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- 8. La plainte de la Fédération des travailleurs du Bangladesh figure dans une communication en date du 20 novembre 1972. Cette plainte ayant été portée à la connaissance du gouvernement, celui-ci a fait parvenir ses observations par une communication datée du 24 avril 1973.
- 9. Le Bangladesh a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, de même que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 10. Les plaignants signalent qu'ils constituent une organisation nationale représentant plus d'un demi-million de travailleurs employés dans des industries, des services de transport et des établissements de diverses sortes. La plainte a trait principalement à l'adoption par le gouvernement de certaines mesures qui suppriment le droit à la négociation collective et le droit de grève dans les industries nationalisées et les organismes publics. A cet égard, les plaignants se réfèrent à l'arrêté présidentiel de mai 1972, selon lequel le droit de grève est supprimé dans le secteur mentionné plus haut, qui constitue 85 pour cent de l'économie du pays. Ils font également mention de la nouvelle politique du travail annoncée par le ministre du Travail le 25 septembre 1972, suivant laquelle la négociation collective est supprimée dans ce même secteur. En revanche, il est institué un système de représentation des travailleurs dans les conseils d'administration et les conseils paritaires des travailleurs et de la direction des entreprises, mais ces organismes ne peuvent en aucun cas s'occuper des problèmes de salaires ou de toute autre question ayant trait aux avantages financiers. Selon les plaignants, les grandes fédérations nationales ont déclenché une grève en signe de protestation contre la nouvelle politique du travail. Enfin, les plaignants rapportent que le gouvernement a interdit, entre autres, la publication de l'hebdomadaire "Lal Pataka" (Drapeau rouge), porte-parole de l'organisation plaignante.
- 11. Dans sa réponse, le gouvernement affirme que la Fédération des travailleurs du Bangladesh n'est pas une organisation enregistrée et qu'elle ne peut donc se prévaloir des droits et privilèges que la législation confère aux organisations qui ont rempli la formalité de l'enregistrement. Toutefois, les syndicats affiliés à ladite fédération et qui sont enregistrés jouissent de ces droits et privilèges. Par ailleurs, sur les 2.530 syndicats enregistrés dans le pays, 40 seulement sont affiliés à la Fédération et on estime que l'effectif total des membres de ces 40 syndicats ne dépasse pas 25.000 travailleurs, qui se recrutent principalement dans la grande zone industrielle de Chittagong.
- 12. Toujours selon le gouvernement, ce dernier est tenu, conformément à la Constitution nationale, d'établir un système économique socialiste en vue de créer une société juste et égalitaire. Il ne peut être associé à aucun type de répression ou d'oppression, comme le soutiennent les plaignants. Le gouvernement est conscient de la nécessité de revoir la structure des salaires, compte tenu de la hausse des prix, et il a décidé de créer, à cette fin, un Conseil national des salaires chargé de réviser les salaires dans le secteur public. Le Conseil des salaires minimums révisera la structure des salaires dans le secteur privé. En ce qui concerne, plus précisément, l'arrêté présidentiel de 1972 qui a aboli le droit de grève dans les industries nationalisées et les organismes publics, son application a été très limitée et il a cessé d'être en vigueur le 29 novembre 1972.
- 13. Le gouvernement ajoute que la nouvelle politique du travail prévoit un accroissement de la participation des travailleurs à la gestion des industries nationalisées et la solution des différends par voie consultative. De ce fait, il ne sera pas nécessaire de recourir aux négociations collectives dans ces industries. Quoi qu'il en soit, comme la Constitution du Bangladesh est entrée en vigueur le 16 décembre 1972, c'est-à-dire deux mois et demi après l'annonce de la nouvelle politique du travail, le gouvernement a décidé d'ajourner l'application de cette politique jusqu'à ce qu'elle soit révisée compte tenu de la Constitution, le gouvernement consultant à ce sujet les organisations professionnelles. Pour l'instant, l'actuelle législation du travail demeure en vigueur, en attendant l'élaboration d'une nouvelle loi dans ce domaine. Le gouvernement précise que les travailleurs et les employeurs seront représentés en nombre égal au sein des conseils d'administration et des conseils paritaires des travailleurs et de la direction. Pour ce qui est des salaires et des autres avantages des travailleurs dans les industries nationalisées, ils seront déterminés à l'échelon national pour éviter toute inégalité. Enfin, en ce qui concerne l'hebdomadaire "Lal Pataka", le gouvernement signale que ce journal n'a pas été interdit pour avoir publié des articles en rapport avec le mouvement syndical, mais pour avoir publié des écrits préjudiciables à l'intérêt de l'Etat. Rien n'interdit aux organisations de travailleurs d'avoir leurs propres journaux.
B. B. Conclusions du comité
B. B. Conclusions du comité
- 14. Le comité constate que ce cas a trait principalement à des questions relatives à l'interdiction de l'exercice du droit de grève et du droit à la négociation collective dans les industries nationalisées et dans les organismes publics, ainsi qu'à l'interdiction d'un hebdomadaire syndical.
- 15. Pour ce qui est du droit de grève, il ressort des informations communiquées par le gouvernement que cette question est maintenant résolue, puisque l'arrêté présidentiel qui interdisait l'exercice de ce droit n'est plus en vigueur. Quant à la négociation collective, le comité relève qu'il n'a encore été promulgué aucune législation la concernant, mais que de l'avis du gouvernement, il ne sera pas nécessaire d'y recourir, étant donné le système envisagé de participation des travailleurs à la gestion des entreprises nationalisées et le projet de création d'une Commission nationale des salaires, ou les travailleurs seront représentés. A cet égard, le comité doit signaler au gouvernement qu'ayant confirmé qu'il demeurait lié par la convention no 98, il se trouve dans l'obligation d'encourager et promouvoir entre les employeurs et les organisations d'employeurs, d'une part, et les organisations de travailleurs, d'autre part, le développement et l'utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire, pour régler, au moyen de contrats collectifs, les conditions de l'emploi. Cette convention est applicable au secteur privé comme aux entreprises nationalisées et aux organismes publics, à l'exception éventuelle des fonctionnaires.
- 16. Enfin, en ce qui concerne l'interdiction de l'hebdomadaire "Lal Pataka", qui appartient à l'organisation plaignante, le comité rappelle qu'il a déjà signalé au sujet d'un autre cas où un journal syndical paraissait avoir dépassé les limites purement syndicales, en portant des allégations et des accusations contre un gouvernement, qu'il convenait de recommander aux rédacteurs des publications syndicales de s'abstenir de tout excès de langage. Le rôle premier de ces publications devrait être de traiter dans leurs colonnes de questions intéressant essentiellement la défense et la promotion des intérêts des syndiqués et, plus généralement, du monde du travail. Cependant, le comité a reconnu que la frontière entre ce qui est politique et ce qui est proprement syndical est difficile à tracer avec netteté. Comme ces deux notions sont liées entre elles, il est inévitable et parfois normal que les publications syndicales prennent position sur des questions ayant des aspects politiques comme sur des questions strictement économiques et sociales. Le comité a estimé, toutefois, que dans la mesure seulement où elles prendront soin de ne pas conférer à leurs revendications professionnelles un caractère nettement politique, les organisations syndicales pourront légitimement prétendre à ce qu'il ne soit pas porté atteinte à leurs activités.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 17. Dans ces conditions et en ce qui concerne ce cas dans son ensemble, le comité recommande au Conseil d'administration:
- a) au sujet des allégations relatives à la négociation collective dans les entreprises nationalisées et dans les organismes publics, d'attirer l'attention du gouvernement sur les normes de la convention no 98, ratifiée par le Bangladesh, en ce qui concerne l'encouragement et la promotion de la négociation collective;
- b) pour ce qui est de l'interdiction de l'hebdomadaire "Lal Pataka", propriété de l'organisation plaignante, tout en attirant l'attention sur les considérations exposées au paragraphe 16, de signaler l'importance qu'il convient d'attacher au principe selon lequel le droit d'exprimer des opinions par la voie de la presse ou autrement est l'un des éléments essentiels des droits syndicaux.
- Genève, 9 novembre 1973. (Signé) Roberto AGO, Président.