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- 227. Par des communications datées respectivement des 30 janvier, 2 février et 1er mai 1979, la Confédération mondiale du travail (CMT), la Fédération générale des travailleurs de l'électricité (GENOP-DEH) et le centre des ouvriers et employés de La Canée ont présenté des plaintes en violation des droits syndicaux en Grèce. La CMT a fourni des informations complémentaires à l'appui de sa plainte dans une lettre du 7 mars 1979. Pour sa part, le gouvernement a transmis ses observations dans une communication reçue au BIT le 28 juin 1979 ainsi que dans une lettre du 11 octobre 1979.
- 228. La Grèce a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 229. Les plaintes de la CMT et de la Fédération générale des travailleurs de l'électricité ont trait à l'arrestation de deux dirigeants de cette dernière organisation à la suite d'une grève menée par les travailleurs de l'électricité.
- 230. La CMT indique, dans ses deux communications, que le gouvernement grec a adopté des mesures d'austérité pour bloquer les salaires. Dans ce contexte, les travailleurs de la Société publique d'électricité de Grèce (SPE) (propriété de l'Etat, mais avec statut de société privée) avaient demandé à la direction de bénéficier des avantages prévus dans les conventions collectives. La direction n'avait pas accepté cette revendication. Les travailleurs s'adressèrent alors aux tribunaux qui estimèrent que les avantages prévus dans les conventions collectives devaient être accordés aux travailleurs de la SPE. Après une nouvelle démarche infructueuse auprès de la direction, les travailleurs se mirent en grève au mois de décembre 1978. Par la suite, les dirigeants du Syndicat des techniciens acceptèrent la proposition de la direction générale de reprendre le travail pendant les fêtes de Noël et du Nouvel-An. En contrepartie, les employeurs donnèrent l'assurance gué les avantages prévus dans les conventions collectives seraient accordés aux travailleurs.
- 231. Début 1979, poursuit la CMT, la Fédération générale des travailleurs de l'électricité demanda à la SPE de reprendre les négociations. Mais la direction refusa à nouveau de négocier avec les représentants des travailleurs. Conformément à la loi no 330/76 sur les associations et unions professionnelles et la protection de la liberté syndicale, la fédération présenta alors un préavis de grève pour le 23 janvier 1979. Cependant, la veille de l'expiration du préavis, le Procureur général d'Athènes déclara la grève illégale. Il estimait en effet que la fédération et la direction avaient manqué de faire appel à l'arbitrage des tribunaux pour définir le nombre de travailleurs nécessaires pour assurer la sécurité de l'entreprise et répondre aux besoins vitaux de la population, tel que prévu à l'article 37, paragraphe 3, de la loi no 330/76. La direction avait fixé un effectif de 4.100 travailleurs alors que la fédération avait déclaré que ses 15.000 membres étaient disponibles pour tous travaux d'utilité publique, qu'elle a d'ailleurs, selon la CMT, effectivement assurés pendant la grève.
- 232. Le 23 janvier 1979, la grève était déclenchée, mais tous les travailleurs se présentaient au travail et recevaient les ordres, non de leurs supérieurs mais des comités de grève. Le jour suivant, la police arrêtait devant leur domicile le président de la Fédération générale des travailleurs de l'électricité, Anastasios Amallos, et son secrétaire général, Kostas Maniatis. Après 30 heures de détention, ils furent jugés et condamnés à 40 jours de prison. A la suite de l'appel introduit par leurs avocats, ils furent libérés et prirent de nouveau la direction de la grève.
- 233. Le procès en appel eut lieu le 19 février 1979. Les cinq directeurs généraux qui déposèrent comme témoins à charge mirent en cause les décisions des comités de grève par rapport au pouvoir de la direction. Le secrétaire général de la CMT fut cité comme témoin de la défense. Selon l'organisation plaignante, la gendarmerie et la police ont fait preuve, au cours du procès, d'une grande brutalité aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du tribunal. En outre, la CMT affirme que les deux inculpés n'ont pas eu le droit de se défendre. Finalement, ils ont été condamnés à 30 jours de prison avec sursis. La CMT ajoute que la condamnation d'Anastasios Amallos et Kostas Maniatis entraînera leur licenciement et les éloignera de l'action syndicale.
- 234. La CMT indique également que la grève se poursuivait dans toute la Grèce et que des grévistes étaient inculpés un peu partout dans le pays. Des procès étaient prévus à l'encontre de sept d'entre eux à Zakynthos, quatre à Kalamasta, huit à Megalapoli, quatre à Arta, tandis que 19 dirigeants de la Fédération générale des travailleurs de l'électricité, dont le président et le secrétaire général, étaient déjà condamnés.
- 235. La plainte de la Fédération générale des travailleurs de l'électricité se réfère aux mêmes événements que celle de la CMT. Elle précise qu'elle avait agi en absolue conformité avec la lettre et l'esprit de la loi no 330/76 au cours de la grève en question.
- 236. Dans sa communication du 1er mai 1979, le Centre des ouvriers et employés de La Canée, île de Crète, allègue que son vice-président, P. Christinakis, employé aux services de télécommunications de la Grèce, fait l'objet de persécutions de la part des autorités. Selon l'organisation plaignante, ce dirigeant syndical a été transféré à Athènes et a ainsi été empêché d'exercer ses fonctions syndicales à La Canée.
- 237. Dans sa première communication, le gouvernement remarque que la loi no 330/76 autorise, dans le cadre de la procédure légale, le déclenchement d'une grève par les travailleurs au service de l'Etat et des personnes morales de droit public ainsi que par les personnes employées dans les entreprises d'intérêt public ou d'utilité publique, dont le fonctionnement revêt une importance vitale pour les besoins de la population.
- 238. Le gouvernement observe cependant que l'article 37, paragraphe 2, de la loi no 330/76 dispose que, en cas de grève déclenchée par ces catégories de salariés, l'association professionnelle est tenue de fournir le personnel nécessaire pour garantir la sécurité des installations de l'employeur, empêcher des dégâts ou accidents et assurer le bon fonctionnement des services de l'Etat ou des organismes de droit public ou encore des entreprises d'intérêt ou d'utilité publics pour faire face à des besoins extraordinaires ou vitaux de la population. En outre, le paragraphe 3 de cet article prévoit que: "en cas de divergence d'opinions quant au nombre et aux qualifications du personnel de sécurité nécessaire, la question est tranchée par décision irrévocable du président du tribunal administratif d'arbitrage de première instance, prise dans les trois jours qui suivent la soumission de la requête y afférente par l'association professionnelle intéressée".
- 239. Dans le cas présent, MM. Amallos et Maniatis, respectivement président et secrétaire général de la Fédération générale des travailleurs de l'électricité, ont appelé à une grève mais n'ont pas, selon le gouvernement, fourni le personnel de sécurité nécessaire ni demandé que les divergences sur ce point avec la direction soient tranchées par la justice. En outre, poursuit le gouvernement, ces dirigeants syndicaux ont recommandé au personnel de sécurité désigné peur prêter ses services pendant la grève de recevoir les ordres et les directives des comités locaux de grève spéciaux et non pas ceux donnés par les organes compétents de l'entreprise. Le gouvernement rappelle à cet égard que le Conseil juridique d'Etat avait rendu un avis précisant que le personnel de sécurité disponible pendant une grève devait se conformer, dans l'accomplissement de son service, aux directives et ordres donnés par son employeur et non à ceux de l'association syndicale.
- 240. Le gouvernement confirme que MM. Amallos et Maniatis ont été poursuivis d'office par le Procureur général compétent pour contravention aux dispositions de la loi no 330/76 et condamnés par la sentence no 9024 de 1979 prononcée par le tribunal correctionnel d'Athènes, composé d'un magistrat, à 40 jours de prison infligés à l'encontre de chacun d'eux. Après appel, le tribunal correctionnel d'Athènes composé de trois membres leur a infligé une peine d'emprisonnement de 30 jours avec sursis.
- 241. Dans sa communication du 11 octobre 1979, le gouvernement se réfère aux allégations concernant le transfert du vice-président du Centre des ouvriers et employés de La Canée, M. P. Christinakis. Il déclare que l'intéressé avait été nommé en juin 1977 chef du groupement des services de l'organisme des télécommunications de Grèce, mais sa gestion a provoqué des troubles au sein du personnel administratif du service. L'administration des télécommunications ordonna alors deux enquêtes en décembre 1977 et février 1978.
- 242. A la suite de ces enquêtes, il fut proposé de transférer M. Christinakis à Athènes ainsi que deux autres cadres techniciens. La décision de transfert fut adoptée le 1er juin 1978. Le gouvernement remarque que les transferts de cadres requièrent des études nécessitant un certain temps et que, dans le cas d'espèce, celles-ci avaient commencé avant la nomination de l'intéressé à ses fonctions syndicales. Il en résulte donc, pour le gouvernement, que la décision de transfert ne peut être liée aux activités syndicales de M. Christinakis.
- 243. Le comité est saisi dans le cas d'espèce de plaintes dont deux se réfèrent à des condamnations prononcées à l'encontre de deux dirigeants de la Fédération générale des travailleurs de l'électricité, à l'occasion d'une grève déclenchée au sein de l'Entreprise nationale d'électricité. Ces condamnations se sont fondées sur le non-respect de la procédure prévue par la loi no 330/76 au sujet des déclenchements de grève dans les entreprises d'intérêt public, parmi lesquelles figurent les entreprises de production et de distribution de courant électrique. Plus précisément, les dirigeants syndicaux en question étaient accusés de ne pas avoir veillé à ce que fût assuré le service de sécurité nécessaire - ce qui est nié par les plaignants - et de ne pas avoir eu recours au tribunal compétent pour trancher le différend existant sur ce point avec l'employeur. Le comité note que le procès ainsi engagé a abouti, en première instance, à des peines d'emprisonnement ferme, mais qu'en appel ces dernières ont été allégées et assorties du sursis.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 244. Le comité rappelle qu'il a déjà examiné les dispositions de la loi no 330/76 sur laquelle se sont fondées les mesures auxquelles se réfèrent les allégations des plaignants. Au sujet des articles 32 et suivants de cette loi fixant certaines conditions à l'exercice du droit de grève, le comité avait estimé que ces limitations n'allaient pas au-delà de celles qu'il avait considérées dans d'autres cas comme admissibles. Dans le cas présent, le comité croit cependant devoir souligner, comme il l'a fait dans d'autres cas, que le développement des relations professionnelles peut être compromis par une attitude inflexible dans l'application aux travailleurs et aux dirigeants syndicaux de sanctions sévères pour faits de grève.
- 245. Au sujet de la plainte relative au transfert de M. Christinakis, le comité note que les enquêtes ayant abouti à la mesure en question avaient commencé avant la nomination de l'intéressé à ses fonctions syndicales. La décision prise ne semble donc pas liée à ses activités syndicales. Le comité estime en conséquence que cet aspect du cas n'appelle pas de sa part un examen plus approfondi.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 246. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) de noter que les peines d'emprisonnement prononcées contre MM. Amallos et Maniatis ont été, en appel, allégées et assorties du sursis;
- b) d'appeler l'attention sur les considérations exprimées au paragraphe 244 ci-dessus et de signaler notamment que le développement des relations professionnelles peut être compromis par une attitude inflexible dans l'application aux travailleurs et aux dirigeants syndicaux de sanctions sévères pour faits de grève;
- c) de décider que les allégations relatives au transfert de M. Christinakis n'appellent pas de sa part un examen plus approfondi pour les raisons exposées au paragraphe 245 ci-dessus.