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- 148. La plainte du Koyela Shramik Sangathan (Bihar) est contenue dans une lettre du 7 mai 1973, adressée directement à l OIT.
- 149. Malgré les demandes réitérées du comité, le gouvernement n'avait pas fourni ses commentaires au sujet des allégations formulées par le plaignant. Par conséquent, à sa session de mai-juin 1974, le comité a adressé un appel pressant au gouvernement afin qu'il voulût bien fournir les informations sollicitées (144e rapport, paragraphe 10). Le gouvernement a transmis ses observations dans une communication du 26 juillet 1974.
- 150. L'Inde n'a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 151. Le plaignant allègue que la police a déclenché, avec la complicité et l'aide d'hommes de main, agents de la direction des entreprises, une vague de terreur à l'encontre des travailleurs des charbonnages, des ateliers mécaniques ainsi que des industries de la céramique, de la poterie et des briques réfractaires dans le district de Dhanbad (Etat de Bihar). Les forces de l'ordre auraient ainsi tiré à six reprises sur des travailleurs, faisant 30 victimes, alors que ceux-ci se bornaient à exiger l'application de sentences de conseils de salaires, des facilités pour la location de logements ou des augmentations de rémunération. Les travailleurs auraient adressé une protestation au gouvernement contre ces mesures, mais en vain.
- 152. Le plaignant signale en particulier que, le 18 avril 1973, à Kumardhubi, la police a ouvert le feu sur des travailleurs réunis pacifiquement pour saluer le président du syndicat, M. Jagdish Narayan Choubey. Quinze d'entre eux, dont deux femmes, auraient été tués et plus d'une centaine blessés.
- 153. Les agissements de la police liguée avec les employeurs visent, au dire du plaignant, à entraver l'exercice des droits syndicaux par les travailleurs, à un moment où la hausse des prix et la pénurie des denrées alimentaires rendent leur situation spécialement pénible. Ces actes seraient notamment destinés, de même que des mesures de licenciement et des lock-out, à faire obstacle au droit de s'organiser en syndicats et au droit de grève. Le plaignant ajoute encore qu'un large mouvement de grève a été déclenché après un préavis donné le 2 avril 1973, parce que les employeurs refusaient de discuter le cahier de revendications présenté par le syndicat. Les employeurs ne respecteraient même pas les dispositions législatives en vigueur.
- 154. Les informations détaillées transmises par le gouvernement peuvent se résumer comme suit. Un syndicat reconnu et enregistré fonctionnait dans trois fabriques de la région de Kumardhubi quand, en 1972, M. J.N. Choubey, le signataire de la plainte, a créé un nouveau syndicat et a essayé par tous les moyens, y compris la violence, de se faire reconnaître en tant que chef de file des travailleurs de cet endroit. L'agitation ouvrière a pris des proportions inquiétantes en août 1972 lorsqu'un membre du syndicat nouvellement créé a incité les travailleurs à des actes de coercition et d'intimidation. Ces derniers ont empêché d'autres travailleurs de pénétrer sur les lieux de travail et les ont frappés. Ces incidents ont été à l'origine d'une émeute dans les ateliers le 20 août. La police a dû intervenir, ouvrir le feu pour se défendre et un innocent a été tué. Le gouvernement fait remarquer que ces actes de violence n'avaient aucune justification puisque le syndicat avait tous les moyens légaux à sa disposition pour faire connaître ses doléances.
- 155. L'agitation entretenue par le syndicat s'est aggravée ensuite. Ce dernier a accru son audience auprès des travailleurs et a demandé sa reconnaissance. Pour l'obtenir, il a organisé une grève dans les fabriques de céramique et de briques réfractaires de la région et le patronat a été contraint de lui accorder cette reconnaissance, bien que cela fût contraire aux dispositions du code de discipline du travail (elles exigeaient que le syndicat ait fonctionné depuis au moins un an, ce qui n'était pas le cas). Cette reconnaissance n'impliquait toutefois pas le retrait de celle octroyée au syndicat rival.
- 156. Le gouvernement communique en annexe un règlement intervenu le 2 mars 1973 entre la direction d'une des entreprises et le syndicat nouvellement reconnu: cet accord contenait notamment une clause de non-recours à la grève. Le syndicat a continué, ajoute le gouvernement, à user de méthodes illégales et a lancé, en avril 1973, des grèves dans huit fabriques de produits réfractaires. Dans certaines il était déjà reconnu, dans d'autres il prétendait avoir évincé les anciens dirigeants. Des discussions officieuses devaient avoir lieu le 18 avril 1973, préalablement à la procédure officielle de conciliation.
- 157. Entre-temps, poursuit le gouvernement, les autorités locales chargées de la sauvegarde de l'ordre public ont demandé au signataire de la plainte de s'engager formellement à maintenir la paix sociale dans la région et des poursuites pénales ont été entreprises contre lui pour ses actes de violence. Ce dirigeant ne respecta pas l'engagement et ne comparut pas au procès pénal. Il fut arrêté dans la nuit du 17 avril 1973. Ses partisans déchaînés ont alors tenté par la force de le libérer. La violence de la foule a contraint la police à ouvrir le feu, tuant trois personnes. Le gouvernement précise qu'il y eut donc seulement deux fusillades - les 20 août 1972 et 18 avril 1973 - qui ont entraîné le décès de quatre personnes, et non pas six fusillades et trente morts comme le soutenait le plaignant.
- 158. Pour protester contre ces incidents, ajoute le gouvernement, les travailleurs de trois briqueteries se sont mis en grève le 18 avril 1973 sans respecter de préavis ni présenter de revendication précise. Elle était donc illégale et a été déclarée telle par les autorités. Les efforts entrepris par l'organe de conciliation de l'Etat ont échoué en raison de l'obstination et des tergiversations du signataire de la plainte. Au cours de ces discussions, les employeurs ont déclaré qu'aucune négociation ne pouvait avoir lieu avec ce dernier, en raison de ses agissements illégaux. Ils ont retiré leur reconnaissance au syndicat et déclenché un lock-out en raison de la diminution de la production et du manque de discipline des travailleurs.
- 159. Le gouvernement décrit ensuite en détail les étapes suivantes de ce conflit et les interventions des autorités, notamment du premier ministre de l'Etat de Bihar, pour l'aplanir. A la suite de l'entremise de ce dernier, la grève et le lock-out ont pris fin. Il a été également décidé que la question de la reconnaissance du syndicat serait réglée après la vérification de la liste de ses membres. Cinq des huit briqueteries ont réintégré les grévistes licenciés et, dans les trois autres, le différend a été soumis à un organisme de conciliation pour un règlement définitif. Celui-ci se heurte cependant au manque d'intérêt manifesté par les parties et la question n'est pas encore résolue.
- 160. Le gouvernement signale encore qu'un accord a été conclu le 4 août 1973 entre la direction des fabriques de céramique et de briques réfractaires et les syndicats reconnus sur des augmentations de salaires. Le gouvernement de l'Etat a créé, d'autre part, une commission consultative tripartite en application de la loi sur les salaires minima, pour la fixation de ces rémunérations minima. Il prend actuellement des mesures en vue d'instituer un conseil de salaires dans le secteur intéressé. Le gouvernement fait observer que la plupart des problèmes en suspens ont été réglés et que d'autres sont en voie de l'être, que la paix sociale est revenue et que la situation dans la région est redevenue normale.
- 161. En conclusion, le gouvernement répète que c'est l'arrivée du signataire de la plainte dans la région en août 1972 qui a entraîné l'agitation ouvrière, les actes de violence ainsi que les rivalités intersyndicales qui ont abouti à des grèves et à des lock-out. Il nie qu'il y ait eu suppression ou désorganisation des activités syndicales, ou encore violation des droits syndicaux.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 162. Il ressort d'abord des informations fournies tant par le plaignant que par le gouvernement qu'à la suite des interventions de la police d'une part au cours d'un conflit de travail et d'autre part quand des travailleurs ont tenté de libérer un dirigeant détenu, plusieurs travailleurs ont été mortellement atteints par des armes à feu. Le comité rappelle que dans d'autres cas ayant trait à la perte de vies humaines, il avait souligné l'importance toute particulière qu'il attachait à la nécessité de procéder à des investigations complètes sur les circonstances de ces événements au moyen d'une enquête spéciale menée immédiatement, en toute indépendance, et suivie de la procédure légale ordinaire, de manière à déterminer les responsabilités et à examiner les explications des mesures prises. En l'occurrence, le comité observe que, selon le gouvernement, l'intervention des forces de l'ordre a été motivée par des actes de violence de certains travailleurs et que la police a été contrainte d'ouvrir le feu. Le comité recommande au Conseil d'administration, tout en notant cette déclaration du gouvernement, d'attirer son attention sur le principe qui vient d'être rappelé.
- 163. Le comité constate d'autre part que les grèves étaient liées, au moins en partie, à la question de la reconnaissance du syndicat plaignant. Le gouvernement signale à cet égard que le syndicat n'a pas respecté les dispositions du code de discipline du travail. Le comité observe que ce code, adopté par les confédérations centrales des employeurs et des travailleurs, a une base purement volontaire et n'a donc pas force de loi. Ses dispositions, d'après la Commission nationale du travail, ne semblent guère appliquées en pratiquez. Cette commission indique toutefois qu'un comité tripartite existe dans l'Etat de Bihar pour décider de la manière de procéder afin qu'un syndicat obtienne sa reconnaissance.
- 164. Le comité a déjà souligné l'importance qu'il attache au principe selon lequel les employeurs devraient reconnaître les organisations représentatives de travailleurs qu'ils occupent aux fins de négociations collectives. Le comité a également considéré que si un changement intervient dans la force relative de syndicats postulant un droit préférentiel ou la faculté de représenter de façon exclusive les travailleurs aux fins de négociation collective, il est souhaitable de prévoir une possibilité de réviser les éléments de fait sur lesquels cette faculté ou ce droit est accordé. Sinon, la majorité des travailleurs intéressés pourraient appartenir à un syndicat empêché, en fait ou en droit et pendant une période indûment prolongée, d'organiser sa gestion et ses activités en vue de promouvoir et de défendre pleinement les intérêts de ses membres.
- 165. Le comité estime en outre que, afin d'encourager le développement harmonieux des négociations collectives et d'éviter les conflits, on devrait toujours appliquer, lorsqu'elles existent, les procédures destinées à désigner les syndicats les plus représentatifs aux fins de négociation collective, quand on ne sait pas clairement par quels syndicats les travailleurs désirent être représentés. Au cas où ces procédures feraient défaut, les autorités devraient, le cas échéant, examiner la possibilité d'instituer des règles objectives à cet égard. En l'espèce, le comité observe que la Commission nationale du travail a déclaré qu'il faudrait de toute évidence donner une forme légale aux dispositions du code de discipline précité relatives à la reconnaissance syndicale.
- 166. Le gouvernement déclare toutefois qu'un accord a été conclu et que la question de la reconnaissance du syndicat plaignant sera réglée après la vérification de la liste de ses membres, vérification qui est en cours. Dans ces conditions, le comité recommande au Conseil d'administration, tout en soulignant l'importance des principes énoncés aux paragraphes précédents, de prendre note de cette déclaration du gouvernement.
- 167. A propos du problème de la grève pour appuyer des revendications professionnelles, le comité tient à signaler que s'il a reconnu le droit de grève comme un des moyens essentiels dont disposent les travailleurs et leurs organisations pour promouvoir et défendre leurs intérêts professionnels, il a également considéré que la loi pourrait en limiter temporairement l'exercice jusqu'à ce que tous les moyens de négociation, de conciliation et d'arbitrage aient été épuisés. Dans de tels cas, ces procédures de conciliation et d'arbitrage devraient être appropriées, impartiales et rapides, et les intéressés devraient pouvoir participer à leurs différentes étapes. Le comité a également estimé acceptable une restriction temporaire de la grève tenant à des dispositions qui interdisent la grève en rupture d'accords collectifs. Le comité recommande au Conseil d'administration d'attirer l'attention sur les principes énoncés ci-dessus.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 168. Au regard du cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) tout en notant la déclaration du gouvernement selon laquelle l'intervention des forces de l'ordre a été motivée par des actes de violence de certains travailleurs et que la police a été contrainte d'ouvrir le feu, d'attirer l'attention du gouvernement sur le principe énoncé au paragraphe 162;
- b) à propos de la reconnaissance du syndicat plaignant par les employeurs, tout en soulignant l'importance des principes énoncés aux paragraphes 164 et 165, de prendre note de la déclaration du gouvernement selon laquelle un accord a été conclu et que la question de la reconnaissance de ce syndicat sera réglée après la vérification de la liste de ses membres, vérification qui est en cours;
- c) à propos du problème de la grève pour appuyer des revendications professionnelles, d'attirer l'attention sur les principes énoncés au paragraphe 167.