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- 243. Le Comité de la liberté syndicale a déjà examiné cette plainte à sa session de novembre 1964, à l'occasion de laquelle il a soumis un rapport intérimaire sur les paragraphes 172 à 184 de son soixante-dix-neuvième rapport, que le Conseil d'administration a approuvé à sa 161ème session (mars 1965).
- 244. Le Honduras a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949.
A. A. Allégations des organisations plaignantes
A. A. Allégations des organisations plaignantes
- 245. L'organisation plaignante, à savoir la Fédération syndicale authentique du Honduras (F.A.S.H.), qui représente 10 000 ouvriers et paysans, allègue que le chef du gouvernement a violé la liberté syndicale en refusant de lui reconnaître la personnalité juridique, bien que toutes les exigences légales requises aient été remplies et que le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale ait donné son approbation.
- 246. A sa session de novembre 1964, le Comité a été saisi d'une communication du gouvernement en date du 31 août 1964; le gouvernement déclare dans cette communication que la personnalité juridique n'a pas été accordée à la Fédération à cause des erreurs et des défauts que présentaient les documents joints à sa demande d'inscription et de reconnaissance, et qu'un délai de deux mois lui avait été imparti pour corriger ces erreurs et remédier à ces défauts et se conformer au Code du travail.
- 247. Le gouvernement a énuméré dix erreurs et omissions que la Fédération a été priée de rectifier. Le Comité a estimé que sept d'entre elles, qui sont expliquées en détail au paragraphe 176 de son soixante-dix-neuvième rapport, sont des exigences de forme qu'un gouvernement peut légitimement poser sans que cela implique une violation des principes appliqués en matière de liberté syndicale.
- 248. Les trois autres défauts auxquels l'organisation plaignante a été priée de remédier sont les suivants: a) infraction aux dispositions de l'article 495 du Code du travail en ce qui concerne les majorités spéciales pour l'adoption de certaines décisions; b) vérification préalable, par l'inspection générale du travail, de l'observation des quorums légaux prévus à l'article 495 du Code du travail par les organisations constituant la F.A.S.H.; c) suppression ou remplacement, par une autre mesure, du moyen d'action de « boycottage » prévu par les statuts, ce procédé relevant du droit pénal comme étant illicite.
- 249. Au sujet des trois derniers points ci-dessus, le Comité a décidé de prier le gouvernement de bien vouloir l'informer des dispositions concrètes en vigueur au Honduras en matière pénale, selon lesquelles le « boycottage » est considéré comme un acte illégal.
- 250. Dans une communication en date du 13 septembre 1965, le gouvernement déclare que la pratique du « boycottage » n'est pas qualifiée de délit pénal de droit commun, mais qu'elle doit être considérée comme illégale eu égard au système du droit positif hondurien. Il ajoute que, par «boycottage », il entend «tout acte ou pratique contraire à la libre concurrence dans la production, l'industrie, le commerce ou les services publics », et par là préjudiciable à l'économie publique. A la lumière de cette définition, le gouvernement estime que le « boycottage » est contraire à l'article 252 de la Constitution nationale qui dispose que l'Etat reconnaît et garantit la liberté de consommation, d'épargne, d'investissement, d'emploi, d'initiative, de commerce, d'entreprise et autres libertés qui tendent à renforcer le système de libre échange et de libre concurrence dans le territoire national. Il précise que, si ces libertés sont garanties, il est logique d'admettre que tout acte qui les enfreindrait entraînerait une sanction, et qu'au civil toute atteinte à ces libertés pourrait donner lieu à une procédure de recours en garantie des libertés individuelles.
- 251. L'article 3 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, que le Honduras a ratifiée, garantit aux organisations de travailleurs le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs et stipule que les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal; l'article 8 dispose que, dans l'exercice de leurs droits, les organisations de travailleurs sont tenues de respecter la légalité, et que la législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la convention. Le problème que soulève le « boycottage » relève moins de l'article 3 que de l'article 8 de la convention car, bien qu'il soit difficile de savoir exactement en vertu de quelle disposition cette pratique est illégale, le gouvernement maintient que les « boycottages » - qui sont un aspect particulier de la grève - sont interdits par la législation nationale. Si une telle interdiction ne constitue pas une violation de l'article 8 de la convention, il est évident qu'une organisation ne peut pas revendiquer le droit, en vertu de l'article 3, de prévoir dans ses règlements une disposition qui va à l'encontre de cette interdiction.
- 252. Le Comité a toujours appliqué le principe que les allégations relatives au droit de grève n'échappent pas à sa compétence, dans la mesure où il affecte l'exercice des droits syndicaux. Il a également souligné que normalement le droit de grève est reconnu aux travailleurs et à leurs organisations comme moyen légitime de défense de leurs intérêts professionnels.
- 253. Les données exposées au Comité ont trait à l'interdiction légale d'un seul aspect en particulier de la grève, à savoir le boycottage. Les plaignants eux-mêmes n'y ont fait aucune allusion directe. Toutefois, le Comité fait observer que la question des boycottages, qu'elle soit primaire ou secondaire, a entraîné de grandes divergences dans la législation de plusieurs pays où, comme au Honduras, la grève, au sens général d'arrêt du travail, n'est pas illégale en tant que telle. En d'autres termes, le boycottage est un moyen d'action très spécial qui, dans certains cas, peut même affecter un syndicat dont les membres continuent de travailler et ne sont pas directement en cause dans le conflit avec l'employeur contre lequel le boycottage est dirigé. Dans ces conditions, il ne semble pas que l'interdiction de boycottage constitue nécessairement une atteinte à l'exercice de droits syndicaux. En l'absence, dans le cas présent, de preuves fournies par les plaignants sur la nature des boycottages, contre lesquels le gouvernement s'élève sous prétexte qu'ils sont illégaux, le Comité estime que les plaignants n'ont communiqué aucun élément prouvant que l'interdiction légale des boycottages constitue une violation de l'article 8 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ou, par conséquent, que toute violation de l'article 3 de la convention résulte du refus des autorités chargées de l'inscription d'accepter les dispositions à ce sujet qui figurent dans les statuts de l'organisation plaignante.
- 254. Les deux autres raisons pour lesquelles les statuts et les règlements administratifs de l'organisation plaignante n'ont pas été acceptés par les autorités compétentes sont plus complexes. Comme le Comité l'a fait observer à sa session de novembre 1964, le problème consiste à déterminer si l'obligation légale qui est faite à un syndicat, pour que la personnalité juridique lui soit reconnue d'appliquer dans ses statuts et règlements les dispositions de l'article 495 du Code du travail sur l'application d'une majorité et d'un quorum déterminés pour l'adoption de certaines décisions, est compatible avec la convention no 87. L'article 7 de cette convention dispose que l'acquisition de la personnalité juridique par une organisation de travailleurs ne peut être subordonnée à des conditions de nature à mettre en cause l'application des dispositions de l'article 3, entre autres articles, d'après lesquelles les organisations de travailleurs ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs sans l'intervention des autorités publiques.
- 255. L'article 495 du Code du travail dispose que, pour l'approbation des statuts des syndicats ou de leurs modifications, pour la fixation de cotisations, ou pour l'adoption de décisions sur l'exclusion de membres, la majorité sera des deux tiers des voix des membres présents; s'il s'agit de décisions sur la fusion de syndicats ou l'affiliation d'un syndicat à une fédération ou confédération, ou sur la dissolution d'un syndicat, elle sera des deux tiers du nombre total des membres de l'organisation; dans le cas de grève, la majorité sera des deux tiers du nombre total de membres de l'organisation ou de la section.
- 256. Dans le cas no 179 concernant le Japon, le Comité a fait observer que, dans un certain nombre de pays, la loi et la pratique exigent la majorité des membres d'un syndicat - au moins pour un premier vote - sur certaines questions qui affectent l'existence même du syndicat (modifications des statuts et des règlements, dissolution, etc.), mais qu'il n'est pas usuel d'exiger ces majorités pour les questions courantes de l'activité d'un syndicat (élections, etc.); dans ce dernier cas, le principe normalement accepté est que, lorsque tous les membres de bonne foi ont eu la possibilité d'exercer librement leur droit de vote, une majorité simple des suffrages exprimés sera suffisante, sous réserve d'une règle contraire volontairement adoptée par le syndicat lui-même; tout abandon de ce principe signifierait qu'en l'absence d'un système de votation obligatoire, les activités d'un syndicat seraient paralysées à moins qu'un vote exceptionnellement massif ne soit exprimé à toute occasion afin de permettre de prendre une décision, situation dans laquelle la loi nationale tendrait à entraver le droit accordé aux organisations en vertu de l'article 3 de la convention no 87.
- 257. C'est à la lumière de ces considérations que, lorsqu'il a examiné le présent cas à sa session de novembre 1964, le Comité a estimé, au sujet de la majorité prescrite par l'article 495 du Code du travail pour certaines questions autres que la grève (voir paragr. 255 ci-dessus), que les exigences définies n'impliquent pas l'intervention des autorités publiques en violation de la convention.
- 258. En ce qui concerne la majorité des deux tiers du nombre total de membres qu'exige la législation pour la déclaration d'une grève, règle dont l'inobservation pourrait entraîner une sanction des autorités administratives, y compris la dissolution du syndicat, le Comité rappelle les conclusions de la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations concernant l'application, par le gouvernement du Honduras, de la convention no 87 qu'il avait ratifiée, selon lesquelles cette disposition constitue « une intervention des autorités publiques dans l'activité des syndicats, intervention de nature à limiter les droits de ces organisations contrairement à l'article 3 de la convention ».
- 259. Depuis que le Comité a émis cette conclusion, le gouvernement a formulé d'autres observations à ce sujet dans sa communication en date du 13 septembre 1965.
- 260. Dans sa communication en date du 13 septembre 1965, le gouvernement prétend que l'obligation concernant l'application d'une majorité déterminée ne suppose pas « une autorisation préalable » pour la formation d'une organisation ou ne porte pas atteinte au droit d'élaboration des statuts et règlements.
- 261. Dans la même communication, le gouvernement fait mention de l'article 571 du Code du travail d'après lequel « la dissolution d'un syndicat impliqué dans un arrêt de travail illégal peut être prononcée au gré de l'organe ou du fonctionnaire chargé de la constatation ». Le gouvernement déclare que cela ne signifie pas qu'un syndicat peut être dissous par décision administrative; en effet, en vertu de l'article 500, il appartient au ministre du Travail et de la Prévoyance sociale de décider s'il y a lieu de recourir aux dispositions de l'article 500, 2), d), d'après lesquelles « une instance peut être introduite auprès des tribunaux du travail en vue du retrait définitif de la personnalité morale, de la dissolution et de la liquidation du syndicat »; l'article 665 est consacré à l'organisation et à la compétence des tribunaux du travail. Toutefois, selon le gouvernement, il existe une divergence entre l'article 500, 2), c) du Code, lequel permet le retrait provisoire de la personnalité morale d'une organisation par procédure administrative, et l'article 4 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, d'après lequel les organisations de travailleurs et d'employeurs ne sont pas sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative. Mais, déclare le gouvernement, le décret sanctionnant la ratification de la convention ayant été promulgué avant la publication du Code de 1959 et n'ayant pas été abrogé, les dispositions de la convention sont applicables et, en aucun cas, le ministère a, en fait, suspendu la personnalité morale d'un syndicat.
- 262. A ce propos, le Comité rappelle que, lorsqu'elle a examiné ces dispositions dans la législation du Honduras, la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations a fait observer que l'article 500, 2), c) du Code était incompatible avec l'article 4 de la convention.
Recommandation du comité
Recommandation du comité
- 263. Dans ces conditions, le Comité recommande au Conseil d'administration:
- a) d'appeler l'attention du gouvernement sur l'importance que le Conseil d'administration attache aux principes énoncés dans l'article 3 de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ratifiée par le Honduras, selon lesquels les organisations de travailleurs ont le droit d'élaborer leurs statuts et règlements administratifs et d'organiser leurs activités et les autorités publiques doivent s'abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l'exercice légal; dans l'article 4, selon lesquels les organisations de travailleurs ne sont pas sujettes à dissolution ou à suspension par voie administrative; dans l'article 7, selon lesquels l'acquisition de la personnalité juridique ne peut être subordonnée à des conditions de nature à mettre en cause l'application des dispositions des articles précédents; et dans l'article 8, selon lesquels la législation nationale ne devra porter atteinte ni être appliquée de manière à porter atteinte aux garanties prévues par la convention;
- b) de rappeler l'opinion formulée par la Commission d'experts pour l'application des conventions et recommandations de l'O.I.T, selon laquelle l'obligation de recueillir une majorité des deux tiers du nombre total de membres d'une organisation ou d'une section, avant de pouvoir déclarer une grève légale, n'est pas compatible avec l'article 3 de la convention et que l'article 500, 2), c) du Code du travail, d'après lequel le ministère du Travail et de la Prévoyance sociale peut suspendre la personnalité juridique d'un syndicat coupable d'infractions au Code, n'est pas compatible avec l'article 4 de la convention;
- c) de prier le gouvernement de bien vouloir informer le Conseil d'administration des mesures qu'il envisage de prendre pour harmoniser sa législation à cet égard avec les dispositions de la convention;
- d) d'exprimer l'espoir que le gouvernement examinera plus avant la demande d'octroi de la personnalité juridique présentée par l'organisation plaignante, compte tenu des considérations ci-dessus.