l'entreprise;
- - utilisation abusive de l'assurance chômage. A cet égard,
- des entreprises
- telles que OROCUER, prenant prétexte d'un prétendu manque
- de travail, ont
- envoyé tous les membres du comité d'entreprise à l'assurance
- chômage, tout en
- donnant du travail à de petits ateliers. L'objectif visé en
- mettant certains
- travailleurs, tous dirigeants du comité d'entreprise, à
- l'assurance chômage
- est d'attaquer l'organisation syndicale et d'empêcher le contact
- entre les
- militants et les ouvriers de l'entreprise. De même, l'entreprise
- MILENI a
- envoyé tout son personnel à l'assurance chômage, puis a
- distribué du travail à
- ce même personnel dans une autre entreprise, sans tenir
- compte des conditions
- plus avantageuses que les travailleurs avaient obtenues dans
- la première
- entreprise qui les avait mis au chômage. Dans ce cas, la
- réintégration de
- tout le personnel dans une autre entreprise s'est effectuée à
- l'exclusion
- expresse de l'ensemble du comité d'entreprise, qui a continué
- à toucher
- l'assurance chômage, dans l'attente de la notification de son
- licenciement.
- 49. La SUA-VESTIMENTA, appuyée par la Fédération
- syndicale mondiale, allègue
- dans une communication du 28 juillet 1987 que, lors de la
- réunion du conseil
- des salaires en juin 1987, les employeurs ont continué à
- refuser l'application
- de taux de salaires différents selon les catégories d'emplois,
- bien que le
- pouvoir exécutif ait adopté, en principe, une attitude positive
- en acceptant
- la proposition des ouvriers de fixer au préalable une catégorie
- de base se
- fondant sur une sentence arbitrale de 1968 qui serait
- actualisée (la fixation
- préalable de catégories de base est réclamée, notamment en
- raison de
- l'application de salaires minima). La proposition du syndicat
- figurait dans un
- "calendrier ouvert" qui prévoyait entre autres choses le
- relèvement de 100
- pour cent du salaire versé pendant les congés, un
- complément de 100 pour cent
- de la prime de fin d'année, la réintégration des personnes de la
- profession
- licenciées et congédiées et la création de garderies d'enfants.
- Les employeurs
- ont rejeté la proposition des ouvriers et essayé de revenir sur
- certaines
- conquêtes, comme les 75 pour cent du salaire versé pendant
- les congés et la
- totalité de la prime de fin d'année. Après deux mois de
- négociation, le
- pouvoir exécutif a fait savoir qu'il était disposé à conclure avec
- la
- SUA-VESTIMENTA un accord portant sur un pourcentage
- d'augmentation salariale
- supérieur à celui offert par les employeurs; la décision du
- pouvoir exécutif
- porte uniquement sur le pourcentage salarial et la catégorie de
- base et non
- pas sur le salaire versé pendant les congés, la prime de fin
- d'année et les
- autres revendications. La SUA-VESTIMENTA a décidé
- d'accepter le pourcentage
- proposé par le pouvoir exécutif (17 et 18 pour cent), mais en
- indiquant qu'il
- était insuffisant. La CIV a voté contre l'augmentation salariale
- en question.
- De même, la SUA-VESTIMENTA fait état d'une série de
- mesures de discrimination
- antisyndicale (listes noires, licenciements par les entreprises
- EVERFIT,
- DIRPLAIN (DALLAS), DEGANIA, ANTEX, EL MAGO).
- B. Réponse du gouvernement
- 50. Dans sa communication du 8 octobre 1987, le
- gouvernement explique que,
- pour l'essentiel, il est du même avis que les organisations
- plaignantes,
- notamment lorsqu'elles reconnaissent que, "depuis le retour au
- régime
- démocratique, les organisations syndicales sont reconnues et
- fonctionnent
- normalement au sein de la collectivité nationale" et que "les
- libertés civiles
- et politiques, sont reconnues et que, par conséquent, les
- libertés qui émanent
- de la liberté syndicale sont respectées".
- 51. Il ressort de l'examen des allégations formulées par les
- plaignants que
- la plainte est, en définitive, motivée par des faits qui sont
- imputés
- exclusivement aux employeurs des secteurs du vêtement et du
- cuir qui ont seuls
- joué un rôle actif en la matière, le gouvernement étant
- complètement étranger
- à ces faits.
- 52. Vu que les organisations plaignantes présentent une
- accusation générique
- portant sur le non-respect des articles 3 et 5 de la convention
- no 98, il
- convient de rappeler ce qui a été fait pour rétablir entièrement
- les droits
- syndicaux. Comme l'indiquent les plaignants, l'Uruguay a eu
- une prestigieuse
- tradition de respect et de promotion de la liberté syndicale.
- Cependant, il y
- a lieu d'indiquer que cette tradition s'est développée grâce à
- l'application
- de normes minimales fondées uniquement par l'article 57 de la
- Constitution qui
- date de 1934 et sur les conventions internationales du travail
- nos 87 et 98,
- ratifiées par la loi no 12030 du 27 novembre 1953, lesquelles,
- en vertu de la
- conception moniste dont l'application est prédominante sinon
- unanime en droit
- et en jurisprudence, font partie de l'ordre juridique interne en
- tant que
- dispositions directement applicables. En effet, comme l'OIT
- elle-même l'a
- souligné en plusieurs occasions, l'Uruguay a constitué et
- constitue encore
- aujourd'hui un cas unique dans la région d'abstention de l'Etat
- en matière
- normative. Cette politique d'abstention, défendue et
- revendiquée par la plus
- prestigieuse doctrine nationale, a sa raison d'être dans
- l'opposition des
- syndicats à toute forme de normes imposées par l'Etat. Cette
- opposition est
- fondée sur les origines idéologiques du mouvement et
- favorisée par le
- développement précoce d'une société moderne qui a connu
- des époques de
- prospérité et de bien-être, durant lesquelles s'est instauré un
- système de
- relations professionnelles respectueux des droits syndicaux.
- Dans ce contexte,
- l'unique mesure adoptée par l'Etat et ayant un caractère
- général pour garantir
- le libre exercice des droits syndicaux a été le décret no 93/968
- du 3 février
- 1968 qui, pour faciliter l'application des normes internationales
- en vigueur
- et des sanctions fixées par la législation nationale, a établi en
- la matière
- une réglementation commune qui interdit expressément les
- pratiques
- antisyndicales. Ce système de quasi-abstention qui, pour ce
- qui est de
- l'application des conventions nos 87 et 98, est demeuré en
- vigueur pendant
- presque vingt ans (de novembre 1953 à juin 1973), n'a fait
- l'objet d'aucun
- commentaire important de la part des organes de contrôle de
- l'OIT.
- 53. Le gouvernement ajoute que, à peine installé, le régime
- démocratique a
- innové en la matière par la loi no 15738 du 13 mars 1985 en
- "annulant", et non
- pas en y dérogeant, les prétendues "lois" nos 15137 sur les
- associations
- professionnelles, 15328 et 15385 sur les conventions
- collectives, 15530 sur la
- grève, 15587 sur les libertés syndicales, et la prétendue "loi
- fondamentale"
- no 3 sur la grève des agents de la fonction publique, qui
- avaient été
- appliquées par le régime de facto (1973-1985). Il a fallu pour
- cela rétablir
- le régime juridique qui était en vigueur avant 1973 en matière
- de droits
- syndicaux et qui reposait exclusivement sur la Constitution (art.
- 57) et sur
- les conventions internationales du travail nos 87 et 98,
- réglementées par le
- décret no 93/968. C'est ainsi qu'est appliqué aujourd'hui en
- Uruguay un régime
- syndical caractérisé par l'abstention de l'Etat et par l'autonomie
- des
- parties, principes systématiquement défendus par le
- mouvement syndical et la
- doctrine du travail la plus typique, et qui vont radicalement à
- l'encontre des
- normes étatiques générales en la matière. Dans le cadre de ce
- régime, les
- syndicats se constituent de façon autonome, sans aucune
- intervention de
- l'Etat, et se voient reconnaître de facto la personnalité
- juridique par le
- seul fait de leur existence et sans obligation de se faire
- enregistrer. Ils
- sont habilités à exercer tous les types d'activités
- professionnelles et
- syndicales. De même, la liberté syndicale est respectée
- totalement selon les
- dispositions de la convention no 87, en particulier les aspects
- de la liberté
- syndicale positive et négative, la liberté de constituer des
- syndicats,
- l'autonomie interne, la liberté d'affiliation à des organismes
- internationaux
- et la faculté d'autodissolution, aussi bien dans le secteur privé
- que dans la
- fonction publique.
- 54. Cependant, il est évident, comme l'OIT l'a relevé
- elle-même, que si
- l'abstention de l'Etat sur le plan législatif a été particulièrement
- favorable
- au développement du libre exercice de l'activité syndicale, elle
- comporte en
- soi une carence, du fait de l'absence de normes établissant
- expressément des
- mécanismes appropriés et effectifs de protection spéciale des
- dirigeants et
- des militants syndicaux contre le licenciement et autres actes
- de
- discrimination antisyndicale. L'absence de normes établissant
- expressément des
- procédures efficaces de protection, si elle a été dénoncée
- avant la faillite
- des institutions, l'a été essentiellement à cause du risque
- qu'elle pouvait
- présenter mais, avec le rétablissement des libertés syndicales,
- elle est
- devenue un danger qui, même s'il ne s'est pas encore
- généralisé, constitue
- cependant un sujet de préoccupation pour le gouvernement.
- 55. Il en est ainsi parce que, après douze années de
- paralysie syndicale, la
- reconstitution des organisations de travailleurs risquait de se
- heurter à
- l'opposition de certains employeurs pour lesquels il s'agissait
- d'une pratique
- presque inconnue, surtout dans les secteurs d'activité les plus
- récents. Cela
- d'autant plus que leur inexpérience en la matière a coïncidé,
- dans bien des
- cas, avec celle d'une nouvelle génération de dirigeants qui se
- sont lancés
- dans l'action syndicale dans des circonstances inhabituelles
- de résistance et
- d'affrontement clandestin avec le régime en vigueur.
- Conscient du risque dès
- le début, le gouvernement a estimé dans l'immédiat que,
- devant l'insuffisance
- traditionnelle du droit positif interne, les tribunaux devaient
- jouer un rôle
- essentiel et jouir d'une compétence exclusive comme cela doit
- être le cas dans
- un Etat de droit tel que celui qui prévaut en Uruguay, où les
- conditions
- essentielles de cette compétence existaient déjà. En effet,
- l'absence de
- normes expressément établies n'a pas empêché l'évolution de
- la jurisprudence
- dans sa fonction de protection et de défense des libertés et
- des droits
- fondamentaux en instituant, en vertu de l'article 332 de la
- Constitution, des
- organismes dotés de moyens d'action appropriés contre les
- actes de
- discrimination syndicale, bien entendu dans la mesure où ces
- derniers sont
- prouvés. A cet égard, le fait que la jurisprudence ait admis le
- recours de
- protection (amparo), que les tribunaux aient ordonné de ne pas
- innover et,
- fondamentalement, que les sentences qui ont imposé la
- réintégration des
- travailleurs aient fixé des sanctions comminatoires en cas de
- non-respect de
- la disposition revêtent une importance particulière.
- Parallèlement, compte
- tenu de ce que la Cour suprême partage la conception
- moniste qui préconise
- l'incorporation ipso jure dans l'ordre juridique interne des
- normes contenues
- dans les conventions internationales du travail dès leurs
- ratifications, et,
- compte tenu de ce que le décret no 93/968 interdit
- expressément les actes de
- discrimination antisyndicale condamnés par la convention
- internationale du
- travail no 98, on peut déduire que les conditions nécessaires
- pour que les
- mesures de protection énoncées aux alinéas c), d) et e) de la
- recommandation
- no 143 deviennent effectives sur le plan juridique sont réunies.
- 56. Cependant, poursuit le gouvernement, il faut souligner
- que la tradition
- autonomiste du mouvement syndical uruguayen, au sein
- duquel (en raison de la
- définition qu'il donne de lui-même d'un syndicalisme de classe)
- prédomine une
- certaine méfiance à l'égard de l'Etat, l'a conduit en général à
- éviter de
- s'adresser aux tribunaux, même en cas de conflit de droit,
- préférant, le plus
- souvent, recourir à la grève. Sachant également que la lenteur
- habituelle de
- la justice renforUait la réticence des travailleurs, notamment au
- niveau
- syndical, à recourir aux tribunaux, le pouvoir exécutif a soumis
- au Parlement,
- le 28 mars 1985, un projet de loi qui vise, par l'instauration
- d'une procédure
- orale et abrégée en matière de conflit du travail, à faciliter la
- défense du
- travailleur et qui prévoit, à cet effet, une assistance syndicale
- en cas de
- jugement.
- 57. Le gouvernement indique que, même s'il revient en
- dernier ressort au
- pouvoir judiciaire de sanctionner efficacement les violations
- des droits
- syndicaux, pour sa part, sur le plan administratif, le ministère du
- Travail et
- de la Sécurité sociale a usé, dans ce domaine, de ses
- pouvoirs en matière de
- police, conformément aux dispositions du décret no 93/968.
- Lorsque des
- plaintes sont déposées en violation du droit syndical, une
- procédure tendant à
- déterminer la véracité des faits allégués est engagée. Lorsqu'il
- est prouvé
- qu'il y a eu persécution syndicale, le ministère déclare qu'il y a
- violation
- des droits syndicaux et ordonne la réintégration du travailleur
- intéressé
- lorsque la violation en question s'est traduite par un
- licenciement, et il
- inflige des amendes en cas de non-respect de sa décision. Il
- convient de tenir
- compte du fait que l'article 9 du décret no 93/968 prescrit que
- les
- infractions seront sanctionnées par des amendes, dont le
- montant sera fixé en
- fonction du nombre de travailleurs concernés, et que
- l'Inspection générale du
- travail et de la sécurité sociale a interprété cette disposition
- comme
- signifiant que, en cas de mesures antisyndicales destinées à
- empêcher
- l'affiliation et l'exercice de l'activité syndicale, il y a lieu de
- considérer
- que c'est l'ensemble des travailleurs qui sont affectés, même si
- ces mesures
- visent spécifiquement un ou plusieurs travailleurs. Ainsi, le
- montant des
- faibles amendes de principe a été relevé.
- 58. Enfin, il faut reconnaître que la protection la plus efficace
- des droits
- syndicaux doit être de nature législative. A cet égard, le
- gouvernement tient
- à appeler l'attention du comité sur le fait que le Parlement est
- saisi d'un
- projet de loi sur les libertés syndicales qui a déjà été approuvé
- par la
- Chambre des députés et qui doit combler définitivement la
- lacune qui a
- toujours existé dans le droit national. S'il n'y a pas lieu pour
- l'instant de
- trop s'étendre sur son contenu, le gouvernement, par la loi en
- question, veut
- mieux respecter ses obligations qui découlent de la ratification
- de la
- convention no 98. En effet, les normes envisagées s'inspirant
- des décisions du
- Comité de la liberté syndicale pour assurer l'application
- effective des
- articles 1 et 2 de la convention no 98 prévoient explicitement
- des moyens de
- recours et des sanctions contre les actes d'ingérence des
- employeurs à l'égard
- des travailleurs. Ainsi, des procédures rapides et des sanctions
- sévères sont
- prévues contre les actes de discrimination syndicale,
- procédures qui sont
- définies en détail comme le préconise la recommandation no
- 143. A cet égard,
- il convient de rappeler l'affirmation contenue dans l'allégation
- de la PIT-CNT
- selon laquelle ce projet de loi sur les libertés syndicales "ne
- répond pas aux
- aspirations du mouvement syndical dans la mesure où il
- introduit des normes
- qui impliquent une ingérence abusive du gouvernement dans
- la vie interne des
- organisations syndicales en ce sens qu'il impose des systèmes
- de vote pour
- l'élection des dirigeants syndicaux". Devant cette affirmation
- catégorique, il
- convient de ne pas oublier qu'elle se réfère à la disposition du
- dernier
- alinéa de l'article 6 de la loi dans laquelle il est prévu que les
- garanties
- complémentaires dont doivent bénéficier les dirigeants
- syndicaux s'appliquent
- uniquement à ceux qui sont élus par scrutin secret, obligatoire
- et direct,
- sans autre exigence. Le gouvernement souligne non
- seulement qu'il n'est pas
- prévu d'imposer des systèmes de vote, mais uniquement de
- faire en sorte qu'un
- système bien déterminé de vote conditionne le bénéfice des
- garanties
- complémentaires, mais il relève aussi que, sur ce point
- également, le projet
- est conforme aux décisions du Comité de la liberté syndicale
- puisqu'il reprend
- les dispositions qui imposent aux organisations de travailleurs
- l'obligation
- de choisir leurs dirigeants au moyen d'un système déterminé de
- vote, pour
- autant que ce système assure le droit au libre scrutin, comme
- le garantit, par
- définition, le scrutin secret. Ceci étant, le gouvernement
- conclut que, même
- si les organisations plaignantes demandent l'approbation d'une
- loi relative
- aux droits syndicaux, en persistant à refuser de façon
- inconsidérée les normes
- les plus minimes imposées par l'Etat en ce qui concerne leur
- organisation,
- quand bien même ces normes sont totalement conformes à la
- convention
- internationale no 87, elles rendent difficile cette approbation.
- Le
- gouvernement demande au comité de se prononcer sur la
- question de savoir si
- les normes prévues dans le projet de loi relatif aux droits
- syndicaux
- répondent ou non aux normes définies par l'OIT.
- 59. Quant aux faits survenus dans les industries du vêtement
- et du cuir, le
- gouvernement indique que ces deux secteurs, qui sont
- orientés vers
- l'exportation croissante de produits non traditionnels, se sont
- développés
- pour l'essentiel ces quinze dernières années durant la grande
- partie
- desquelles l'activité syndicale était interdite par le régime de
- facto. Par
- ailleurs, ces secteurs constituent des branches d'activité de
- composition
- complexe et hétérogène. Dans l'industrie du vêtement en
- particulier, il
- subsiste toujours des travailleurs à domicile, des ateliers
- familiaux et des
- établissements de moyenne importance qui approvisionnent
- pour l'essentiel le
- marché interne, concurremment à des entreprises orientées
- vers l'exportation
- qui, hors saison, se tournent également vers le marché interne.
- Après le
- rétablissement de la liberté syndicale, à partir du 1er mars
- 1985, les deux
- secteurs ont connu, au bout de peu de temps, de graves
- difficultés dans
- l'établissement d'un système harmonieux de relations
- professionnelles. En
- 1985, la confrontation n'a pas dépassé le niveau de
- l'entreprise. De nombreux
- conflits se sont succédé qui, s'ils ont été réglés grâce à la
- conciliation
- menée par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, ont
- cependant
- laissé des séquelles d'intransigeance. A l'occasion de la
- négociation
- salariale qui a été menée en juin 1986, un conflit collectif de
- caractère
- général a éclaté, même s'il est resté circonscrit aux grands
- établissements.
- Durant ce conflit, au cours duquel l'affrontement a pris une
- âpreté
- inhabituelle, les plaintes se sont succédé de part et d'autre.
- Alors que les
- employeurs accusaient les dirigeants et les militants syndicaux
- de recourir
- abusivement à la grève au moyen d'arrêts de travail par
- sections, de ralentir
- les cadences de travail, de réduire volontairement la
- production, d'occuper
- les lieux de travail sous prétexte d'assemblées ou d'arrêts de
- travail pour
- mener des actions et également de commettre des actes
- d'intimidation et de
- couper, avec violence, l'électricité, l'organisation des
- travailleurs
- alléguait des actes d'ingérence indiscriminée de la part des
- employeurs, se
- traduisant par une restriction de l'activité syndicale, la mise à
- pied et le
- licenciement des militants et des dirigeants syndicaux.
- 60. Dans ce contexte, le ministère du Travail et de la
- Sécurité sociale, qui
- ne dispose pas de moyens suffisants pour exercer ses
- fonctions en matière de
- police administrative du travail, a consacré le meilleur de ses
- efforts à la
- médiation, proposant la signature d'une convention de longue
- durée qui
- réglementerait les conditions de travail et établirait les bases
- d'un système
- de relations professionnelles. En définitive, après de
- nombreuses journées de
- négociation, un accord mettant fin au conflit a été conclu,
- mais il n'a
- cependant pas abouti à la réglementation des relations
- professionnelles dans
- ce secteur.
- 61. Après le règlement du conflit, l'organisation des
- travailleurs a dénoncé
- les représailles consistant, pour l'essentiel, en des actes de
- persécution et
- en des préjudices qui font l'objet de la plainte. A cet égard, il
- convient de
- réaffirmer en premier lieu que, si comme il a été indiqué il
- n'existe pas de
- dispositions juridiques établissant expressément des
- mécanismes appropriés et
- effectifs de protection spéciale des dirigeants et des militants
- syndicaux,
- cette lacune est partielle étant donné que la jurisprudence a
- donné les moyens
- (recours de protection (amparo), interdiction d'innover et
- réintégration des
- travailleurs licenciés au risque de se voir infliger une sanction
- comminatoire
- en cas de refus de réintégration) aux tribunaux de donner
- effet, tout au moins
- aux mesures de protection énumérées aux alinéas c), d) et e)
- de la
- recommandation no 143. A cet égard, comme il revient en
- définitive au pouvoir
- judiciaire de sanctionner les violations des droits syndicaux, et
- étant donné
- l'indépendance totale dont jouit ce pouvoir, il convient
- d'appeler l'attention
- du comité sur le fait que le gouvernement n'a pas
- connaissance de ce que, du
- moins dans leur majorité, les victimes des actes dénoncés
- aient engagé des
- actions judiciaires à cet égard.
- 62. Sans préjudice d'en établir la preuve, il convient de
- rappeler au comité
- les difficultés qu'il y a à établir dans les faits la qualité de
- dirigeants
- syndicaux des travailleurs qui se disent lésés. En effet, étant
- donné
- l'entière autonomie dont jouissent les travailleurs pour
- l'organisation de
- leurs syndicats qui, par le seul fait d'exister, sont habilités à
- mener tous
- les types d'activité syndicale sans avoir l'obligation de se faire
- enregistrer
- et le refus du mouvement syndical d'enregistrer volontairement
- leurs
- dirigeants, il faut enquêter sur chaque cas pour déterminer,
- lorsque cela
- n'est pas notoire si, dans les faits, le travailleur en question est
- investi
- ou non de la qualité de dirigeant syndical, car le plus souvent
- on manque
- d'éléments de preuve qui permettraient d'établir cette qualité.
- Ces
- difficultés, qui sont encore plus grandes lorsqu'il s'agit de
- statuer au
- niveau de l'entreprise sur les mises à pied ou les licenciements,
- se
- conjuguent à la difficulté de percer la véritable intention de
- l'employeur
- lorsqu'il invoque pour justifier ces mesures soit la mauvaise
- conduite
- notoire, soit le manque de travail, situation normale dans les
- secteurs
- d'exportation où la production est saisonnière et la fabrication
- cyclique.
- 63. Pour ce qui est de la présence de la police dans les
- établissements en
- grève, il convient de signaler que cette présence n'a eu lieu
- que dans les cas
- où, les travailleurs occupant l'entreprise, l'employeur a
- demandé au ministère
- de l'Intérieur de la faire évacuer conformément aux dispositions
- du décret no
- 512/966. Il y a lieu également d'indiquer, à cet égard, que ces
- évacuations se
- sont toujours déroulées de façon pacifique.
- 64. Si ces faits sont en définitive admis par les organisations
- plaignantes,
- il faut toutefois également souligner que le ministère du Travail
- et de la
- Sécurité sociale, lorsqu'il a constaté qu'il y avait effectivement,
- ainsi
- qu'il avait été allégué, succession de contrats de durée
- déterminée, a
- clairement souligné le caractère illicite de cette forme de
- contrat, se
- prononçant en faveur de la stabilité de l'emploi du travailleur
- ainsi qu'il
- ressort de la documentation annexée par les plaignants.
- 65. De même, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale
- a précisé que
- les accords conclus par l'employeur avec plusieurs travailleurs,
- s'ils peuvent
- être considérés comme valides pour ce qui est des principaux
- avantages qui en
- résultent pour chacun des travailleurs signataires, n'ont pas
- valeur de
- conventions collectives et, partant, n'exemptent pas les
- travailleurs qui les
- souscrivent des conditions de travail établies par la
- négociation collective.
- 66. Cela dit, lorsque l'organisation des travailleurs a dénoncé
- l'existence
- d'ateliers clandestins vers lesquels était canalisée la
- production des
- établissements en conflit, il a été procédé systématiquement à
- des inspections
- dans plus de 30 cas sans que le caractère prétendument
- clandestin des
- établissements en question ait été constaté, même si, en
- plusieurs occasions,
- des infractions d'une autre nature, qui ont été dûment
- sanctionnées, ont été
- constatées.
- 67. Enfin, le gouvernement tient à informer le comité qu'à ce
- jour il a
- organisé des rencontres auxquelles ont participé les présidents
- des chambres
- de l'industrie et du vêtement, de la PIT-CNT et des
- organisations de
- travailleurs intéressées, et au cours desquelles les participants
- essaient
- d'établir, par consensus, un système de relations
- professionnelles approprié.
- 68. Le gouvernement fait savoir que, ceci étant, le ministère
- du Travail et
- de la Sécurité sociale a décidé de nommer une commission
- d'enquête pour
- établir la véracité des faits dénoncés devant le comité comme
- constituant des
- pratiques antisyndicales dans les industries du vêtement et du
- cuir. Cette
- commission est composée de personnalités indépendantes de
- renom. Cette
- commission, dont la constitution a été imposée aux
- organisations plaignantes,
- doit collaborer avec la Direction nationale du travail et
- l'Inspection
- générale du travail et de la sécurité sociale pour traiter, dans
- un délai de
- 90 jours, de tous les cas qui n'ont pas donné lieu à une
- procédure judiciaire.
- Lorsque cette commission aura établi son rapport, le
- gouvernement communiquera
- au comité ses conclusions et l'informera, le cas échéant, des
- mesures adoptées
- en conséquence.
- 69. Par une communication du 5 juin 1988, le gouvernement
- a envoyé le texte
- des conclusions de la commission d'enquête susmentionnée
- (voir l'annexe 1 au
- présent rapport) et celui d'une décision du ministre du Travail
- et de la
- Sécurité sociale pour donner effet aux recommandations de
- ladite commission
- (voir annexe 2 au présent rapport) et en particulier celle qui a
- trait à la
- création d'une commissison de médiation de caractère
- permanent pour les
- industries du vêtement et du cuir. De même, dans une
- communication du 10
- octobre 1988, dans laquelle il répondait à la demande du
- Bureau du 23 juin
- 1988 de lui communiquer les informations et les observations
- de la commission
- d'investigation chargée, par une décision du 14 octobre 1987,
- d'enquêter sur
- les diverses allégations formulées dans le cadre du présent
- cas, le
- gouvernement relève que cette commission a indiqué qu'elle
- avait formulé ses
- conclusions en tenant compte des éléments recueillis à
- l'occasion de l'examen
- des documents détenus par la Direction nationale du travail
- (Division des
- relations professionnelles). Ces conclusions portent sur les
- audiences qu'elle
- a tenues à la suite de conflits dans l'industrie du vêtement ainsi
- que sur les
- résultats des enquêtes qui ont été menées à sa demande par
- l'Inspection
- générale du travail et de la sécurité sociale et, essentiellement,
- des
- informations recueillies auprès des deux parties lors de
- nombreux entretiens,
- individuels et collectifs, qu'elle a organisés au cours des six
- mois de
- travail qu'a exigés l'exécution de sa tâche. Les conclusions de
- la commission
- d'enquête ont été reconnues comme étant, pour l'essentiel,
- correctes par les
- deux parties, ainsi qu'il ressort du procès-verbal du 12
- septembre 1988 dont
- il est fait mention plus loin et dans lequel les représentants
- employeurs de
- la Chambre du vêtement comme les représentants travailleurs
- du Syndicat unique
- du vêtement et de la PIT-CNT ont tous reconnu "que la
- situation créée dans
- l'industrie du vêtement est allée en se détériorant ce qui a
- empêché
- l'instauration d'un dialogue harmonieux indispensable pour
- mener une
- négociation collective", affirmant, en conséquence "leur ferme
- volonté de
- remédier à cette situation, dans le respect et la considération
- réciproques".
- Toujours selon le gouvernement, le ministère du Travail et de
- la Sécurité
- sociale ne dispose pas des moyens d'imposer, de façon
- coercitive, la
- réintégration de travailleurs qui auraient pu être mis à pied ou
- licenciés en
- violation de leurs droits syndicaux et que, comme en Uruguay
- la sanction des
- violations de ces droits syndicaux relève de la compétence
- des organes
- judiciaires, le gouvernement n'a pas connaissance de ce que
- les victimes des
- faits dénoncés dans la plainte qui a donné lieu au présent cas
- aient engagé
- des recours en vue d'obtenir réparation. Par ailleurs, le
- gouvernement indique
- que la commission de médiation créée par une décision du 3
- juin 1988 accomplit
- une tâche ardue pour remédier à la détérioration notoire des
- relations
- professionnelles dans l'industrie du vêtement, au point
- d'obtenir un accord
- formel des deux parties de négocier la conclusion d'une
- "convention collective
- qui fixe les règles minimales d'activité des deux parties, sur la
- base
- notamment de la reconnaissance et de la représentativité de
- ces deux parties,
- de l'obligation de négocier de bonne foi, de l'abstention de
- l'exercice de
- pratiques déloyales, de la fixation de dates et de lieux pour les
- discussions
- et de la définition des niveaux de négociation". A cet égard, le
- gouvernement
- joint une photocopie de l'accord conclu le 12 septembre
- dernier au siège du
- ministère et qui a été signé par les membres de la commission
- de médiation
- pour l'industrie du vêtement, les représentants des employeurs
- de la Chambre
- du vêtement, les représentants de la SUA-VESTIMENTA et
- ceux de la PIT-CNT. La
- convention collective conclue à l'époque à l'instigation de la
- commission de
- médiation désignée par le ministère reprend les conclusions et
- les
- recommandations formulées dans l'étude faite par la mission du
- BIT en 1986 et
- constitue, sans doute, un progrès dans la pratique nationale.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 70. Le comité observe que dans le présent cas les
- organisations plaignantes
- ont allégué, d'une manière générale, que les autorités n'ont
- pris aucune
- mesure effective pour éviter, comme il est prévu à l'article 3 de
- la
- convention no 98, les graves violations des droits syndicaux
- qui se sont
- produites dans l'industrie du vêtement depuis 1986 et, plus
- précisément,
- l'intransigeance et l'attitude antisyndicale de la Chambre de
- l'industrie du
- vêtement dans les négociations menées au sein des conseils
- des salaires et les
- nombreux actes ultérieurs de discrimination à l'encontre de
- dirigeants et de
- militants syndicaux, que les organisations plaignantes
- décrivent en détail. La
- PIT-CNT a formulé des allégations similaires relatives à la
- discrimination
- antisyndicale dans l'industrie du cuir.
- 71. Pour ce qui est de l'application de l'article 3 de la
- convention no 98
- ("Des organismes appropriés aux conditions nationales
- doivent, si nécessaire,
- être institués pour assurer le respect du droit d'organisation
- défini par les
- articles précédents."), le comité prend note de ce que, selon
- les
- organisations plaignantes, il suffit à l'employeur de licencier des
- travailleurs "sans en donner le motif" et de leur verser les
- indemnités qui
- leur sont dues pour éloigner les militants syndicaux des lieux de
- travail; de
- même, selon les organisations syndicales, les amendes
- prévues dans le décret
- no 93/68 en cas de discrimination sont si faibles que l'on ne
- peut parler d'un
- "organisme approprié" dans le sens de la convention no 98,
- d'autant que
- l'initiative de la sanction relève de la seule administration. Le
- comité note,
- de même, que les organisations plaignantes relèvent que le
- projet de loi sur
- les libertés syndicales approuvé par la Chambre des députés
- ne répond pas aux
- aspirations du mouvement syndical car il implique une
- ingérence dans la vie
- interne des organisations syndicales avec l'application de
- systèmes de vote en
- matière d'élection des dirigeants syndicaux.
- 72. Le comité relève que, répondant à ces allégations, le
- gouvernement
- insiste sur plusieurs points: l'existence de normes minimales en
- matière de
- liberté syndicale par suite de la tradition de l'autonomie
- collective propre à
- l'Uruguay et du refus par le mouvement syndical de toute
- norme imposée par
- l'Etat; l'interdiction des pratiques antisyndicales, mentionnées
- dans la
- convention no 98, par le décret no 93/68, qui permet au
- ministre du Travail
- d'imposer des sanctions pécuniaires en cas de constat de
- telles pratiques; et
- le rôle fondamental que doivent jouer les tribunaux compte
- tenu de la
- tradition autonomiste susmentionnée. A cet égard, le
- gouvernement souligne que
- la jurisprudence reconnaît le recours de protection (amparo),
- les
- interdictions judiciaires d'innover et, essentiellement, les
- sentences qui ont
- imposé la réintégration des travailleurs, en fixant des sanctions
- comminatoires en cas de non-respect de cette disposition. Les
- tribunaux sont
- donc habilités, pour le moins, à donner effet aux mesures de
- protection
- énumérées aux alinéas c), d) et e) de la recommandation no
- 143. Cependant, le
- gouvernement tient à signaler la lenteur traditionnelle de la
- justice (à
- laquelle un projet de loi sur une procédure orale et abrégée
- tend à remédier)
- et la prédominance d'une certaine méfiance envers l'Etat qui
- résulte de la
- tradition autonomiste du mouvement syndical uruguayen qui l'a
- conduit en
- général à éviter de s'adresser aux tribunaux.
- 73. Le comité observe que les organisations plaignantes
- comme le
- gouvernement s'accordent sur l'absence de mécanismes
- appropriés et efficaces
- de protection spéciale des dirigeants et des militants syndicaux
- contre le
- licenciement et autres actes de discrimination antisyndicale. Le
- comité
- relève, cependant, que le projet de loi relatif aux libertés
- syndicales,
- approuvé par la Chambre des représentants qui, de l'avis du
- gouvernement est
- conforme aux décisions du comité, ne répond pas aux
- aspirations du mouvement
- syndical pour les raisons exposées plus haut.
- 74. Le comité relève que le projet de loi susmentionné relatif
- aux libertés
- syndicales est contesté, pour l'essentiel, par les organisations
- plaignantes
- en raison du dernier alinéa de l'article 6 qui établit ce qui suit:
- Bénéficieront des garanties complémentaires (notamment
- l'autorisation
- préalable du tribunal du travail en cas de licenciement,
- transfert ou
- dégradation des conditions de travail), dans les limites établies
- dans les
- articles 12 et 13:
- a) Les membres des directions des syndicats, fédérations,
- confédérations ou
- centrales syndicales.
- b) Les suppléants des dirigeants en question lorsqu'ils
- agissent en tant
- que titulaires.
- c) Les délégués du personnel devant les commissions
- paritaires ou
- tripartites lorsqu'ils sont proposés par l'organisation syndicale
- ou élus par
- l'ensemble du personnel.
- d) Les membres des commissions internes, conseils
- d'entreprise ou
- d'établissements ou d'organismes similaires.
- e) Les candidats à des postes de direction dans un syndicat,
- de délégués du
- personnel, de membres de commissions internes, de conseils
- d'entreprise ou
- d'établissements ou d'organismes similaires.
- L'élection des personnes mentionnées plus haut se fera par
- scrutin secret,
- obligatoire et direct. Le comité tient à signaler que,
- conformément à
- l'article 3 de la convention no 87, les organisations de
- travailleurs "ont le
- droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs, d'élire
- librement
- leurs représentants ... Les autorités publiques doivent
- s'abstenir de toute
- intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver
- l'exercice légal."
- Il ne fait aucun doute que dans l'esprit de la convention la
- réglementation
- des procédures et modalités d'élection des dirigeants
- syndicaux relève en
- priorité des statuts syndicaux. En effet, l'idée de base de
- l'article 3
- précité de la convention no 87 est de laisser aux travailleurs et
- aux
- employeurs eux-mêmes le soin de décider des règles à
- observer pour la gestion
- de leurs organisations et pour les élections en leur sein. (Voir
- 191e rapport,
- cas no 763, paragr. 29.) Cela dit, il convient de rappeler que le
- comité a
- estimé admissible l'existence de dispositions visant à
- promouvoir les
- principes démocratiques au sein des organisations syndicales.
- Le scrutin
- secret et direct constitue, sans aucun doute, une des
- modalités démocratiques
- et, en ce sens, on ne pourrait contester, du point de vue des
- principes de la
- liberté syndicale, qu'une législation donnée contienne des
- dispositions à cet
- égard; en revanche, il n'en va pas de même pour l'exigence
- du vote
- obligatoire. (Voir 191e rapport, cas no 763, paragr. 28 et 29.)
- Dans le même
- ordre d'idée, le comité a signalé par exemple que l'imposition,
- au travers
- d'une loi, de sanctions à l'encontre des travailleurs qui ne
- participent pas à
- des élections, n'est pas conforme aux dispositions de la
- convention no 87.
- (Voir 191e rapport, cas no 763, paragr. 29.) Par conséquent, le
- comité demande
- au gouvernement, dans le cas où le projet de loi sur les droits
- syndicaux
- serait adopté, de prendre les mesures nécessaires en vue de
- supprimer la
- disposition relative au vote obligatoire pour l'élection des
- dirigeants
- syndicaux en tant que condition pour bénéficier de la
- protection syndicale
- spéciale. Le comité tient à signaler cependant que cela
- n'implique en aucun
- cas de sa part qu'il soutient ou qu'il rejette ledit projet, dans la
- mesure où
- les organisations syndicales ont formulé des réserves en la
- matière et où le
- niveau de protection de l'exercice des droits syndicaux qui
- découle des
- dispositions et des principes établis dans les conventions nos
- 87 et 98
- constitue un minimum qui peut être complété et qu'il serait
- souhaitable de
- compléter par d'autres garanties supplémentaires dérivées du
- système
- constitutionnel et juridique d'un pays donné, de la tradition en
- matière de
- relations professionnelles, de l'action syndicale ou de la
- négociation entre
- les intéressés. Dans tous les cas, et compte tenu des
- nombreuses allégations
- relatives à des mesures de discrimination antisyndicale dans
- l'industrie du
- vêtement et du cuir, le comité souligne la nécessité de créer
- des mécanismes
- appropriés, impartiaux et expéditifs, pour faire respecter le droit
- d'organisation et qui évitent tout type d'acte de discrimination
- antisyndicale.
- 75. Pour ce qui est des cas concrets de discrimination
- antisyndicale dans
- les industries du vêtement et du cuir mentionnés dans les
- plaintes, le comité
- observe que les organisations plaignantes ont allégué
- l'existence de listes
- noires pour empêcher les militants et les dirigeants syndicaux
- d'obtenir un
- emploi stable; des recours au licenciement ou à l'assurance
- chômage à
- l'encontre d'un grand nombre de dirigeants syndicaux à la suite
- de conflits du
- travail; des recours au licenciement ou à la mise à pied de
- centaines de
- travailleurs qui avaient participé activement à des actions
- syndicales; la
- présence policière dans des entreprises; la séquestration du
- personnel qui
- occupait pacifiquement certaines entreprises; l'utilisation
- antisyndicale de
- contrats à durée déterminée et de l'assurance chômage; des
- recours aux
- enquêtes menées au préalable au sujet des travailleurs qui
- souhaitent entrer
- dans des entreprises de l'industrie du vêtement; la signature de
- conventions
- collectives à l'insu de l'organisation syndicale; la subordination
- du
- recrutement à la non-affiliation syndicale.
- 76. En premier lieu, le comité observe que le gouvernement
- n'a pas répondu
- de façon spécifique à chacune des allégations, mais qu'il s'est
- limité à des
- déclarations globales et à communiquer les conclusions de la
- commission
- d'enquête instituée par le ministère du Travail, à la suite de la
- soumission
- des plaintes au comité. Le comité prend note des explications
- du gouvernement
- à cet égard.
- 77. Le comité observe que la commission d'enquête instituée
- par le ministère
- du Travail a constaté les faits suivants:
- - Refus des entreprises de dialoguer avec des dirigeants
- syndicaux,
- préférant la négociation directe avec les travailleurs.
- - Défaut de critère pouvant être qualifié d'objectif pour le
- choix des
- travailleurs qui sont licenciés ou envoyés à l'assurance
- chômage. Les listes
- de ces travailleurs comprennent souvent un pourcentage
- élevé de délégués
- syndicaux ou de travailleurs syndiqués.
- - Suspensions préventives avant le licenciement par suite
- d'arrêts de
- travail ou d'actions syndicales.
- - Licenciement de travailleurs avant la fin de leur période de
- droit à
- l'assurance chômage. Cet acte donne à penser que, dans
- certains cas, il existe
- une intention de mettre fin aux contrats de certains travailleurs,
- en général
- de dirigeants syndicaux.
- - Impossibilité où se trouvent les dirigeants syndicaux
- licenciés d'obtenir
- un emploi dans une autre entreprise de la même branche
- d'activité. Si ceci ne
- constitue pas un élément d'évaluation totalement objectif, il
- n'en reste pas
- moins que c'est révélateur.
- - Heures supplémentaires demandées à certains travailleurs
- alors que
- d'autres sont à l'assurance chômage. Cela ne prouve pas
- nécessairement une
- attitude discriminatoire car il peut arriver que la production
- diminue
- notablement durant une période déterminée, situation qui
- oblige à mettre une
- partie du personnel à l'assurance chômage et que, pendant
- cette même période,
- il se produise une circonstance qui justifie la prolongation de la
- durée du
- travail sans qu'il y ait lieu de reprendre le personnel au
- chômage.
- - Présence policière dans les locaux de l'entreprise dans des
- circonstances
- qui ne répondent pas strictement aux conditions prévues dans
- le décret no
- 512/966. Cette présence est souvent demandée par les
- entreprises qui
- allèguent généralement qu'elles font appel à la police pour
- protéger les
- travailleurs qui sont molestés par d'autres, en raison de leur
- refus de
- participer à des arrêts de travail. Les travailleurs syndiqués
- interprètent ce
- facteur comme un élément d'intimidation.
- 78. Le comité prend note de ce que le gouvernement déclare
- qu'il n'a pas
- connaissance de ce que, du moins dans leur majorité, les
- victimes des actes
- dénoncés aient introduit des actions en justice et rappelle que
- les tribunaux
- sont habilités à donner effet aux mesures de protection
- énumérées aux alinéas
- c), d) et e) de la recommandation no 143 (procédures de
- recours en cas de
- licenciement injustifié des représentants des travailleurs,
- réparation
- efficace, y compris la réintégration avec versement des
- salaires non payés et
- obligation pour l'employeur de prouver que la mesure en
- question était en
- réalité justifiée).
- 79. Le comité note aussi que, selon le gouvernement, il est
- difficile de
- prouver concrètement la qualité de dirigeants syndicaux des
- travailleurs qui
- se disent lésés et de déterminer la véritable intention de
- l'employeur
- lorsqu'il invoque la mauvaise conduite ou le manque de travail.
- Il note,
- également, les déclarations du gouvernement sur la présence
- policière dans les
- établissements en grève et sur le caractère pacifique des
- évacuations, sur
- l'attitude du ministère devant les cas de succession de
- contrats de durée
- déterminée, ainsi que ses explications sur les accords conclus
- par l'employeur
- avec un certain nombre de travailleurs.
- 80. Le comité constate qu'il ressort des conclusions de la
- commission
- d'enquête instituée par le ministère du Travail pour examiner
- les faits
- allégués devant le comité que des actes de discrimination
- antisyndicale ont
- été commis et qu'il existe des pratiques antisyndicales et des
- pratiques
- contraires à la négociation collective dans les industries du
- vêtement et du
- cuir. Dans ces conditions, tout en regrettant que dans la
- plupart des cas les
- organisations syndicales et les victimes de ces actes n'aient
- pas entamé de
- procédure judiciaire, le comité souligne, en se fondant sur les
- preuves
- constatées par la commission d'enquête précitée, la nécessité
- de remédier aux
- pratiques et aux actes antisyndicaux perpétrés depuis 1986,
- qui sont
- contraires aux dispositions de la convention no 98.
- 81. Enfin, pour ce qui est de l'allégation relative à l'attitude
- intransigeante de la Chambre de l'industrie du vêtement dans
- les négociations
- de 1986 et 1987, le comité regrette la dureté avec laquelle ces
- négociations
- ont été menées. Il note que, dans les conclusions de la
- commission d'enquête
- instituée par le ministère du Travail, la nécessité de promouvoir
- des
- instruments favorisant la négociation et le dialogue pour
- rapprocher les
- parties en présence a été soulignée et observe, à cet égard,
- qu'une commission
- de médiation de caractère tripartite a été créée et qu'elle
- deviendra une
- instance permanente de négociation qui invitera les parties à
- prendre, de
- manière responsable, l'engagement de dialoguer, de régler à
- l'amiable leurs
- différends et de communiquer entre elles de façon
- permanente. A ce sujet, le
- comité note avec intérêt que, sur les instances de la
- commission de médiation,
- les deux parties ont formellement accepté de négocier la
- conclusion d'une
- convention collective pour régler par ce moyen leurs relations,
- en particulier
- pour ce qui est de l'obligation de négocier de bonne foi et de
- s'abstenir de
- recourir à des pratiques déloyales. Le comité exprime l'espoir
- que, grâce à la
- commission de médiation et à l'adoption de la future
- convention collective, il
- sera possible d'atteindre les objectifs et les résultats
- escomptés. Le comité
- tient à signaler, d'une façon générale, au sujet des allégations
- formulées sur
- cet aspect du cas, le principe selon lequel, si l'attitude
- conciliante ou
- intransigeante de l'une des parties vis-à-vis des revendications
- présentées
- par l'autre est affaire de négociation entre les deux parties,
- employeurs et
- syndicats doivent cependant négocier de bonne foi en
- s'efforçant d'arriver à
- un accord. (Voir, par exemple, 139e rapport, cas no 725,
- paragr. 279 et 236e
- rapport, cas no 1275, paragr. 457, cas no 1206, paragr. 493,
- cas no 1291,
- paragr. 695.)
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 82. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le
- Conseil
- d'administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité demande au gouvernement, si le projet de loi
- sur les libertés
- syndicales est adopté, de prendre les mesures nécessaires en
- vue de supprimer
- l'exigence du vote obligatoire dans les élections des dirigeants
- syndicaux,
- comme condition pour bénéficier de la protection syndicale
- spéciale. Le comité
- souligne la nécessité de créer des mécanismes appropriés
- impartiaux et
- expéditifs pour faire respecter le droit d'organisation afin
- d'éviter tous les
- types d'actes de discrimination antisyndicale.
- b) Sur la base des preuves recueillies par la commission
- d'enquête,
- instituée par le ministère du Travail, le comité souligne la
- nécessité de
- remédier aux pratiques et aux actes antisyndicaux perpétrés
- depuis 1986, qui
- sont contraires aux dispositions de la convention no 98, et le
- comité note
- avec intérêt que la commission de médiation tripartite, instituée
- pour
- faciliter le dialogue, la négociation et le règlement à l'amiable
- des conflits
- dans les industries du vêtement et du cuir, a permis la
- conclusion d'un accord
- entre les deux parties pour négocier la signature d'une
- convention collective
- qui régira leurs relations, en particulier en matière de
- négociation
- collective. Le comité exprime l'espoir que cela permettra à
- l'avenir le
- déroulement de négociations de bonne foi qui permettront,
- aussi bien aux
- employeurs qu'aux syndicats, dans un climat de confiance
- réciproque, de
- déployer les efforts nécessaires pour aboutir périodiquement à
- des accords
- collectifs.
Z. ANNEXE I
Z. ANNEXE I
- Conclusions de la commission constituée, en vertu d'une
- décision
- ministérielle du 14 octobre 1987, pour enquêter sur les plaintes
- formulées par
- les travailleurs de l'industrie du vêtement
- I. Introduction
- La commission, au cours de l'enquête qu'elle a menée, a
- examiné la
- documentation publique et privée que les deux parties lui ont
- fournie ou
- qu'elle s'est procurée elle-même. De même, elle a rencontré
- des représentants
- des organisations des travailleurs, des fonctionnaires du
- ministère du Travail
- et de la Sécurité sociale et le responsable de la Chambre de
- l'industrie du
- vêtement.
- Au-delà des conclusions auxquelles cette commission est
- parvenue au sujet des
- plaintes concrètes présentées, elle estime qu'il faut souligner
- qu'il ressort
- des enquêtes menées qu'il ne fait aucun doute que les
- relations
- professionnelles dans l'industrie du vêtement se sont
- complètement
- détériorées.
- Notre pays se caractérise - comme l'a souligné une récente
- mission du BIT
- (voir le rapport sur les relations professionnelles en Uruguay,
- première
- édition) - par un système de relations de travail dans lequel les
- organisations de travailleurs et d'employeurs sont authentiques
- et connaissent
- des relations hautement conflictuelles. Dans ce contexte
- conflictuel,
- cependant, la négociation bipartite et tripartite, encouragée
- par ce
- ministère, a constitué un facteur de règlement permanent du
- conflit. C'est
- ainsi que nous pouvons dire que, à l'heure actuelle, il existe
- dans notre pays
- un système de relations professionnelles conflictuelles qui est
- réglé à
- l'amiable par les deux parties elles-mêmes avec parfois
- l'intervention de
- l'Etat, en coopération avec les partenaires sociaux.
- La commission a observé, avec préoccupation, que cette
- caractéristique du
- système ne se retrouve pas dans l'industrie du vêtement où,
- dans une situation
- hautement conflictuelle, les mécanismes de règlement à
- l'amiable entre les
- deux parties ont été insuffisants et inefficaces. La commission
- a pu constater
- que les possibilités de dialogue offertes aux deux parties au
- sein du Conseil
- des salaires ou au cours d'entretiens ad hoc, organisés par le
- ministère, ont
- servi uniquement à renforcer l'écart qui sépare les deux
- parties.
- Le risque le plus important, non seulement pour le secteur,
- mais pour tout le
- système national, est que le conflit de l'industrie du vêtement
- se transforme
- en un "conflit chronique" dans lequel, au lieu de parvenir à
- des solutions à
- travers le compromis et le consensus, l'une ou l'autre partie -
- selon les
- circonstances - impose la raison du plus fort.
- Il est notoire que notre système de relations professionnelles
- se développe
- en dehors pratiquement de tout cadre normatif. Il s'agit d'un
- système - dans
- l'acception moderne - "autorégulé": aussi, prétendre résoudre
- les conflits de
- l'industrie du vêtement par des mesures coercitives imposées
- par l'Etat
- constituerait une déviation de cette caractéristique du système
- qui est
- particulièrement revendiquée par les travailleurs.
- Cependant, nous estimons que, compte tenu de la gravité des
- faits, ni l'Etat
- ni les organisations professionnelles ne peuvent demeurer
- inertes devant
- l'aggravation et la radicalisation du conflit. Nous tenons à
- souligner la
- nécessité de promouvoir des instruments susceptibles de
- favoriser la
- négociation et le dialogue pour rapprocher les deux parties.
- Les travailleurs du secteur du vêtement doivent comprendre
- que notre système
- de relations professionnelles s'est caractérisé par le "conflit",
- mais
- également par une "culture de conflit" (voir rapport du BIT, op.
- cit., p. 29).
- II. Faits constatés
- Dans ce contexte, la commission a constaté les faits
- suivants:
- 1 Il n'existe pas de négociation préalable ni spontanée entre
- les
- entreprises et le syndicat. Un dialogue s'instaure
- sporadiquement dans le
- cadre du ministère du Travail et de la Sécurité sociale mais,
- même alors, ce
- dialogue a un caractère très général et est marqué par des
- positions
- irréductibles décidées d'avance.
- 2 Il est fréquent que certaines entreprises ne répondent pas
- aux premières
- citations ou convocations à des audiences au ministère du
- Travail et que,
- lorsqu'elles le font, elles y délèguent des personnes non
- représentatives qui
- se limitent à prendre connaissance des faits et à demander
- des prorogations.
- 3 Refus des entreprises de dialoguer avec les dirigeants
- syndicaux,
- préférant la négociation directe avec les travailleurs.
- 4 Il a été constaté qu'il n'existe pas, dans tous les cas, de
- critère qui
- puisse être qualifié d'objectif pour la sélection des travailleurs
- qui sont
- licenciés ou envoyés à l'assurance chômage. Les listes de ces
- travailleurs
- comprennent souvent un pourcentage élevé de délégués
- syndicaux ou de
- travailleurs syndiqués.
- 5 Mises à pied préventives avant licenciement, par suite de
- la
- participation à des arrêts de travail ou à des actions
- syndicales.
- 6 Des travailleurs sont souvent licenciés avant la fin de la
- période
- pendant laquelle ils ont droit à l'assurance chômage. Cette
- hâte permet de
- penser que parfois il y a intention de mettre fin aux contrats de
- certains
- travailleurs, d'ordinaire des dirigeants syndicaux.
- 7 Si l'impossibilité dans laquelle se trouvent les dirigeants
- syndicaux
- licenciés de trouver un emploi dans une autre entreprise de la
- même branche
- d'activité ne peut être considérée comme un élément
- d'évaluation totalement
- objectif, elle est cependant révélatrice.
- 8 Certains travailleurs effectuent des heures supplémentaires
- alors que
- d'autres sont envoyés à l'assurance chômage. Cela ne tient
- pas nécessairement
- à une attitude discriminatoire car il arrive que la production
- diminue
- notablement au cours de certaines périodes, ce qui justifie la
- mise au chômage
- d'une partie du personnel et que, au cours de cette même
- période, il puisse se
- produire une circonstance qui justifie la prolongation de la
- durée du travail
- sans qu'il y ait lieu de reprendre des travailleurs mis au
- chômage.
- 9 Présence policière dans les locaux de l'entreprise dans des
- circonstances
- qui ne répondent pas strictement aux conditions prévues dans
- le décret
- 512/966. Cette présence est souvent demandée par les
- entreprises qui,
- généralement, allèguent qu'elles font appel à la police pour
- protéger les
- travailleurs qui sont molestés par d'autres parce qu'ils refusent
- de
- participer à des arrêts de travail. Les travailleurs syndiqués
- interprètent
- cette mesure comme un élément d'intimidation.
- 10 L'organisation d'assemblées par les travailleurs pendant
- les heures de
- travail sans avoir obtenu l'autorisation de l'entreprise.
- 11 L'utilisation par les travailleurs de formes atypiques de la
- grève comme
- la grève perlée ou la grève du zèle.
- III. Considérations finales
- La situation actuelle semble tenir à l'extrême ressentiment des
- parties l'une
- à l'égard de l'autre, qui fait qu'elles ont tendance à s'affronter
- et qu'elles
- sont incapables d'entretenir des relations harmonieuses.
- La détérioration de la situation peut également tenir à
- l'absence
- d'interlocuteurs mieux disposés à la négociation.
- Un exemple de cette incapacité à négocier est donné par le
- fait qu'un
- représentant de la Chambre des employeurs au sein de la
- commission a indiqué
- que les employeurs avaient pris la décision de ne pas
- dialoguer avec un
- dirigeant syndical qui, selon eux, avait eu des paroles
- offensantes au sujet
- de la race de certains employeurs.
- Cet exemple montre l'ardeur que mettent les deux parties à
- défendre leurs
- intérêts.
- Quoi qu'il en soit, il y a lieu d'inviter la PIT-CNT et les
- chambres des
- employeurs de s'efforcer de rapprocher les deux parties,
- conformément à la
- pratique courante dans notre système de relations collectives
- dont le BIT a
- fait état.
- Nous estimons qu'il est opportun de constituer une
- commission de médiation
- qui deviendra une instance de négociation permanente qui
- invitera les deux
- parties à prendre, de manière responsable, l'engagement de
- dialoguer, de
- régler à l'amiable leur conflit, de communiquer entre elles en
- permanence,
- comme cela se passe dans les autres secteurs professionnels
- de notre
- communauté nationale.
- Nous vous prions, Monsieur le Ministre, d'agréer l'expression
- de notre plus
- haute considération.
- Juan Raso Delgue Hernán Navascués Santiago Pérez del
- Castillo
- Montevideo, 12 avril 1988.
- ANNEXE II
- Décision du ministre du Travail et de la Sécurité sociale
- Montevideo, 3 juin 1988
- AYANT PRIS CONNAISSANCE: du rapport de la commission
- constituée par décision
- du 14 octobre 1987, pour enquêter sur la plainte des
- travailleurs de
- l'industrie du vêtement;
- ETANT APPARU: I) que cette commission conseille
- d'exhorter la PIT-CNT et les
- chambres des employeurs d'essayer de rapprocher les deux
- parties, conformément
- à la pratique courante dans notre système de relations
- collectives;
- II) que, de même, la commission estime opportun de
- constituer une commission
- de médiation qui deviendra une instance de négociation
- permanente, qui
- invitera les deux parties à prendre, avec responsabilité,
- l'engagement de
- dialoguer, de régler à l'amiable leur conflit, de communiquer
- entre elles en
- permanence, comme cela se passe dans les autres secteurs
- de notre communauté
- nationale;
- CONSIDERANT: qu'il y a lieu de prendre les mesures
- pertinentes pour donner
- effet aux recommandations de la commission.
- LE MINISTRE DU TRAVAIL ET DE LA SECURITE SOCIALE
- DECIDE
- 1 De convoquer les représentants de la PIT-CNT, du
- Syndicat unique national
- du vêtement et des branches assimilées (SUA-VESTIMENTA),
- de la Chambre des
- industries de l'Uruguay et de la Chambre de l'industrie du
- vêtement, afin de
- les informer du rapport de la commission, constituée par
- décision du 14
- octobre 1987, et de les exhorter à essayer de se rapprocher,
- conformément à la
- pratique courante dans notre système de relations collectives.
- 2 De constituer une commission de médiation, composée du
- Dr Hernán
- Navascués, qui représentera le présent ministère, de M. Carlos
- Rafaeli, qui
- représentera la Chambre des industries de l'Uruguay et de M.
- Thelman Borges,
- qui représentera la PIT-CNT, qui jouera le rôle d'instance de
- négociation
- permanente pour l'industrie du vêtement.
- 3 De soumettre à la Direction nationale du travail l'installation
- de la
- commission créée en vertu de la décision précitée.
- 4 De remettre une copie de la présente décision à
- l'Inspection générale du
- travail et de la sécurité sociale.
- 5 De communiquer au Comité de la liberté syndicale du
- Conseil
- d'administration du Bureau international du Travail, le rapport
- de la
- commission constituée en vertu de la décision du 14 octobre
- 1987, et de lui
- remettre une copie de la présente décision.