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Informe provisional - Informe núm. 216, Marzo 1982

Caso núm. 1084 (Nicaragua) - Fecha de presentación de la queja:: 21-OCT-81 - Cerrado

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  1. 5. La plainte figure dans une communication de l'Organisation internationale des employeurs (OIE) du 21 octobre 1981, dans laquelle cette organisation allègue la détention de certains hauts dirigeants employeurs de l'Organisation patronale du Nicaragua. L'OIE a envoyé des informations complémentaires par des communications des 27 et 28 octobre, 2 et 6 novembre 1981 et du 15 février 1982.
  2. 6. Face à la gravité des faits allégués, le Directeur général du BIT, après avoir envoyé le 23 octobre 1981 un premier télégramme priant le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour la libération rapide des détenus, a adressé au gouvernement un second télégramme le 30 octobre 1981 manifestant son désir d'envoyer au Nicaragua, à une date rapprochée, un haut fonctionnaire afin de discuter avec les autorités gouvernementales de l'affaire en cause. Dans une communication du 13 novembre 1981, le gouvernement s'est déclaré prêt à accepter une telle mission; celle-ci eut lieu entre le 29 novembre et le 4 décembre 1981.
  3. 7. Le gouvernement a, d'autre part, fait parvenir ses observations sur les faits allégués dans des communications des 21 janvier et 15 février 1982.
  4. 8. Le Nicaragua a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations du plaignant

A. Allégations du plaignant
  1. 9. L'Organisation internationale des employeurs (OIE) allègue qu'à la suite d'une plainte du Procureur de la République et dans le but de briser les structures du secteur patronal, des membres de la sécurité de l'état ont arrêté arbitrairement et injustement le 21 octobre 1981 MM. Enrique Dreyfus, Gilberto Cuadra, Benjamin Lanzas et Enrique Bolaños, respectivement président et vice-présidents du conseil supérieur de l'entreprise privée du Nicaragua (COSEP), comme auteurs présumés de délits contre la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publique (article 4, paragraphe c) l), 2), 3), 4) ) et contre la loi sur l'état d'urgence économique et social (article 3, paragraphes c) et h)), pour avoir signé et rendu publique le 19 octobre 1981 une lettre adressée au commandant Daniel Ortega, coordonnateur de la junte du gouvernement de reconstruction nationale, dans laquelle ils dénoncent la ligue marxiste-léniniste prise par la révolution sandiniste et dont le contenu reflète l'opinion générale du secteur privé.
  2. 10. Le plaignant signale qu'en violation de la convention no 67 les dispositions légales à la base de la plainte du Procureur de la République restreignent de manière inacceptable la liberté d'expression nécessaire à l'exercice normal des droits syndicaux et constituent une violation de la liberté d'information, composante fondamentale de la liberté d'association.
  3. 11. Le plaignant ajoute qu'après une procédure très sommaire les dirigeants patronaux du COSEP, Enrique Dreyfus, Gilberto Cuadra et Benjamin Lanzas furent condamnés par jugement du 29 octobre 1981 - jugement dont ils ont transmis le texte - à sept mois d'emprisonnement et de travaux publics, et que cette condamnation était destinée uniquement à décapiter le mouvement patronal.
  4. 12. Dans sa communication du 27 octobre 1981, le plaignant allègue que les dirigeants emprisonnés du COSEP ont fait l'objet de traitements inhumains et, en particulier, qu'on ne leur a pas permis de recevoir les médicaments nécessaires ni de visites, de sorte qu'ils se trouvaient dans les pires conditions d'hygiène et de salubrité. Dans la même communication, le plaignant signale, d'autre part, que les bases du secteur privé se mobilisent et signent pour l'endosser la lettre envoyée le 19 octobre 1981 au commandant Daniel Ortega.
  5. 13. Finalement, dans un télégramme du 15 février 1982, l'OIE fait part de la libération de MM. Dreyfus, Cuadra et Lanzas et exprime sa profonde gratitude au BIT pour les démarches entreprises en vue de leur libération.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 14. Dans sa communication du 21 janvier 1982, le gouvernement déclare que, le 19 octobre 1981, le COSEP a diffusé par la radio de Managua le texte d'une lettre adressée au commandant Daniel Ortega, coordonnateur de la junte du gouvernement de reconstruction nationale. La lettre était signée de quelques membres du COSEP et devait être publiée par la suite dans le journal "La Prensa", ce qui a conduit différents secteurs du pays à émettre une série de critiques. Elle accusait de manière monstrueuse la Direction révolutionnaire de "préparer le génocide au Nicaragua" par une nouvelle tentative du COSEP de créer artificiellement une confrontation entre l'entreprise privée, le pouvoir et le peuple révolutionnaire. Ceci était dû simplement au fait que le commandant Humberto Ortega Saavedra, ministre de la Défense, appelait le COSEP à se rallier à la défense du processus révolutionnaire. Le gouvernement signale que le COSEP s'efforçait avec virulence de refuser de participer au processus de reconstruction nationale, ce qui correspondait à invalider la volonté persistante du FSLN de soutenir le pluralisme politique et l'économie mixte qui depuis deux ans déjà leur avait assuré l'existence. De même, dans cette lettre, les membres du COSEP, alarmés au plus profond de leurs intérêts de vendeurs de la patrie par les déclarations du ministre de la Défense, au lieu de répondre par une attitude patriotique positive aux menaces d'agression et d'intervention qui pesaient sur le Nicaragua, ont insisté par leurs calomnies sur "le manque de liberté" au moment même où ils envoyaient la lettre à des organismes internationaux comme l'Organisation internationale des employeurs dans un souci d'interventionnisme pour leur faire connaître leur triste sort.
  2. 15. Le gouvernement déclare aussi que les dirigeants du COSEP ont comparu devant le juge du Tribunal criminel de Managua le 24 octobre 1981 et qu'ils ont été inculpés par le Procureur de la République de violation de la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publique (article 4, paragraphe c) l), 2), 3), 4)) et de la loi sur l'état d'urgence économique et social en application du décret no 812 (article 3, paragraphes c) et h)).
  3. 16. Le gouvernement ajoute que, le 26 octobre 1981, le procès s'est ouvert et que les inculpés ont réfuté unanimement les charges qui leur étaient imputées. Le procureur a retiré par la suite les charges qui pesaient sur M. Bolaños Geyer, étant donné que celui-ci a prouvé qu'il n'avait pas signé la lettre. Le gouvernement ajoute que, grâce à son certificat médical, M. Bolaños Geyer fut remis par le juge pénal à l'hôpital Bautista de Managua puisqu'il n'était pas en état de rester en prison à cause d'une hernie et d'un ulcère à l'estomac.
  4. 17. Le gouvernement indique que dans le jugement intervenu dans l'affaire des détenus du COSEP, du 29 octobre 1981, dont il communique le texte, Enrique Bolaños Geyer a été acquitté puisque aucun chef d'inculpation n'a été retenu contre lui; Enrique Dreyfus Morales, Benjamin Lanzas Selva et Gilberto Cuadra Solórzano ont été disculpés des délits de violation de l'article 3, paragraphes c) et h), de la loi sur l'état d'urgence économique et social, le juge ayant estimé qu'il n'y avait pas eu délit sur ces points. Cependant, ils ont été condamnés à sept mois de prison avec travaux publics pour violation de l'article 4 de la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publique pour avoir attenté l) à la sécurité et à l'économie nationale; 2) à la défense de l'ordre et à la prévention des délits.
  5. 18. Le gouvernement indique qu'un appel a été introduit contre ce jugement pour manque de base légale et il précise que, le 26 novembre 1981, la Cour d'appel de Masaya a confirmé les condamnations à sept mois de prison avec travaux publics contre les trois dirigeants du COSEP, MM. Enrique Dreyfus, Gilberto Cuadra et Benjamin Lanzas, de même que l'acquittement qu'avait prononcé le juge de première instance en faveur d'Enrique Bolaños Geyer, dirigeant du COSEP. L'arrêt d'appel est également communiqué par le gouvernement.
  6. 19. Enfin, dans sa communication du 15 février 1982, le gouvernement annonce que MM. Dreyfus, Cuadra et Lanzas ont été remis en liberté.

C. Mission de contacts directs

C. Mission de contacts directs
  1. 20. Comme il a été relevé ci-avant, le Directeur général - conformément à la procédure en vigueur - a adressé le 30 octobre 1981 un télégramme au gouvernement le priant de recevoir d'urgence une mission du BIT afin de discuter avec les autorités du Nicaragua les questions en rapport avec l'affaire en cause. Dans une communication du 13 novembre 1981, le gouvernement accepta cette proposition.
  2. 21. Pour entreprendre cette mission, qui eut lieu du 29 novembre au 4 décembre 1981, le Directeur général a désigné M. Ian Lagergren, chef du Département des normes internationales du travail, ainsi que M. Manuel Araoz, chef du Service de la liberté syndicale, qui furent accompagnés par M. Daniel de Patoul, expert associé du BIT.
  3. 22. Avant d'arriver à Managua, les membres de la mission se sont arrêtés quelques jours à San José de Costa Rica, où ils purent entrer en contact avec deux dirigeants des employeurs nicaraguayens, en exil volontaire au Costa Rica M. Ramiro Guardián, vice-président du COSEP, et M. Jaime Bengoechea, directeur de la Chambre des industries du Nicaragua (CADIN). Ces derniers ont confirmé que trois des quatre personnes auxquelles fait référence la plainte de l'OIE (Enrique Dreyfus, Gilberto Cuadra et Benjamin Lanzas) étaient en détention pour avoir signé une lettre en date du 19 octobre 1981 adressée par les conseils d'administration de différentes organisations du secteur privé regroupées au sein du COSEP au commandant Daniel Ortega Saavedra, coordonnateur de la junte du gouvernement de reconstruction nationale; cette lettre était, entre autres, très critique à l'égard des politiques économiques et sociales poursuivies par le gouvernement du Nicaragua. La quatrième personne mentionnée dans la plainte de l'OIE (Enrique Bolaños) avait été relâchée parce qu'elle n'avait pas été parmi les signataires de la lettre.
  4. 23. Au cours de la mission, il y eut des entretiens avec le ministre de la Justice (M. Ernesto Castillo) (à deux reprises), avec le ministre du Travail (M. Virgilio Codoy), avec le Procureur de la République (M. Alberto Gomez) et avec le président de la Cour d'appel de Masaya, M. Rafael Chamorro Mora, et un certain nombre de magistrats. La mission eut également des entretiens avec monseigneur Miguel Obando y Bravo, Archevêque de Managua, avec les avocats des trois dirigeants emprisonnés, ainsi qu'avec la Commission permanente nicaraguayenne pour les droits de l'homme et avec différentes organisations syndicales. Il y eut aussi une réunion au siège du COSEP, le porte-parole principal du COSEP étant M. Ismael Reyes Icabalceta, président ad intérim. La mission se rendit pendant deux heures sans témoin auprès des prisonniers dans leur cellule. Finalement, la mission a été reçue par le Dr Rafael Córdova Rivas, membre de la junte du gouvernement et responsable, entre autres, des questions judiciaires. Les ministres de la Justice et du Travail assistaient à cette réunion.
  5. 24. La situation de MM. Dreyfus, Cuadra et Lanzas était la suivante à l'époque où la mission arriva au Nicaragua. Les intéressés avaient été arrêtés le 21 octobre et accusés par le Procureur de la République, le 24 octobre, d'avoir signé et donné une large publicité à la lettre du 19 octobre et d'avoir ainsi agi en contravention de l'article 3 de la loi no 812 du 9 septembre 1981 sur l'état d'urgence économique et social:
    • "Article 3 - En vertu de la présente loi commettront des délits contre la sécurité économique et sociale de la nation et seront punis de peines de prison de un à trois ans:
    • Paragraphe c) - Ceux qui diffuseront des fausses nouvelles visant à provoquer des dérèglements des prix, des salaires, des vivres, des articles, des marchandises, des actions, des titres et des monnaies.
    • Paragraphe h) - Ceux qui inciteront des gouvernements étrangers et des institutions internationales de crédit à organiser des actions ou à prendre des décisions causant préjudice à l'économie nationale."
    • ... ainsi qu'en violation de l'article 4 de la loi no 5 du 20 juillet 1979 sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publique:
    • "Article 4 - Seront punis de peines d'emprisonnement et de travaux publics de dix jours à deux ans ceux qui se rendront coupables des délits suivants:
    • Paragraphe c) - Diffuser verbalement ou par écrit des déclarations, des proclamations ou des manifestes visant à porter atteinte à:
  6. 1) la sécurité et l'intégrité nationale, la sécurité publique et l'économie nationale;
  7. 2) la défense de l'ordre et la prévention du délit;
  8. 3) la protection de la santé, de la morale, de la dignité des personnes, la réputation et le droit d'autrui;
  9. 4) l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire."
  10. 25. Le 29 octobre 1981, le tribunal de première instance de Managua, retenant les chefs d'accusation formulés en vertu de la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publique, condamna MM. Dreyfus, Cuadra et Lanzas à sept mois de prison et de travaux publics. Les chefs d'accusation formulés en vertu de la législation d'exception en matière économique et sociale furent rejetés. La mise en liberté sous caution fut refusée. Le 26 novembre 1981, la Cour d'appel de Masaya rejeta l'appel interjeté par les avocats des accusés et confirma la sentence du tribunal de première instance.
  11. 26. Dans les discussions avec le ministre de la Justice et le ministre du Travail, il a été souligné que le but de la mission n'était pas d'exprimer une appréciation quelconque sur le système économique, social et politique en vigueur au Nicaragua. La seule préoccupation du BIT concernait les répercussions sur l'exercice de la liberté syndicale du système existant et de la législation qui avait été introduite. Sur ce point particulier, des allégations sérieuses ont été avancées par l'OIE, qui, si elles étaient prouvées, constitueraient de graves violations des normes et principes de l'OIT en ce domaine. Il apparaissait à la mission, d'après les informations à sa disposition, que certaines lois récentes auxquelles il a été fait référence ont imposé de graves restrictions au droit d'exprimer ses opinions librement à travers la presse et autrement, restreignant de ce fait dans une large mesure un des éléments essentiels des droits syndicaux. Le fait que trois dirigeants éminents de l'organisation des employeurs exécutaient des peines de prison pour avoir exprimé leurs opinions sur la manière dont le pays est gouverné suscitait de graves préoccupations, de même que certaines allégations concernant le traitement inhumain qu'auraient subi les prisonniers (pas de droit de visite, refus des soins médicaux, etc.).
  12. 27. Le sens général des réponses des autorités était le suivant la mission était assurément au courant des bouleversements politiques ayant eu lieu au Nicaragua, frôlant la guerre civile et conduisant au renversement du régime de Somoza et à la prise du pouvoir par les sandinistes. Le pays se trouvait dans une période difficile de reconstruction nationale, était soumis à des pressions politiques extérieures et souffrait aussi des tensions politiques internes qui menaçaient de déstabiliser le pays. Pour cela, le gouvernement avait considéré comme absolument nécessaire d'adopter certaines lois d'exception pour sauvegarder l'ordre et la sécurité publique. Ces mesures étaient toutefois de nature temporaire et seraient abolies dès que la situation se serait stabilisée. Dans ce processus de stabilisation, le COSEP n'avait pas joué un rôle constructif, mais un rôle destructif, devenant une organisation plus politique que professionnelle. Aucun gouvernement n'accepterait les déclarations diffamatoires contenues dans la lettre du COSEP du 19 octobre 1981, comme celle par laquelle le gouvernement est accusé "de la préparation d'un nouveau génocide au Nicaragua, dont ceux qui exerceraient le droit de ne pas accepter l'opinion d'autrui seront les victimes". Les trois dirigeants du COSEP, signataires de la lettre en question, ont choisi librement leurs avocats et ont été jugés et condamnés dans le cadre de la procédure normale de la loi à sept mois de prison et de travaux publics. En vertu de la loi no 372 du 11 avril 1980, les personnes condamnées à des travaux publics peuvent remplacer cette obligation par une amende. En fait, MM. Dreyfus, Cuadra et Lanzas n'ont été contraints à aucun travail forcé ou obligatoire.
  13. 28. A cet égard, la mission a indiqué qu'elle ne mettait pas en doute la manière dont le procès de ces trois personnes s'était déroulé, mais la compatibilité avec les normes et principes de l'OIT dans le domaine de la liberté syndicale de la législation sur la base de laquelle on les avait condamnés. Il était compréhensible que le gouvernement n'ait pas apprécié les accusations faisant allusion à un nouveau génocide, mais la fermeté du langage utilisé par les employeurs pouvait être considérée comme une réaction excusable à l'égard d'un discours prononcé quelques jours auparavant par le ministre de la Défense, le commandant Humberto Ortega, selon lequel le peuple doit dresser la liste des individus "potentiellement contre-révolutionnaires qui seront les premiers pendus le long des chemins et des routes du pays". Le gouvernement a itérativement déclaré qu'il voulait maintenir une "économie mixte" en coopération avec les employeurs du secteur privé. Cependant, il ne parait pas favorable au développement d'une telle coopération d'emprisonner ces mêmes employeurs pour avoir exprimé leurs opinions sur l'état du pays, fût-ce même en termes non exempts de fermeté. La mission espérait profondément que la confrontation actuelle entre gouvernement et COSEP cesserait et que, dans l'intérêt du pays dans son ensemble, un certain terrain d'entente pourrait être trouvé. La libération rapide des trois prisonniers constituerait un pas important dans cette direction.
  14. 29. Aussitôt après, la mission rendit visite dans leur prison à MM. Dreyfus, Cuadra et Lanzas. La réunion se déroula sans témoin et dura près de deux heures. M. Dreyfus était leur principal porte-parole. Les détenus ont indiqué que, pendant les onze premiers jours de détention, ils ont été isolés les uns des autres dans des cellules minuscules avec peu ou pas de lumière; leur alimentation consistait uniquement en riz et fèves noires servis trois fois par jour; ils devaient manger avec leurs mains et on ne leur permettait d'aller aux toilettes que trois fois en 24 heures à des moments déterminés. Ensuite, leurs conditions se sont améliorées et sont devenues supportables. Ils pouvaient, si nécessaire, disposer de soins médicaux et recevoir des visites de leurs familles une fois par semaine. Leurs conditions sanitaires étaient maintenant acceptables. A aucun moment ils n'avaient été maltraités physiquement et ils n'avaient été obligés d'accomplir aucun travail. Toutefois, ils ont signalé qu'ils ne pouvaient voir leurs avocats que rarement et qu'en cinq semaines deux visites seulement avaient été autorisées. Au cours d'une entrevue ultérieure avec le ministre de la Justice, la mission signala ce dernier point et le ministre promit de veiller à ce qu'il ne soit fait aucun obstacle à des contacts entre les prisonniers et leurs avocats. Les trois prisonniers étaient tous fortement encouragés par la visite de la mission et par les efforts entrepris par le BIT en leur faveur.
  15. 30. Une réunion a eu lieu avec plusieurs dirigeants du COSEP au siège de cette organisation. Eux aussi appréciaient vivement les efforts déployés par le BIT pour intervenir en faveur de leurs collègues. A leurs yeux, ce n'était pas le COSEP mais le gouvernement qui avait cherché la confrontation et mis en péril la liberté et la sécurité. L'action entreprise par le gouvernement contre leurs trois collègues violait non seulement les normes et principes de l'OIT mais également les lois constitutionnelles fondamentales du Nicaragua et la convention américaine des droits de l'homme. Ils considéraient que certaines irrégularités de procédure avaient abouti au refus de la mise en liberté sous caution de leurs collègues et ils étaient également très préoccupés par les difficultés auxquelles se heurtaient les avocats pour entrer en contact avec les prisonniers.
  16. 31. Une visite au président de la Cour d'appel de Masaya et à des magistrats de cette cour ne donna pas de résultat. En particulier, il ne fut pas possible d'obtenir une quelconque information claire et directe quant à la position du Nicaragua, lorsque la loi nationale entre en conflit avec les dispositions d'un traité international ratifié ou quant à la mesure dans laquelle le juge prend en considération les dispositions de tels traités ou conventions dans l'exercice de ses fonctions.
  17. 32. Au cours d'une entrevue avec le Dr Rafael Córdova Rivas, membre de la junte du gouvernement, à laquelle assistaient également les ministres de la Justice et du Travail, la question fut posée, dans l'intérêt de rétablir un climat de dialogue plutôt que de confrontation et compte tenu des bonnes relations ayant toujours existé entre le Nicaragua et le BIT et des obligations contractées par le Nicaragua en ratifiant la convention n° 87, de savoir si le Dr Rafael Córdova Rivas pourrait employer ses bons offices pour obtenir la libération rapide de MM. Dreyfus, Cuadra et Lanzas. En réponse, le Dr Córdova Rivas déclara qu'il avait été lui-même emprisonné à plusieurs reprises sous le régime de Somoza mais qu'il n'avait jamais exécuté entièrement sa peine. Toutefois, il ne pouvait promettre à la mission que les prisonniers seraient libérés "demain", mais il userait de son influence pour s'efforcer d'obtenir leur libération.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 33. Le comité prend note des allégations de l'organisation plaignante, de la réponse du gouvernement et des informations recueillies par la mission de contacts directs effectuée au Nicaragua du 29 novembre au 4 décembre 1981. Le comité note avec satisfaction que le gouvernement du Nicaragua a accepté la proposition du Directeur général qu'une mission du BIT examine, avec les autorités nicaraguayennes, les questions soulevées dans le présent cas.
  2. 34. Le comité observe que, dans le présent cas, le plaignant allègue que MM. Dreyfus, Cuadra et Lanzas et Bolaños, respectivement président et vice-présidents du COSEP, ont été arrêtés arbitrairement et injustement le 21 octobre 1981, traités de manière inhumaine pendant leur détention et qu'ils ont été condamnés à sept mois de prison et de travaux publics - à l'exception de M. Bolaños qui fut relâché puisque aucun fait ne lui était imputable - pour avoir signé et rendu publique une lettre adressée au commandant Daniel Ortega, coordonnateur de la junte du gouvernement de reconstruction nationale, dans laquelle ils dénoncent la ligne marxiste-léniniste du gouvernement et dont le contenu reflète l'opinion générale du secteur privé nicaraguayen.
  3. 35. A cet égard, le comité note que, selon le gouvernement, ces dirigeants employeurs du COSEP ont été remis en liberté le 14 février 1982; il note également que, se référant à la libération des intéressés, l'OIE a exprimé sa profonde reconnaissance à l'OIT pour les efforts déployés en faveur de la libération de ces dirigeants employeurs. Le comité espère en ce sens que la libération de ces dirigeants contribuera de manière positive à restaurer un climat de dialogue plutôt que d'affrontement entre les autorités et le secteur patronal. Néanmoins, le comité estime que, quoique les allégations aient porté sur l'emprisonnement de dirigeants employeurs du COSEP maintenant libérés, il convient d'examiner quant au fond ces allégations, cela dans la mesure où elles pourraient être considérées comme violant la liberté syndicale.
  4. 36. Dans cet ordre d'idée, le comité observe que les dirigeants employeurs du COSEP ont été emprisonnés en raison de la lettre qu'ils signèrent et publièrent le 19 octobre 1981 comme auteurs présumés des délits mentionnés à l'article 4, paragraphe c) 1), 2), 3) et 4), de la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publique, ainsi qu'à l'article 3, paragraphes c) et h), de la loi sur l'état d'urgence économique et sociale. A cet égard, le comité ayant examiné attentivement la loi sur l'état d'urgence économique et social considère que certaines de ses dispositions restreignent gravement la liberté syndicale et limitent en pratique la liberté d'action des organisations de travailleurs et d'employeurs (voir, par exemple, l'article 3, paragraphes a) et f)). Il considère également que certains des délits prévus par la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publique sont rédigés dans des termes tellement généraux qu'ils pourraient donner lieu à des interprétations extensives, contraires au respect intégral du principe de la sécurité juridique, objectif fondamental de tout système juridique. Ce danger est renforcé par la qualification des divers délits prévus à l'article 4, paragraphe c) l), 2), 3) et 4), donnée par l'autorité judiciaire dans l'arrêt du 26 novembre 1981 confirmant la condamnation des dirigeants employeurs du COSEP. Cet arrêt qualifie ce genre de délits comme "délits de danger abstrait". En effet, selon l'arrêt, pour commettre ce genre de délit, il suffit de réaliser les actes de propagande et de diffusion mentionnés dans la loi sans qu'il soit nécessaire que l'action de répandre par écrit des déclarations et manifestes, dont la diffusion est interdite, ait produit un dommage réel au bien juridique protégé. Le comité note d'autre part que la mission a indiqué que la législation à laquelle il est fait référence impose de graves restrictions au droit de formuler librement ses opinions à travers la presse et par d'autres moyens limitant ainsi très fortement un des éléments fondamentaux des droits syndicaux. Par conséquent, tout en notant que les autorités gouvernementales ont déclaré à la mission que les lois en question étaient de nature temporaire et exceptionnelle et furent adoptées dans une période difficile de reconstruction nationale, et compte tenu de leurs conséquences sur l'exercice des droits syndicaux et des libertés publiques qui s'y rattachent, en particulier sur le droit d'exprimer et de diffuser ses opinions et ses idées, le comité rappelle que, selon l'article 8, alinéa 2), de la convention no 87, "la législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la présente convention". Il prie le gouvernement de prendre rapidement les mesures nécessaires pour modifier les dispositions législatives pour les rendre compatibles avec les principes de la convention no 87 et de la résolution sur les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, 1970, adoptée par la Conférence internationale du Travail. Il soumet cet aspect du cas à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations.
  5. 37. Au sujet de la condamnation à sept mois d'emprisonnement avec travaux publics pour violation de l'article 4, paragraphe c) l), 2), 3) et 4), de la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publique infligés aux dirigeants employeurs du COSEP, le comité observe la décision du tribunal de première instance du 29 octobre 1981 qui a retenu les expressions suivantes de la lettre signée et rendue publique le 19 octobre 1981 comme motifs de la condamnation:
    • "L'économie nationale est dans un état catastrophique. La production ne donne pas de signe de reprise. La paix sociale ne se matérialise pas. La dette extérieure s'accroît et l'économie mixte, dont le gouvernement continue à se dire partisan, recule devant l'étatisation de la propriété programmée à l'insu du peuple ... Nous voyons une ligne parfaitement claire de type marxiste-léniniste qui trouve d'ailleurs sa confirmation dans les discours prononcés par les dirigeants du pays. Il faut que vous compreniez que ceux que vous qualifiez de réactionnaires sur le plan interne ou sur le plan externe ne sont pas contre le peuple du Nicaragua. Ils sont contre le programme marxiste-léniniste dont vous imposez la réalisation à l'insu du peuple. Si les autres peuples nous mettent à l'écart, c'est pour cette raison. ... Nous atteignons le point de non-retour à partir duquel le gouvernement aura de la peine à pouvoir prétendre à la légitimité devant le peuple ... Encore plus grave est le fait que nous ne pouvons interpréter ces déclarations que comme la préparation d'un nouveau génocide au Nicaragua, dont ceux qui exerceraient le droit de ne pas accepter l'opinion d'autrui seront les victimes ..."
    • A cet égard, le comité note que la mission a déclaré qu'il était compréhensible que le gouvernement ait été offensé par les accusations selon lesquelles on se dirigeait vers un nouveau génocide, mais le langage ferme utilisé pouvait être considéré comme une réaction compréhensible à l'égard d'un discours prononcé quelques jours auparavant par le ministre de la Défense, le commandant Ortega, dans lequel il déclarait que le peuple doit dresser la liste des individus potentiellement contre-révolutionnaires qui "seront pendus le long des chemins et des routes". Dans ces circonstances, le comité, tenant compte du télégramme envoyé au gouvernement par le Directeur général le 23 octobre 1981, demandant dès cette date la libération rapide des détenus, et tenant compte des considérations mentionnées ci-dessus à propos de la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publique, dont le texte a servi de base à la condamnation, et en particulier celles de la mission qui a estimé que cette loi imposait de graves restrictions au droit d'exprimer librement ses opinions, ne peut qu'exprimer sa profonde préoccupation à l'égard de la condamnation ainsi que du temps passé en prison par ces dirigeants employeurs.
  6. 38. Enfin, au sujet de l'allégation relative au traitement inhumain qui aurait été infligé aux dirigeants employeurs du COSEP pendant leur période de détention, le comité note que les intéressés ont indiqué à la mission que, pendant les onze premiers jours, ils ont été isolés dans des cellules minuscules avec peu ou presque pas de lumière et qu'ils ont eu à subir diverses autres vexations (en matière d'alimentation et d'hygiène, etc.) au cours de leur détention, et ils ont signalé qu'ils n'ont pu que rarement voir leurs défenseurs. A cet égard, le comité, tout en notant qu'après les onze premiers jours les conditions de détention se sont améliorées et qu'elles sent devenues tolérables, signale à l'attention du gouvernement l'importance qu'il attache à ce que la détention préventive soit entourée des garanties et des limites qui évitent qu'elle soit utilisée en dehors de sa finalité et, en particulier, qu'il s'assure que la détention ne comporte pas de situation déficiente en matière d'hygiène, de représailles inutiles ou d'insuffisance dans les relations des détenus avec leurs défenseurs.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 39. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport et, en particulier, les conclusions suivantes:
    • a) le comité note avec satisfaction que le gouvernement du Nicaragua a accepté la proposition du Directeur général qu'une mission du BIT examine avec les autorités du Nicaragua les questions soulevées dans le présent cas.
    • b) Au sujet de la détention et de la condamnation des dirigeants employeurs du COSEP:
    • i) le comité note que les dirigeants employeurs du COSEP, MM. Dreyfus, Cuadra et Lanzas, qui avaient été arrêtés le 21 octobre 1981 et condamnés, le 29 octobre 1981, à sept mois de prison et de travaux publics en vertu de la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publique, ont été libérés le 14 février 1982. Le comité espère que la libération de ces dirigeants contribuera de manière positive à restaurer un climat de dialogue plutôt que d'affrontement entre les autorités et le secteur patronal. Le comité note également que le dirigeant employeur de la COSEP, M. Bolaños, a été relâché, aucune faute n'ayant pu lui être imputée.
    • ii) Tout en rappelant que, selon l'article 8, alinéa 2, de la convention no 87, "la législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la présente convention", et en prenant note que la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publique ainsi que la loi sur l'état d'urgence économique et social (textes sur lesquels le Procureur de la République a basé l'inculpation des dirigeants du COSEP) sont de nature temporaire et exceptionnelle et furent adoptées dans une période difficile de reconstruction nationale, le comité prie le gouvernement, compte tenu des conséquences que ces lois entraînent sur l'exercice des droits syndicaux et des libertés publiques qui s'y rattachent et, en particulier, des graves restrictions que la première de ces lois impose au droit d'exprimer librement ses opinions, de prendre les mesures nécessaires en vue de la modification rapide de ces lois, pour les rendre compatibles avec les principes contenus dans la convention no 87 et la résolution concernant les droits syndicaux et leurs relations avec les libertés civiles, adoptée par la Conférence internationale du Travail en 1970. En conséquence, le comité signale cet aspect du cas à l'attention de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations;
    • iii) compte tenu des considérations antérieures au sujet de la loi sur le maintien de l'ordre et de la sécurité publique - texte sur lequel est fondée la condamnation des dirigeants employeurs -, des déclarations de la mission de contacts directs sur cette loi et sur les faits qui ont motivé la condamnation, de même que du télégramme qu'a envoyé le Directeur général au gouvernement le 23 octobre 1981 demandant dès cette date que des démarches soient entreprises pour obtenir la libération de ces dirigeants, le comité déplore vivement la condamnation et la détention de ces dirigeants et exprime sa profonde préoccupation en ce qui concerne le temps que ces derniers ont passé en prison.
    • c) Au sujet de l'allégation relative au traitement inhumain dont auraient été l'objet les dirigeants employeurs du COSEP durant les onze premiers jours de détention, le comité, tout en notant que, par la suite, leurs conditions de détention se sont améliorées et qu'elles sont devenues plus tolérables, signale à l'attention du gouvernement l'importance qu'il attache à ce que la détention préventive soit entourée de garanties et de limites qui évitent qu'elle puisse être utilisée en dehors de sa finalité et, en particulier, qu'il s'assure que la détention ne comporte pas de situations déficientes du point de vue de l'hygiène, des représailles inutiles et des carences en matière de défense.
      • Genève, le 26 février 1982. (Signé) Roberto Ago, Président.

Z. ANNEXE

Z. ANNEXE
  • Traduction
  • Au Commandant Daniel Ortega Saavedra Coordonnateur de la Junte de gouvernement de reconstruction nationale
  • Managua, 19 octobre 1981
  • Monsieur,
  • Les comités directeurs des organisations du secteur privé représentées par le COSEP, réunis ce jour en session extraordinaire, ont décidé de faire part au gouvernement des réflexions suivantes:
  • Plus de deux ans se sont écoulés depuis la victoire du peuple du Nicaragua sur le régime de Somoza.
  • Durant ces deux années, nous avons vu se développer une politique de gouvernement bien différente de celle qu'annonçait le Programme du gouvernement de reconstruction nationale.
  • Nous avons analysé le processus de ce changement et vous avons mis en garde contre les dangers que présentait la voie que vous entendiez suivre pour faire progresser la révolution. Nous avons ressenti la froideur avec laquelle le gouvernement a accueilli nos recommandations et avons observé le grand nombre d'étranger qui ont défilé chez nous, dont beaucoup étaient porteurs de messages ne tenant aucun compte de notre réalité nationale.
  • L'économie du pays est dans un état catastrophique. La production ne donne pas de signes de reprise. La paix sociale ne se matérialise pas. La dette extérieure s'accroît journellement sans que l'on puisse voir où cela s'arrêtera, et l'économie mixte - dont le gouvernement continue à se dire partisan - recule devant l'étatisation de la propriété programmée à l'insu du peuple.
  • La réflexion sur la façon qu'a le gouvernement de conduire tant les affaires sur le plan national que sa politique extérieure nous a fait percevoir une ligne parfaitement claire de type marxiste-léniniste, qui trouve d'ailleurs sa confirmation dans les discours prononcés par les dirigeants du pays.
  • La manière d'agir des membres du gouvernement actuel et le langage qu'ils tiennent dans le pays comme à l'extérieur révèlent leur acharnement à poursuivre une bataille idéologique de caractère international qui nous a conduits à un isolement presque total des pays frères qui avaient appuyé, à ses débuts, l'authentique révolution nicaraguayenne. Il semble que, maintenant, le gouvernement se préoccupe moins de conserver l'appui de pays comme Costa Rica ou le Venezuela que d'obtenir celui de la Libye ou de Cuba. Cette attitude nous place dans un alignement bien défini et expose notre pays aux conséquences de cet alignement.
  • Ces mêmes discours des membres du gouvernement sur la scène internationale semblent suivre davantage les lignes directrices des mouvements internationaux marxistes-léninistes que les principes qui inspirent et doivent guider notre révolution.
  • Récemment, le ministre de la Défense et membre de la direction nationale du Front sandiniste de libération nationale, le Commandant Humberto Ortega, a déclaré qu'il fallait que le peuple dresse la liste des individus "potentiellement contre-révolutionnaires". Il a ajouté que ceux qui, inconsciemment ou consciemment (il faut lire: les Nicaraguayens non communistes) appuient les plans de l'impérialisme .., s'ils ne prennent pas activement part à la défense du pays le jour où se produirait l'agression, seront les premiers pendus le long des chemins et des routes du pays...
  • Ce qui a été dit par le ministre de la Défense et confirmé par la suite par le Dr Sergio Ramirez, membre de la Junte de gouvernement de reconstruction nationale, nous montre qu'a été mis en oeuvre un programme dont nous ne pouvons prévoir les conséquences. Encore plus grave est le fait que nous ne pouvons interpréter ces déclarations que, comme la préparation d'un nouveau génocide au Nicaragua dont ceux qui exerceraient le droit de ne pas accepter l'opinion d'autrui seront les victimes.
  • Nous sommes au seuil de la destruction du Nicaragua. Nous atteignons le point de non-retour à partir duquel le gouvernement aura de la peine à pouvoir prétendre à la légitimité devant le peuple.
  • Le nationalisme de tout un peuple se trouve menacé par l'internationalisme d'une minorité radicale et fanatique.
  • Nous pourrions considérer comme très positives certaines parties de la déclaration de la direction du Front sandiniste de libération nationale, faite le 17 octobre 1981, si les idées qu'exprime cette déclaration se trouvaient reflétées, dans la réalité, dans les paroles et les actes de ceux qui font partie de cette direction nationale.
  • La vérité est que cette déclaration ne fait qu'accentuer l'ambiguïté certaine qui caractérise le gouvernement actuel.
  • A quoi sert-il que cette déclaration lance un appel à tous les secteurs de la population si, chaque fois que vous l'estimez approprié, vous traitez ces mêmes secteurs de traîtres à la patrie?
  • A quoi sert-il de proclamer l'économie mixte si vous continuez de confisquer illégalement des entreprises?
  • A quoi sert-il de proclamer que la liberté de la presse est garantie si vous continuez à fermer les médias?
  • A quoi sert-il de proclamer le pluralisme politique si vous empêchez les partis politiques de tenir leurs réunions dans le calme et lancez contre eux vos bandes "divines" - pour utiliser votre propre terminologie - chargées de s'emparer du pays en le plongeant dans le chaos et la violence?
  • A quoi sert-il de dire que vous garantissez le pluralisme idéologique si l'on sabote les activités des syndicats indépendants et si leurs dirigeants sont emprisonnés?
  • A quoi sert-il de dire que vous garantissez l'intégrité physique des gens si le ministre de la Défense menace de faire pendre des personnes bien déterminées?
  • A quoi sert-il d'affirmer que le Nicaragua appuie les efforts de redressement économique des gouvernements d'Amérique centrale si, dans vos discours, vous attaquez les dirigeants de ces pays que vous traitez de gorilles?
  • A quoi sert-il de proclamer le respect des droits de l'homme si vous promulguez des lois portant atteinte à ces mêmes droits?
  • Il faut que vous compreniez que ceux que vous qualifiez de réactionnaires sur le plan interne ou sur le plan externe ne sont pas contre le peuple du Nicaragua. Ils sont contre le programme marxiste-léniniste dont vous imposez la réalisation à l'insu du peuple. Si les autres peuples nous mettent à l'écart, c'est pour cette raison. Si nous nous opposons à votre programme, c'est également pour cette raison.
  • Nous désirons qu'il soit bien clair, et pour vous et pour l'histoire, que le secteur privé du Nicaragua appuie et continuera d'appuyer la légitime révolution nicaraguayenne, telle qu'elle est décrite dans le Programme du gouvernement de reconstruction nationale, mais qu'en aucune manière ce secteur privé n'approuve le programme qui consiste à transformer cette révolution en une aventure marxiste-léniniste qui ne pourrait qu'apporter effusion de sang et souffrance pour notre peuple.
  • Telle est la réalité les consignes et les menaces ne sont guère importantes. C'est la vérité et c'est ainsi qu'elle est perçue des peuples entiers qui nous ont appuyés au début et qui aujourd'hui nous regardent avec méfiance en raison des actions de notre gouvernement et de l'inspiration idéologique qui motive ce dernier. Tout ce que nous espérons, c'est qu'il ne soit pas trop tard pour rectifier les errements et que vous en preniez conscience.
  • Veuillez agréer, Monsieur, l'expression de nos sentiments distingués.
  • (Signé) Président et vice-présidents du COSEP.
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