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- 404. La plainte figure dans une communication de la Confédération mondiale du travail (CMT) du 2 juin 1983. Le gouvernement a répondu par des communications en date du 31 octobre et du 15 novembre 1983.
- 405. L'Uruguay a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l'organisation plaignante
A. Allégations de l'organisation plaignante
- 406. La CMT allègue que le 26 novembre 1982, l'entreprise "Frigorífico Pesquero del Uruguay (FRIPUR) S.C." a décidé, unilatéralement, de modifier le systèmes de salaires des pêcheurs (qui sont rémunérés en pourcentage de la valeur des prises), le montant de la tonne de poisson pêché tombant, en monnaie nationale, de 200 dollars à 2.650 nouveaux pesos, soit une diminution de plus de 70 pour cent. Des mois plus tard, après des discussions avec la direction de l'entreprise, la diminution des salaires fut fixée à 30 pour cent de moins qu'avant novembre 1982.
- 407. Face à cette situation et à la constatation que diverses irrégularités avaient été commises dans l'entreprise en matière d'engagements de fonds et de liquidation d'avoirs, les travailleurs de la FRIPUR décidèrent de former une association professionnelle. Selon le plaignant, les travailleurs durent, pour constituer cette association, demander l'autorisation du ministère du Travail et de la Sécurité sociale ainsi que celle de la Préfecture de police, laquelle fut refusée sous prétexte que le signataire de la demande, M. Roberto Alfonso, avait des antécédents idéologiques qui l'empêchaient de devenir dirigeant syndical, fait que l'intéressé lui-même ignorait. C'est pourquoi les travailleurs durent demander de nouvelles autorisations.
- 408. Le 31 janvier 1983, poursuit le plaignant, eut lieu l'Assemblée constitutive; le 4 mars, la nouvelle association fut enregistrée auprès du ministère du Travail et une lettre d'introduction fut envoyée à l'entreprise et au Directeur de la marine marchande, qui mentionnait le nom des dirigeants élus et la nécessité de prévoir un contrat de travail en conformité avec les dispositions de la convention no 114 de l'OIT, ratifiée par l'Uruguay le 30 avril 1973 en vertu de la loi 14.114. Selon le plaignant, le 9 mars 1983, deux des dirigeants syndicaux qui avaient signé la lettre d'introduction en question (MM. Fredy Serpa et Oscar Leal) furent congédiés; le troisième signataire étant en mer depuis le 5 mars, il ne fut pas possible de procéder à son licenciement.
- 409. La CMT indique qu'une plainte ayant été déposée auprès du ministère du Travail et de la Sécurité sociale le jour même, le ministère a ordonné la réintégration des dirigeants syndicaux licenciés; l'entreprise contesta la légalité de la nouvelle association car elle prétendait considérer les pêcheurs comme des associés de production; or, en pareil cas, les intéressés ne pouvaient se syndiquer. L'entreprise décida de reprendre M. Oscar Leal à partir du 19 mars et l'informa qu'elle n'admettrait pas le personnel d'encadrement (capitaines et chefs-machinistes) dans l'association formée.
- 410. S'agissant de M. Fredy Serpa (chef-machiniste), le plaignant signale que sa qualité de travailleur de l'entreprise a été mise en doute le 31 janvier 1983 (assemblée constitutive de l'association) et le 4 mars 1983 (enregistrement de l'association) car il ne figurait pas sur la liste des travailleurs. Devant cette irrégularité, l'association présenta les registres du personnel de l'année précédente et démontra qu'à ces dates-là il était absent, en congé compensatoire accumulé pendant l'année 1982, avec une déclaration du capitaine du bateau qui confirmait l'allégation de l'association.
- 411. L'organisation plaignante allègue, d'autre part, que le 25 avril 1983, à la suite d'une campagne de dénigrement, M. Daniel Cocchi, dirigeant de l'association, capitaine du bateau sur lequel naviguait M. Serpa et auteur de la déclaration confirmant le congé de ce dernier, fut licencié.
- 412. Le plaignant allègue en outre que, bien que la loi no 15.137 de 1980 sur les associations professionnelles prévoie que 60 jours après avoir été enregistrées, les associations doivent procéder à l'élection des comités définitifs, cela est impossible puisque ni le ministère du Travail, ni la Cour électorale n'ont établi les modalités selon lesquelles ces élections doivent se dérouler. Enfin, le plaignant allègue que le droit de grève est réglementé par le décret no 622/973 de telle façon qu'on ne peut l'exercer sans que la grève soit déclarée illégale. [Le comité va examiner les allégations formulées dans le présent paragraphe dans le cadre du cas no 1209.]
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement
- 413. Le gouvernement déclare que s'il est exact que quelques travailleurs de l'entreprise "Frigorífico Pesquero del Uruguay (FRIPUR) S.C." aient procédé à toutes les formalités administratives préalables à la constitution d'une association ouvrière d'entreprise (présentation de la liste des dirigeants provisoires et des statuts), il n'en va pas de même de l'affirmation suivant laquelle l'association en question aurait été enregistrée. En effet, comme l'association n'a pas la personnalité juridique, les dirigeants provisoires n'ont que des pouvoirs de représentation aux fins de procéder aux formalités nécessaires à la constitution de l'association.
- 414. Le gouvernement déclare en outre qu'à la demande des parties le Secrétariat d'Etat au travail a servi de médiateur en ce qui concerne le licenciement de MM. Fredy Serpa, Oscar Leal et Daniel Cocchi, et que le premier des intéressés travaille normalement depuis le 1er octobre 1983.
- 415. Pour ce qui est du licenciement de M. Cocchi, capitaine de l'un des bateaux de la FRIPUR, l'entreprise a décidé de ne pas l'enrôler à partir du 25 avril 1983 en raison de faits et d'omissions qui, à son avis, ont entamé la confiance sur la base de laquelle était établie la relation de travail et qui permet en général à l'armateur d'être représenté à bord vis-à-vis des travailleurs par le capitaine. Par ailleurs, le Tribunal disciplinaire de la direction de la marine marchande, qui dépend de la Préfecture navale nationale, a été saisi d'une requête présentée par l'armateur du bateau de pêche "Marina Rajamar", en vue de réviser la note accordée au capitaine du bateau en question, M. Daniel Cocchi. Après en avoir délibéré dans les formes, le tribunal a conseillé au directeur de la marine marchande de reconsidérer la notation relative au capitaine Cocchi et de ne qualifier que de "moyens" ses services et sa conduite, ainsi que le retrait du livret d'embarquement pour une durée de six mois pour violation des diverses normes relatives au service à bord des bateaux et du règlement disciplinaire, en indiquant qu'il existait une juste cause de licenciement.
- 416. En ce qui concerne le licenciement de M. Leal, le gouvernement signale que, lors de la procédure administrative, l'intéressé s'est borné à réclamer à l'entreprise l'attestation de débarquement, l'armateur s'engageant à donner effet aux dispositions en vigueur. Le gouvernement ajoute que le tribunal disciplinaire de la Direction de la marine marchande, après avoir eu communication du fait que le 26 juillet 1983 le patron du bateau de pêche "Laura Adriana" avait fait débarquer le machiniste en question, a conseillé, en procédant aux formalités correspondantes, de maintenir le débarquement et l'appréciation figurant dans le livret d'embarquement de M. Leal, et conformément au règlement relatif à la conduite de l'équipage des bateaux marchands, d'indiquer qu'il existait une juste cause de licenciement.
- 417. Le gouvernement joint copie des diverses décisions administratives prises au sujet des licenciements allégués.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité
- 418. Dans le présent cas, le plaignant a allégué le licenciement de trois dirigeants syndicaux de l'association du personnel navigant de l'entreprise FRIPUR (APEEF), MM. Fredy Serpa, Oscar Leal et Daniel Cocchi. Les deux premiers, licenciés le 9 mars 1983, soit cinq jours après que l'APEEF ait fait connaître à l'entreprise le nom des dirigeants syndicaux élus par l'Assemblée constitutive de l'association; le troisième aurait été congédié pour s'être déclaré favorable à la réintégration de M. Serpa. Le plaignant a en outre allégué que, pour la constitution de l'APEEF, le personnel de la FRIPUR avait dû demander l'autorisation du ministère du Travail et celle de la Préfecture de police, laquelle fut refusée du fait que l'un des signataires (M. Roberto Alfonso) avait des antécédents idéologiques qui l'empêchaient de remplir les fonctions de dirigeant syndical, de sorte que de nouvelles autorisations avaient dû être demandées.
- 419. Le comité prend note des déclarations du gouvernement relatives aux licenciements allégués. Il note en particulier que, selon le gouvernement, M. Fredy Serpa travaille normalement depuis le 1er octobre 1983.
- 420. Le comité prend note également du fait que, selon le plaignant, M. Oscar Leal a réintégré l'entreprise depuis le 19 mars 1983 (soit 10 jours après son licenciement). Toutefois, il ressort de la documentation envoyée par le gouvernement que M. Oscar Leal a été débarqué (et de ce fait congédié) du bateau de pêche "Laura Adriana" le 26 juillet 1983 et que lorsque l'entreprise FRIPUR et M. Leal ont comparu devant l'autorité administrative, l'intéressé n'a pas réclamé sa réintégration. Le comité observe qu'en conséquence il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen de cette allégation.
- 421. Toutefois, eu égard au fait que le dirigeant syndical Fredy Serpa est resté congédié du 9 mars au 1er octobre 1983 et que le gouvernement n'a pas nié que M. Leal ait été licencié dans un premier temps le 9 mars 1983 bien qu'il ait été réintégré dix jours après, le comité signale à l'attention du gouvernement que le licenciement de dirigeants syndicaux en raison de leurs fonctions ou de leurs activités syndicales est contraire aux dispositions de l'article 1 de la convention no 98. En outre, il souligne que de tels licenciements risquent de constituer une intimidation entravant le libre exercice de leur fonction syndicale.
- 422. Quant au licenciement du dirigeant syndical M. Daniel Cocchi, le comité note que, selon le gouvernement, il a été congédié le 25 avril 1983 pour des faits et des omissions qui ont porté atteinte à la confiance que l'on avait placée dans ce capitaine de bateau. Le comité prie le gouvernement de lui indiquer avec précision les faits concrets et les omissions qui ont motivé le licenciement de M. Cocchi, afin de pouvoir se prononcer sur cette allégation en pleine connaissance de cause.
- 423. Enfin, le comité observe que le gouvernement n'a pas répondu à l'allégation selon laquelle l'APEEF aurait dû demander des autorisations administratives au ministère du Travail et à la police pour pouvoir se constituer, et à l'allégation selon laquelle M. Roberto Alfonso a été déclaré inapte à remplir les fonctions de dirigeant syndical à cause de ses "antécédents idéologiques". Le comité demande au gouvernement de lui transmettre ses observations sur cet aspect du cas.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 424. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire, et notamment les conclusions suivantes:
- a) En ce qui concerne le licenciement de deux dirigeants syndicaux, le comité note que l'un d'entre eux a été réintégré à son poste de travail et qu'un autre n'a pas demandé à l'autorité - administrative compétente sa réintégration.
- b) Le comité note que, selon le gouvernement, le dirigeant syndical Daniel Cocchi a été congédié pour des faits et des omissions qui ont porté atteinte à la confiance placée dans ce capitaine de bateau. Afin de pouvoir se prononcer sur cette allégation en pleine connaissance de cause, le comité prie le gouvernement de lui indiquer avec précision les faits concrets et les omissions qui ont motivé le licenciement de ce dirigeant.
- c) Le comité signale à l'attention du gouvernement que le licenciement de dirigeants syndicaux en raison de leurs fonctions ou de leurs activités syndicales est contraire aux dispositions de l'article 1 de la convention no 98 et risque de constituer une intimidation entravant le libre exercice de leur fonction syndicale.
- d) Le comité demande au gouvernement de lui transmettre ses observations sur l'allégation suivant laquelle l'APEEF aurait dû demander des autorisations administratives au ministère du Travail et à la police pour pouvoir se constituer.
- e) Le comité demande au gouvernement de lui transmettre ses observations sur l'allégation selon laquelle M. Roberto Alfonso a été déclaré inapte à remplir les fonctions de dirigeant syndical à cause de ses "antécédents idéologiques".