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Informe provisional - Informe núm. 207, Marzo 1981

Caso núm. 823 (Chile) - Fecha de presentación de la queja:: 12-AGO-75 - Cerrado

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  1. 150. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa session de mai 1980 et a soumis, à cette occasion, un rapport intérimaire au Conseil d'administration.
  2. 151. Depuis ce dernier examen de l'affaire, les organisations plaignantes ont adressé au BIT les communications suivantes: Fédération syndicale mondiale (FSM) (29 mai, 17 et 19 juin, 3 juillet, 18 novembre 1980 et 23 janvier 1981); Confédération mondiale du travail (CMT) (2 et 26 juin 1980); Centrale latino-américaine de travailleurs (CLAT) (4 juin 1980); Fédération internationale syndicale de l'enseignement (FISE) (18 juin 1980); Union internationale des syndicats des mineurs (UISM) (25 juin 1980 et 24 janvier 1981); Confédération internationale des syndicats libres (CISL) (31 octobre, 13 et 19 novembre 1980, 13 et 21 janvier ainsi que 12 février 1981); Union internationale des syndicats des travailleurs de la fonction publique et assimilés (17 novembre 1980); Congrès permanent d'unité syndicale des travailleurs d'Amérique latine (CPUSTAL) (22 janvier 1981), "Groupe des dix" (5 février 1981).
  3. 152. Pour sa part, le gouvernement a fait parvenir des observations dans des communications du 8 octobre 1980, du mois de novembre 1980 et des 23 et 26 février 1981.
  4. 153. En outre, lors de la discussion, en mai 1980, par le Conseil d'administration, du 202e rapport du Comité de la liberté syndicale, le groupe des travailleurs avait demandé qu'une mission de haut niveau soit envoyée au Chili afin d'examiner la situation syndicale. A la suite de contacts et d'échanges de correspondance avec le gouvernement, le Directeur général a désigné MM. Nicolas Valticos, Sous-directeur général, conseiller pour les normes internationales du travail, Manuel Araoz, chef du Service de la liberté syndicale, et Bernard Gernigon, fonctionnaire de ce même service, pour effectuer cette mission qui s'est déroulée du 1er au 7 décembre 1980.
  5. 154. Avant le départ de la mission pour Santiago, des contacts avaient été pris avec la délégation permanente du Chili à Genève pour qu'elle puisse rencontrer diverses autorités gouvernementales, en particulier le ministre du Travail et de la Prévoyance sociale, le ministre des Affaires étrangères, le ministre de l'Intérieur et le ministre de la Justice. Un programme de travail, qui prévoyait des entrevues notamment avec les ministres du Travail et de la Justice, a été remis à la mission lors de son arrivée à Santiago. Finalement, le ministre du Travail, M. José Piñera, s'est excusé de ne pouvoir recevoir les membres de la mission et s'est fait représenter par M. L.A. Camus, sous-secrétaire d'Etat au Travail. La mission a également rencontré MM. Enrique Montero, sous-secrétaire d'Etat à l'Intérieur; Lautaro Pérez Ruiz, sous-secrétaire d'Etat suppléant à la Justice; Ramon Suarez, directeur du Travail; Jaime Lagos, directeur de la politique bilatérale au ministère des Affaires étrangères, et Leonel Beraud, président de la Cour d'appel de Santiago.
  6. 155. La mission s'est par ailleurs entretenue, au siège de la Confédération de la production et du commerce, avec le président de cette organisation centrale des employeurs et avec les dirigeants d'organisations affiliées, à savoir la Chambre nationale du commerce, la Société nationale des mines, l'Association des banques et institutions financières, la Société nationale d'agriculture, la Chambre chilienne du bâtiment et la Société de développement industriel.
  7. 156. Pour ce qui est des organisations de travailleurs, la mission a rencontré, la plupart du temps dans des locaux syndicaux, un nombre important de dirigeants d'organisations de droit ou de fait appartenant à tous les courants du monde syndical et couvrant un grand nombre de branches d'activité; un groupe de syndicalistes animé par des dirigeants des secteurs du cuivre, du cuir et de la chaussure, des banques, du charbon, du salpêtre, du secteur maritime et de l'électricité; la Confédération des employés du secteur privé du Chili (CEPCH); le "Groupe des dix" dans lequel étaient notamment représentés des travailleurs de la fonction publique, de l'agriculture, du cuivre, des postes, du secteur maritime, de la sidérurgie, de la métallurgie, du plastique, des chemins de fer et de la sécurité sociale; la Confédération nationale syndicale des travailleurs agricoles Unité ouvrière paysanne (organisation dissoute en octobre 1978); la Confédération nationale des travailleurs du cuivre la "Coordinadora Nacional Sindical", dans laquelle étaient en particulier représentés des travailleurs de l'agriculture, de la métallurgie, du bâtiment, des mines, du charbon et du textile; le Front unitaire des travailleurs, dont la délégation comprenait des dirigeants des secteurs du textile, des ports, de l'enseignement, des municipalités, du plastique et des travaux publics; la Confédération des syndicats de travailleurs de la métallurgie, des mines et des branches similaires. Plus de 50 dirigeants syndicaux participaient à certaines de ces réunions. La mission s'est également entretenue avec des représentants de l'Association des parents des personnes détenues et disparues. Elle a aussi eu des entretiens privés avec des personnes au courant des questions sociales.
  8. 157. En plus de ces rencontres, la mission a visité le Centre d'exploitation des mines de cuivre d'El Teniente où elle a eu des entretiens avec la direction de l'entreprise et les syndicats sur les conditions de travail et les relations professionnelles ainsi que sur certaines questions examinées par le comité.
  9. 158. L'ensemble des informations recueillies sur place a fait l'objet d'un rapport détaillé de la mission, dont le comité a largement tenu compte en examinant les allégations en instance.

B. Législation sur les organisations syndicales et la négociation collective

B. Législation sur les organisations syndicales et la négociation collective
  1. 159. Le gouvernement avait promulgué le 29 juin 1979 plusieurs décrets-lois en matière de droits syndicaux et de négociation collective, notamment les décrets-lois nos 2756 et 2758 appelés "Plan Laboral". Par la suite, certaines modifications techniques ont été apportées aux textes en question, notamment en novembre 1979 et mai 1980. A ses sessions de novembre 1979 et mai 1980, le comité avait constaté que cette législation constituait un premier pas important et avait formulé des commentaires sur cette législation, en particulier au sujet des points suivants constitution des syndicats, acquisition de la personnalité juridique, statuts syndicaux, conditions d'éligibilité des dirigeants, inspection de la comptabilité des syndicats, interdiction d'intervenir dans des activités politiques partisanes, constitution des fédérations et confédérations, droit syndical des fonctionnaires, champ d'application et niveau de la négociation collective, droit de grève.
  2. 160. Il ressort du rapport de la mission que la nouvelle législation a constitué une amélioration par rapport à la situation précédente ou, aux termes du décret-loi no 198 adopté en décembre 1973, immédiatement après le changement de régime, les droits d'élection syndicale, de négociation collective et de grève avaient été suspendus et le droit de réunion sérieusement limité. Tant les représentants gouvernementaux que ceux des employeurs ont insisté sur le progrès que constitue cette législation du point de vue de la liberté syndicale. Référence a été faite à cet égard au fait qu'il suffit de déposer les statuts d'une organisation syndicale pour qu'elle obtienne la personnalité juridique, que la dissolution des syndicats ne peut se faire que par voie judiciaire, à l'absence de contrôle gouvernemental sur les activités syndicales, au caractère secret de l'élection des dirigeants et de l'approbation des statuts ainsi qu'à la possibilité de choix entre organisations de diverses tendances.
  3. 161. Cependant, la mission a constaté que la législation a fait l'objet de critiques parfois très vives, critiques formulées même dans les milieux syndicaux qui ne mènent pas une politique d'opposition systématique au gouvernement. Les représentants des travailleurs - tout comme d'ailleurs, dans une certaine mesure, ceux des employeurs - ont souligné en particulier qu'ils n'étaient pas consultés sur la législation syndicale et la politique sociale.
  4. 162. De l'avis du comité, une telle absence de dialogue dont la mission a relevé qu'elle était encore beaucoup plus marquée qu'en 1974 lors de la visite de la Commission d'investigation et de conciliation - ne peut entraîner que des conséquences défavorables aux intérêts des travailleurs, au développement des relations professionnelles et au progrès social en général. Le comité croit utile à cet égard de se référer à la recommandation (no 113) sur la consultation aux échelons industriel et national, 1960, qui, en son paragraphe l, dispose que des mesures devraient être prises en vue de promouvoir une consultation et une collaboration efficace entre les autorités publiques et les organisations d'employeurs et de travailleurs, sans qu'aucune discrimination ne soit exercée à l'encontre de ces dernières. Aux termes du paragraphe 5 de la recommandation, cette consultation devrait viser à faire en sorte que les autorités publiques sollicitent de façon appropriée les vues, les conseils et le concours des organisations en question, notamment dans la préparation et la mise en oeuvre de la législation touchant leurs intérêts.
  5. 163. Le rapport de mission fait apparaître que le manque de consultation des organisations syndicales ne constitue que l'un des aspects de l'affaiblissement du rôle que jouent les fédérations et confédérations nationales dans les relations professionnelles. En effet, des obstacles importants sont imposés, soit à leur création (nombre minimum de vingt organisations pour constituer une confédération), soit à leur survie (nécessité, pour les syndicats de base, de renouveler tous les deux ans leur adhésion aux organisations de degré supérieur). Enfin, et surtout, les fédérations et confédérations ne peuvent, aux termes de la nouvelle législation, ni négocier collectivement, ni déclencher des arrêts de travail. Le mouvement syndical se trouve ainsi privé, à son niveau le plus élevé, de droits essentiels à la défense des intérêts des travailleurs. Il résulte de cette situation que les syndicats engagés dans la négociation collective - c'est-à-dire les syndicats d'entreprise - sont le plus souvent en position de faiblesse vis-à-vis des employeurs et ce d'autant plus que certaines dispositions de la législation limitent considérablement l'exercice du droit de grève, en particulier la faculté pour les entreprises de recruter du personnel pendant la grève, la qualification de démissionnaire volontaire des travailleurs ne reprenant pas le travail au-delà d'une période de 60 jours et l'énumération trop large des entreprises considérées comme essentielles dans lesquelles les arrêts de travail sont interdits.
  6. 164. Le rapport se réfère également à d'autres obstacles au libre fonctionnement des organisations qui sont autant d'entraves à leur possibilité d'engager des actions efficaces. Il s'agit en particulier du contrôle de la Direction du travail sur la gestion des syndicats et de l'obligation de présence d'une personne assermentée lors des votes organisés au cours des assemblées syndicales.
  7. 165. Un nombre important de travailleurs ne sont pas couverts par certaines garanties accordées par la législation. Ainsi, en raison de l'impossibilité légale de créer des syndicats d'entreprise comptant moins de 25 membres, les salariés des petites entreprises ne sont pas en mesure de constituer des syndicats qui leur soient spécifiques et ne peuvent donc adhérer à des organisations investies du droit de négociation collective. Enfin, les travailleurs de la fonction publique ainsi que ceux du secteur maritime n'entrent pas dans le champ d'application de la législation syndicale. Des statuts spécifiques à ces catégories de travailleurs sont actuellement à l'étude.
  8. 166. A la lecture du rapport de mission, le comité a observé que les dispositions de la législation qui ont fait l'objet des critiques les plus vigoureuses et les plus nombreuses de la part des organisations syndicales sont précisément celles sur lesquelles il avait formulé des commentaires, en novembre 1979, lorsqu'il avait analysé le "Plan laboral". Le comité est donc d'avis qu'il serait nécessaire d'amender la législation syndicale en vue d'une meilleure application des principes de la liberté syndicale et par là-même d'une plus grande justice sociale.
  9. 167. Dans cette perspective, le comité ne peut que regretter qu'en l'absence du ministre du Travail, les constatations effectuées par la mission n'aient pas pu faire l'objet d'un véritable échange de vues avec les autorités gouvernementales et que celles-ci n'aient pu indiquer à la mission si des modifications ou une évolution de la politique gouvernementale dans le domaine des droits syndicaux pourraient être envisagées à l'avenir. Le comité veut croire néanmoins que les modifications législatives nécessaires seront introduites dans un bref délai à la lumière des recommandations qu'il avait formulées. Il souhaiterait en outre être tenu informé de tout développement qui interviendrait en la matière.

C. Dissolution d'organisations syndicales

C. Dissolution d'organisations syndicales
  1. 168. Des allégations avaient été formulées au sujet de la dissolution par le gouvernement de sept organisations syndicales en octobre 1978. Selon le gouvernement, la conduite des organisations ainsi dissoutes révélait que leur moyen d'action et leurs objectifs coïncidaient avec les principes et les buts de la doctrine marxiste. Les organisations visées avaient présenté des recours devant la Cour d'appel, puis la Cour suprême qui les ont déboutées.
  2. 169. En outre, il avait été fait mention, dans un document du comité extérieur de la Centrale unique des travailleurs du Chili, annexé à des communications de la FSM et de la CISL, que la Cour suprême avait prononcé la dissolution du syndicat du Club de l'Union à Santiago, au motif qu'un syndicat ne peut exister dans une institution sans but lucratif.
  3. 170. Des allégations plus récentes avaient trait à une procédure engagée par les autorités à l'encontre du Front unitaire des travailleurs (FUT).
  4. 171. La mission a rencontré des dirigeants de plusieurs des fédérations et confédérations dissoutes en octobre 1978. Ces organisations continuent à avoir une existence de fait, mais les dirigeants rencontrés ont mentionné les grandes difficultés auxquelles ils se heurtent pour faire fonctionner leurs organisations.
  5. 172. Pour sa part, le gouvernement a indiqué dans sa communication de novembre 1980 que la dissolution des organisations en question a été prononcée par loi et non par décision administrative. Aucune d'entre elles n'exerçait une activité dans le domaine du travail. Leur action était au contraire, selon le gouvernement, d'ordre purement politique et elle n'aurait compté comme adhérents que quelques dirigeants. Les autorités gouvernementales ont déclaré en outre à la mission que les mesures de dissolution en question ont été prises avant la promulgation du "Plan laboral" et qu'aux termes de la nouvelle législation, les dissolutions d'organisations syndicales ne peuvent s'effectuer que par voie judiciaire. Elles ont également souligné qu'il est possible pour les travailleurs - y compris ceux qui adhéraient aux syndicats dissous - de créer les organisations de leur choix, pourvu que la loi soit respectée.
  6. 173. Au sujet de la dissolution du Syndicat du Club de l'Union de Santiago, le gouvernement a expliqué dans sa communication de novembre 1980 que l'employeur avait invoqué devant les tribunaux l'absence d'existence légale du syndicat créé en 1966, époque à laquelle l'ancien Code du travail était en vigueur. En vertu du code, des syndicats industriels ne pouvaient être créés dans des établissements à but non lucratif. Dans cette affaire, la Direction du travail tout comme les travailleurs soutenaient au contraire que le syndicat possédait une existence légale. Finalement, le tribunal a donné satisfaction au plaignant et a dissous l'organisation en février 1980. Le gouvernement remarquait cependant qu'au 15 octobre 1980, aucun acte administratif n'avait encore retiré l'organisation du registre des syndicats et que les travailleurs concernés pouvaient de toute manière constituer un syndicat ou transformer celui actuellement existant, conformément à la nouvelle législation.
  7. 174. Pour ce qui est du Front unitaire des travailleurs, le juge a prononcé un non-lieu confirmé par la Cour d'appel de Santiago, en octobre 1980.
  8. 175. Le comité note les explications fournies par le gouvernement à propos de la dissolution de sept fédérations et confédérations prononcée en octobre 1978. Il tient à signaler à cet égard que la dissolution de syndicats prononcée par le pouvoir exécutif, dans l'exercice de fonctions législatives, ne permet pas plus qu'une dissolution par voie administrative d'assurer les droits de défense qui ne peuvent être garantis que par une procédure judiciaire normale, procédure que le comité considère comme essentielle. Le comité note qu'aux termes de la nouvelle législation syndicale les organisations de travailleurs ne peuvent être dissoutes que par voie judiciaire. Pour ce qui est de la liquidation des fonds et biens des organisations dissoutes, le comité s'est inspiré dans les cas de ce genre du principe selon lequel les biens devraient être répartis en définitive entre les membres du syndicat dissous ou transférés à l'organisation qui lui succède. Le comité a également précisé qu'il fallait entendre par cette expression l'organisation ou les organisations qui poursuivent les buts pour lesquels les syndicats dissous se sont constitués et les poursuivent dans le même esprit.
  9. 176. Pour ce qui est du Syndicat du Club de l'Union, le comité note que la dissolution a été prononcée par voie judiciaire sur la base de dispositions anciennes du Code du travail et que les travailleurs concernés peuvent maintenant constituer une organisation conformément à la nouvelle législation.

D. Licenciement de syndicalistes

D. Licenciement de syndicalistes
  1. 177. Diverses plaintes, qui soit avaient été déjà mentionnées dans le 202e rapport du comité, soit ont été reçues depuis lors, se référaient à des licenciements de syndicalistes dans certaines entreprises, en particulier l'entreprise Hilandería Andina SA, la Compagnie CTI - Pensa Mademsa, la Compagnie nationale du cuivre (division d'el Teniente et centre de Chuquicamata), la société Latacen, la société Jorge Rivet Moulin et l'Institut chilien et nord-américain de culture. D'autres communications reçues récemment ont fait état de licenciements de dirigeants d'organisations de travailleurs du secteur public, en particulier du Groupement national des fonctionnaires (ANEF), de l'Association des auxiliaires de sécurité sociale et de syndicalistes du service des impôts.
  2. 178. Il ressort des informations fournies par le gouvernement dans sa communication de novembre 1980 ou dans les documents remis à la mission que les licenciements effectués dans l'entreprise Hilanderia Andina SA, à la Compagnie CTI Pensa Mademsa et à l'Institut chilien et nord-américain de culture seraient dus à des raisons économiques ou financières. Dans ce dernier cas, les travailleurs ont présenté un recours devant la justice.
  3. 179. Pour ce qui est des licenciements survenus à la Compagnie nationale du cuivre (division d'El Teniente), le gouvernement a indiqué qu'à la suite du recours présenté par les intéressés, le tribunal du travail de Rancagua avait ordonné à l'entreprise de réincorporer les travailleurs licenciés ou de leur verser une indemnité. L'entreprise opta pour la deuxième solution. De même, le tribunal du travail s'est prononcé en faveur des dirigeants syndicaux licenciés au Centre de travail de Chuquicamata et a ordonné leur réintégration. L'entreprise a exécuté la décision du tribunal et leur a payé les rémunérations correspondant à la durée de leur licenciement. Dans le cas des travailleurs congédiés de l'entreprise Jorge Rivet Moulin, trois des intéressés ont présenté un recours judiciaire qui a abouti à des paiements d'indemnité. Pour ce qui est des licenciements commis à l'encontre de dirigeants syndicaux de l'entreprise Latacen, la Direction du travail a informé la mission qu'après l'échec d'une tentative de conciliation de l'inspection du travail, les travailleurs concernés ont présenté au tribunal du travail un recours qui est actuellement en cours d'examen.
  4. 180. La mission a eu l'occasion de rencontrer des dirigeants syndicaux du Groupement national des fonctionnaires (ANEF) qui ont été licenciés. Selon les milieux syndicaux et en particulier selon le président de l'ANEF lui-même démis de ses fonctions au sein de la Direction nationale de l'industrie et du commerce, ces mesures ont été prises en raison des activités syndicales des intéressés. En revanche, le ministre de l'Economie a affirmé devant la presse que ces licenciements étaient dus à une réorganisation du service concerné.
  5. 181. Le comité note que certains des licenciements de syndicalistes intervenus seraient dus à des motifs économiques ou financiers. Il n'entre évidemment pas dans la compétence du comité de se prononcer sur l'opportunité d'effectuer des licenciements de ce type. Toutefois, dans le cas présent, le comité observe que plusieurs affaires ont connu des suites judiciaires qui ont abouti à l'indemnisation des travailleurs licenciés et même dans un cas à la réintégration des intéressés. Le comité estime donc approprié de rappeler l'importance qui s'attache à une protection efficace contre les congédiements pour motifs syndicaux et de signaler, pour ce qui concerne les cas de licenciements économiques, que des actes de discrimination antisyndicale ne devraient pas être autorisés sous couvert de telles circonstances.
  6. 182. Au sujet des licenciements de membres de la direction de l'ANEF, le comité fait observer que l'absence de reconnaissance juridique du droit syndical des fonctionnaires, et le manque de protection des militants syndicaux qui en découle, ne peuvent que favoriser l'adoption de mesures préjudiciables aux dirigeants des organisations de fait qui existent dans ce secteur.
  7. 183. Eu égard à ces considérations, le comité prie le gouvernement de prendre des mesures en vue de favoriser la réintégration des syndicalistes licenciés.

E. Arrestation et disparition de syndicalistes

E. Arrestation et disparition de syndicalistes
  1. 184. Aux diverses étapes de l'examen du cas, le comité a été saisi d'allégations relatives à la détention et à la disparition de syndicalistes ou d'anciens syndicalistes. En mars 1979, le gouvernement avait signalé que la Cour d'appel de Santiago avait désigné l'un de ses magistrats pour connaître des affaires concernant les personnes présumées disparues en instance devant les tribunaux de son ressort. Ces affaires concernaient 36 des personnes citées dans les plaintes.
  2. 185. A une date plus récente, des plaintes avaient été déposées au sujet des poursuites engagées contre divers dirigeants syndicaux, de l'arrestation de dirigeants de la Fédération nationale des syndicats de la métallurgie (FENSIMET) et de l'assignation à résidence de personnes arrêtées à l'occasion du 1er mai 1980 ainsi que de dirigeants syndicaux agricoles de Curicó. D'autres allégations avaient trait à l'arrestation de M. Pedro Enriquez, ancien secrétaire à la jeunesse de la CUT, le 13 novembre 1980, et de M. Alvárez Sepúlveda, dirigeant de la métallurgie, le 18 novembre 1980.
  3. 186. Enfin, diverses communications de plusieurs organisations plaignantes (CISL, FSM, CPUSTAL, UISM) datées de janvier 1981 ont fait état de l'arrestation de Manuel Bustos et Alamiro Guzmán, respectivement président et secrétaire général de la Coordinadora Nacional Sindical, que la mission avait rencontrés lors de son séjour au Chili. Ils seraient poursuivis pour avoir agi en représentation d'une organisation non enregistrée.
  4. 187. Pour ce qui est des personnes disparues, le président de la Cour d'appel de Santiago a indiqué à la mission que l'enquête se poursuivait et que le magistrat chargé de l'affaire n'avait pas encore pu prendre une décision finale. Il a été déclaré à cet égard à la mission que la loi d'amnistie adoptée par le gouvernement en avril 1978 empêchait de poursuivre les agents de services de sécurité qui seraient impliqués dans les disparitions et qu'en conséquence les affaires en instance devant les organes judiciaires ne pouvaient être conclues.
  5. 188. Selon les autorités gouvernementales, les assignations à résidence prononcées à la suite de la célébration du 1er mai ont visé des activistes qui n'étaient pas des dirigeants syndicaux et qui avaient provoqué des désordres et incité à la violence sur la voie publique. De même, parmi les sept personnes résidant à Curicó, et assignées à résidence pour atteinte à l'ordre public, ne se trouvait aucun dirigeant syndical. Seul, l'un d'entre eux avait exercé des activités syndicales en 1973.
  6. 189. Au sujet des procès en cours sur lesquels le comité et le Conseil d'administration avaient demandé des informations en mai 1980, le gouvernement a indiqué que MM. Bobadilla et Guzmán, respectivement président de la Fédération nationale des travailleurs du textile et président de la Fédération industrielle nationale minière, ont bénéficié d'un non-lieu confirmé par la Cour d'appel de Santiago. Ces dirigeants avaient été poursuivis pour avoir agi en représentation d'organisations sans personnalité juridique. Le gouvernement a également précisé que les intéressés avaient joui d'une entière liberté tout au long du procès. Pour ce qui est de Juan Jara, président du Syndicat des taxis, dont les plaignants avaient allégué qu'il était accusé d'avoir préparé une manifestation du 1er mai, le gouvernement a indiqué que la Cour d'appel de Santiago a assorti de sursis la peine de prison qu'autorisaient les éléments du dossier. Deux autres personnes mentionnées par les plaignants comme arrêtées, Victor Muñoz et Gustavo Poblete, sont actuellement poursuivies devant la justice, le premier pour usage de faux papiers d'identité, le second pour activités subversives. Ces deux personnes ne sont pas, selon le gouvernement, des dirigeants syndicaux. Au sujet des cinq dirigeants de la Fédération nationale des travailleurs de la métallurgie, dont les plaignants avaient allégué qu'ils avaient été détenus pendant trois jours et poursuivis devant la justice, le gouvernement a déclaré que les personnes en question avaient fait l'objet d'une plainte du ministère de l'Intérieur car elles avaient agi en représentation d'autres personnes sans en avoir le mandat. En première instance, elles ont été acquittées, mais la Cour d'appel les a condamnées à une peine de prison assortie de sursis.
  7. 190. Au sujet de M. Pedro Enriquez, le ministère de l'Intérieur a signalé à la mission que cette personne avait été arrêtée pour des activités contraires à la sécurité de l'Etat et qu'il avait été établi au cours de l'enquête que l'intéressé avait utilisé de faux papiers d'identité. Il a été mis à la disposition du juge pénal de Santiago. Enfin, la mission n'a pas pu recueillir avant son départ du Chili des informations sur l'arrestation de M. Alvárez Sepúlveda. Par la suite, le gouvernement a signalé que la personne ayant fait l'objet de l'allégation s'appelle en réalité Alvaro Sepúlveda et qu'elle a été libérée trois jours après son arrestation. La Cour d'appel de Santiago, qui avait été saisie d'un recours d'habeas corpus à ce sujet, a été informée de la libération de l'intéressé.
  8. 191. En ce qui concerne MM. Alamiro Guzmán et Manuel Bustos, le gouvernement a indiqué, dans sa communication du 23 février 1981, que le ministre de l'Intérieur, en vertu des pouvoirs qui lui sont accordés par le décret-loi no 2347 de 1978, a entamé une procédure devant le tribunal de Santiago à l'encontre de ces personnes pour s'être attribué la représentation de travailleurs sans en avoir le mandat dans le cadre d'un organisme inexistant sur le plan légal appelé "Coordinadora Nacional Sindical". Le magistrat instructeur a retenu des charges contre les intéressés qui ont été libérés sous caution. Le procès suit son cours devant un organe judiciaire ordinaire, civil et indépendant du pouvoir exécutif.

F. F. Conclusions du comité

F. F. Conclusions du comité
  1. 192. En premier lieu, le comité constate qu'aucun élément nouveau n'est intervenu dans les affaires en instance devant la justice concernant les syndicalistes ou anciens syndicalistes disparus. En outre, selon les informations recueillies par la mission auprès de diverses sources, les affaires en question ne pourraient être conclues car la loi d'amnistie adoptée par le gouvernement en avril 1978 empêcherait de poursuivre les agents des services de sécurité qui seraient impliqués dans les disparitions. Dans ces conditions, le comité doit regretter vivement que les enquêtes engagées par les organes judiciaires n'aient pas permis d'éclaircir les circonstances de ces disparitions. Il souhaiterait être tenu informé de tout développement qui interviendrait dans les procédures en cours.
  2. 193. Le comité prend note des observations fournies par le gouvernement au sujet des mesures d'assignation à résidence, d'arrestation et de condamnation prises à l'encontre des personnes mentionnées par les plaignants. Il note le caractère contradictoire des allégations, d'une part, et de la réponse, d'autre part, puisque, pour les plaignants, ces diverses mesures sont liées aux activités syndicales des intéressés, alors que, pour le gouvernement, elles sont la conséquence d'infractions à la loi, d'atteintes à l'ordre public ou d'activités subversives. Le comité doit cependant constater que le gouvernement n'a pas, à l'appui de ses déclarations, fourni, dans la plupart des cas, d'informations détaillées sur les faits précis reprochés aux personnes mentionnées par les plaignants.
  3. 194. A l'égard des assignations à résidence, le comité observe qu'un certain nombre de ces mesures ont été prises à la suite d'une manifestation organisée le 1er mai, journée traditionnelle d'action syndicale. Il observe également que ces procédures, auxquelles le gouvernement a eu recours à plusieurs reprises, sont de nature administrative, c'est-à-dire que les droits de la défense ne sont pas assurés.
  4. 195. En outre, le comité relève que plusieurs dirigeants de fédérations nationales ont fait l'objet, à l'instigation du ministère de l'Intérieur, de poursuites devant les tribunaux pour avoir agi en représentation d'autres personnes sans en avoir le mandat ou en représentation d'organisations non enregistrées. Certains ont été acquittés, d'autres en revanche ont été condamnés à des peines de prison assorties de sursis. De l'avis du comité, de telles poursuites ne peuvent être que préjudiciables au retour à la normale de la vie syndicale. De plus, le comité ne peut s'empêcher d'établir un lien entre ces affaires et les difficultés imposées par la législation pour créer des fédérations et confédérations et les maintenir en existence.
  5. 196. Le comité note enfin que M. Alvaro Sepúlveda a été libéré trois jours après son arrestation et que les affaires concernant MM. Guzmán et Bustos, actuellement en liberté sous caution, suivent leur cours devant la justice.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 197. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration d'approuver le présent rapport intérimaire, et en particulier les conclusions suivantes:
    • Le comité prend note des informations recueillies par la mission du BIT qui s'est rendue au Chili en décembre 1980.
    • Pour ce qui est de la législation syndicale, le comité regrette qu'en l'absence du ministre du Travail, les constatations effectuées par la mission n'aient pas pu faire l'objet d'un véritable échange de vues avec les autorités gouvernementales et que celles-ci n'aient pu indiquer si des modifications ou une évolution de la politique gouvernementale en matière syndicale pourraient être envisagées. Il veut croire néanmoins que les modifications législatives nécessaires seront introduites dans un bref délai en vue d'une meilleure application des principes de la liberté syndicale et par là même d'une plus grand justice sociale. Dans cette perspective, le comité tient à souligner l'intérêt d'une consultation des organisations d'employeurs et de travailleurs lors de la préparation et de la mise en oeuvre d'une législation touchant leurs intérêts. Il prie le gouvernement de le tenir informé de tout développement concernant la législation en matière syndicale.
    • Le comité doit également rappeler que le recours à une procédure judiciaire normale est essentiel dans les affaires de dissolution d'organisations syndicales, procédure qui n'a pas été suivie pour les sept fédérations et confédérations dissoutes en 1978. Le comité note que la nouvelle législation syndicale prévoit que les organisations de travailleurs ne peuvent être dissoutes que par voie judiciaire et que cette procédure a été suivie dans le cas du Syndicat du Club de l'Union.
    • Au sujet des licenciements de syndicalistes, le comité tient à signaler l'importance d'une protection efficace contre les actes de discrimination antisyndicale. Pour ce qui est plus précisément des licenciements intervenus dans le secteur public, le comité estime que l'absence de reconnaissance juridique du droit syndical des fonctionnaires ne peut que favoriser l'adoption de mesures préjudiciables aux dirigeants des organisations de fait qui existent dans ce secteur. Il prie en conséquence le gouvernement de prendre des mesures en vue de favoriser la réintégration des syndicalistes licenciés.
    • Quant aux disparitions et arrestations de syndicalistes, le comité doit constater qu'aucun élément n'est intervenu dans les affaires concernant les syndicalistes ou anciens syndicalistes disparus. Le comité regrette vivement que les enquêtes engagées par les organes judiciaires n'aient pas permis d'éclaircir les circonstances de ces disparitions. Il prie le gouvernement de le tenir informé de tout développement qui interviendrait dans les procédures en cours.
    • Pour ce qui est des assignations à résidence, le comité doit signaler que ces mesures, dont certaines ont été prises à la suite de la célébration du 1er mai, sont de nature administrative et qu'en conséquence les droits de la défense ne sont pas assurés.
    • Le comité considère également que les poursuites engagées par le ministère de l'Intérieur contre des dirigeants de fédérations nationales ne peuvent être que préjudiciables au retour à une vie syndicale normale.
    • Il prie le gouvernement de fournir des informations sur les résultats des poursuites judiciaires intentées contre MM. Guzmán et Bustos.
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