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- 467. Dans une communication conjointe du 24 mai 1976, la Confédération mondiale du travail (CMT) et la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) ont présenté une plainte concernant les atteintes qui auraient été portées à l'exercice des droits syndicaux au Nicaragua.
- 468. Le texte de la communication précitée a été transmis au gouvernement qui a formulé ses observations dans une lettre du 20 juillet 1976.
- 469. Le Nicaragua a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 470. La plainte concerne l'Union des travailleurs agricoles de Nueva Segovia (UTC) qui, selon les organisations plaignantes, est affiliée à la Centrale des travailleurs du Nicaragua (CTN) et groupe plus de 40 communautés et organisations de travailleurs ruraux de la région.
- 471. Dans leur communication, les plaignants déclarent que des éléments de l'armée nationale ont empêché la tenue d'une réunion du Conseil des organisations de base de l'UTC qui était convoquée pour les 13 et 14 décembre 1975 près de Jalapa, dans le département de Nueva Segovia.
- 472. Les plaignants précisent qu'aux premières heures du 13 décembre 1975, il fut fait irruption au domicile particulier d'un membre de l'UTC où logeait le secrétaire général de la Centrale des travailleurs du Nicaragua, Adolfo Bonilla, qui devait participer à la réunion prévue pour ce jour. Toujours selon les plaignants, ce dernier fut alors arrêté de façon arbitraire et illégale, en compagnie de deux autres personnes.
- 473. Alors que le secrétaire général de la CTN était conduit à un lieu de détention de la localité, ajoutent les plaignants, d'autres éléments militaires procédaient à l'arrestation des dirigeants de l'UTC, parmi lesquels Cástulo López, président; Venancio Blandón, contrôleur; Francisco Cáceres, secrétaire à la formation; Máximo Zeledón, secrétaire aux coopératives; Vicente Garcia, membre; ainsi qu'à celle de deux membres de l'exécutif de la CTN, Carlos Huembes et Ofilio Garcia. Tous furent enfermés dans deux centres de détention (Jalapa et Ocotal) et soumis à des tortures physiques et psychologiques pendant deux jours au cours desquels on intima l'ordre aux dirigeants de l'UTC et de la CTN d'abandonner leurs activités de type syndical dans la région, faute de quoi ils seraient éliminés physiquement.
- 474. A la suite des démarches effectuées par le département juridique de la CTN, les dirigeants détenus furent mis en liberté le 15 décembre, après qu'on leur eut rasé la tête et qu'on eut menacé les dirigeants nationaux de subir des conséquences en cas de retour dans la région. Malgré leur rapide mise en liberté, Máximo Zeledón, Vicente Garcia et Matías Talavera durent subir un traitement médical et hospitalier en raison des traitements qui leur furent infligés par les éléments de la force publique. En conséquence de tous ces faits, la réunion du conseil de l'UTC ne put avoir lieu, ce qui, selon les plaignants, répondait à l'objectif du gouvernement.
- 475. En conclusion, la CLAT et la CMT demandent que soient prises diverses mesures, notamment l'envoi d'une commission d'investigation sur place, et que soit respecté le droit de libre organisation des travailleurs.
- 476. Dans sa réponse, le gouvernement déclare que les allégations présentées par les organisations plaignantes sont fausses, préméditées et de nature plus politique que syndicale. Le gouvernement ajoute qu'aucune organisation connue sous le nom de Centrale des travailleurs du Nicaragua pas plus que sous le nom d'Union des travailleurs agricoles de Nueva Segovia n'est enregistrée au Département des organisations syndicales ou au Département des coopératives du ministère du Travail. Il en est de même pour des communautés ou organisations de travailleurs ruraux qui seraient affiliées à l'UTC.
- 477. A titre d'éléments de preuve, le gouvernement joint à sa communication divers documents dont, en particulier, la liste des fédérations et confédérations enregistrées au Département des organisations syndicales du ministère du Travail, ainsi que celle des organisations et associations du département de Nueva Segovia. En se référant aux allégations relatives au secrétaire aux coopératives de l'UTC, le gouvernement déclare qu'aucune coopérative ni aucun groupement de ce nom ou de celui de la CTN ne figure dans les archives du ministère.
- 478. Le gouvernement joint en outre un extrait du journal La Prensa du 14 décembre 1974 qui contient le programme minimum de l'Union démocratique de libération (UDEL), mouvement politique d'opposition auquel participe la Centrale des travailleurs du Nicaragua. Parmi les noms des signataires de ce programme figurent, à titre de représentants de la CTN, ceux de Adolfo Bonilla et de Carlos Huembes, tous deux cités dans la plainte.
- 479. En conclusion, le gouvernement déclare qu'il n'a jamais cessé d'appliquer les conventions de l'OIT qu'il a ratifiées, et tout particulièrement la convention no 87.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 480. De manière générale, le comité croit devoir rappeler que la liberté de réunion syndicale constitue l'un des éléments fondamentaux des droits syndicaux. Les autorités devraient s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal. Le comité estime que l'arrestation de dirigeants syndicaux qui aurait pour but d'empêcher le déroulement d'une réunion syndicale constituerait une sérieuse atteinte à l'exercice des droits syndicaux. Le comité considère également qu'au cours de leur détention les syndicalistes, comme toute autre personne, devraient bénéficier des garanties prévues dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. Le comité a en outre considéré que l'arrestation par les autorités de syndicalistes contre lesquels, finalement, aucun chef d'inculpation n'est relevé peut entraîner des restrictions de la liberté syndicale.
- 481. Dans le cas présent, le comité constate que le gouvernement se borne à indiquer que les deux organisations auxquelles appartenaient les dirigeants arrêtés ne sont pas inscrites dans les registres du ministère du Travail et que la Centrale des travailleurs du Nicaragua participe à un mouvement politique d'opposition. Le gouvernement précise toutefois que deux des dirigeants en cause auraient signé, au nom de la CTN, le programme de ce mouvement politique. Le comité estime utile de rappeler à cet égard que, si, dans certains cas, il a conclu que la plainte ne méritait pas un examen plus approfondi, c'est après avoir pris connaissance d'observations du gouvernement établissant de manière suffisamment précise et circonstanciée que la mesure d'arrestation ne se fondait pas sur des activités syndicales, mais seulement sur des actes qui dépassaient ce cadre et se révélaient préjudiciables à l'ordre public ou de nature politique. En l'espèce, le gouvernement ne donne aucune précision quant aux motifs qui auraient pu justifier les mesures d'arrestation, pas plus qu'à propos des allégations concernant les mauvais traitements qui auraient été infligés aux personnes détenues.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 482. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) d'attirer l'attention sur les principes et considérations exposés aux paragraphes 480 et 481 ci-dessus;
- b) de prier le gouvernement d'apporter des précisions quant aux motifs qui auraient pu justifier les mesures d'arrestation prises à l'encontre des personnes en cause;
- c) de prier le gouvernement de présenter ses observations au sujet des allégations concernant les mauvais traitements qui auraient été infligés aux personnes détenues;
- d) de transmettre la substance de la réponse du gouvernement aux organisations plaignantes afin que ces dernières présentent leurs commentaires au sujet de cette réponse et, notamment, apportent des précisions quant à la situation de la Centrale des travailleurs du Nicaragua et de l'Union des travailleurs agricoles qui, selon le gouvernement, ne sont pas enregistrées au ministère du Travail;
- e) de prendre note du présent rapport intérimaire, étant entendu que le comité présentera un nouveau rapport une fois qu'il aura reçu les informations sollicitées du gouvernement.
- Genève, 12 novembre 1976. (Signé) Roberto AGO, Président.